Une expérience de Revue de morbi-mortalité (RMM) en médecine ambulatoire Questions à Jacques Birgé La lettre des Chargés de missions régionaux pour l'évaluation (CMRE) et des professionnels de santé [ Questions à... ] > Jacques Birgé Médecin généraliste – Chargé de mission pour l’évaluation en Lorraine• Vous avez déjà relaté dans EPP infos n° 14 une expérience de Revue de morbi-mortalité (RMM) en médecine ambulatoire. Il est temps, un an après, de dresser le bilan de cette expérience. Mais d’abord, pouvez-vous en rappeler le contexte ? L’idée de cette RMM nous est venue il y a environ 3 ans. Nous l’avons d’abord testée de façon ponctuelle dans 3 groupes de FMC. Il s’agissait alors d’en apprécier le besoin chez des médecins généralistes. À la suite de ce test, nous avons décidé de nous lancer dans l’aventure. Notre groupe est constitué d’une dizaine de médecins généralistes qui se réunissent 4 fois par an. Les séances sont programmées un an à l’avance et les horaires fixes (21 h à 23 h) sont respectés. En même temps que la fiche d’émargement, les participants signent systématiquement un engagement de confidentialité. Un secrétaire de séance est chargé de prendre des notes pour rédiger le compte rendu de la séance. Nous examinons le plus souvent 5 dossiers choisis par les participants. Au cours de la discussion, des pistes d’amélioration sont dégagées. Ces pistes sont systématiquement reprises au début de la séance suivante et chaque participant dit s’il a mis en application ces améliorations. Nous fonctionnons sans sponsor, sans logistique, sans expert. Le groupe est stable ce qui tend à prouver qu’il trouve un grand intérêt dans cette RMM. Les choses commencent aussi à se savoir dans la région. D’autres structures de médecins généralistes ont commencé à créer leurs propres RMM. • En quoi, ces RMM ont-elles changé votre pratique ? Personnellement j’ai mis en œuvre dans mon cabinet quelques modifications qui peuvent paraître dérisoires mais qui pourtant sont sources d’améliorations notables. Par exemple, je n’examine plus jamais un diabétique sans lui faire enlever ses chaussettes. De même, quand un patient sous AVK (antivitamine K) m’appelle le soir avec un résultat d'INR, je lui fais systématiquement répéter la nouvelle posologie d’AVK et je l’indique sur son dossier. Tous les numéros de téléphone des patients marqués sur les dossiers sont systématiquement vérifiés et la date de vérification est indiquée. D’une manière moins ponctuelle, le groupe a identifié un certain nombre de situations potentiellement à risque qui peuvent tenir au médecin (toutes les fois, par exemple où il a une surcharge de travail), au patient (par exemple les problèmes linguistiques ou culturels) ou à la relation médecin-patient. Dans le même ordre d’idées, nous avons identifié que, lorsqu’un patient s’est présenté dans un service d’accueil aux urgences, nous avions tendance à considérer que le diagnostic porté par les médecins des urgences ne pouvait pas être remis en question. L’expérience nous a prouvé que nous devions garder notre sens critique. Enfin, certains médicaments à « haut risque » comme les anticoagulants, les corticoïdes ou les AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) devaient faire l’objet d’une attention particulière et d’une mention spéciale dans le dossier. À plus long terme, nous avons lancé des audits, en lien avec le Glam (Groupe lorrain d’audit médical). Ces audits dépassent largement le cadre du groupe de RMM. Par exemple, nous avons réalisé un audit avec 120 médecins sur les AVK. Nous avons également en projet, en coordination avec les radiologues, de mettre en place un audit sur l’imagerie médicale. • Quelles sont maintenant les pistes d’amélioration qui peuvent être dégagées à partir du fonctionnement de votre groupe ? La difficulté majeure que nous rencontrons est que tous les participants ne font pas de recueil systématique des événements indésirables qui se produisent dans leurs cabinets. Une fiche de recueil est nécessaire et nous y travaillons. Il faudra aussi que nous mettions en place des indicateurs de suivi. La plus grande difficulté est l'identification des situations nouvelles. Les dysfonctionnements les plus importants ont été identifiés au cours des 10 premières séances. Il faut maintenant dépasser les dysfonctionnements « évidents » et aller plus dans les détails. Par ailleurs, il est indispensable de mettre en place des indicateurs de suivi.