LE TRAUMATISME CRANIEN : NOUVELLES APPROCHES
THERAPEUTIQUES
Ghédira S., Daoud A.
INTRODUCTION :
Les principes de la prise en charge des patients ayant subi un traumatisme
crânien grave ont beaucoup évolué durant les deux dernières décennies .La meilleure
compréhension de la physiopathologie de la circulation cérébrale et des désordres
induits par le traumatisme crânien grave a permis de passer dune approche purement
mécanique de cette pathologie à une approche hémodynamique et métabolique.
En effet les désordres circulatoires et métaboliques cérébraux jouent un rôle
important dans la physiopathologie du traumatisme crânien grave. Ils sont à lorigine
des lésions secondaires, qui sajoutant aux lésions primitives, vont grever le pronostic
vital et fonctionnel.
La compréhension du rôle de lhypertension intra-crânienne (HTIC), de la
diminution de la compliance cérébrale , de laugmentation de la résistance à
lécoulement du liquide cépholo-rachidien (LCR), des perturbations de
lautorégulation et de la réactivité au CO2 ont permis de proposer des schémas
thérapeutiques qui ont amélioré le pronostic vital et fonctionnel des patients atteints
dHTIC (1). Après un éventuel traitement chirurgical, le traitement consiste à limiter
au mieux les conséquences de lHTIC par une optimisation des paramètres
hémodynamiques et métaboliques cérébraux.
RAPPEL PHYSIOPATHOLOGIQUE :
Pression intra-crânienne (PIC) :
Le pronostic des patients traumatisés crâniens est corrélé au niveau de
PIC avec une augmentation de la mortalité et de la morbidité dès 20-25 mmHg (2,3).
Cependant, la valeur absolue de la PIC ne permet pas de prévoir lengagement
cérébral . Ce-ci peut parfois être dû à une répartition inhomogène des pressions intra-
cérébrales notamment pour les lésions bas situées pouvant retentir très rapidement sur
le tronc cérébral sans augmentation majeure de la PIC. Plus que le chiffre absolu, les
variations de la PIC donnent une information sur la gravité des patients. Langfitt et
coll (4), ont ainsi montré que la plus la PIC est haute plus une petite augmentation du
volume intra-cérébral entraîne une forte augmentation de la PIC par baisse de la
compliance cérébrale (Fig.1).
Les principes thérapeutiques du traumatisme crânien ont, dans un premier
temps, reposé sur la mesure et le traitement de lHTIC. Lobjectif des traitement a
dabord été essentiellement la diminution de la PIC. Cependant , dès les premiers
travaux de Cushing (5) la notion dune élévation de la pression artérielle moyenne
(PAM) permettant de restaurer le débit sanguin cérébral face à une élévation de la
PIC était présente. La mesure brute, mécanique, de la PIC a ainsi été rapidement
jugée insuffisante au profit dune approche plus hémodynamique et métabolique.
Ainsi se sont dégagées deux types de situations hémodynamiques principales pouvant
se succéder chez un même patient : lischémie et lhyperhémie cérébrales (6). Les
risques dischémie cérébrale résultent de lassociation de plusieurs facteurs : la
fréquence dun débit cérébral bas, la fréquence des agressions ischémiques
secondaires et la grande sensibilité des patients traumatisés crâniens à des agressions
ischémiques. De nombreuses études ont en effet montré que, beaucoup plus le niveau
de PIC, ce sont les agressions ischémiques, lhypoxie et surtout lhypotension
artérielle, qui conditionnent le pronostic (7,8) .La prise en charge sest alors orientée
vers le maintien dun débit sanguin cérébral suffisant, amenant la plupart des auteurs
à recommander , comme objectif thérapeutique principal, un minimum de pression de
perfusion cérébrale (9) plutôt que le seul seuil de 20 mm Hg de PIC.
La PIC donne des informations sur lhémodynamique cérébrale puisquelle
permet :
- destimer la gravité de latteinte cérébrale essentiellement en terme de baisse
de la compliance cérébrale.
- davoir en continue accès à la pression de perfusion cérébrale (PPC) avec
PPC = PAM PIC
- de refléter les variations de volume sanguin cérébral, secondaires soit à des
variations de capnie soit à des variations de PAM. Cependant, ces données ne
suffisent pas, à elles seules, pour affirmer une perfusion cérébrale adéquate.
Saturation veineuse jugulaire en oxygène (SvjO2) :
Elle représente un reflet global de la circulation cérébrale mais par
lintermédiaire dune seule des voies de drainage veineuses. Son interprétation repose
sur la compréhension du principe de Fick qui met en relation le débit sanguin
cérébral (DSC), la consommation cérébrale en oxygène (CMRO2) et la différence
artério-veineuse jugulaire du contenu en oxygène (DAVjO2).
DAVjO2 = CMORO2 / DSC = (SaO2 SvjO2) x Hb x 1.34 + (PaO2 PvO2)x0.03 et
en négligeant les PO2 : SvjO2 = SaO2 CMRO2 / (DSC x Hb x 1.34)
La SvjO2 reflète donc léquilibre cérébral global entre la demande et lapport en
oxygène. Chez lhomme sain, la valeur normale de la SvjO2 est de 62%. Après
traumatisme crânien, la CMRO2 est diminuée de moitié et la valeur de la SvjO2 est de
68 %.
Pression de perfusion et autorégulation cérébrales :
Chez lhomme sain, le débit sanguin cérébral (DSC) varie, localement ou
globalement face aux variations de besoins (activité cérébrale, coma, épilepsie) et
face aux variations dapports en O2 (anémie, hypoxie, hypo ou hypertension
artérielle ),par modifications des résistances vasculaires cérébrales (RVC).Le terme
dautorégulation est plus souvent réservé aux mécanismes permettant de maintenir un
débit sanguin stable face aux variations de pression de perfusion (Fig.2). Les limites
de lautorégulation cérébrale, chez lhomme sain, sont de 50 à 150 mm Hg de PPC.
Après traumatisme crânien, les capacités de vasoréactivité artérioalaires
sont diminuées, voire abolies. Les capacités dautorégulation sont diminuées et le
seuil inférieur de plateau dautorégulation nest plus de 50 mm Hg, mais en moyenne,
de 70 mm Hg.
Interprétation du multimonitorage :
Variations de la pression artérielle moyenne :
Chez le traumatisé crânien ayant des capacités dautorégulation
préservées, et présentant une hypertension intra-crânienne avec une compliance
cérébrale basse ; toute variation du volume sanguin cérébral peut entraîner une
variation de PIC. Sur le plateau dautorégulation, quand on augmente la PPC , les
artérioles cérébrales se vasoconstrictent , donc le volume sanguin cérébral diminue
entraînant une stabilisation voire une diminution de la PIC. Cest la « cascade
vasoconstrictrice » décrite par Rosner (10) (Fig3). A linverse , une diminution de la
PPC, sur le plateau dautorégulation, entraîne une vasodilatation artérioalaire avec
augmentation du volume sanguin cérébral et une augmentation de la PIC par
variations du volume sanguin cérébral (Fig 4).
Variations de la capnie et de la température :
Les variations de la capnie sont le stimulus le plus puissant de la
vasoréactivité cérébrale. Lhyperventilation peut entraîner une ischémie cérébrale
chez un traumatisé crânien. Le monitorage continu du CO2 télé-expiratoire chez les
traumatisés crâniens graves permet dajuster et de maintenir un niveau de CO2
optimal en fonction des différentes données du monitorage cérébral.
Cependant , devant une variation de la capnie, il faut toujours rechercher
une variation parallèle de la température avant de modifier les paramètres
ventilatoires. Les variations de température, même minimes, sont susceptibles de
modifier la CMRO2 et donc la production de CO2.
TRAITEMENT MEDICAL :
Mesures générales :
Ventilation artificielle :
La capnie :
Lintroduction de la ventilation artificielle contrôlée
systématique, chez les traumatisés crâniens graves, a transformé lévolution de ces
patients.
Les modalités de la ventilations et notamment lhyperventilation
ont fait lobjet de nombreuses études. Les avantages théoriques de lhyperventilation
sont : - de provoquer une baisse du volume sanguin cérébral et de la PIC secondaire
à une vasoconstriction artériolaire cérébrale due à lalcalose aiguë du
liquide céphalo-rachidien.
- Accessoirement délargir les limites du plateau dautorégulation.
Il existe deux principaux effets délétères potentiels de lhyperventilation :
- une vasoconstriction cérébrale trop intense et une réduction ischémique du
DSC.
- le deuxième effet délétère de lhyperventilation est un phénomène
déchappement lié à la perte du pouvoir tampon du LCR, secondaire à
linhibition de lanhydrase carbonique.
En pratique, lhyperventilation prophylactique doit être évitée notamment dans
les premier jours du traumatisme, lorsque le DSC est déjà réduit.
Quand lhyperventilation est rendue nécessaire de façon transitoire , le
monitorage continu ou discontinu de la SvjO2 permet de prévenir des
réductions ischémiques du DSC.
La PaO2 :
Elle modifie peut les résistances vasculaires cérébrales tant
que la SaO2 reste supérieure à 90%. En pratique, la SaO2 sera maintenue
supérieure ou égale à 95% en élevant la FiO2 ou en appliquant une pression
expiratoire positive (PEP). Les niveaux modérés de PEP (5 à 15 cm H2O) ont
peu dinfluence sur la PIC lors de lhypertension intra-crânienne constituée du
fait de lexistence dun gradient de pression entre la structure semi-rigide du
sinus veineux longitudinal supérieur et les veines corticales comprimées dans
leur portion terminale au niveau des lacunes latérales. Cette particularité
anatomique limiterait la transmission de pression jugulaire aux veines
corticales.
Hémoglobine (Hb) et hématocrite (Ht) :
La diminution de lHt saccompagne dune diminution des
résistances visqueuses à lécoulement .Cet effet est théoriquement bénéfique
car il est susceptible daugmenter le DSC dans les situations dhypoperfusion ,
sans entraîner délévation de la PIC. Cependant, en dessous dun certain seuil ,
la diminution de la capacité de transport cérébral en O2, secondaire à la baisse
de la concentration en hémoglobine, saccompagne dune vasodilatation
adaptative en autorégulation métabolique qui augmente le VSC et donc la PIC.
En pratique, il faut maintenir une concentration en Hb supérieure à 9 g/dl.
Position :
La gêne au retour veineux céphalique (rotation de la tête,
hyperextension du cou, position déclive) entraîne une élévation de la pression
jugulaire interne. Une élévation importante de la pression jugulaire peut être
transmise aux veines corticales et ainsi aggraver une hypertension intra-
crânienne. Dans tous les cas, lélévation de la pression dans le sinus veineux
longitudinal supérieur va limiter le débit de réabsorption du LCR. A linverse,
toute élévation de la tête par rapport au plan cardiaque favorise le drainage
veineux mais diminue de la hauteur correspondante la pression de perfusion
régnant dans les artères de la base du crâne. Si tous les auteurs saccordent à
maintenir la tête en rectitude , il semble que linclinaison permettant
daméliorer la PPC soit autour de 30°(11). Chez un malade monitoré, il faut
tester leffet sur la PPC du positionnement de la tête de 0°à 30°.
La température :
Au décours dun traumatisme crânien, les troubles de
lhoméostasie thermique sont fréquents quils dorigine neurologique ou
infectieuse. La fièvre entraîne une augmentation du métabolisme, de la
consommation doxygène et de la PaCO2. Cette dernière contribue à aggraver
lHTIC. A linverse lhypothermie diminue le métabolisme et la PaCO2.
Du fait de ses effets cardio-vasculaires , lhypothermie profonde thérapeutique
a été abandonnée . Cependant lhypothermie modérée (32 33°) débutée
précocement , de courte durée (24 à 48 h) est de nouveau préconisée.
Sédation :
La sédation est justifiée par la nécessité dassurer une analgésie ,
notamment lors des soins , et une bonne adaptation à la ventilation mécanique.
En France, le midazolam a été préconisé par une conférence de consensus. Il
assure une stabilité cardio-vasculaire et possède en plus des propriétés anti-
comitiales. Les morphiniques y sont généralement associés.
Prévention de la comitialité :
Les crises comitiales post-traumatiques sont fréquentes et ont été
classifiées en crises précoces (7 premiers jours après le traumatisme) et
tardives .Un certain nombre de facteurs de risque ont été reconnus :
- GCS <10
- Contusion corticale
- Embarrure
- Hématome sous-dural
- Hématome extra-dural
- Hématome intra-cérébral
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