Dans certaines régions les dé-
lais d’un rendez-vous auprès
d’un pédopsychiatre sont ex-
trêmement longs, 4 à 5 mois à
Paris. Le médecin généraliste
se trouve donc en première
ligne pour prendre en charge
des adolescents souffrant d’une
pathologie dépressive. De ce
fait, plusieurs interrogations se
sont posées sur la prise en
charge de ces adolescents.
DIAGNOSTIC POSITIF
La dépression des adolescents
n’est pas isomorphe à celle de
l’adulte.
La tristesse pathologique est
souvent remplacée par de l’irri-
tabilité et de l’hostilité. Des
modifications comportemen-
tales peuvent dominer le ta-
bleau ayant valeur de symp-
tômes d’appel. C’est le cas des
scarifications répétées qui dé-
passent le degré d’une identifi-
cation à un groupe, des utilisa-
tions excessives de jeux vidéo
et des troubles du comporte-
ment alimentaire. Les troubles
du sommeil sont aussi assez
fréquents.
Comme chez l’adulte, les no-
tions de rupture avec un état
antérieur et de durée prolongée
(supérieure à deux semaines)
sont deux éléments importants
à prendre en compte, les modi-
fications comportementales
surtout si elles durent dans le
temps sont également un bon
indice.
Il est parfois difficile de trouver
certains signes lors de la
consultation d’où l’importance
des bulletins scolaires qui peu-
vent constituer un des élé-
ments diagnostiques : un flé-
chissement net des résultats
constitue un symptôme d’ap-
pel.
La question du deuil associé à
une perte d’étayage affectif est
délicate. C’est parfois le cas
lors du décès d’un aieul avec
qui l’adolescent avait des rela-
tions très importantes notam-
ment de confiance.
Au moment de l’examen so-
matique, le médecin généraliste
est amené à aborder avec
l’adolescent les questions du
corps en transformation et de
la sexualité. Le discours de
l’adolescent autour de ces
questions peut être révélateur
d’une souffrance. Le discours
du praticien autour du corps
doit être restructurant et pro-
curer à l’adolescent un senti-
ment d’apaisement avec ce
corps.
Enfin, une fois le diagnostic re-
tenu, il ne faut pas réduire
l’adolescent à sa dépression : il
faut éviter les phrases de style
« vous êtes déprimé » et plutôt
lui dire « vous avez des signes
de souffrance évoquant des
plaintes dépressives ».
ÉVALUATION DU RISQUE
SUICIDAIRE
La prévalence du suicide est
élevée chez les adolescents et
au cours du troisième âge. Ce-
pendant, le fait que l’adoles-
cent a des pensées autour du
suicide n’est pas toujours anor-
mal et ne signe pas systémati-
quement une dépression : c’est
aussi pour lui un moyen d’éva-
luer ses propres limites psy-
chiques et physiques.
Le médecin doit poser des
questions claires et directes
pour repérer une éventuelle
idéation suicidaire le niveau
© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
L’auteur a déclaré participer sur invitation aux conférences organisées par les laboratoires Lundbeck, Pierre Fabre et Lilly.
Dépressions et âges de la vie
17 rue des Marroniers, 75016 Paris
La médecine
des adolescents déprimés
F. Raffaitin
d’intentionnalité. Si le patient a
un plan de suicide, il faut explo-
rer comment et quand il envi-
sage de passer à l’acte. Il est
donc indispensable de recher-
cher et le cas échéant déceler
les manifestations explicites
d’idées ou d’intentions suici-
daires. Les antécédents de ten-
tatives de suicides sont impor-
tants à rechercher aussi bien au
niveau personnel qu’au niveau
familial.
Certains facteurs de risques
constituent un indice de gravité
du risque suicidaire :
les abus des substances
toxiques et/ou alcool, les
troubles des conduites, les
symptômes psychotiques… La
comorbidité entre dépression
et autres pathologies psychia-
triques chez l’adolescent est de
l’ordre de 50 à 80 % ce qui
rend le diagnostic encore plus
difficile. On note particulière-
ment les troubles des conduites
alimentaires et la prise de
toxiques ;
les facteurs de stress fami-
liaux et sociaux ;
les comportements suspects :
isolement, dons, messages éton-
nant, apaisement chez un ado-
lescent qui était très irritable…
Des conseils pratiques, à visée
préventive, peuvent être don-
nés aux parents : limiter l’ac-
cessibilité aux médicaments en
fermant l’armoire à pharmacie
et éviter la présence d’arme à
feu.
ATTITUDE DU MÉDECIN
Le médecin généraliste a d’une
part une position privilégiée,
puisqu’il connaît l’histoire de la
famille, et d’autre part une po-
sition difficile dans la mesure où
quand un adolescent vient le
voir et lui confier ses secrets il
peut avoir l’idée que tout sera
répété à ses parents. Ainsi, il
est important de définir le
cadre, de manière pas trop rigi-
de c’est-à-dire signifier que ce
qui est dit dans le cadre de la
consultation ne sera pas répété
à la famille. Cependant dans le
cas d’un problème sérieux et
grave on pourra, avec son ac-
cord, convenir d’en parler aux
proches.
Sans qu’il y ait de règles géné-
rales, il vaut mieux vouvoyer
des patients vus pour la pre-
mière fois. Ceci permet de
mettre en place une différen-
ciation des générations, impor-
tante en termes de qualité de
soins. Il faut bien évidemment
éviter d’instaurer une relation
copain-copain.
TRAITEMENT
Face à une dépression caracté-
risée chez un adolescent l’usa-
ge des antidépresseurs est in-
dispensable mais non suffisant :
la psychothérapie peut être
d’un apport important.
Il faut essayer d’utiliser des pro-
duits qui ont l’AMM dans cette
indication avec une surveillance
rapprochée (tous les 2 à
3 jours) au moins en début du
traitement.
Une psychoéducation autour
du traitement antidépresseur
est indispensable. Il faut expli-
quer pourquoi ces médica-
ments, les possibles effets se-
condaires : en effet il importe
que ces traitements soient pris
de manière très régulière.
HOSPITALISATION
L’indication d’une hospitalisa-
tion en psychiatrie ou en pédo-
psychiatrie dépend du contexte
familial, social, de la qualité de
l’environnement, de la capacité
de la famille à contenir l’angois-
se du patient, de la relation du
patient avec son entourage, de
la tolérance des symptômes par
l’entourage et évidemment de
la gravité du tableau clinique.
En cas d’urgence, en l’absence
de structures spécialisées de
proximité il faut avoir recours à
l’hospitalisation au moindre
doute. C’est une décision sou-
vent bien acceptée par l’adoles-
cent si on lui explique que le
cadre de l’hospitalisation per-
mettra de mieux évaluer sa
souffrance pendant une pério-
de plus longue que le temps
d’une simple consultation
L’hospitalisation peut aussi être
un espace de négociation,
d’apaisement permettant à
l’adolescent d’élaborer quelque
chose autour de sa souffrance.
En plus, elle permet de mettre
en route un traitement et d’ins-
taurer une alliance thérapeu-
tique.
F. Raffaitin L’Encéphale (2008) Hors-série 2, 27-28
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Dépressions et âges de la vie
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