Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n o3 - oct.-nov.-déc. 2001
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Observation inattendue
ous rapportons ici l’observation
de C.M.C., jeune Guadeloupéen
de 20 ans chez qui apparaît, en
octobre 1996, une adénopathie inguinale
gauche isolée. Il s’agit en fait d’un lym-
phome malin non hodgkinien. L’exérèse
de l’adénopathie est réalisée, et cinq cures
de chimiothérapie comportant des anthra-
cyclines sont administrées.
En juin 1997, ce patient revient en métro-
pole pour bilan et cure de consolidation.
Il n’existe aucun signe clinique ou biolo-
gique évocateur de récidive, et aucune
anomalie n’est constatée sur les examens
d’imagerie. En revanche, une cardio-
myopathie dilatée sévère (fraction d’éjec-
tion à 18 %) secondaire à l’administra-
tion d’anthracyclines est découverte,
malgré des doses cumulées modérées.
À partir de cet instant, l’évolution va être
foudroyante. En juillet 1997, des signes
cliniques d’insuffisance ventriculaire
gauche apparaissent, et l’insuffisance car-
diaque se majore rapidement pour aboutir
à un tableau de choc cardiogénique, avec
un débit cardiaque effondré. Cet état
nécessite des doses croissantes de drogues,
avec aggravation lors de toute tentative de
diminution du support médicamenteux.
Finalement, notre équipe est appelée en
catastrophe, tant la situation hémodyna-
mique est précaire. Il n’existe aucune
défaillance hépatique ou rénale. Nos col-
lègues hématologues croient en une gué-
rison définitive du patient et considèrent
le risque de récidive comme quasi inexis-
tant. Une assistance de type NOVACOR
est donc posée en août 1997, dans l’at-
tente d’une transplantation cardiaque. Par
la suite, malgré un traitement médical
optimal, une tentative de sevrage d’as-
sistance se solde par un échec.
POUR LA PREMIÈRE FOIS
SE POSE LA QUESTION :
QUAND FAUT-IL TRANSPLANTER ?”
En raison des antécédents hématolo-
giques, il semble raisonnable d’attendre
au moins un an et demi pour avoir un
recul suffisant par rapport à la date de
rémission du lymphome.
Cette décision a été judicieuse car, en
novembre 1998, une adénopathie ingui-
nale gauche réapparaît. Il s’agit encore
d’un lymphome anaplasique de type B.
Comme précédemment, le lymphome est
uniquement localisé au niveau inguinal,
sans aucune autre extension et, en parti-
culier, sans aucune adénopathie profonde,
l’exploration étant cependant rendue dif-
ficile du fait de la présence du NOVACOR.
Un nouveau dilemme se présente. Deux
solutions thérapeutiques sont en effet pos-
sibles :soit une chimiothérapie conven-
tionnelle, dont l’efficacité est aléatoire et
grevée d’un important pourcentage
d’échec, conduisant ainsi à une impasse,
soit une thérapeutique agressive com-
portant une chimiothérapie lourde, une
mise en aplasie, une cytaphérèse, une
autogreffe et une radiothérapie. Mais ce
patient est toujours porteur de NOVA-
COR, il reçoit un traitement anticoagulant
qu’il n’est pas possible d’arrêter, et le
risque infectieux est majeur en raison de
la présence de cette assistance.
Finalement, le choix se porte sur la seule
voie permettant d’espérer une guérison
complète. Le patient reçoit ainsi, de
décembre 1998 à mai 1999, une chimio-
thérapie de type BHA-LOHP ; une auto-
greffe de moelle est décidée, et plusieurs
séances de radiothérapie externe complè-
tent ce traitement jusqu’en juillet 1999.
En octobre 1999, le patient est considéré
comme étant en rémission complète.
Un nouvel orage est passé, mais, pour la
deuxième fois, se pose la question :
Quand faut-il transplanter ?” Il est
décidé d’attendre deux ans de plus (le
NOVACOR a été posé, rappelons-le, en
août 1997), soit jusqu’en octobre 2001.
Malheureusement, de nouvelles compli-
cations vont changer cette stratégie.
À partir d’août 2000 surviennent deux
complications thromboemboliques, heu-
reusement sans conséquence, malgré un
traitement anticoagulant efficace, et, sur-
tout, une septicémie à staphylocoques
dorés méti-R dont le point de départ est
cutané, au niveau de la sortie du câble du
NOVACOR, d’où sourd du pus. Sous anti-
biothérapie, le patient devient apyrétique,
les hémocultures se négativent, mais une
infection du pourtour du câble persiste.
Finalement, main forcée, la transplantation
cardiaque est réalisée en octobre 2000.
CONCLUSION
Cette observation illustre bien la diffi-
culté à poser en urgence l’indication
d’une assistance ventriculaire (et donc
d’une transplantation cardiaque), surtout
chez un sujet jeune. De cette indication
initiale découlent souvent, par la suite, de
multiples décisions prises à chaud en rai-
son d’événements circonstanciels qui
bouleversent la rigueur stratégique dont
on voudrait s’entourer.
!Fallait-il refuser de poser une assis-
tance ventriculaire en raison de l’absence
de recul suffisant pour affirmer la guéri-
son définitive du lymphome ? L’issue
aurait été fatale, et ce patient avait 20 ans !
!Fallait-il reculer devant la récidive
du lymphome ?
!Fallait-il tenir coûte que coûte, mal-
gré l’infection, et ne transplanter qu’à
la date prévue ? On connaît bien l’évo-
lution de ces processus infectieux chez les
patients porteurs de matériel étranger...
Octobre 2001 : C.M.C. va bien, il a repris
du poids, il est apyrétique, les examens
biologiques sont normaux, la fonction du
greffon cardiaque est parfaite. Le bilan
ne montre aucune récidive du processus
lymphomateux, mais nous ne sommes
qu’à un an post-transplantation… "
Aux extrêmes des indications de la transplantation cardiaque
* Service de chirurgie cardiovasculaire, hôpital
européen Georges-Pompidou, 75015 Paris.
!P. Chevalier*
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