
412 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 8 - octobre 2009
Traitements médicaux des cancers féminins et sexualité
DOSSIER THÉMATIQUE
Sexualité et cancers féminins
C’est l’approche tentée par S.R. Burwell et al. chez
209 patientes de moins de 50 ans, sexuellement
actives, dont seulement 28 % avaient reçu un traite-
ment hormonal (8). Les patientes étaient soumises
à un questionnaire rétrospectif tentant d’établir leur
fonctionnement sexuel avant le diagnostic, puis à
un questionnaire 6 semaines, 6 mois et 1 an après
l’intervention. Une chimiothérapie avait été admi-
nistrée à 56 % d’entre elles. Une détérioration nette
de la fonction sexuelle a été observée à 6 semaines
et à 6 mois, sur les quatre principaux paramètres
retenus (intérêt, excitation, relaxation et orgasme).
À 1 an, on observe une tendance nette à la récupé-
ration. L’analyse multivariée des facteurs associés
à ces variations du fonctionnement sexuel donne
deux enseignements majeurs. En premier lieu, les
éléments très personnels, comme le fonctionne-
ment avant le diagnostic, l’état général physique et
social, et la perception de sa propre séduction sont
fondamentaux. Parallèlement, la chimiothérapie
est un cofacteur puissant d’altération de la fonction
sexuelle, mais très bref et essentiellement pertinent
pendant les 6 premiers mois. Après 6 mois, l’effet
propre de la chimiothérapie a disparu. Une étude
plus récente menée par l’équipe du Memorial Sloan-
Kettering Cancer Center (New York) et portant sur
92 patientes a tenté de différencier les effets respec-
tifs des différents traitements sur la sexualité (9).
Plus de 80 % des patientes de cette étude disaient
éprouver une forme ou une autre de dysfonction
sexuelle, mais, en définitive, la part attribuable à la
chimiothérapie reste là encore assez floue, avec des
niveaux identiques de gêne sexuelle sévère en cas de
chimiothérapie (48 %) et d’hormonothérapie (46 %).
Hormonothérapie
L’effet spécifique de la chimiothérapie est donc assez
difficile à isoler, et il se confond certainement avec
les effets endocriniens, ainsi qu’avec les effets des
traitements hormonaux, eux-mêmes fréquemment
associés à la chimiothérapie.
Le tamoxifène reste l’un des traitements hormo-
naux les plus prescrits. Nous disposons d’une expé-
rience originale dans l’indication de “prévention” des
cancers du sein reconnue aux États-Unis à la suite
des essais du NSABP P-1 et P-2 : c’est la seule situa-
tion où le tamoxifène a été administré à des femmes
saines, ne subissant pas en parallèle les autres traite-
ments du cancer du sein. Malheureusement, peu de
données sont disponibles, et les effets vasomoteurs,
plus que sexuels, sont au premier plan des effets
indésirables (4). De manière intéressante, l’essai P-2
rapporte un plus grand nombre de dyspareunies sous
raloxifène. Chez les patientes traitées pour un cancer
du sein par tamoxifène, sans chimiothérapie, peu
d’effets indésirables sexuels sont observés, mais les
cohortes sont anciennes et les outils anciens. Aucune
donnée fiable n’est disponible pour le fulvestrant.
Les récentes études randomisées comparant tamoxi-
fène et IA, conduites avec des études ancillaires de
qualité de vie, sont plus riches d’enseignements.
Trois situations cliniques ont été étudiées avec les
IA et ont apporté des données complémentaires.
Premièrement, les IA ont été comparés au tamoxi-
fène chez des patientes n’ayant pratiquement pas
reçu de chimiothérapie. Au sein de l’étude ATAC
(anastrozole versus tamoxifène), plus de 1 000 des
9 000 patientes incluses ont participé à l’étude de
qualité de vie (10). Au sein de l’étude TEAM (exémes-
tane versus tamoxifène), plus de 700 patientes (soit
28 %) ont participé à l’étude de qualité de vie (11).
Malgré des méthodes d’évaluation et de calcul diffé-
rentes, ces deux études arrivent à une conclusion
similaire : les IA altèrent significativement plus la
fonction sexuelle que le tamoxifène. Cette altération
perdure après 2 ans de traitement pour les patientes
sous exémestane. Elle est, par ailleurs, spécifique :
les scores endocriniens et la qualité de vie globale
ne sont pas différents entre anastrozole et tamoxi-
fène. Ces éléments sont confirmés chez la femme
présentant un cancer du sein avancé (12).
Deuxièmement, les IA, notamment l’exémestane,
ont été testés après 2-3 ans de tamoxifène au sein
de l’étude IES (13). Chez les patientes ayant reçu du
tamoxifène pendant au moins 2 ans, et n’ayant pas
rechuté, les scores de qualité de vie globaux après
cancer du sein (échelle FACT-B) et les scores endo-
criniens ne sont pas différents entre exémestane et
tamoxifène. De même, l’évaluation spécifique de la
fonction sexuelle ne montre pas de différence (14),
au contraire de la comparaison frontale précédem-
ment évoquée (11). Seules les pertes vaginales restent
significativement plus fréquentes avec le tamoxifène.
Enfin, l’étude MA17 a comparé placebo et létrozole
après 5 ans de tamoxifène (15). Aucune différence
significative de qualité de vie entre les deux groupes
n’a été observée. Le létrozole induisait significati-
vement plus de troubles physiques, vasomoteurs
et sexuels (16). L’analyse spécifique des troubles
sexuels mettait en avant essentiellement les compli-
cations physiques (bouffées de chaleur, douleurs et
sécheresse vaginale), mais sans modification de la
peur du regard de l’autre ou du désir (questionnaire
MENQOL) [16].