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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002
CANCERS DU SEIN
ÉPIDÉMIOLOGIE
Facteurs de risque
Une nouvelle étude publiée dans le New England Journal of
Medicine confirme que la contraception orale n’est pas asso-
ciée à un risque accru de cancer du sein (6). En revanche, les
études épidémiologiques confirment l’augmentation modérée
de la fréquence des cancers du sein chez les femmes prenant
un traitement hormonal substitutif (THS), mais surtout un effet
délétère du THS sur le plan cardiovasculaire. Ce risque appa-
raît plus important en cas d’utilisation combinée des estro-
gènes et des progestatifs (7). L’étude du Women’s Health Ini-
tiative publiée dans le JAMA a donc relancé la polémique sur
le traitement hormonal substitutif (4). Cet essai comparait,
chez 16 608 femmes âgées de 50 à 79 ans, l’association
d’estrogènes et d’acétate de médroxyprogestérone à un pla-
cebo. Les critères principaux étaient la pathologie corona-
rienne et le cancer du sein. Après un suivi moyen de
5,2 années, les experts ont recommandé l’arrêt de l’essai en
raison de la survenue plus importante de cancers du sein et
d’effets secondaires, surtout cardiovasculaires (tableau I). Le
rapport risque/bénéfice apparaît élevé. Certains bénéfices ont
cependant été démontrés dans cette étude : la diminution de
fréquence des cancers du côlon et des fractures du col du
fémur. Cette publication américaine comporte certaines parti-
cularités : un âge moyen de 63 ans (21 % de plus de 70 ans),
une surcharge pondérale ou une obésité chez plus de deux tiers
des femmes, un antécédent d’hypertension artérielle dans 35 %
Prise en charge du cancer du sein :
avancées diagnostiques et thérapeutiques en 2002
V. Diéras, J.Y. Pierga*
* Institut Curie, Paris.
année 2002 a été marquée par les premiers éléments de preuve permettant de valider trois
concepts dans le traitement adjuvant du cancer du sein. Ainsi, l’utilisation des “puces” à ADN pourrait
rendre possible une prédiction beaucoup plus précise de l’évolution à long terme des patientes
comparativement aux facteurs pronostiques cliniques et biologiques habituels, ce qui permettrait de
diminuer certaines indications de traitements adjuvants. Le nombre des présentations et des publications
augmente rapidement dans ce domaine, mais l’étude de L. van’t Veer dans Nature marque certainement un
tournant (1). Un changement majeur dans l’hormonothérapie adjuvante est également en train de se
dessiner avec l’essai ATAC, qui est le premier à montrer la supériorité d’un inhibiteur de l’aromatase sur le
tamoxifène (2). Enfin, l’intérêt pour les taxanes dans la chimiothérapie adjuvante du cancer du sein renaît
avec l’analyse intermédiaire de l’étude du BCIRG, qui est en faveur d’un avantage en survie sans récidive
d’une association comportant du docétaxel (Taxotere®) (3).
On notera aussi que, récemment, la polémique sur le traitement hormonal substitutif de la ménopause a
été relancée par la publication et l’arrêt de l’essai américain de la Womens Health Initiative (4). Il faut
également signaler la modification de la classification TNM des cancers du sein à partir de janvier 2003 par
l’AJCC(5).
L’
N cas Risque relatif IC 95 %
Pathologies coronariennes 286 1,29 1,02-1,63
Cancers du sein 290 1,26 1,00-1,59
Accidents vasculaires cérébraux 212 1,41 1,07-1,85
Cancers du côlon 112 0,63 0,43-0,92
Cancers de l’endomètre 47 0,83 0,47-1,47
Fractures du col du fémur 106 0,66 0,45-0,98
Décès d’autres causes 331 0,92 0,74-1,14
Tableau I. Résultats de l’essai WHI.
204
La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002
des cas. Ces données nécessitent la poursuite de l’évaluation
du THS, en notant qu’en Europe les protocoles de traitement
sont différents et que, dans cette étude américaine, les avan-
tages du THS sur les troubles de la ménopause n’ont pas été
évalués (bouffées de chaleur, qualité de vie, fonctions cogni-
tives…). Par ailleurs, la durée de l’étude est trop courte pour
statuer sur l’incidence de la maladie d’Alzheimer. Les effets à
long terme du THS nécessitent la poursuite de l’analyse des
essais randomisés, notamment européens (8, 9).
Le tabac exerce une double action sur le sein, avec des effets
différents en pré- et postménopause (10).
Prévention
L’ovariectomie bilatérale pratiquée dans un but préventif vis-
à-vis du cancer de l’ovaire chez les patientes porteuses de
mutations des gènes BRCA1 ou BRCA2 réduit également le
risque de cancer du sein (11, 12).
Les premiers résultats de l’étude IBIS-I (International Breast
Cancer Intervention Study) ont été publiés dans The Lancet
(13). Cet essai randomisé en double aveugle contre placebo
étudie le rôle potentiel du tamoxifène 20 mg pendant 5 ans
chez 7 152 femmes âgées de 35 à 70 ans présentant un risque
élevé de cancer du sein. Après un suivi médian de 50 mois
(32-67), 69 cancers du sein ont été diagnostiqués dans le
groupe tamoxifène et 101 dans le groupe placebo, soit une
réduction de risque de 32 % (IC 95 % 8-50 ; p = 0,013). Cette
réduction est observée quel que soit l’âge, le niveau de risque
ou l’utilisation d’un traitement hormonal substitutif. L’inci-
dence du cancer de l’endomètre n’est pas augmentée de façon
significative (11 versus 5 ; p = 0,2). Cependant, les accidents
thromboemboliques sont nettement augmentés par le tamoxi-
fène (43 versus 17 ; RR 2,5 ; p = 0,001), particulièrement après
chirurgie. Il existe plus de décès, toutes causes confondues,
dans le bras tamoxifène (25 versus 11 ; p = 0,028). L’utilisa-
tion préventive de tamoxifène réduit le risque de cancer du
sein d’un tiers, mais un suivi complémentaire est nécessaire
pour l’évaluation optimale du rapport bénéfice/risque.
Dans l’étude de prévention du NSABP-P1, le tamoxifène
réduit l’incidence des cancers du sein de 62 % chez les
femmes porteuses de la mutation BRCA2, réduction similaire à
celle observée chez les autres femmes participant à l’essai. En
revanche, la prise de tamoxifène à 35 ans ou plus ne réduit pas
l’incidence des cancers du sein chez les femmes porteuses de
la mutation BRCA1 (14).
Un panel de l’ASCO a émis des recommandations sur la
chimioprévention des cancers du sein (15).
Il n’existe pas de bénéfice démontré en survie d’une
prophylaxie par tamoxifène du cancer du sein. Un trai-
tement peut être proposé chez une femme jeune, sans
facteur de risque thromboembolique ou ayant eu une
hystérectomie et ayant un risque de cancer du sein très élevé. La
prescription d’une hormonothérapie substitutive associée, de raloxi-
fène ou danti-aromatase relève d’essais thérapeutiques contrôlés.
Une réanalyse de nombreuses études sur plus de
50 000 femmes confirme le caractère protecteur de l’allaite-
ment pour le cancer du sein et contribue à expliquer la moindre
incidence de ce cancer dans les pays en voie de développement
(16).
Facteurs pronostiques
Une nouvelle classification des cancers du sein a été définie
par l’American Joint Committee on Cancer Staging System
(6eédition) (5). Les principales modifications sont détaillées
ci-après.
1. L’atteinte ganglionnaire sus-claviculaire n’est plus considé-
rée comme une forme métastatique à distance (M1) mais est
classée N3c ou pN3c, avec un nouveau stade III C et non
IV.
2. Les micrométastases ganglionnaires et des cellules tumo-
rales isolées qui n’ont pas montré clairement de valeur pro-
nostique sont différenciées. Un seuil de taille est défini :
>0,2 mm et < 2 mm (pN1mi).
3. L’identification de l’utilisation de nouvelles techniques
comme le ganglion sentinelle (sn), (immunohistochimie
IHC [i], biologie moléculaire [mol]) ont été définis.
4. La classification de l’envahissement ganglionnaire s’effec-
tue en fonction du nombre de ganglions envahis en axillaire
(1-3, 4-9, > 9) (HES préférée à l’IHC).
5. Les ganglions sous-claviculaires N+ sont classés N3.
6. Une nouvelle classification des ganglions mammaires
internes (N2 ou N3) est définie selon qu’ils sont ou non
associés à une atteinte axillaire et en fonction de la méthode
de détection (clinique ou par scanner, mais pas par immu-
noscintigraphie).
BIOLOGIE
Puces à ADN
Un groupe hollandais a publié en janvier 2002 dans Nature
une étude par puce à ADN (Agilent®) du profil d’expression
des gènes dans 98 cas de cancer du sein, dont 78 chez des
patientes de moins de 55 ans sans atteinte ganglionnaire histo-
logique et n’ayant pas reçu (sauf pour 5 d’entre elles) de traite-
ment adjuvant (1). Parmi celles-ci, 34 avaient présenté des
métastases en cours de suivi et 44 n’avaient pas récidivé, avec
un recul de plus de 5 ans. Les puces permettaient l’étude de
25 000 gènes humains, mais 5 000 ont été sélectionnés. Un
ensemble de 70 gènes marqueurs a permis, par un système de
classement de leur expression, de définir deux groupes, de bon
et mauvais pronostic, correspondant à 83 % avec le devenir
réel des patientes. La valeur pronostique de ce profil géné-
tique, qui comporte des gènes impliqués dans le cycle cellu-
laire, l’invasion, l’angiogenèse et la transduction du signal, est
nettement supérieure (risque relatif de 28) à celle des facteurs
pronostiques habituels comme le grade histologique, la taille
tumorale, les emboles vasculaires ou les récepteurs hormonaux
(RR entre 6 et 2,4). En utilisant ce système de pronostic, seules
41 % des patientes ayant eu une évolution favorable auraient
reçu un traitement adjuvant, alors qu’elles l’auraient reçu dans
70 % des cas, voire 91 % des cas, en utilisant les recommanda-
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action
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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002
tions du consensus de Saint-Gall ou du NIH. Une autre étude
d’un groupe allemand portant sur un ensemble plus hétérogène
de 55 cas de cancers du sein a identifié un ensemble de 41 gènes
permettant une bonne prédiction de l’évolution des patientes,
indépendamment des critères classiques comme l’atteinte gan-
glionnaire ou la taille tumorale (17). Un groupe marseillais a
étudié le profil d’expression de 1 000 gènes candidats chez
55 patientes ayant reçu une chimiothérapie adjuvante à base
d’anthracyclines pour des tumeurs opérées de mauvais pronos-
tic. Un lot de 23 gènes a permis de définir trois groupes de
patientes dont la survie à 5 ans était de 100 %, 65 % et 40 %
en fonction de leur profil génétique. De plus, cette signature
génétique permettait d’identifier deux groupes de tumeurs RE+
dont l’évolution était très différente (18). Enfin, une équipe
anglaise a publié une étude de faisabilité d’analyse de l’expres-
sion génique sur des puces à 7 600 gènes de prélèvements
obtenus par cytoponction avant et après un cycle de chimiothé-
rapie néoadjuvante, pour pouvoir prédire l’absence ou non de
réponse à la chimiothérapie (19). Certains gènes candidats ont
été identifiés.
L’augmentation quasi exponentielle des publications
et des travaux sur ce thème avec des résultats ini-
tiaux très prometteurs laisse espérer l’identification
de marqueurs pronostiques beaucoup plus perfor-
mants pour adapter les indications des traitements adjuvants ou
néoadjuvants.
Actuellement, il faut en rester aux critères des consen-
sus de Saint-Gallen 2001 ou du NIH 2000.
uPA et PAI-1
L’uPA (urokinase-type Plasminogen Activator) et le PAI-1
(Plasminogen Activator Inhibitor) sont des facteurs pronos-
tiques reconnus. Le groupe des récepteurs et des biomarqueurs
de l’EORTC a repris l’ensemble des données de 18 centres
ayant mesuré les taux d’uPA et de PAI-1 chez 8 377 patientes.
En analyse multivariée, ces deux marqueurs, en dehors du sta-
tut ganglionnaire, avaient la valeur pronostique la plus forte
(20). Chez les patientes présentant un cancer du sein N- ne
recevant pas de chimiothérapie adjuvante, l’association repré-
sente le meilleur facteur prédictif de survie sans récidive et de
survie globale. L’association de ces deux facteurs permettrait
d’adapter la décision de la thérapeutique adjuvante (21).
EGF-R et HER2
Il existe des circuits de signalisation aberrants de l’EGF-R et
de HER2 dans un certain nombre de tumeurs mammaires, ainsi
que des interrelations entre ces différents circuits, d’où la pers-
pective d’approches combinées. Iressa®, inhibiteur de la tyro-
sine kinase bloquant la voie de l’EGF, inhibe aussi la crois-
sance in vitro et in vivo des cellules tumorales surexprimant
HER2 (22). Différentes études semblent démontrer qu’il existe
des interrelations étroites entre les circuits des récepteurs aux
facteurs de croissance (EGF et HER2) et celui des récepteurs
aux estrogènes. Cela pourrait contribuer à l’hormonorésis-
tance. Sur un modèle de xénogreffe de tumeur mammaire
humaine surexprimant HER2 (MCF7/HER2-18), la surexpres-
sion de HER2 augmente les propriétés agonistes du tamoxi-
fène, entraînant une stimulation de la croissance tumorale
selon un mécanisme de résistance de novo (23). À l’inverse, la
privation estrogénique inhibe la croissance tumorale, mais une
résistance se développe en 2 à 3 mois. Iressa®est peu actif en
cas de stimulation estrogénique, alors qu’il inhibe complète-
ment la croissance des tumeurs surexprimant HER2 stimulées
par le tamoxifène. De plus, Iressa®semble retarder l’apparition
du phénomène de résistance à la déprivation estrogénique. Ces
résultats amènent à tester en clinique l’association d’Iressa®à
un traitement hormonal. De plus, l’administration de tamoxi-
fène chez des patientes préménopausées présentant une tumeur
RO+ et HER2+ pourrait être délétère.
COX-2
Une surexpression de COX-2 a été observée dans 37 % des
tumeurs du sein sur une série de 1 576 cas (24). Cette surex-
pression était associée à un plus mauvais pronostic. Un médi-
cament anti-COX-2 comme le célécoxib a montré un effet
antitumoral sur des modèles animaux de tumeurs surexprimant
COX-2, donnant un rationnel pour des essais cliniques utilisant
des anti-COX-2 dans le traitement adjuvant (25).
CHIRURGIE-RADIOTHÉRAPIE
Les résultats avec un suivi de 25 ans de l’essai B04 du NSABP
ont été publiés dans le New England Journal of Medicine (26).
Cet essai comparait, chez 1 079 patientes sans atteinte gan-
glionnaire clinique, une mastectomie radicale de type Halsted
à une mastectomie simple sans curage axillaire mais avec une
irradiation postopératoire ou à une mastectomie simple sans
curage ni radiothérapie. Chez 586 patientes avec une atteinte
ganglionnaire clinique, la mastectomie de type Halsted était
comparée à la mastectomie simple sans curage mais avec
radiothérapie. La survie globale n’était pas différente en fonc-
tion des bras de traitement. Le taux de récidive locale était
moindre dans les bras avec radiothérapie, mais sans diffé-
rences dans les taux de métastase à distance ou locorégionale.
Cet essai avait déjà démontré l’absence d’intérêt d’une chirur-
gie mutilante de type Halsted, et ne montre pas non plus de
bénéfice de la radiothérapie sur la survie chez des patientes ne
recevant pas de traitement adjuvant. L’essai B06 du NSABP
est également publié avec 20 ans de suivi (27). Il comparait,
chez 1 851 patientes, la mastectomie à la tumorectomie seule
ou à la tumorectomie suivie de radiothérapie. Le taux de réci-
dive locale après tumorectomie était de 39,2 % sans radiothé-
rapie et de 14,3 % avec radiothérapie ; il n’y a aucune diffé-
rence en survie globale ni en survie sans métastase entre les
trois bras.
Dans le même numéro du New England Journal of Medicine,
Veronesi publie le suivi à 20 ans d’un essai comparant la
chirurgie de type Halsted à la quadrantectomie et à la radiothé-
r
é
f
l
e
x
i
o
n
action
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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002
rapie pour des tumeurs de moins de 2 cm (28). Les taux de
récidive locale sont de 2,3 % et 8,8 % respectivement
(p < 0,001), sans aucune différence en survie globale, confir-
mant bien l’absence d’intérêt de la chirurgie radicale.
La date de la chirurgie en fonction des périodes du cycle mens-
truel a fait l’objet de plusieurs articles contradictoires. Une
nouvelle publication ne retrouve pas d’effet de la date de la
chirurgie sur le pronostic (29). En fait, il s’agit encore d’une
étude rétrospective et, à l’heure actuelle, il n’existe pas d’argu-
ments suffisants pour décider de la date de la chirurgie en
fonction du cycle (30).
Une étude anglo-canadienne a comparé une irradiation mam-
maire après tumorectomie chez 1 234 patientes selon un
schéma délivrant 42,5 Gy en 16 fractions et 22 jours à un pro-
tocole classique de 50 Gy en 25 fractions et 35 jours (31).
Après un suivi de 69 mois, les résultats esthétiques, en survie
globale et en récidive locale sont identiques, laissant espérer
un raccourcissement de l’irradiation subie par les patientes du
temps passé par les patientes en cours d’irradiation.
TRAITEMENT ADJUVANT
Hormonothérapie
L’analyse intermédiaire de l’essai ATAC a été publiée dans
The Lancet (2). Il s’agit de la première publication concernant
le rôle potentiel d’un inhibiteur de l’aromatase de 3egénération
dans le traitement adjuvant des cancers du sein chez la femme
ménopausée. Cet essai international, randomisé en double
aveugle avec placebo, compare le traitement standard par
tamoxifène 5 ans versus 5 ans d’anastrozole versus 5 ans d’une
association tamoxifène-anastrozole. L’essai a débuté en juillet
1996 et a inclus 9 366 femmes ménopausées ayant des récep-
teurs hormonaux positifs ou inconnus. Le suivi médian est de
33,3 mois. Une différence en survie sans maladie a été détec-
tée en faveur du bras anastrozole seul (RR 0,83 % ; IC 95 %
0,71-0,96 ; p = 0,013) (figure 1). Il n’a pas été observé de dif-
férence en survie sans maladie entre le tamoxifène et l’associa-
tion (p = 0,77). Les données en survie ne sont pas encore
connues. Le profil de tolérance est différent entre le tamoxi-
fène et l’anastrozole (tableau II). Ces résultats préliminaires,
très prometteurs, ont entraîné de nombreuses discussions, et le
dilemme est de savoir si ces résultats justifient de modifier
notre standard d’hormonothérapie adjuvante à l’heure actuelle.
Un panel de l’ASCO s’est réuni en janvier 2002, et les recom-
mandations ont été publiées en août dans le Journal of Clinical
Oncology (32). Les principales réticences à utilisation de
l’anastrozole en hormonothérapie standard sont dues essentiel-
lement au fait que l’on ne connaît pas les effets à long terme de
l’anastrozole, que la durée optimale d’administration n’est pas
déterminée, et qu’il est nécessaire d’attendre les résultats des
études séquentielles en cours (tamoxifène puis inhibiteur de
l’aromatase, ou la séquence inverse).
Le tamoxifène administré pendant 5 ans reste le
standard en hormonothérapie adjuvante. L’anastro-
zole ne peut être préconisé qu’en cas de contre-indi-
cation absolue au tamoxifène (accident thromboem-
bolique) ou lorsque la tumeur s’est développée sous traitement
par tamoxifène ou raloxifène.
Chimiothérapie
Étude du BCIRG : TAC (Taxotere®-adriamycine-cyclo-
phosphamide) versus FAC (5-FU-adriamycine-cyclophos-
phamide)
Dans cette étude, 1 491 patientes présentant une tumeur du
sein avec envahissement ganglionnaire ont été randomisées (3,
33). Six cycles de FAC (500-50-500) ou de TAC (75-50-500)
étaient administrés toutes les 3 semaines. Avec 3 ans de recul,
le bras TAC démontre une amélioration significative de la sur-
vie sans rechute avec une réduction du risque de récidives de
32 % (p = 0,0011). Pour la survie globale, il existe une diminu-
tion du risque de décès (24 %), mais non significative
(p = 0,11). L’avantage du bras avec Taxotere®est significatif
pour les patientes ayant moins de 4 ganglions envahis
(p = 0,0011), alors qu’il n’apparaît pas chez les patientes ayant
plus de 4 N+. Dans la population RH-, le risque de récidive est
réduit de 38 % (p = 0,005). Mais il est également démontré
dans la population RH+ : diminution du risque de 32 %
CANCERS DU SEIN
Anastrozole Tamoxifène p
Bouffées de chaleur 34,3 39,7 < 0,0001
Myalgies arthralgies 27,8 21,3 < 0,0001
Prise de poids 9,2 11 0,0207
Fractures 5,9 3,7 0,0001
Saignement vaginal 4,5 8,2 < 0,0001
Leucorrhée 2,8 11,4 < 0,0001
Cancer de l’endomètre 0,1 0,5 0,0267
Accidents ischémiques cérébraux 1,0 2,1 0,0006
Accidents veineux thromboemboliques 2,1 3,5 0,0006
Tableau II. Effets secondaires dans l’étude ATAC (résultats en pour-
centage de patientes).
action
Proportion de patientes
en vie sans récidive (%)
Proportion de patientes
en vie sans récidive (%)
Anastrozole (A)
Tamoxifène (T)
Combination (C)
Temps avant 1er événement (mois)
Temps avant 1er événement (mois)
p = 0,013 (A/T)
p = 0,8 (C/T)
p = 0,006 (A/C)
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
20
15
10
5
0
061218 24 30 36 42
061218 24 30 36 4
2
Figure 1. Survie sans récidive de l’essai ATAC.
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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002
(p = 0,02). Il faut noter que 69 % des patientes étaient RH+ et
qu’une aménorrhée est survenue plus fréquemment dans le
bras TAC que dans le bras FAC (51,4 % versus 32,8 %,
p<0,05), ce qui a pu contribuer à l’effet positif du TAC dans
cette population de patientes. La toxicité hématologique a été
plus fréquente dans le bras TAC, avec des différences signifi-
catives en ce qui concerne l’incidence des neutropénies de
grades 3-4, des neutropénies fébriles et des anémies de
grades 3-4. Le bénéfice clinique précoce observé avec le bras
TAC est suffisamment important pour représenter un bénéfice
clinique dans le traitement adjuvant des cancers du sein N+.
Un suivi supplémentaire est nécessaire pour confirmer l’inté-
gration du TAC dans cette population de patientes.
Taxotere®, sur la base de ce seul essai, ne peut être
considéré comme un traitement standard dans la chi-
miothérapie adjuvante du cancer du sein avec
atteinte ganglionnaire, et a fortiori encore moins chez
les patientes N-, pour lesquelles aucune étude n’a montré son effi-
cacité. Les essais prospectifs randomisés doivent être poursuivis.
L’équipe du MD Anderson a publié les résultats préliminaires
de l’étude randomisée comparant 4 cycles de paclitaxel +
4cycles de FAC (Pac/FAC) à 8 cycles de FAC chez
524 patientes (34). Dans cette étude, les patientes pouvaient
recevoir les 4 premiers cycles en situation néoadjuvante : les
résultats de la partie néoadjuvante ont été présentés antérieure-
ment. Avec un suivi médian de 60 mois (5-89), 92 patientes ont
rechuté. La survie sans récidive estimée à 48 mois est de 83 %
dans le bras FAC et de 86 % dans le bras Pac/FAC ; cette diffé-
rence n’est pas statistiquement significative (p = 0,09). Les
données en survie sont trop préliminaires pour permettre une
évaluation appropriée de l’impact du paclitaxel sur la mortalité.
Biphosphonates
Un essai randomisé en double aveugle multicentrique a étudié
le clodronate administré per os en adjuvant pendant 2 ans
contre placebo chez 1 069 patientes opérées pour un cancer du
sein et recevant un traitement standard (chirurgie et, si indi-
quées, radiothérapie, chimiothérapie et hormonothérapie). La
survenue de métastases osseuses a été réduite, mais cette
réduction n’est significative que pendant de la période de prise
du traitement (35). Le taux de métastases non osseuses est le
même quel que soit le bras de traitement, et pourtant, on
observe une réduction de la mortalité globale dans le bras avec
clodronate (p = 0,047) (tableau III). Il s’agit donc du troi-
sième essai posant la question de la prévention des métastases
osseuses chez les patientes présentant un cancer du sein à haut
risque métastatique. Deux essais suggèrent donc un bénéfice
de l’utilisation d’un biphosphonate oral (35, 36),tandis que le
troisième suggère une augmentation du risque de métastases à
distance (37). Cependant, l’essai de Saarto n’était pas réalisé
en double aveugle et présentait un effectif plus faible, ainsi
qu’un déséquilibre entre les deux bras concernant les récep-
teurs hormonaux. Le rôle des biphosphonates en adjuvant et
leur utilisation sur de plus longues périodes seront mieux pré-
cisés par des essais plus importants (NSABP B-34).
TRAITEMENT NÉOADJUVANT
L’essai du groupe d’Aberdeen a été publié. Il s’agit d’un
essai randomisé comparant 8 cycles de CVAP (cyclophospha-
mide, vincristine, doxorubicine, prednisone) à 4 cycles de
CVAP suivis de 4 cycles de Taxotere®(38). Le but de cet essai
était de déterminer si l’introduction de Taxotere®dans le proto-
cole de chimiothérapie néoadjuvante entraînerait un bénéfice
en survie chez les patientes présentant une tumeur du sein non
accessible à un traitement conservateur ou localement avancée.
Des patientes présentant une tumeur du sein classée T2
>4cm, T3 ou T4 ont reçu 4 cycles de CVAP. Après évalua-
tion de la réponse clinique, les patientes ayant une réponse par-
tielle ou une réponse complète étaient randomisées entre
4cycles supplémentaires de CVAP et 4 cycles de Taxotere®.
Celles qui ne répondaient pas aux 4 premières cures de CVAP
recevaient systématiquement 4 cycles de Taxotere®. Cent
soixante-sept patientes ont été incluses dans l’étude ; 162
étaient éligibles ; 104 ont présenté une réponse et ont été ran-
domisées. Le suivi médian est de 38 mois (24-56). Les taux de
réponse clinique et histologique ont été significativement supé-
rieurs dans le bras Taxotere®(tableaux IV et V) Les données
de survie ont été présentées à San Antonio (39). Une chimio-
thérapie néoadjuvante avec Taxotere®suivant un traitement par
anthracyclines entraîne une meilleure survie sans récidive et
une meilleure survie globale par comparaison au groupe rece-
vant le protocole avec anthracyclines (tableau VI). De plus, il
y a eu moins de réductions de doses dans le groupe avec Taxo-
tere®que dans le groupe CVAP, en raison de la survenue
moins fréquente d’épisodes de neutropénie de grades 3 et 4.
La présentation des résultats de la chimiothérapie néoadju-
vante du NSABP B-27 a eu lieu à San Antonio en décembre
2001 (40). Dans cet essai, entre 1995 et 2000, 2 411 patientes
ont été randomisées entre trois bras de traitement : (I) 4 AC
(adriamycine 60 mg/m2, cyclophosphamide 600 mg/m2) puis
chirurgie, (II) 4 AC plus 4 cycles de Taxotere®(100 mg/m2)
puis chirurgie, (III) 4 AC, chirurgie puis 4 cycles de Taxotere®.
L’addition de Taxotere®a augmenté le taux de réponse cli-
nique objective de 60 % et le taux de réponse complète histo-
logique de 87 % (résultat significatif) et a diminué l’atteinte
ganglionnaire de 15 % (tableau VII). Le bénéfice est identique
quel que soit le statut hormonal de la tumeur. La toxicité est
augmentée dans le bras Taxotere®, et 15 % des patientes n’ont
pu recevoir l’ensemble des 4 cycles de Taxotere®. L’analyse
finale permettra de déterminer si ce bénéfice en réponse se
traduit par un bénéfice en survie et de déterminer quel
sous-groupe de patientes bénéficierait le plus de l’apport de
Taxotere®.
Clodronate Placebo p
Métastases osseuses pendant le suivi 63 80 0,127
Métastases osseuses pendant la prise 12 28 0,016
Métastases non osseuses 112 128 0,257
Mortalité 98 129 0,047
Tableau III. Clodronate versus placebo en adjuvant.
action
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