
Le Courrier de l’Observance thérapeutique
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Vol.1 - n° 2 - oct.-nov.-déc. 2000
Évaluation et prise en charge
de l’observance thérapeutique
L’observance, un phénomène dynamique
L’observance n’est pas un phénomène sta-
tique, elle évolue au cours du temps. Le com-
portement d’un individu, ou d’un groupe
d’individus, à un moment donné ne préjuge
en rien du comportement à un autre
moment, et ce d’autant plus que les connais-
sances liées à la maladie et à son traitement
évoluent. Il est important de pouvoir évaluer
les évolutions en termes d’observance, autre-
ment dit d’adopter des dispositifs tenant
compte de la dynamique de l’observance.
PRINCIPALES MÉTHODES DE MESURE
DE L’OBSERVANCE
Ces méthodes peuvent être classées en trois
grands groupes :
✔les méthodes dites “subjectives”, reposant
essentiellement sur des évaluations subjec-
tives et les déclarations de différentes per-
sonnes concernées ;
✔les méthodes dites “objectives”, reposant
quant à elles sur des décomptes ou des
mesures techniques ;
✔les méthodes “combinées”, basées sur la
combinaison d’informations différentes.
●Méthodes subjectives
– Déclarations des patients. Ces déclarations
peuvent être recueillies par entretiens, par
questionnaires en face-à-face ou par auto-
questionnaires.
Cette méthode est certainement la plus utili-
sée à l’heure actuelle en pratique courante
car elle est facile à mettre en œuvre et peu
coûteuse. Par ailleurs, c’est la seule méthode
qui permette de recueillir à la source une
information très détaillée et très riche.
Toutefois la qualité des informations
recueillies sera étroitement liée à la prépara-
tion soigneuse du recueil des données : la
formulation des questions joue un rôle
déterminant (7), mais également les condi-
tions générales de ce recueil (8). Le statut de
la personne qui collecte ces données est
déterminant, notamment sa place par
rapport à l’équipe soignante. On observe
ainsi généralement une plus grande facilité
de déclaration des comportements de non-
observance auprès de personnes autres que
le médecin traitant.
– Déclarations de l’entourage proche du
patient. Comme les précédentes, ces déclara-
tions peuvent être recueillies par entretiens,
par questionnaires en face-à-face ou par
autoquestionnaires.
– Évaluation par les soignants ayant en charge
le patient. Très souvent cette évaluation est
faite par le médecin traitant lui-même. De
manière générale, l’observance est interpré-
tée différemment par les soignants et par
leurs patients : ce qui est observance pour les
uns ne l’est pas forcément pour les autres.
Comme cela a été mis en évidence dans des
recherches menées sur d’autres pathologies,
il a également été observé un décalage rela-
tivement important entre l’observance d’un
patient telle qu’il la déclare et telle qu’elle
est perçue par le médecin traitant, ce dernier
ayant tendance à surestimer l’observance de
ses patients.
●Méthodes objectives
– Indicateurs biologiques. Différents indica-
teurs biologiques, et surtout leurs évolutions
ou leur absence d’évolution à plus ou moins
court terme, sont couramment utilisés
comme marqueurs indirects de l’observance.
Ces marqueurs vont bien évidemment varier
en fonction des pathologies et des traite-
ments utilisés. Citons, par exemple, dans le
cas du VIH/sida, le volume globulaire moyen
et ses liens avec la prise de Rétrovir®ou l’évo-
lution de la charge virale.
– Dosages sanguins. Cette méthode dépend
étroitement du type de molécule étudiée et
plus particulièrement de sa demi-vie, mais
également des conditions de la réalisation de
la mesure. La pharmacocinétique alliée à la
complexité de certains schémas thérapeu-
tiques et à certaines interactions possibles
provoquent une variabilité intra- et inter-
individuelle rendant toute interprétation dif-
ficile dans le contexte du VIH/sida et de ses
traitements. Une variante beaucoup moins
répandue de cette méthode consiste à doser
non pas à partir d’un prélèvement sanguin,
mais à partir d’un prélèvement capillaire.
– Comptage des comprimés ramenés par le
clinicien ou le pharmacien. Dans le cadre de
cette méthode, on demande au patient de
ramener les médicaments non utilisés à la
pharmacie ou dans le service où il est suivi. La
soustraction du nombre de comprimés ou
gélules non utilisés du nombre total de com-
primés ou gélules délivrés permet d’avoir un
indicateur de l’observance. Bien évidem-
ment, si les comprimés ramenés indiquent
que les patients ne les ont pas pris, l’inverse
n’est pas vrai. De plus, on peut également
supposer que même si un patient a effective-
ment pris tous les comprimés requis sur la
période indiquée, cela ne garantit en rien
qu’il l’ait fait dans les conditions requises
pour une efficacité thérapeutique optimale.
– Dispositif électronique de comptage des
comprimés (piluliers). Ce système consiste en
un dispositif électronique qui comptabilise
les prises de médicament à partir de la boîte
elle-même. Les piluliers électroniques peu-
vent aller du simple décompte du nombre
d’ouvertures de la boîte à des dispositifs
beaucoup plus complexes répertoriant le
nombre et le type de comprimés ainsi que les
horaires des prises, le tout couplé à un dis-
positif informatique. L’exemple le plus connu
est celui du pilulier électronique breveté par
le Center for Aids Prevention Studies de San
Francisco, plus connu sous le nom de
“MEMS-CAPS”. L’objectivité de cette métho-
de qui connaît un large succès, notamment
dans les essais cliniques américains, est remise
en cause par un certain nombre de travaux
montrant les “détournements” que peuvent
en faire les patients.
– Respect des rendez-vous. Il s’agit ici de
relever l’écart éventuel entre la prise de
rendez-vous et les rendez-vous réellement
honorés. Cette variable est souvent utilisée
comme marqueur indirect du respect des
Figure 1. Observance thérapeutique : les deux extrêmes d’un continuum.
Strict respect
des recommandations
médicales
Arrêt total du traitement, non-respect
de toutes les autres recommandations
et disparition du patient (“perdu de vue”)