La Lettre du Cardiologue - n° 380 - décembre 2004
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indiqué quelques extrasystoles ventriculaires et l’étude de la varia-
bilité un SDNN (écart type des RR normaux des 24 heures) à 80 ms
(normale supérieure à 100 ms).
La réadaptation à l’effort dont elle a bénéficié dans les mois sui-
vants a permis une amélioration clinique, une augmentation du
SDNN ainsi que de la VO
2
de près de 20 %. L’augmentation de la
fraction d’éjection a été quant à elle modeste. Après un suivi de
près de deux ans, elle a présenté quatre épisodes de décompensa-
tion avec tableau œdème aigu du poumon. Elle est actuellement
stable sous traitement médical avec une dyspnée de stade II de la
NYHA. Cependant, elle présente une hypotension artérielle
(85/55 mmHg) bien tolérée sans aucun malaise noté, mais qui rend
difficile l’introduction d’un traitement par bêtabloquant. Une baisse
du traitement par IEC peut être envisageable pour favoriser l’in-
troduction du traitement par bêtabloquant. D’autre part, une contra-
ception parfaite doit être mise en œuvre (pouvant même faire envi-
sager une ligature des trompes) dans la mesure où elle a déjà eu
trois enfants et que toute grossesse ultérieure est fortement décon-
seillée, sauf si elle bénéficie d’une transplantation cardiaque. En
effet, cette patiente présente une cardiomyopathie du péri-partum
qui semble définitive après un suivi de 2 ans, et elle devra bénéfi-
cier d’une greffe cardiaque dans un avenir plus ou moins proche.
Cette observation permet de faire une mise au point concernant
cette pathologie.
QUATRE CRITÈRES DIAGNOSTIQUES
Ils doivent être réunis selon Pearson (1) pour parler de cardio-
myopathie du péri-partum :
Il est possible de mal interpréter le tableau clinique initial et d’évo-
quer une embolie pulmonaire, mais le diagnostic est facilement
corrigé par l’échographie transthoracique. L’autre diagnostic dif-
férentiel est la cardiomyopathie secondaire aux bêta 2 mimétiques
mis en place pour une menace d’accouchement prématuré.
Les principaux facteurs de risque identifiés pour cette patholo-
gie sont d’abord un âge maternel supérieur à 30 ans, puis une
multiparité, la race noire (principalement l’origine ethnique afri-
caine), et enfin une grossesse gémellaire.
UNE PHYSIOPATHOLOGIE ENCORE MAL
CONNUE
Plusieurs hypothèses ont été évoquées, à savoir une mauvaise
adaptation aux modifications hémodynamiques de la grossesse
liée à une augmentation du débit cardiaque, à une augmentation
du volume plasmatique et à une altération des résistances vas-
culaires périphériques. L’autre hypothèse développée est une
réponse auto-immune anormale à la grossesse avec l’expression
d’autoanticorps cardiaques spécifiques. D’autres études suggè-
rent enfin l’implication de lésions de myocardite d’origine virale.
QUELLES STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES ?
Le traitement de la cardiomyopathie du péri-partum correspond
au traitement classique de l’insuffisance cardiaque chronique. Il
convient de souligner l’importance de l’éducation de la patiente
pour l’observance tant du régime hyposodé que de la prise du
traitement au long cours. Si la cardiomyopathie est diagnostiquée
pendant la grossesse, l’arsenal thérapeutique utilisé comprend
les diurétiques, les digitaliques et les vasodilatateurs avec les déri-
vés nitrés. Dans les formes sévères, il est parfois nécessaire
d’avoir recours au traitement inotrope par voie intraveineuse.
Compte tenu du risque de manifestations thromboemboliques, il
est recommandé d’instaurer un traitement par anticoagulant. Au
cours de la grossesse, le traitement par inhibiteur de l’enzyme de
conversion est contre-indiqué (effet délétère sur la fonction rénale
du fœtus). En cas de césarienne, des précautions doivent être
prises avec un monitorage des pressions lors de la réalisation de
l’anesthésie générale. Un traitement par immunoglobuline intra-
veineuse a été proposé chez des patientes en classes II à IV de la
NYHA ayant une fraction d’éjection inférieure à 40 %, avec une
amélioration rapide et significative de la fraction d’éjection ven-
triculaire gauche (2). Ces données demandent à être confirmées
par des études supplémentaires.
UN PRONOSTIC QUI RESTE GRAVE
L’évolution clinique des cardiomyopathies du péri-partum est
variable, marquée par 15 à 50 % d’évolution défavorable menant
à l’insuffisance cardiaque chronique ou à la mort précoce, et par
25 à 50 % de régression complète. En cas d’absence de récupé-
ration après un délai de six mois à un an, les séquelles sont le
plus souvent irréversibles.
C
AS CLINIQUE
Figure 3. Coupe apicale 2D 4 cavités. Dilatation du ventricule gauche.
Contraste spontané intraventricule gauche.
✓le développement d’une insuffisance cardiaque entre le mois pré-
cédant l’accouche
ment et les cinq mois du post-partum ;
✓l’absence d’autre étiologie à l’insuffisance cardiaque retrouvée ;
✓l’absence de cardiopathie avant le dernier mois de la grossesse ;
✓l’altération de la fonction systolique ventriculaire gauche confir-
mée échographique
ment, la FEVG devant être inférieure à 45 %.