P
our qu’une continence uri-
naire soit correcte, il est
nécessaire d’avoir une ana-
tomie conservée, c’est-à-dire un
appareil sphinctérien fonctionnel et
une commande efficace. La vessie
doit être souple, distensible et de
contenance correcte. La conti-
nence, lorsque la vessie est anato-
miquement normale, dépend
essentiellement de la pression uré-
trale qui doit, dans tous les cas, être
supérieure à la pression vésicale,
pour éviter les fuites en dehors de
la miction. Cette pression urétrale
dépend de la paroi musculaire lisse,
du sphincter strié et des structures
urétrales et péri-urétrales. Lors de
l’effort, cette pression doit être aug-
mentée pour éviter toute perte
d’urine : c’est possible grâce à une
contraction du sphincter strié, à la
contraction du releveur de l’anus
qui aboutit à un renforcement du
plancher vésical. L’incontinence uri-
naire ne doit pas être confondue ni
avec l’énurésie (perte involontaire
d’urine pendant le sommeil) ni
avec l’impétuosité mictionnelle
(miction involontaire lors d’une
envie d’uriner trop pressante). L’in-
continence urinaire elle-même pré-
sente deux formes : elle peut être
permanente ou ne survenir qu’à
l’effort.
Suivant la classification de l’Anaes, il
est décrit deux principaux types
d’incontinence urinaire :
L’incontinence urinaire liée à l’ef-
fort (toux, sport, éternuement)
résulte d’un problème mécanique
lié à une insuffisance sphinctérienne.
L’incontinence liée à une hyper-
activité vésicale se manifeste par
des envies pressantes (impériosi-
tés) que l’on ne peut réprimer. La
vessie se contracte trop tôt. Cette
catégorie d’incontinence urinaire
regroupe également l’hyperréflexie
vésicale, classée dans les inconti-
nences neurogènes.
L’incontinence urinaire mixte est
l’association d’une incontinence
d’effort et d’une incontinence par
vessie instable.
Quand il n’est pas retrouvé d’étiolo-
gie précise, c’est une incontinence
psychogène ou idiopathique.
Différencier l’origine
Cette classification anatomo-phy-
siologique permet de différencier
les incontinences. Quand, faute
d’une compliance vésicale suffi-
sante, des fuites apparaissent,
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 52 • janvier-février 2004
elles peuvent avoir pour origine,
par exemple, une fibrose qui peut
être due à l’âge, à des infections
récurrentes ou à une maladie neu-
rologique. Une vessie efficace doit
encore se trouver dans un envi-
ronnement pelvien favorable.
Toute tumeur, toute intervention
chirurgicale gynécologique est
susceptible de modifier cet envi-
ronnement, et donc d’amener des
fuites. Il en est de même lorsqu’il
existe une atteinte du système
nerveux central ou du système
nerveux autonome.
Une infection urinaire, un polype ou
un calcul dans la vessie, une inflam-
mation vaginale peuvent également
être cause d’incontinence.
En France, plus de 2,5 millions de
femmes seraient atteintes, soit 2 à
3 % d’incidence annuelle. Cette
pathologie entraîne plus de
250 000 consultations médicales
annuelles avec un coût (y compris
les frais annexes) estimé par la
Société française d’urologie entre
200 et 500 millions d’euros par an.
Diagnostic, bilan
Le diagnostic doit s’attacher à pour-
suivre la classification liée à l’interro-
gatoire, à savoir instabilité vésicale
ou d’effort. Ensuite, il convient d’éva-
luer la gêne sur la vie courante.
L’examen clinique s’effectue, vessie
à demi remplie, afin de rechercher
les lésions organiques et les
troubles neurologiques éventuels
(étude de la sensibilité et des
réflexes périnéaux). On peut s’aider
de la manœuvre de Bonney qui,
repositionnant au doigt la jonction
urétrovésicale, fait disparaître une
incontinence d’effort. Un sondage
permet de vérifier la perméabilité
urétrale, et un ECBU, l’absence d’in-
fection sous-jacente.
Soins Libéraux
36
Incontinence urinaire (fuites)
Plus de deux millions et demi
de femmes concernées
L’incontinence urinaire féminine a longtemps été un sujet tabou.
Ce qui, au départ, est une simple gêne à l’effort, devient souvent
un trouble handicapant majeur. Une bonne rééducation peut en
venir à bout, ainsi que certains médicaments.
© GARO/PHANIE
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Les examens complémentaires
Les examens complémentaires
sont plus souvent utiles dans le
cadre du bilan thérapeutique que
diagnostique. La débitmétrie ou
exploration urodynamique permet
de mesurer la compliance sphincté-
rienne. En cas d’insuffisance, cette
exploration pourra être complétée
par une analyse électrique du
sphincter, ou électromyogramme.
L’échographie, les explorations
gynécologique et urinaire servent
alors essentiellement à éliminer
une pathologie autre.
Rééducation et chirurgie
En cas d’insuffisance sphinctérienne
ou d’incontinence d’effort, la réédu-
cation périnéale est efficace. Elle
trouve ses indications en pré-par-
tum chez les femmes à risque, à
savoir les personnes ayant pris
beaucoup de poids, présentant une
incontinence en cours de grossesse,
ayant une hypotonie musculaire
générale, périnéale en particulier. En
post-partum, cette rééducation doit
être systématique. Elle est égale-
ment indispensable en cas de pro-
lapsus gynécologique et en cas de
constipation opiniâtre. Pratiquée
auprès d’un kinésithérapeute habi-
lité, la séance doit comprendre des
exercices périnéaux, un biofeedback
et une électrostimulation.
En cas d’insuffisance du plancher
pelvien, il peut être nécessaire de
recourir à une intervention chirurgi-
cale. Celle-ci doit toujours faire suite à
une rééducation, efficace à elle seule
dans plus de 60 % des cas. L’inter-
vention classique consiste à retendre
ce qui est distendu. Une intervention
plus récente est effectuée sous anes-
thésie locale, rétablissant cette ten-
sion à l’aide de bandelettes dites
suédoises (80 à 90 % de bons
résultats). Une rééducation postopé-
ratoire est là aussi souhaitable.
Médicaments
Pour corriger une vessie instable
afin de diminuer ses contractions
anarchiques, il faut agir sur le détru-
sor (muscle vésical). Les anticholi-
nergiques constituent la classe thé-
rapeutique de référence de cette
hyperactivité. Ils agissent par dimi-
nution des contractions vésicales,
d’où une réduction de la pression
intravésicale et une augmentation
de la capacité vésicale fonction-
nelle. Cependant, compte tenu
d’effets indésirables fréquents
(sécheresse de la bouche, consti-
pation, tachycardie, troubles de l’ac-
commodation, etc.), les patients
cessent assez rapidement ce type
de traitement. Un nouvel anticholi-
nergique à base chlorure de tros-
pium, nouvellement remboursé par
la Sécurité sociale, semble se mon-
trer tout aussi efficace et surtout
intéressant par l’apparition d’effets
indésirables moindres, donc par
une meilleure compliance. Ces
médicaments servent, d’une part, à
améliorer le confort de la patiente
(disparition des fuites et du besoin
pressant d’uriner), d’autre part, à
empêcher la vessie de se déformer
et les reins de se dilater, engen-
drant de graves complications.
Un traitement bien conduit, après un
diagnostic précis, doit faire dispa-
raître cette pathologie quand elle en
est encore au stade de gêne sans
attendre que le handicap devienne
invalidant. Certains de ces traite-
ments concernent également les
hommes, qui souffrent aussi d’incon-
tinence, avec pour origine des
causes différentes.
Jacques Bidart
Pour plus d’informations : AAPI (association
d’aide aux personnes incontinentes)
92100 Boulogne : [email protected]
Tél. : 01 46 99 18 99
www.orpha.net/associations/AAPI
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 52 • janvier-février 2004
Soins Libéraux 37
La débitmétrie urinaire
Indications et principe
La débitmétrie urinaire sert essentiellement à rechercher les
causes d’une dysurie (sensation douloureuse à l’émission des
urines), retrouver l’origine de résistance à l’écoulement des
urines, qualifier une incontinence urinaire.
La miction du patient est enregistrée à l’aide d’un débitmètre par
disque rotatif ou par technique électromagnétique. Il s’agit de faire
boire un litre et demi d’eau à la patiente, une heure avant l’examen,
et de lui donner ensuite la possibilité d’uriner avec le débitmètre
lorsqu’elle le souhaite.
Résultats
On étudie la courbe de débit en fonction du temps. On apprécie
quatre paramètres :
– le débit maximum,
– le temps de miction,
– le débit moyen,
– le temps de débit maximum.
Un Dmax (débit maximum) inférieur à 10 ml/s signifie 90 % d’obs-
truction.
Un Dmax compris entre 10 et 15 ml/s : 50 % d’obstruction.
Un Dmax supérieur à 15 ml/s : moins de 10 % d’obstruction
Le volume urinaire doit être supérieur à 150 ml pour que l’examen
soit interprétable. Pour que le test soit fiable, plusieurs courbes de
débitmétrie doivent être réalisées chez le même patient. Les
résultats des courbes sont à interpréter en fonction de l’âge et du
sexe de la personne testée.
En dehors de son relatif intérêt diagnostique, la débitmétrie per-
met de suivre les résultats des thérapeutiques engagées, qu’elles
soient médicales ou chirurgicales. Lexamen est hors nomenclature
et ne peut donc être pris en charge qu’en milieu hospitalier.
Soins libéraux 23/02/04 15:57 Page 37
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