RSCA N° 3 : patient angoissant Patient de 54 ans vu avec le Pr JAURY en tant qu'observatrice. Le patient consulte pour son renouvellement de subutex et ses problèmes de peau. Ses antécédents : - psychotique non suivi - hépatite C non suivi - ancien toxicomane intraveineux - syphilis traité en 2010 - varices opérées - tabac actif Ses traitements: - subutex - pommade de dalibour Il travaille à la Poste, au tri. Patient ayant une logorrhée verbale. Patient ayant des propos racistes, notamment il nous dit "vous avez remarqué, moi qui fume, j'ai remarqué, tous les bureaux de tabac sont occupés par des chinois, vous trouvez ça normal ?" . Il nous explique qu'à cause des ondes, il y aura un accident sanitaire d'ici 20 ans et il me regarde et me dis "vous mademoiselle, je vous le dis, j'ai raison". Il nous explique que les médecins créent des maladies. Il est anti-vaccin, " à cause de l'aluminium ". Concernant le dépistage à 50 ans "c'est de la connerie". Il nous parle de ses problèmes de peau au niveau principalement de sa joue droite. Il aurait eu initialement un champignon. Depuis tous les prélèvements sont négatifs. Il insulta la dermatologue qui lui a fait la dernière biopsie car "elle n'a pas prélevée au bon endroit". Le Pr JAURY lui propose de prendre sa tension. La réponse du patient "je m'en tape de ma tension, elle va bien". On ne l'a pas examiné. A la fin de la consultation, on a renouvelé le subutex; proposé un prélèvement cutané de sa joue après arrêt de tout traitement. Il a demandé un somnifère que l'on a prescrit. En partant, il a fait allusion à sa mère et à son adolescence quand il avait fugué et qu'il se baladait avec un couteau la nuit parce qu'il avait peur. Tout le long de la consultation, j'étais angoissée par ce patient et je me disais que je ne pourrais pas suivre un patient comme lui. De cette consultation, je me suis posée plusieurs questions: 1/ Comment se séparer d'un patient ? 2/ Comment gérer une consultation avec un patient psychotique? quels comportements adopter ? 3/ A quel moment faire interner le patient d'office et comment? 4/ Quelle surveillance clinique et/ou biologique d'un patient sous subutex ? 1/Comment se séparer d'un patient Selon le code de déontologie, article 47, sur la continuité des soins: « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. Hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S'il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins. » Pour se séparer d'un patient, il faut remplir trois conditions préalables : 1/ Il ne doit pas ou plus y avoir d'urgence (vitale, et non l'urgence "ressentie" par le patient) ; 2/ le médecin doit informer sans délai le patient de son refus ou de son impossibilité à continuer à le prendre en charge ; 3/ le médecin doit prendre toutes dispositions pour que soit assurée la continuité des soins, avec notamment transmission de toutes les informations nécessaires à un autre médecin désigné par le patient. Donc: AUCUNE obligation de se justifier AUCUNE obligation de faire un courrier au patient AUCUNE obligation de fournir le nom d’un confrère J'ai contacter la CPAM afin de savoir comment annuler le choix de médecin traitant. Elle préconise deux choses: 1/ informer le patient (verbalement) 2/ faire un courrier à la CPAM Enfin, si le patient menace de porter plainte contre non assistance en danger, il y a deux choses à faire: 1/ Faire un courrier en recommandé au patient (après l’avoir informé verbalement) 2/ Faire un courrier au conseil départemental de l’ordre précisant: -> le contexte -> les éléments permettant de montrer que le médecin a rempli son devoir -> les circonstances et raisons pour lesquelles il estime ne plus pouvoir le remplir -> la copie du courrier envoyé au patient 2/ Comment gérer une consultation avec un patient psychotique? quels comportements adopter ? En médecine générale, la fréquence de symptômes d’allure psychotique chez les adultes est d’au moins 5 %. Il ya des règles à respecter face à un patient psychotique et potentiellement dangereux. En effet, il faut : écouter et s’efforcer de garder le contact ; ne pas chercher l’affrontement ; penser à se protéger et à protéger les tiers ; protéger le patient de l’accès à des objets potentiellement dangereux ; s’efforcer de canaliser les émotions des personnes présentes ; évaluer si un tiers de l’entourage est ressenti comme perturbateur, et si un tiers est perçu comme rassurant ; faire intervenir un tiers extérieur qui modifie le contexte. On retrouve dans la littérature les conseils suivants : respecter le territoire, rester à distance ; éviter tout contact visuel intrusif ; ne pas se montrer trop familier ; se présenter, verbalement et non verbalement, comme quelqu’un qui n’a pas l’intention d’être offensif ; ne pas attaquer directement les idées délirantes ; poser des questions simples et favoriser un fonctionnement coopératif et non de contrôle ; ne pas hésiter à exprimer de l’anxiété ressentie ; prévoir des portes de sortie, des moyens d’appeler à l’aide et un traitement approprié de l’épisode. Lorsque le comportement de violence devient ingérable au cabinet, il faut faire appel: au Samu ; au service départemental d’incendie et de secours (SDIS) ; à la police ou la gendarmerie, notamment en cas de patient armé (le Code pénal autorise les professionnels de santé et de l’action sociale à déroger au secret professionnel lorsqu’un patient détient une arme ou manifeste l’intention d’en acquérir une). LA PREVENTION Le traitement adapté, régulier et s’inscrivant dans la durée des troubles psychiatriques reste la meilleure prévention des moments de violence. Il doit être individualisé en fonction du trouble, de son moment évolutif, des comorbidités éventuelles (consommation de substances psycho-actives, troubles de la personnalité) et du contexte. En effet, la conduite du traitement reste un des moments privilégiés de l’évaluation clinique. La non-conscience de la maladie, l’absence de demande de soins doivent, dans certaines situations, être interprétées comme des éléments de gravité du tableau clinique. 3/ A quel moment faire interner le patient d'office et comment? Il y a deux possibilités selon le comportement du patient. A. Soit les soins à la demande d'un tiers ou en l'absence de tiers "péril imminent" B. Soit à la demande du représentant de l'Etat A. Pour les soins à la demande d'un Tiers : admission à la demande d'un Tiers /Admission en l’absence de tiers dite péril imminent Pour faire interner un patient sans son consentement, il faut trois critères obligatoires : la personne doit être atteinte de troubles mentaux ces troubles rendent impossible son consentement son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une prise en charge à temps complet ou en ambulatoire. Généralement, pour ce cas de figure, le patient présente: o Un épisode maniaque / une dépression mélancolique délirante o une bouffée aiguë délirante / une décompensation de schizophrénie o des troubles graves de la personnalité (borderline / histrionique) o des troubles graves du comportement (hallucination / discordance) Il y a deux possibilités pour le médecin généraliste 1/ s'il y a un tiers Le médecin généraliste fait le premier certificat médical en mentionnant son identification / celle du patient / la date / sa signature. Il faut faire une description de l’état mental du patient (sans préciser le diagnostic), attester l’impossibilité du consentement et la nécessité de soins immédiat et terminer par « en application de l’article L-3212-1 du code de santé publique » Le second certificat sera fait par l’établissement d’accueil (du secteur) Il faut également la demande d’admission par un tiers (manuscrite / papier libre / date / signature/ nom / prénom / âge / profession / adresse / nature de la relation) 2/ S'il n'y a pas de tiers Le médecin généraliste fait le certificat médical pour une admission en l’absence de tiers dite péril imminent art : L.3212.1 En pratique, il faut appeler le samu ou les pompiers pour qu'ils viennent chercher le patient au cabinet ou à domicile. B. Admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat (SPDRE) / Admission en cas de danger imminent Pour faire interner le patient, Il faut trois critères obligatoires : Absence de consentement du malade du fait de troubles mentaux Nécessité de soins immédiats et d’une surveillance constante en milieu hospitalier et compromission grave de l’ordre public ou de la sureté des personnes Généralement, dans ce cas, le patient présente: des délires paranoïaques: interprétatif / revendication / passionnels (jalousie) une bouffée délirante aigue violente ou une décompensation de schizophrénie avec hétéroagressivité Il faut que le médecin généraliste fasse un certificat médical attestant de la nécessité de soins immédiats et la compromission de l’ordre public et qui termine par « en application de l’article L-3213-1 du code de SP » Il faut prévenir le préfet du département (préfet de police à Paris). En pratique, si le patient est agressif au cabinet, il faut appeler la police sinon le laisser rentrer et prévenir le préfet pour que la police aille le chercher à son domicile. Le médecin est autorisé à informer les autorités administratives du caractère dangereux des patients connus pour détenir une arme ou qui ont manifesté l’intention d’en acquérir une. 4/ Quelle surveillance clinique et/ou biologique d'un patient sous subutex en période de stabilisation? Le patient sous subutex est suivi régulièrement, au minimum une fois par mois pour le renouvellement du traitement. Lors de cette consultation, il faut être vigilant vis-à-vis : - des mauvaises utilisations du subutex (injection, sniff, augmentation de la posologie) - d’une reprise de consommation d’héroïne - de l’apparition ou de l’augmentation de la consommation d’autres substances psycho-actives. Il faut également rechercher les effets indésirables tels que: infection, insomnie, agitation, céphalée, hypotension orthostatique, nausées, douleur abdominale, constipation, dyspnée, syndrome de sevrage. L’existence de mauvaises utilisations ou de difficultés de prise en charge doit conduire à modifier la stratégie : consultations plus fréquentes, durée plus courte des délivrances. En l'absence d’amélioration des problèmes rencontrés, il est nécessaire de demander un avis spécialisé (addictologue, centre de soins spécialisé). Il n'y a pas de recommandation sur la spécificité de l'examen physique pour un patient sous subutex. Il n'y a pas de recommandation sur une surveillance biologique pour un patient sous subutex. Bibliographie - code de déontologie : article 47 - Livre: 160 questions en responsabilité médicale, aspects pratiques et fondamentaux, 2ème édition. Michel Bernard. Chez Masson. 2010 - HAS mars 2011: Dangerosité psychiatrique : étude et évaluation des facteurs de risque de violence hétéro-agressive chez les personnes ayant des troubles schizophréniques ou des troubles de l’humeur - Fréquence des symptômes d’allure psychotique observés chez l’adulte en consultation de médecine générale. Joël Pon , Hervé Huguel, Denis Comet, Véronique Moreau-Mallet, François Denis. Presse Med 2005; 34: 923-7, Masson, Paris - Conférence de consensus Stratégies thérapeutiques pour les personnes dépendantes des opiacés : place des traitements de substitution 23 et 24 juin 2004 Lyon (École normale supérieure) - vidal: subutex. Effets indésirables -prepecn.com: Item 11 - Soins psychiatriques sans consentement - https://www.conseil-national.medecin.fr/article/article-4-secret-professionnel-913