Soins libéraux 15:57 Page 36 Soins Libéraux Incontinence urinaire (fuites) Plus de deux millions et demi de femmes concernées L’incontinence urinaire féminine a longtemps été un sujet tabou. Ce qui, au départ, est une simple gêne à l’effort, devient souvent un trouble handicapant majeur. Une bonne rééducation peut en venir à bout, ainsi que certains médicaments. © GARO/PHANIE 36 23/02/04 P our qu’une continence urinaire soit correcte, il est nécessaire d’avoir une anatomie conservée, c’est-à-dire un appareil sphinctérien fonctionnel et une commande efficace. La vessie doit être souple, distensible et de contenance correcte. La continence, lorsque la vessie est anatomiquement normale, dépend essentiellement de la pression urétrale qui doit, dans tous les cas, être supérieure à la pression vésicale, pour éviter les fuites en dehors de la miction. Cette pression urétrale dépend de la paroi musculaire lisse, du sphincter strié et des structures urétrales et péri-urétrales. Lors de l’effort, cette pression doit être augmentée pour éviter toute perte d’urine : c’est possible grâce à une contraction du sphincter strié, à la contraction du releveur de l’anus Professions Santé Infirmier Infirmière N° 52 • janvier-février 2004 qui aboutit à un renforcement du plancher vésical. L’incontinence urinaire ne doit pas être confondue ni avec l’énurésie (perte involontaire d’urine pendant le sommeil) ni avec l’impétuosité mictionnelle (miction involontaire lors d’une envie d’uriner trop pressante). L’incontinence urinaire elle-même présente deux formes : elle peut être permanente ou ne survenir qu’à l’effort. Suivant la classification de l’Anaes, il est décrit deux principaux types d’incontinence urinaire : – L’incontinence urinaire liée à l’effort (toux, sport, éternuement) résulte d’un problème mécanique lié à une insuffisance sphinctérienne. – L’incontinence liée à une hyperactivité vésicale se manifeste par des envies pressantes (impériosités) que l’on ne peut réprimer. La vessie se contracte trop tôt. Cette catégorie d’incontinence urinaire regroupe également l’hyperréflexie vésicale, classée dans les incontinences neurogènes. L’incontinence urinaire mixte est l’association d’une incontinence d’effort et d’une incontinence par vessie instable. Quand il n’est pas retrouvé d’étiologie précise, c’est une incontinence psychogène ou idiopathique. Différencier l’origine Cette classification anatomo-physiologique permet de différencier les incontinences. Quand, faute d’une compliance vésicale suffisante, des fuites apparaissent, elles peuvent avoir pour origine, par exemple, une fibrose qui peut être due à l’âge, à des infections récurrentes ou à une maladie neurologique. Une vessie efficace doit encore se trouver dans un environnement pelvien favorable. Toute tumeur, toute intervention chirurgicale gynécologique est susceptible de modifier cet environnement, et donc d’amener des fuites. Il en est de même lorsqu’il existe une atteinte du système nerveux central ou du système nerveux autonome. Une infection urinaire, un polype ou un calcul dans la vessie, une inflammation vaginale peuvent également être cause d’incontinence. En France, plus de 2,5 millions de femmes seraient atteintes, soit 2 à 3 % d’incidence annuelle. Cette pathologie entraîne plus de 250 000 consultations médicales annuelles avec un coût (y compris les frais annexes) estimé par la Société française d’urologie entre 200 et 500 millions d’euros par an. Diagnostic, bilan Le diagnostic doit s’attacher à poursuivre la classification liée à l’interrogatoire, à savoir instabilité vésicale ou d’effort. Ensuite, il convient d’évaluer la gêne sur la vie courante. L’examen clinique s’effectue, vessie à demi remplie, afin de rechercher les lésions organiques et les troubles neurologiques éventuels (étude de la sensibilité et des réflexes périnéaux). On peut s’aider de la manœuvre de Bonney qui, repositionnant au doigt la jonction urétrovésicale, fait disparaître une incontinence d’effort. Un sondage permet de vérifier la perméabilité urétrale, et un ECBU, l’absence d’infection sous-jacente. Soins libéraux 23/02/04 15:57 Page 37 Soins Libéraux Les examens complémentaires Les examens complémentaires sont plus souvent utiles dans le cadre du bilan thérapeutique que diagnostique. La débitmétrie ou exploration urodynamique permet de mesurer la compliance sphinctérienne. En cas d’insuffisance, cette exploration pourra être complétée par une analyse électrique du sphincter, ou électromyogramme. L’échographie, les explorations gynécologique et urinaire servent alors essentiellement à éliminer une pathologie autre. Rééducation et chirurgie En cas d’insuffisance sphinctérienne ou d’incontinence d’effort, la rééducation périnéale est efficace. Elle trouve ses indications en pré-partum chez les femmes à risque, à savoir les personnes ayant pris beaucoup de poids, présentant une incontinence en cours de grossesse, ayant une hypotonie musculaire générale, périnéale en particulier. En post-partum, cette rééducation doit être systématique. Elle est également indispensable en cas de prolapsus gynécologique et en cas de constipation opiniâtre. Pratiquée auprès d’un kinésithérapeute habilité, la séance doit comprendre des exercices périnéaux, un biofeedback et une électrostimulation. En cas d’insuffisance du plancher pelvien, il peut être nécessaire de recourir à une intervention chirurgicale. Celle-ci doit toujours faire suite à une rééducation, efficace à elle seule dans plus de 60 % des cas. L’intervention classique consiste à retendre ce qui est distendu. Une intervention plus récente est effectuée sous anesthésie locale, rétablissant cette tension à l’aide de bandelettes dites suédoises (80 à 90 % de bons résultats). Une rééducation postopératoire est là aussi souhaitable. Médicaments Pour corriger une vessie instable afin de diminuer ses contractions anarchiques, il faut agir sur le détru- sor (muscle vésical). Les anticholinergiques constituent la classe thérapeutique de référence de cette hyperactivité. Ils agissent par diminution des contractions vésicales, d’où une réduction de la pression intravésicale et une augmentation de la capacité vésicale fonctionnelle. Cependant, compte tenu d’effets indésirables fréquents (sécheresse de la bouche, constipation, tachycardie, troubles de l’accommodation, etc.), les patients cessent assez rapidement ce type de traitement. Un nouvel anticholinergique à base chlorure de trospium, nouvellement remboursé par la Sécurité sociale, semble se montrer tout aussi efficace et surtout intéressant par l’apparition d’effets indésirables moindres, donc par une meilleure compliance. Ces médicaments servent, d’une part, à améliorer le confort de la patiente (disparition des fuites et du besoin pressant d’uriner), d’autre part, à empêcher la vessie de se déformer et les reins de se dilater, engendrant de graves complications. Un traitement bien conduit, après un diagnostic précis, doit faire disparaître cette pathologie quand elle en est encore au stade de gêne sans attendre que le handicap devienne invalidant. Certains de ces traitements concernent également les hommes, qui souffrent aussi d’incontinence, avec pour origine des causes différentes. Jacques Bidart Pour plus d’informations : AAPI (association d’aide aux personnes incontinentes) 92100 Boulogne : [email protected] Tél. : 01 46 99 18 99 www.orpha.net/associations/AAPI La débitmétrie urinaire ✓ Indications et principe La débitmétrie urinaire sert essentiellement à rechercher les causes d’une dysurie (sensation douloureuse à l’émission des urines), retrouver l’origine de résistance à l’écoulement des urines, qualifier une incontinence urinaire. La miction du patient est enregistrée à l’aide d’un débitmètre par disque rotatif ou par technique électromagnétique. Il s’agit de faire boire un litre et demi d’eau à la patiente, une heure avant l’examen, et de lui donner ensuite la possibilité d’uriner avec le débitmètre lorsqu’elle le souhaite. ✓ Résultats On étudie la courbe de débit en fonction du temps. On apprécie quatre paramètres : – le débit maximum, – le temps de miction, – le débit moyen, – le temps de débit maximum. • Un Dmax (débit maximum) inférieur à 10 ml/s signifie 90 % d’obstruction. • Un Dmax compris entre 10 et 15 ml/s : 50 % d’obstruction. • Un Dmax supérieur à 15 ml/s : moins de 10 % d’obstruction Le volume urinaire doit être supérieur à 150 ml pour que l’examen soit interprétable. Pour que le test soit fiable, plusieurs courbes de débitmétrie doivent être réalisées chez le même patient. Les résultats des courbes sont à interpréter en fonction de l’âge et du sexe de la personne testée. En dehors de son relatif intérêt diagnostique, la débitmétrie permet de suivre les résultats des thérapeutiques engagées, qu’elles soient médicales ou chirurgicales. L’examen est hors nomenclature et ne peut donc être pris en charge qu’en milieu hospitalier. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 52 • janvier-février 2004 37