Prescription et dispensation de la buprénorphine haut dosage (HD)

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Prescription et dispensation de la buprénorphine
haut dosage (HD)
Bilan régional en médecine de ville
et à la maison d’arrêt de Loos-lez-Lille
! M. Deveaux*, J. Vignau**
près l’alcool, la nicotine, les médicaments psychotropes et le cannabis, l’héroïne occupe en
France la quatrième place dans le classement par
nombre d’usagers de produits donnant lieu à abus. Bien qu’en
termes de mortalité l’héroïne soit la cause directe d’infiniment
moins de décès que le tabac et l’alcool, la prise en charge des
consommateurs d’héroïne est une priorité de santé publique.
Dans un premier temps, la loi du 31 décembre 1970 avait instauré la possibilité de soins spécialisés aux toxicomanes.
Ensuite, la politique de réduction des risques a permis, en 1987,
la vente libre du matériel d’injection et, en mars 1995, la mise
en place dans les centres spécialisés de soins aux toxicomanes
(CSST) de programmes de substitution utilisant la méthadone,
puis, en juillet 1995, l’utilisation de la buprénorphine haut
dosage (BHD) en médecine de ville (1, 2). Le but de cette politique était de maîtriser les risques infectieux liés aux injections
intraveineuses ainsi que la petite délinquance liée à la toxicomanie en favorisant la réinsertion socioprofessionnelle des usagers (3). Par principe, les traitements de substitution consistent
à remplacer une pratique à haut risque – l’usage de l’héroïne
A
* Institut de médecine légale, place Théo-Varlet, 59000 Lille ; pharmacie de
l’UCSA, Maison d’Arrêt, 59374 Loos-lez-Lille.
** Service d’addictologie, clinique de la Charité, CHRU, 59037 Lille Cedex.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - no 4 - avril 2001
– par un traitement contrôlé – méthadone ou BHD – prescrit
au long cours. Sur le plan thérapeutique, les effets recherchés
sont d’une part le blocage des effets subjectifs de l’héroïne,
d’autre part la réduction du désir compulsif d’héroïne, en vue
d’en interrompre durablement la consommation.
CADRE LÉGAL D’UTILISATION DE LA BUPRÉNORPHINE
Introduite sur le marché français depuis février 1996, la BHD
(Subutex®) est disponible en boîtes de sept comprimés sublinguaux, dosés à 0,4, 2 ou 8 mg de chlorhydrate de buprénorphine (exprimé en base). Elle est inscrite sur la liste I des
substances vénéneuses, mais est soumise à la réglementation
des stupéfiants. Subutex® est remboursé à 65 % par la Sécurité
sociale.
Indications thérapeutiques
L’autorisation de mise sur le marché précise que la BHD constitue un traitement substitutif d’une pharmacodépendance
majeure aux opiacés, que le patient doit avoir plus de 15 ans et
être volontaire. Il est officiellement recommandé que ce traitement entre dans le cadre d’une prise en charge médicale, sociale
et psychologique. Ce suivi thérapeutique global peut être facilité par une collaboration entre le médecin prescripteur, le pharmacien d’officine qui va délivrer le produit, un centre spécialisé de soins aux toxicomanes et un psychiatre ainsi que, si
nécessaire, tout autre acteur du champ sanitaire et social (4, 5).
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Prescription (réglementation à jour au 31 août 2000)
Tous les médecins peuvent prescrire la BHD. Dans le cadre du
réseau précité, il est éminemment souhaitable que le prescripteur prenne contact avec le pharmacien lors de la première prescription, et qu’il inscrive ses coordonnées sur l’ordonnance. La
rédaction de l’ordonnance doit être précédée d’un examen
médical du patient. Depuis le 31 mars 1999, il est obligatoire
d’utiliser une ordonnance sécurisée pour rédiger la prescription. La durée de la prescription est limitée à 28 jours à chaque
fois, mais il est recommandé de prescrire pour une durée plus
courte en début de traitement. L’ordonnance sécurisée
(conforme aux spécifications fixées par l’arrêté du 31 mars
1999) comporte, outre les mentions classiques concernant le
médecin, les nom, prénom, âge, sexe et, si nécessaire, taille et
poids du patient. Il faut qu’elle soit datée et signée. Doivent
figurer en toutes lettres le nombre d’unités thérapeutiques par
prise, le nombre de prises et le dosage. Il faut également indiquer dans le petit carré en bas à droite prévu à cet effet le nombre
de spécialités prescrites (6).
Posologie, plan de prise
La dose initiale recommandée va de 0,8 à 2 mg/j, en une seule
prise, par voie sublinguale. L’absorption complète prend à peu
près dix minutes. L’augmentation de la posologie est progressive, par paliers de 2 mg/j, pour atteindre une dose d’entretien
de 8 à 16 mg/j en moins de trois jours. Puisque la buprénorphine est un agoniste partiel des récepteurs µ, la première prise
a lieu lors de l’apparition des premiers signes de manque, au
moins 4 heures après la dernière prise d’héroïne, de codéine ou
de dextropropoxyphène, au moins 24 heures après la dernière
prise de méthadone ou de sulfate de morphine. Ultérieurement,
la réduction progressive de la posologie sera envisagée après
une période de stabilisation suffisante (actuellement aucun délai
n’est proposé) jusqu’à l’arrêt total du Subutex®.
Contre-indications
Les contre-indications absolues sont claires : hypersensibilité
à la buprénorphine, enfant de moins de quinze ans, insuffisance
hépato-cellulaire sévère, insuffisance respiratoire sévère,
intoxication alcoolique aiguë ou delirium tremens. La grossesse
et l’allaitement ne sont que des contre-indications relatives (7).
Délivrance
La délivrance est obligatoirement fractionnée par périodes de
sept jours (arrêté du 20 septembre 1999). Cependant, le prescripteur peut inscrire la mention “délivrance en une fois” s’il
juge le patient bien stabilisé et capable de gérer correctement
son traitement. Pendant l’induction du traitement, une délivrance quotidienne avec prise devant le pharmacien est recommandée. L’ordonnance n’est pas renouvelable. Comme pour
tout médicament inscrit sur la liste I, le pharmacien reporte sur
l’ordonnance le cachet de l’officine, la date d’exécution, la
quantité délivrée et le numéro d’inscription à l’ordonnancier.
Il rend l’original de l’ordonnance au patient et en conserve une
photocopie pendant trois ans : le classement se fait alphabétiquement par prescripteur, puis chronologiquement. Actuellement, si l’ordonnance est présentée au pharmacien plus de
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24 heures après la date de sa rédaction, elle ne peut être exécutée que pour la durée de la prescription restant à courir. Enfin,
un médecin ne peut pas prescrire (sauf s’il en fait mention
manuscrite expresse) et un pharmacien ne peut pas exécuter
deux ordonnances de Subutex® se chevauchant dans le temps.
BILAN D’UTILISATION EN MÉDECINE DE VILLE (DONNÉES
NATIONALES ET DE LA RÉGION NORD-PAS-DE-CALAIS)
Le choix des pouvoirs publics de la BHD comme médicament
de substitution repose sur des données précliniques issues
d’études randomisées impliquant plusieurs centaines de patients
(8). Celles-ci ont démontré :
# l’efficacité de la buprénorphine pour réduire la consommation d’héroïne chez les usagers, comparable à celle de la méthadone, médicament de référence ;
# la rareté et la bénignité de ses effets secondaires ;
# le caractère modéré du syndrome de sevrage induit par l’arrêt brutal d’une prise chronique ;
# sa bonne acceptabilité par les usagers d’héroïne.
En revanche, la France étant le premier pays à en avoir promu
l’utilisation, aucune donnée n’était disponible quant à son utilisation à grande échelle. Outre le choix de la molécule, le cadre
français de prescription et de délivrance du Subutex® se montre
innovant dans la mesure où il implique directement le système
primaire de soins, et où il crée les conditions d’une accessibilité maximale. Ces choix ont fait l’objet de nombreuses critiques. La question est maintenant de savoir s’ils constituent
une réponse pertinente au problème de l’addiction à l’héroïne.
Au niveau national, les données d’évaluation des quatre années
d’utilisation du Subutex® sont rares et proviennent principalement d’études financées par le laboratoire Schering-Plough, qui
commercialise la molécule. Dans la région Nord-Pas-de-Calais,
nous disposons d’une source alternative de données, à l’initiative de l’Union régionale des caisses d’assurance maladie
(URCAM) et reposant sur la procédure informatique de codage
du médicament par les pharmaciens d’officine.
Quel est l’impact global de l’emploi du Subutex® sur les
indicateurs de santé publique ?
Si l’on s’en tient aux données nationales de l’Office central
pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS)
concernant l’évolution annuelle du nombre des overdoses d’héroïne et qu’on les compare aux chiffres des ventes de Subutex®
estimées par l’Institut de veille sanitaire (figure 1), on constate
que l’augmentation du nombre des patients sous buprénorphine
(de 0 en 1993 à 65 000 en 1999) n’a pas entravé la décroissance
régulière des décès par overdose. Il est en revanche difficile de
mesurer la contribution spécifique de la large diffusion du Subutex® dans cette baisse de la mortalité de la population des toxicomanes. Par ailleurs, l’Observatoire français des drogues et
des toxicomanies (OFDT) constate un accroissement important (10 %) du recours des usagers de drogues aux structures
sanitaires et sociales, notamment aux CSST entre 1996 et 1997,
ce qui s’explique par le développement de l’offre des traitements de substitution. L’OFDT fait également état d’une
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Overdoses
Patients
600
70 000
60 000
500
50 000
400
40 000
300
30 000
200
20 000
100
10 000
0
0
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999
Overdoses d'héroïne
Patients sous Subutex®
Figure 1. Évolution du nombre des overdoses d’héroïne et des patients
traités par Subutex®.
diminution de 21 % du nombre des détenus condamnés pour
infraction à la législation des stupéfiants entre le 1er janvier 1996
et le 1er janvier 1998 (9).
Choix de la buprénorphine : quel bilan ?
Considérant les propriétés de la BHD lorsque celle-ci est utilisée selon les règles préconisées, il semble que les données précliniques obtenues chez l’animal et les résultats des essais cliniques chez l’homme soient globalement confirmés : bonne
tolérance et rareté des accidents graves rapportés dans la littérature (10), réduction rapide du syndrome de manque à l’induction du traitement, faible pouvoir renforçant (absence d’effet flash), faible niveau de dépendance physique en utilisation
continue. Ces trois derniers constats s’appuient essentiellement
sur notre expérience clinique dans le service d’addictologie du
CHRU de Lille (qui reçoit environ 800 héroïnomanes par an)
et sur la perception des médecins et pharmaciens du réseau
Lille-Addictions au cours de nos séances hebdomadaires de
suivi de cas[1] se tenant régulièrement depuis 1996.
[1] En 1999, quarante-quatre réunions ont été organisées, concernant 153 dossiers/patients et rassemblant 90 médecins, 49 pharmaciens et 72 autres partenaires (psychologues, travailleurs sociaux…).
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Choix de la médecine de ville dans le traitement par BHD :
quel bilan ?
Concernant l’implication de la médecine de ville, aucune étude
exhaustive n’a été pratiquée au plan national. L’étude de
l’URCAM de la région Nord-Pas-de-Calais (4 millions d’habitants) évalue à 34 % la proportion des médecins généralistes
ayant prescrit du Subutex® entre janvier et avril 1999, et à 53 %
celle des pharmaciens de la région ayant délivré cette molécule
pendant cette même période. Soixante-dix-neuf pour cent de ces
pharmaciens ont délivré du Subutex® à moins de dix patients et
88 % de ces médecins ont prescrit ce médicament à moins de
dix patients. Placés en première ligne sans préparation spécifique, les médecins généralistes et les pharmaciens d’officine
n’ont pu s’appuyer sur aucune définition précise des objectifs
de ces traitements (hormis l’espoir d’une hypothétique maîtrise
de la propagation du VIH). Face à cette situation quelque peu
chaotique, médecins et pharmaciens se sont organisés en réseaux
plus ou moins structurés, parfois en partenariat avec des associations ou des CSST (dans la région Nord-Pas-de-Calais, une
vingtaine d’instances de concertation et de suivi de cas se sont
mises en place). Dans les régions de France où une telle structuration ne s’est pas produite, les professionnels les plus isolés
envoient de nombreux signaux d’épuisement, et il devient difficile d’y trouver un généraliste et un pharmacien acceptant de
s’investir dans un tel traitement. L’implication de la médecine
de ville a eu également des répercussions profondes, de nature
symbolique. Jusqu’alors, le dispositif de soins s’adressait à des
“toxicomanes” au travers de centres ad hoc financés par l’État,
de manière dérogatoire. La prescription et la délivrance de Subutex® en médecine de ville concernent maintenant des “patients”
dépendants et relèvent du dispositif de droit commun pris en
charge par l’Assurance maladie. Ce glissement de compétence
a clairement désigné l’héroïnomanie comme une pathologie et
l’héroïnomane comme un “malade-citoyen-à-part-entière”. Plus
concrètement, cette évolution a permis une plus grande diversité de l’offre de soins. Loin de se concurrencer l’un l’autre,
centres spécialisés et médecine de ville s’adressent à des populations différentes d’usagers (11).
Choix d’un cadre réglementaire souple : quel bilan ?
C’est évidemment la question la plus controversée, et pour
laquelle beaucoup d’inconnues demeurent. L’absence de réelles
contraintes réglementaires dans la prescription et la délivrance
du traitement par Subutex® en a incontestablement favorisé l’accès. Néanmoins, cette situation crée trois ordres de problèmes
d’importance différente et pour lesquels les données objectives
manquent. Le premier problème concerne la revente dans la rue
des comprimés de Subutex®. La provenance de ces comprimés
ne semble pas être le nomadisme des patients si l’on en croit
les données de l’Assurance maladie (Alsace-Moselle et étude
de l’URCAM Nord-Pas-de-Calais). Il s’agirait plutôt de patients
revendant leur traitement afin d’obtenir quelques “liquidités”.
Bien que condamnable sur le plan légal, l’impact de ce commerce n’est pas considéré comme totalement inutile sur le plan
sanitaire. Le deuxième problème est plus inquiétant : il s’agit
du détournement des comprimés de leur utilisation sublinguale
vers la voie intraveineuse après écrasement et dilution (essen67
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tiellement dans l’eau). Outre les complications locales (nécroses
cutanées, phlébites, abcès) et emboliques publiées dans la
presse médicale, cette pratique expose de nouveau les usagers
à une contamination virale (VIH et hépatites). Le troisième et
dernier problème engendré par l’extrême souplesse du cadre
réglementaire concerne l’efficacité même de la substitution
opiacée. En effet, lorsqu’on se penche sur les facteurs prédictifs de bonne réponse au traitement, le niveau d’exigence du
cadre thérapeutique établi par le médecin est essentiel (12,13).
Or, le cadre réglementaire influe indéniablement sur le cadre
thérapeutique.
CAS PARTICULIER DE LA MAISON D’ARRÊT DE LOOS-LEZ-LILLE
Les toxicomanes en prison en France
Il y a en France environ 54 000 personnes détenues (59 % de
condamnés, 41 % de prévenus). Le flux annuel est d’à peu près
le double, avec une durée moyenne d’incarcération de 6,5 mois.
On distingue les maisons d’arrêt (prévenus, peines courtes), les
centres de détention, les maisons centrales et les centres pénitentiaires. Le service médical dans ces établissements est rattaché aux hôpitaux publics depuis la loi 94-43 du 18 janvier
1994. Ainsi, l’organisation des soins en prison dépend uniquement de l’administration hospitalière et les détenus français
sont affiliés (leurs ayants droit également) à l’Assurance maladie pendant toute la durée de leur incarcération et un an après
leur libération (14-17). Deux structures spécifiques coexistent
pour fournir l’ensemble des prestations sanitaires : les vingtsix services médico-psychologiques régionaux (SMPR) créés
dès 1986 pour les soins psychiatriques, et les unités de consultations et soins ambulatoires (UCSA). Selon le ministère de la
Justice, environ 21 % des détenus sont incarcérés pour infraction à la législation sur les stupéfiants (ILS : présomption
d’usage, usage ou vente). En fait, bien que la situation soit très
différente d’un établissement pénitentiaire à l’autre, la majorité des observateurs estiment qu’il y a dans les prisons françaises de 25 à 50 %, voire jusqu’à 60 % d’usagers de drogues
illicites, essentiellement cannabis et héroïne ; en 1998, à la maison d’arrêt de Loos-lez-Lille, sur 1 000 détenus, 50 % étaient
des toxicomanes (18). D’autre part, les produits illicites circulent très largement en prison (19, 20). La prise en charge des
toxicomanes en prison est donc indispensable, mais, du sevrage
à tout prix à la mise sous traitement de substitution de tous les
toxicomanes entrants, tous les cas de figure se rencontrent (20,
21). La situation peut même être radicalement différente d’un
médecin à l’autre dans une même prison (21). Nous ne discuterons pas ici de l’intérêt et des limites de la substitution en prison, mais nous exposerons simplement l’exemple du travail
effectué par le SMPR, l’antenne-toxicomanes et l’UCSA de
Loos-lez-Lille.
La substitution en prison : cadre légal
Sans aucune ambiguïté, le Subutex® (comme la méthadone)
peut être prescrit en milieu pénitentiaire, que ce soit en continuité du traitement prescrit à l’extérieur, ou en primo-prescription dans le cadre de la préparation à la sortie (circulaires
DGS/DH 96-239 du 3 avril 1996 et DGS/DH 96-739 du
68
5 décembre 1996). La prescription se fait pour 28 jours sur une
ordonnance simple (nous sommes dans le cadre hospitalier).
Comme en ville, n’importe quel médecin a le droit de la rédiger. Le traitement doit être pris devant l’infirmier.
La procédure mise en place à Loos-lez-Lille pour le Subutex®
Ce sont les psychiatres du SMPR qui ont en charge la prescription des traitements de substitution. Schématiquement, les
différents cas sont les suivants :
# Toute personne arrivant en maison d’arrêt est vue par un
médecin de l’UCSA, puis par un psychiatre du SMPR. Si le
détenu signale être déjà sous Subutex®, un contact téléphonique
avec le médecin et/ou le pharmacien permet de vérifier la posologie. La prescription est alors poursuivie, avec proposition
d’une prise en charge psychosociale. La posologie peut rester
identique, ou, si le détenu le demande, être dégressive selon un
schéma codifié (22).
# Il peut s’agir aussi d’un détenu dépendant de l’héroïne, en
cours de sevrage (garde à vue, mise sous écrou après condamnation). Le syndrome de manque peut être traité de manière
classique ou le patient peut bénéficier du Subutex® à dose
dégressive.
# Le détenu souhaite un traitement de substitution dans le cadre
de la préparation à la sortie. Cela se met en place dans le mois
précédant la sortie. On utilise la méthadone ou le Subutex®.
# Non-toxicomane en arrivant en prison, le détenu est devenu
dépendant de la buprénorphine ou de l’héroïne, consommées
en “sniff” ou en injection et obtenues grâce au trafic en promenade ou aux parloirs. Dès la disparition du fournisseur
et/ou du produit, le détenu peut se retrouver en manque et
demander à être mis sous traitement de substitution. Il fait
alors une demande de soins au SMPR, où on lui prescrit un
sevrage classique. En cas d’échecs successifs de
ce sevrage, il y a discussion avec le CSST de la mise sous
substitution.
La répartition des différents types de traitements par Subutex® en 1999 est détaillée dans le tableau I. L’augmentation
du nombre de détenus recevant un traitement de substitution
par Subutex® a été pratiquement exponentielle depuis 1996.
Dans la figure 2, elle est comparée avec celle des détenus
sous méthadone. Actuellement, il y a 80 détenus sous Subutex® venant prendre leur comprimé à l’infirmerie tous les
jours.
Tableau I. Répartition des différents types de traitement par
Subutex® en 1999 à la maison d’arrêt de Loos-lez-Lille.
Type de traitement par Subutex®
Nombre de patients
8 mg/j pendant toute la durée de la détention
102
Diminution progressive en 10 jours
90
Induction en vue de la préparation à la sortie
20
Arrêt par décision du détenu
Total
9
221
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Nombre de détenus
250
221
200
150
100
61
45
50
23
2
7
17
5
0
1996
Méthadone
1997
1998
1999
Subutex®
CONCLUSION
Figure 2. Évolution du
nombre de détenus sous
méthadone et sous Subutex®.
combatting drug abuse with a unique opioid (monography). New York : Wiley-Liss
Inc. 1994 ; 213-39.
L’utilisation de la BHD depuis plus de quatre ans en médecine
de ville a rencontré un incontestable succès si l’on se réfère au
nombre sans cesse croissant de patients traités. La montée en
nombre des traitements de substitution en prison s’est faite avec
un certain retard dû à des obstacles réglementaires et idéologiques. Un nouvel obstacle, financier celui-là, risque d’apparaître : à titre d’exemple, à la maison d’arrêt de Loos-lez-Lille,
on estime que la BHD représentera environ un quart du budget
médicaments de l’UCSA en 2000, alors que tous les besoins
ne sont pas couverts. En médecine de ville, la souplesse du
cadre réglementaire d’une part favorise l’accès aux soins mais,
d’autre part, pose le problème de la maîtrise du détournement
du médicament et de son injection intraveineuse.
"
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