Guide d’instauration: la Revue Mortalité-Morbidité (RMM) aux HUG Qu’est- ce qu’une RMM ? C’est une réunion multidisciplinaire au cours de laquelle sont discutés des événements indésirables survenus lors de la prise en charge de patients. Un événement indésirable est un événement lié à la prise en charge du patient et non à l’évolution spontanée de sa maladie (décès inattendu, complications). La RMM s’inscrit dans une stratégie de gestion des risques et participe à l’évaluation des pratiques professionnelles. Quel est le but d’une RMM ? Elle vise à déterminer: • le caractère évitable de l’événement indésirable • les causes de sa survenue • les actions d’amélioration à mettre en œuvre pour éviter ou réduire le risque de récidive La RMM est un outil pédagogique. La RMM n’a pas pour but de rechercher un coupable. C’est une démarche non punitive et confidentielle dans une idée d’apprentissage collectif. Comment instaurer une RMM dans mon service ? L’instauration d’une RMM doit être soutenue par les cadres du service (chef de service, cadres médico-soignants). Le directeur médical encourage cette démarche. La Charte « RMM » des HUG permet d’avoir un concept homogène au sein de l’Institution. Il est préconisé de confier l’organisation et l’animation des réunions à un médecin-cadre du service. Ce rôle est parfois difficile: il faut guider la discussion, susciter des commentaires et gérer les émotions des participants. Une formation et un accompagnement à la conduite des RMM sont offerts par le Service de la qualité des soins. A quels points faut-il penser avant d’instaurer une RMM? Les principales questions à se poser lors de l’instauration d’une RMM sont les suivantes : 1. Qui participe ? En général, la RMM associe tous ceux qui peuvent donner un éclairage sur ce qui s’est passé et tous ceux qui peuvent apprendre ou faire évoluer les pratiques : médecins cadres et juniors, cadres soignants, infirmiers, membres du groupe Incident du service et autres personnes ayant participé à l’événement. La RMM peut s’étendre à plusieurs services si ceux-ci ont été impliqués dans l’événement. Afin d’augmenter l’effet pédagogique de la RMM, l’intervention d’experts dans les domaines concernés peut être souhaitable afin d’enrichir le débat. 2. Quand ? Les services doivent garantir la périodicité des RMM (au minimum 1 par trimestre). Quelque soit la fréquence retenue, la régularité des séances est un facteur de pérennité. Habituellement, la RMM est programmée sur l’horaire d’un colloque existant afin de ne pas multiplier le nombre de réunions pour les équipes. 1 3. Comment sélectionner les cas ? Les événements sélectionnés doivent avoir un caractère inattendu, évitable ou inexpliqué comme par exemple: • Un décès • Une complication d’un traitement/intervention • Une ré-intervention • Un presque accident (échappée –belle). Plusieurs modes de sélection des cas sont possibles. • « Sélection par le bouche à oreille » • Analyse systématique des décès du service pour en déterminer le caractère évitable. • Tenue d’un registre de morbidité où les complications sont enregistrées systématiquement. • Fiche d’évaluation lors de la sortie des patients listant l’existence possible d’événements indésirables. D’une manière générale, il faut éviter de discuter • • Des événements en l’absence des personnes ou des services concernés. Des cas qui font l’objet de démarches en responsabilité pénale ou disciplinaire. Ces situations sont souvent difficiles à analyser au niveau des services avec la distance nécessaire et relèvent le plus souvent d’une démarche « Evénement Indésirable Grave (EIG) » menée par les directions professionnelles et le service juridique. Dans ces situations, la participation à la RMM des investigateurs du groupe enquête-accident de la délégation du CD à la gestion de la qualité et à la coordination des risques est nécessaire. 4. Quel suivi de la RMM ? Un document doit être rédigé à l’issue de la séance comprenant un résumé de l’histoire clinique du patient, de l’analyse des facteurs contributifs, des actions d’amélioration possibles, une synthèse des débats et des décisions prises. L’archivage de ce document est distinct du dossier médical. Ce document ne doit pas contenir de données nominatives sur le patient et les professionnels concernés directement par l’événement. Dans une perspective d’amélioration de la qualité, une personne (nommée dans le document) sera mandatée pour le suivi des mesures décidées ou préconisées à l’issue de la RMM. Comment préparer une RMM ? Le responsable de la RMM demande la préparation du dossier à un professionnel des soins (médecin, infirmier, PPS) le plus souvent concerné par l’événement et qui a été sensibilisé à la méthode d’investigation (voir plus bas). Les membres du groupe incident du service offrent au besoin un soutien La supervision de la préparation est assurée par le responsable de la RMM ou un autre médecin cadre. La chronologie des événements doit être clairement établie. Les éléments contextuels sont décrits et une recherche des causes est préparée (voir plus bas). Une revue de la littérature peut s’avérer nécessaire à la recherche de cas similaires etet de recommandations de bonne pratique. 2 Comment mener une RMM ? Le déroulement de la séance dure entre 30 mn à 1h. Les différentes étapes sont écrites ci-dessous : 1. L’introduction (responsable de la RMM) Le responsable de la RMM explique les raisons du choix du cas et rappelle les principes de la démarche à savoir: la confidentialité, la recherche d’explications et non d’une responsabilité, la recherche de solutions pour l’amélioration de la prise en charge des patients. L’introduction peut débuter par l’état d’avancement des mesures préconisées lors d’une séance précédente, le résumé de la séance précédente ou un bref bilan des séances RMM déjà organisées dans le service. 2. La présentation du cas (personne(s) désignée(s)) Le professionnel de soins mandaté par le responsable de la RMM, fait une description chronologique des événements de manière neutre et factuelle sans mise en cause d’une personne. Il expose les conséquences de l’événement pour le patient et les dispositions prises immédiatement. Le mode de présentation usuel est un diaporama avec possibilité d’inclure des documents du patient anonymisés. Il est conseillé de décrire également l’information donnée au patient, à sa famille et éventuellement les autres mesures prises (déclaration d’EIG, d’incidents, vigilances …) (gestion des événements indésirables et des incidents) A l’issue de cette étape, les problèmes de prise en charge sont identifiés. 3. Identification des facteurs contributifs pour chaque problème de prise en charge identifié (personne(s) désignée(s)) Le professionnel de soins ayant présenté le cas, utilise la grille élaborée par Ch. Vincent et S. Taylor-Adams pour l’analyse des facteurs contributifs (voir ci-dessous). Plusieurs problèmes peuvent être identifiés, chaque problème fait l’objet d’une recherche de facteurs contributifs. LISTE DES FACTEURS CONTRIBUTIFS Au patient état de santé, personnalité, attitude, aptitude à communiquer, observance,... A l'environnement horaires de travail, charge de travail, éclairage, bruit, éléments de de travail distraction, ergonomie, Au matériel maintenance du matériel, panne, organisation du stockage, accès à (instruments, la documentation outils, documents) au soignant(s) savoir, savoir faire, savoir être, santé physique ou mentale, fatigue, formation, A la tâche ou à instructions de travail et autres documents (clarté, exactitude, l'activité lisibilité), ergonomie, conception des soins et planification A l'équipe taille, composition, communication écrite ou orale, supervision, soignante assistance entre collègues, conflits 3 Au contexte politique qualité, gestion des risques, formation/engagement du institutionnel / personnel managérial D’ après S. Taylor-Adams, Ch Vincent (2004). Systems analysis of clinical incidents: the London Protocol. Clinical risk. London Clinical Safety research Unit Imperial college London department of Surgical oncology and technology. 10:211-220, traduction libre par la SFAR. Cette analyse a été préalablement supervisée par le responsable de la RMM. 4. La discussion (responsable de la RMM) La discussion doit permettre de comprendre pourquoi l’événement est survenu, de déterminer son caractère évitable ou non et de clarifier au besoin le rôle des facteurs contributifs. C’est à partir des facteurs contributifs retenus que les pistes d’amélioration seront discutées. 5. Synthèse et élaboration d’un plan de mesures (responsable de la RMM) A l’issue de cette analyse, le responsable fait une synthèse de la discussion et résume : • Les facteurs contributifs • Les mesures d’amélioration • La désignation d’une personne responsable de la mise en œuvre de ces mesures et de leur suivi. • La transmission au groupe incident du service (ou département) des actions menées pour une bonne cohérence de la gestion des risques. Quelle trace de la RMM? Un document de synthèse de la séance doit être réalisé selon un modèle structuré. Il est utile également de dresser un bilan annuel des séances (nombre de cas présentés, nombre d’actions d’amélioration, leurs natures et leur état d’avancement). Les documents de synthèse de chaque séance sont joints au bilan annuel qui est transmis au comité de gestion du département et à la délégation du CD à la qualité et à la gestion des risques. Pour en savoir plus Lecture : Vincent C, Taylor-Adams S, Chapman EJ, Hewett D, Prior S, Strange P, Tizzard A.How to investigate and analyse clinical incidents: clinical risk unit and association of litigation and risk management protocol.BMJ. 2000 Mar 18;320(7237):777-81. Orlander JD, Barber TW, Fincke BG. The morbidity and mortality conference: the delicate nature of learning from error. Acad Med. 2002 Oct;77(10):1001-6. Bechtold ML, Scott S, Nelson K, Cox KR, Dellsperger KC, Hall LW. Educational quality improvement report: outcomes from a revised morbidity and mortality format that emphasised patient safety. Qual Saf Health Care. 2007 Dec;16(6):422-7.Thompson JS, Prior MA. Quality assurance and morbidity and mortality conference. J Surg Res 1992 ; 52 : 97-100. Liens : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_434817/revue-de-mortalite-et-de-morbidite-rmm 4