Professions Santé Infirmier Infirmière N° 62 • mars-avril 2005
personnalité paranoïaque, dépen-
dante, schizoïde, dyssociale, im-
pulsive, histrionique, etc.). D’autres
indicateurs de risque suicidaire
sont l’impulsivité, les accidents à
répétition récents, les fantasmes
de la mise en acte suicidaire, les
idées suicidaires avec l’impres-
sion d’être dans une situation
sans issue. La chronicité de ces
idées peut être considérée
comme un véritable syndrome
pré-suicidaire : environ 8 % des
garçons et 13 % des filles pen-
sent souvent au suicide et 40 %
d’entre eux feront une tentative
de suicide. D’après certains au-
teurs, le syndrome de menace
dépressive est décrit comme une
montée récente d’angoisse, d’irri-
tabilité, la présence d’un senti-
ment de tristesse et d’abattement,
de cauchemars, voire d’attaques
de panique. Le Dr A. Braconnier
(Paris) souligne l’intensité de la
lutte psychique antidépressive,
qui passe par les troubles fonc-
tionnels, les conduites à risque, le
passage à l’acte suicidaire, sans
que l’adolescent reconnaisse son
état dépressif. Le caractère com-
pulsif, avec le risque d’escalade
de diverses conduites à risque,
augmente petit à petit le risque
de morbi-mortalité.
Des besoins contradictoires
Selon le Pr P. Jeammet (Paris),
l’adolescent hésite à demander
de l’aide pour ne pas devenir
dépendant. Il a besoin d’une
sécurité interne, laquelle, pour-
tant,
menace son autonomie
naissante : il se sent facilement
abandonné par les adultes et,
parallèlement, envahi par eux. Il
s’agit là d’une angoisse humaine
fondamentale : être en relation
avec l’autre pour exister tout en
ayant la crainte d’être absorbé
dans cette relation. Or, moins la
sécurité interne existe, plus l’envi-
ronnement prend de l’impor-
tance pour retrouver un fonction-
nement psychologique pertinent.
La plainte ou la conduite à risque
devient un moyen de maîtriser
une distance relationnelle avec
ceux dont l’adolescent a besoin,
essentiellement les parents. Par-
fois, aller mal peut devenir la
seule chose à sa disposition
lorsque l’on se sent impuissant.
Ainsi, l’adolescent accepte plus
facilement d’un tiers ce qu’il n’ac-
cepte pas de sa famille parce
qu’elle est trop proche. L’alliance
thérapeutique est une étape fon-
damentale qui doit inclure les
parents et comprend le soutien
de l’environnement. Un suivi rap-
proché et une implication de tous
les soignants s’imposent lorsque
le risque suicidaire paraît impor-
tant. Car, si l’adolescent est porté
par un sentiment de sécurité et
soutenu par un goût de vivre, il
est peu enclin à mettre sa vie en
jeu pour s’assurer de la valeur de
son existence aux yeux des
autres. Les soins psychiatriques
doivent permettre à l’adolescent
de retrouver la sensation d’être
contenu et reconnu. On admet
que le lithium peut avoir un effet
sur l’impulsivité ; les inhibiteurs
de la recapture de la sérotonine,
en association ou non avec des
thymorégulateurs, sont utilisés
sous étroite surveillance. Par
contre, les antidépresseurs tricy-
cliques et les benzodiazépines ne
sont pas recommandés (risque
d’utilisation dans les tentatives de
suicide).
Ludmila Couturier
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PSYCHIATRIE 29
Comme des rites
de passage...
La problématique de la rupture
et du lien à l’adolescence est
mise en lumière par des
conduites à risque, souvent
des sortes de rites de passage
par la révélation d’identité :
fugues, absentéisme scolaire,
comportement d’alcoolisation,
consommation de cannabis ou
d’autres drogues, conduite
motorisée à risque, recherche
de sensations fortes, con-
duites sexuelles non proté-
gées, non-observance thé-
rapeutique (diabète, épilepsie,
asthme, transplantation d’or-
gane), troubles des conduites
alimentaires. Ces derniers
s’inscrivent dans la durée
comme des véritables rup-
tures mettant en jeu le pro-
nostic vital. L’incidence an-
nuelle de l’anorexie mentale
serait de 8 pour 100 000 par
an et celle de la boulimie de 12
pour 100 000. À côté des fac-
teurs psychologiques, des fac-
teurs socio-culturels sont
incriminés dans le développe-
ment de la dysperception de
l’image du corps. On connaît
les facteurs de mauvais pro-
nostic, tels que les antécé-
dents d’indice de masse cor-
porelle très inférieur à la
normale et d’hospitalisation
sous contrainte (qui traduit le
déni des troubles et le refus
des soins tout en posant des
problèmes complexes), et la
présence de troubles de per-
sonnalité associés. Les pro-
grammes thérapeutiques
comportent les traitements
nutritionnels, les thérapies
cognitives et d’affirmation de
soi, les approches corporelles
et d’autres psychothérapies
comme la thérapie familiale.
Difficultés pour les jeunes
La santé physique et mentale
des adolescents est une préoc-
cupation majeure de santé
publique soulignée par le Haut
comité de la santé publique, a
fortiori quand il s’agit d'enfants
et d’adolescents en grande diffi-
culté, et s'ils relèvent d’une
décision judiciaire. L’étude de la
trajectoire de ces jeunes montre
le caractère relativement aléa-
toire de leur orientation vers des
filières sanitaire, sociale et judi-
ciaire ou médico-sociale, ainsi
que la succession possible dans
le temps des différents modes
de prise en charge. La recherche
d’une cohérence sur toute la
durée de la prise en charge est
indispensable.
Source : DGS