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La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n
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4 - avril 2001
DOSSIER
Prescription (réglementation à jour au 31 août 2000)
Tous les médecins peuvent prescrire la BHD. Dans le cadre du
réseau précité, il est éminemment souhaitable que le prescrip-
teur prenne contact avec le pharmacien lors de la première pres-
cription, et qu’il inscrive ses coordonnées sur l’ordonnance. La
rédaction de l’ordonnance doit être précédée d’un examen
médical du patient. Depuis le 31 mars 1999, il est obligatoire
d’utiliser une ordonnance sécurisée pour rédiger la prescrip-
tion. La durée de la prescription est limitée à 28 jours à chaque
fois, mais il est recommandé de prescrire pour une durée plus
courte en début de traitement. L’ordonnance sécurisée
(conforme aux spécifications fixées par l’arrêté du 31 mars
1999) comporte, outre les mentions classiques concernant le
médecin, les nom, prénom, âge, sexe et, si nécessaire, taille et
poids du patient. Il faut qu’elle soit datée et signée. Doivent
figurer en toutes lettres le nombre d’unités thérapeutiques par
prise, le nombre de prises et le dosage. Il faut également indi-
quer dans le petit carré en bas à droite prévu à cet effet le nombre
de spécialités prescrites (6).
Posologie, plan de prise
La dose initiale recommandée va de 0,8 à 2 mg/j, en une seule
prise, par voie sublinguale. L’absorption complète prend à peu
près dix minutes. L’augmentation de la posologie est progres-
sive, par paliers de 2 mg/j, pour atteindre une dose d’entretien
de 8 à 16 mg/j en moins de trois jours. Puisque la buprénor-
phine est un agoniste partiel des récepteurs µ, la première prise
a lieu lors de l’apparition des premiers signes de manque, au
moins 4 heures après la dernière prise d’héroïne, de codéine ou
de dextropropoxyphène, au moins 24 heures après la dernière
prise de méthadone ou de sulfate de morphine. Ultérieurement,
la réduction progressive de la posologie sera envisagée après
une période de stabilisation suffisante (actuellement aucun délai
n’est proposé) jusqu’à l’arrêt total du Subutex®.
Contre-indications
Les contre-indications absolues sont claires : hypersensibilité
à la buprénorphine, enfant de moins de quinze ans, insuffisance
hépato-cellulaire sévère, insuffisance respiratoire sévère,
intoxication alcoolique aiguë ou delirium tremens. La grossesse
et l’allaitement ne sont que des contre-indications relatives (7).
Délivrance
La délivrance est obligatoirement fractionnée par périodes de
sept jours (arrêté du 20 septembre 1999). Cependant, le pres-
cripteur peut inscrire la mention “délivrance en une fois” s’il
juge le patient bien stabilisé et capable de gérer correctement
son traitement. Pendant l’induction du traitement, une déli-
vrance quotidienne avec prise devant le pharmacien est recom-
mandée. L’ordonnance n’est pas renouvelable. Comme pour
tout médicament inscrit sur la liste I, le pharmacien reporte sur
l’ordonnance le cachet de l’officine, la date d’exécution, la
quantité délivrée et le numéro d’inscription à l’ordonnancier.
Il rend l’original de l’ordonnance au patient et en conserve une
photocopie pendant trois ans : le classement se fait alphabéti-
quement par prescripteur, puis chronologiquement. Actuelle-
ment, si l’ordonnance est présentée au pharmacien plus de
24 heures après la date de sa rédaction, elle ne peut être exé-
cutée que pour la durée de la prescription restant à courir. Enfin,
un médecin ne peut pas prescrire (sauf s’il en fait mention
manuscrite expresse) et un pharmacien ne peut pas exécuter
deux ordonnances de Subutex®se chevauchant dans le temps.
BILAN D’UTILISATION EN MÉDECINE DE VILLE (DONNÉES
NATIONALES ET DE LA RÉGION NORD-PAS-DE-CALAIS)
Le choix des pouvoirs publics de la BHD comme médicament
de substitution repose sur des données précliniques issues
d’études randomisées impliquant plusieurs centaines de patients
(8). Celles-ci ont démontré :
#l’efficacité de la buprénorphine pour réduire la consomma-
tion d’héroïne chez les usagers, comparable à celle de la métha-
done, médicament de référence ;
#la rareté et la bénignité de ses effets secondaires ;
#le caractère modéré du syndrome de sevrage induit par l’ar-
rêt brutal d’une prise chronique ;
#sa bonne acceptabilité par les usagers d’héroïne.
En revanche, la France étant le premier pays à en avoir promu
l’utilisation, aucune donnée n’était disponible quant à son uti-
lisation à grande échelle. Outre le choix de la molécule, le cadre
français de prescription et de délivrance du Subutex®se montre
innovant dans la mesure où il implique directement le système
primaire de soins, et où il crée les conditions d’une accessibi-
lité maximale. Ces choix ont fait l’objet de nombreuses cri-
tiques. La question est maintenant de savoir s’ils constituent
une réponse pertinente au problème de l’addiction à l’héroïne.
Au niveau national, les données d’évaluation des quatre années
d’utilisation du Subutex®sont rares et proviennent principale-
ment d’études financées par le laboratoire Schering-Plough, qui
commercialise la molécule. Dans la région Nord-Pas-de-Calais,
nous disposons d’une source alternative de données, à l’initia-
tive de l’Union régionale des caisses d’assurance maladie
(URCAM) et reposant sur la procédure informatique de codage
du médicament par les pharmaciens d’officine.
Quel est l’impact global de l’emploi du Subutex®sur les
indicateurs de santé publique ?
Si l’on s’en tient aux données nationales de l’Office central
pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS)
concernant l’évolution annuelle du nombre des overdoses d’hé-
roïne et qu’on les compare aux chiffres des ventes de Subutex®
estimées par l’Institut de veille sanitaire (figure 1), on constate
que l’augmentation du nombre des patients sous buprénorphine
(de 0 en 1993 à 65 000 en 1999) n’a pas entravé la décroissance
régulière des décès par overdose. Il est en revanche difficile de
mesurer la contribution spécifique de la large diffusion du Subu-
tex®dans cette baisse de la mortalité de la population des toxi-
comanes. Par ailleurs, l’Observatoire français des drogues et
des toxicomanies (OFDT) constate un accroissement impor-
tant (10 %) du recours des usagers de drogues aux structures
sanitaires et sociales, notamment aux CSST entre 1996 et 1997,
ce qui s’explique par le développement de l’offre des traite-
ments de substitution. L’OFDT fait également état d’une