La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 8 - septembre 2010 | 233
ÉDITORIAL
Intérêt de la mise en place de revues de mortalité-morbidité
dans les services de neurologie
The role of the morbidity and mortality in departments of neurology
E. Seringe*, S. Taillibert**
* Chef de clinique assistant, département de santé publique, information médicale, bio-
statistiques, hôpital de la Pitié- Salpêtrière, Paris ; université Pierre-et-Marie-Curie, Paris-VI.
** Service de neurologie Mazarin, hôpital de la Pitié- Salpêtrière, Paris.
C
es dernières années ont été marquées par une
évolution importante des mentalités dans le domaine
médical, évolution caractérisée par la prise de
conscience de l’exigence de la sécurité et de l’amélioration de
la qualité des soins. Les revues de mortalité-morbidité (RMM)
s’inscrivent dans cette optique d’amélioration continue de
la sécurité des soins. Initialement apparues aux États-Unis
au sein des services de chirurgie et d’anesthésie, les RMM se
sont progressivement développées dans d’autres pays (1, 2)
et étendues à l’ensemble des spécialités médicales (3-6).
Bien que l’instal lation des RMM en France soit plus lente
et moins ancrée dans les pratiques courantes, elle est en
pleine expansion depuis 2001 et devient une préoccupation
essentielle (7-9). Outil pédagogique, les RMM sont défi nies
comme un moment d’analyse collective des cas dont la prise
en charge a été marquée par un “événement indésirable
grave”, un décès ou la survenue d’une complication morbide
chez un patient. La RMM vise à porter un regard critique sur
la façon dont le patient a été pris en charge, à s’interroger
sur le caractère évitable ou non de l’événement, à rechercher
collectivement les causes des défaillances survenues lors de
la prise en charge et à identifi er les actions préventives. Les
RMM obligent à rompre radicalement avec les perceptions de
culpabilité individuelle et introduisent l’idée que toute erreur
ou dysfonctionnement peut être utile à la communauté des
soignants s’ils sont identifi és et répertoriés en dehors de tout
esprit de délation, et analysés régulièrement afi n de corriger
ou d’améliorer certaines procédures de soins. “La médecine
est complexe, les erreurs sont inévitables, mais elles nous
donnent une occasion de progresser en tant que praticiens ; le
but des RMM n’est pas de critiquer mais de profi ter du partage
de nos expériences” (10). Les événements analysés lors des
RMM sont multiples : décès, accidents, événements indési-
rables (entraînant une surmorbidité), événements n’ayant
pas forcément de conséquences importantes pour la santé
(near miss ou échappées belles) et réussites ou événements
non compris. Les facteurs de succès des RMM reposent
sur une organisation adaptée à chaque structure de soins :
fréquence, durée et régularité des réunions, participation
active de l’ensemble des praticiens seniors et juniors, équipe
paramédicale et intervenants extérieurs, climat d’appren-
tissage et de confi dentialité et, enfi n, orientation des débats
vers l’amélioration et la prévention.
Afin d’illustrer l’apport des RMM en neurologie, nous
proposons ici un aperçu des thèmes abordés dans le service
de neurologie Mazarin à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, dont
l’activité repose essentiellement sur la prise en charge des
patients atteints de tumeur cérébrale primitive.
Ainsi, sur la période allant de 2006 à 2010, différents types
de problèmes survenus dans notre service nous ont amené
à aborder, en vue de l’élaboration de recommandations
thérapeutiques plus systématiques, des sujets aussi divers
que le ciblage des patients relevant d’une prévention systé-
matique de la pneumocystose ; les modalités de prévention
de la survenue de tassements vertébraux d’origine ostéo-
porotique cortico-induits ; une actualisation des modalités
de prescription des facteurs de croissance érythrocytaires et
granulocytaires sous chimiothérapie, relatives aux nouvelles
règles européennes et américaines ; une systématisation de la
prise en charge des complications infectieuses sur site implan-
table ainsi que de la prise en charge en hôpital de jour des
patients chez lesquels on suspecte un événement thrombo-
embolique ; l’établissement d’une démarche systématisée
s’appliquant aux patients qui sont à un stade palliatif et qui
sont susceptibles de relever de la loi Léonetti, c’est-à-dire
d’une décision d’interruption de soins disproportionnés.
Le choix des thèmes abordés repose sur l’observation d’évé-
nements individuels inattendus chez certains patients ou sur
l’observation d’une disparité des attitudes médicales au sein
de l’équipe. La mise en application de la loi Léonetti nous a