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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 6, novembre-décembre 2006
Dossier
thématique
Éplérénone
Eplerenone
M.-C. Zennaro*
L
aldostérone est la principale
hormone minéralocorticoïde
chez l’homme. Elle est syn-
thétisée par la zone glomérulée du
cortex surrénalien. L’aldostérone
régule le transport transépithélial
ionique en stimulant la réabsorption
de sodium et l’excrétion de potas-
sium au niveau du tubule distal
rénal, du côlon, des glandes sali-
vaires et sudoripares (1). On sait
maintenant que, en dehors de son
action rénale, l’aldostérone joue un
rôle direct au niveau d’autres tissus,
comme le système cardiovasculaire
et le système nerveux central ; par
ailleurs, des études récentes suggè-
rent un rôle de l’hormone dans la
régulation de la balance énergétique
(figure).
La plupart des effets de l’aldosté-
rone passent par l’intermédiaire
de sa liaison au récepteur minéra-
locorticoïde (MR), qui appartient
à la superfamille des récepteurs
nucléaires (2). Le MR agit comme
un facteur de transcription dépen-
dant de l’hormone en interagis-
sant avec des éléments de réponse
hormonale situés dans les régions
régulatrices des gènes cibles dont
il module la transcription. Dans les
cellules tubulaires distales du rein,
l’aldostérone stimule l’activité de
nombreuses protéines impliquées
dans le transport transépithélial de
sodium, comme la Na/K- ATPase ou
le canal ENaC (revue dans [3, 4]).
L’hormone induit très précocement
l’expression d’une protéine de type
sérine-thréonine-kinase (sgk), qui
stimule directement l’activité du
canal ENaC (5, 6). D’autres gènes
codant pour des protéines impli-
quées dans la réponse cellulaire
à l’aldostérone sont également
activés, comme les proto-onco-
gènes Ki-rasA, P21-ras et fra-2 (7),
CHIF (channel inducing factor)
[8], les aquaporines AQP2 et AQP3
(9, 10), et la protéine GILZ (11).
Enfin, notre laboratoire a démontré
que NDRG2 (N-myc downstream
regulated gene 2) était précocement
induit par l’aldostérone. Bien que la
fonction exacte de NDRG2 ne soit
pas encore identifiée, ces données
suggèrent une implication de la voie
ras dans la signalisation minéralo-
corticoïde (12).
Aldostérone,
MR et pathologie
L’aldostérone et le MR jouent un
rôle fondamental dans la régulation
de la volémie et de la pression arté-
rielle, dont les altérations aboutis-
* Inserm U772, Collège de France, départe-
ment de génétique, hôpital européen Georges-
Pompidou, Paris.
Mots-clés : Aldostérone – Récepteur minéralocorticoïde – Spirono-
lactone – Hypertension artérielle – Insuffisance cardiaque.
Keywords: Aldosterone – Mineralocorticoid receptor – Spironolac-
tone – Hypertension – Heart failure.
Résumé
A
u-delà de son rôle majeur dans la régulation de la pression arté-
rielle, l’aldostérone, ces dernières années, a donné lieu à une
accumulation de données cliniques et expérimentales indiquant
qu’elle exerce des effets cardiovasculaires néfastes indépendants de la
pression artérielle. Laldostérone est également impliqe dans des pro-
cessus ratifs d’organe aux niveaux cardiaque et nal. Deux étu-
des cliniques ont souligné dans ce contexte l’intérêt de l’inhibition du
récepteur minéralocorticoïde, avec desfices majeurs sur la morbi-
mortalité de patients ayant une insuffisance cardiaque sévère ou une
dysfonction ventriculaire gauche post-infarctus aigu du myocarde. Mal-
gré cet intérêt trapeutique, des effets indésirables de nature sexuelle,
plus encore que le risque d’hyperkaliémie, ont limité une utilisation
plus généralisée de la spironolactone, le premier antagoniste minéra-
locorticoïde, notamment dans l’hypertension artérielle. L’éplérénone
est un nouvel antagoniste compétitif de l’aldosrone, qui présente une
action antialdostérone sélective sans induire les effets secondaires anti-
androgéniques et progestatifs observés avec la spironolactone. Dans
cette revue, nous ferons le point sur cette nouvelle molécule et discute-
rons son utilisation en pratique clinique ainsi que quelques aspects plus
fondamentaux qui pourraient justifier son utilisation dans un spectre
plus large d’applications en pathologie cardiovasculaire.
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thématique
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sent à des syndromes de perte de sel
ou d’hypertension artérielle. À côté
de formes rares, monogéniques,
comme le pseudo-hypoaldostéro-
nisme de type 1 (13), l’hyperten-
sion associée à la grossesse (14)
ou l’hypertension hyperkaliémique
familiale (15), l’incidence de l’hy-
peraldostéronisme primaire (HAP)
dans l’hypertension artérielle (HTA)
essentielle est maintenant estimée à
environ 10 %, plutôt que ≤ 1 %, ce
qui souligne le rôle précédemment
méconnu de l’aldostérone dans l’hy-
pertension (16). Par ailleurs, dans
un contexte de statut sodé inap-
proprié, l’aldostérone est capable
d’induire une augmentation de la
pression artérielle par activation de
MR circumventriculaires dans le
système nerveux central, et d’aug-
menter la pression artérielle (17).
L’aldostérone joue aussi un rôle
important dans la régulation de
processus physiologiques dans
des tissus non épithéliaux comme
le cerveau, le cœur, les vaisseaux
et le tissu adipeux (figure). Par
ailleurs, la présence des enzymes
requises pour la biosynthèse miné-
ralocorticoïde dans certains de ces
tissus ainsi que des études menées
chez l’animal suggèrent un rôle
physiopathologique de l’aldos-
térone produite en dehors de la
glande surrénale (18), bien que la
synthèse locale d’aldostérone au
niveau cardiaque reste controversée
(19). Plusieurs études soulignent
les effets délétères de l’aldosté-
rone quand son taux est inapproprié
par rapport au statut sodé (20, 21).
En présence d’un environnement
riche en sel, l’aldostérone entraîne
une réponse vasculaire inflamma-
toire qui conduit à des pathologies
cardiaques et vasculaires (22). L’al-
dostérone agit comme un médiateur
dans certaines pathologies dégé-
nératives comme l’insuffisance
rénale chronique ou le remodelage
artériel ou myocardique, indépen-
damment des effets connus de l’an-
giotensine II ou en synergie avec
eux (23, 24). La vasculopathie liée
à l’aldostérone pourrait être un
élément clé de certaines patholo-
gies cardiovasculaires, participant
ainsi à l’hypertension ou au remo-
delage myocardique secondaire aux
altérations des vaisseaux coronaires.
De nombreuses études suggèrent
l’implication du système rénine-
angiotensine local ainsi que de l’en-
dothéline, de l’oxyde nitrique, des
espèces réactives de l’oxygène et de
l’inflammation dans la signalisation
de l’aldostérone au niveau du cœur
(25). Par ailleurs, les patients avec
HAP présentent des formes plus
vères d’hypertrophie ventriculaire
gauche et d’altération de la fonction
diastolique que les patients avec
HTA essentielle (26), et plus d’évé-
nements cardiaques, notamment
infarctus du myocarde, fibrillation
auriculaire et accidents vasculaires
cérébraux (27). Enfin, nous avons
récemment montré que l’aldosté-
rone, via le MR, était impliquée
dans la différenciation adipocytaire
et la régulation de la balance éner-
gétique (28, 29). Étant donné l’as-
sociation entre HTA et obésité chez
de nombreux sujets, l’aldostérone
et le MR pourraient représenter
des candidats intéressants dans la
pathogese de l’obésité et de ses
complications métaboliques.
Intérêt du traitement
antiminéralocorticoïde
L’activation du système rénine-
angiotensine-aldostérone est asso-
ciée à un résultat thérapeutique
insatisfaisant chez les patients hyper-
tendus et insuffisants cardiaques,
puisque l’activation du système est
fortement corrélée à l’incidence et
à la gravité de l’atteinte dégénéra-
tive d’organe (24). L’aldostérone
participerait directement, ou en
exacerbant les effets de langio-
tensine II, à cette atteinte. Alors
que les inhibiteurs de l’enzyme de
conversion de l’angiotensine (IEC)
ou les antagonistes du récepteur de
type 1 de l’angiotensine II réduisent
initialement les taux d’aldostérone
circulante, la production d’aldosté-
rone échappe à cette régulation lors
d’un traitement chronique chez un
certain nombre de sujets ; on parle
alors de phénomène d’échappement
de l’aldostérone. L’importance de ce
phénomène a été mise en évidence
tout particulièrement lors d’une
étude pilote pour RALES (Rando-
mized Aldactone® Evaluation Study)
[30]. Par conséquent, un blocage de
l’aldostérone est requis pour réduire
le risque de dégénérescence d’or-
gane progressive. L’effet bénéfique
majeur des antagonistes antiminé-
ralocorticoïdes sur la mortalité et la
morbidité associées à l’insuffisance
cardiaque a été démontré récem-
ment par deux études multicentri-
ques randomisées contre placebo :
RALES (31) et EPHESUS (Eple-
renone Post-Acute Myocardial
Infarction Heart Failure Efficacy
and Survival Study) [32]. L’étude
RALES, qui a comparé l’effet de
la spironolactone en complément
d’un traitement classique (incluant
des IEC et des diurétiques) chez des
patients en insuffisance cardiaque
vère, a clairement montré que la
spironolactone diminue le risque
de mortalité de 30 % et l’hospita-
lisation de 35 %. Dans EPHESUS,
l’éplérénone a significativement
diminué la mortalité générale et le
critère combiné “mortalité cardio-
vasculaire ou hospitalisation” chez
des patients ayant subi un infarctus
aigu du myocarde et présentant une
dysfonction ventriculaire gauche
symptomatique. Plus récemment,
il a été montré que l’éplérénone
25 mg/j, en complément d’un traite-
ment conventionnel, réduisait signi-
ficativement la mortalité précoce
post-infarctus aigu du myocarde
chez des patients présentant une
FEVG ≤ 40 % et des signes d’insuf-
fisance cardiaque, quand le traite-
ment était initié dans un intervalle
moyen de 7,3 jours après l’infarctus
(33).
Comme la spironolactone, l’épléré-
none est efficace dans le traitement
de l’HTA. Chez des patients avec
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HTA modérée, l’éplérénone produit
une diminution dose-dépendante de
la pression diastolique et systolique,
avec une efficacité comparable à
celle des IEC ou des antagonistes
calciques. L’éplérénone possède
également des effets protecteurs
d’organe au niveau rénal, puisque
son utilisation diminue de façon
significative la protéinurie aussi bien
chez des patients atteints d’HTA
que chez des patients présentant un
diabète de type 2 (34).
Rationnel
pour le développement
d’un inhibiteur spécifique
et sélectif du MR
Pour la plupart des médicaments
antihypertenseurs, la découverte du
premier représentant d’une nouvelle
classe pharmacologique a été suivie
rapidement par le développement
et l’approbation d’autres composés
possédant le même mécanisme d’ac-
tion, mais des propriétés pharmaco-
cinétiques et pharmacodynamiques
légèrement différentes. Dans le cas
des antiminéralocorticoïdes, il a
fallu attendre plus de 40 ans entre
l’enregistrement de la spironolac-
tone, le premier antagoniste miné-
ralocorticoïde, et l’autorisation de
mise sur le marché de l’éplérénone,
un composé plus sélectif et spéci-
fique (35).
La spironolactone est un antago-
niste compétitif de l’aldostérone sur
le MR. Sa liaison rend le récepteur
transcriptionnellement inactif. De
nombreuses étapes de la fonction du
MR sont altérées après sa liaison.
La spironolactone se fixe avec
une haute affinité au MR, mais sa
vitesse de dissociation est aussi très
élevée, empêchant la stabilisation
du récepteur dans une conformation
active (36). Aussi, l’accumulation
nucléaire du complexe MR-spiro-
nolactone est retardée, et le trafic
nucléocytoplasmique modifié.
Bien que la spironolactone soit un
antagoniste efficace du MR, elle
possède certains effets indésirables.
Parmi eux, la gynécomastie, dont
le veloppement est en relation
aussi bien avec la posologie utilisée
qu’avec la durée de la thérapeutique
(37). Chez les femmes préméno-
pausées, on observe des anomalies
du cycle. La fréquence de la gyné-
comastie était de 9 % dans l’étude
RALES. En effet, la spironolactone
non seulement possède des effets
antiminéralocorticoïdes, mais est
également un antagoniste du récep-
teur aux androgènes et un agoniste
du récepteur à la progestérone (38).
Plus encore que le risque d’hy-
perkaliémie, qui est observé tout
particulièrement chez les patients
avec cirrhose hépatique ou insuf-
fisance rénale, ce sont surtout les
effets indésirables d’ordre sexuel
qui ont limité une utilisation plus
généralisée de la spironolactone
dans l’HTA. L’ajout d’un groupe-
ment 9-11α -époxy à la mexrénone,
une des spironolactones, a permis
le veloppement d’un antagoniste
sélectif du MR pour le traitement de
l’hypertension et de l’insuffisance
cardiaque. Bien que possédant une
moindre affinité pour le MR que la
spironolactone (38), l’époxymexré-
none, ou éplérénone, s’est révélée
être un antiminéralocorticoïde effi-
cace à des doses uniques de 25,
50 et 75 mg, comparativement à
la spironolactone 25 mg, chez des
normovolontaires prétraités à la
9α-fludrocortisone (39). L’épléré-
none a par la suite été développée
pour le traitement de l’hypertension
et de l’insuffisance cardiaque, entre
1994 et 2002 ; a été enregistrée par
la FDA en tant que médicament
antihypertenseur, puis a également
été indiquée pour améliorer les
taux de survie chez des patients
présentant des signes d’insuffisance
cardiaque après un infarctus aigu du
myocarde. En France, l’éplérénone,
qui a reçu l’AMM en 2005, est indi-
quée en complément des traitements
standard, incluant les bêtabloquants,
pour réduire le risque de morbi-
mortalité cardiovasculaire chez
des patients stables présentant une
dysfonction ventriculaire gauche
(FEVG ≤ 40 %) et des signes clini-
ques d’insuffisance cardiaque après
un infarctus du myocarde récent.
La dose minimale efficace est de
25 mg/j, et la dose maximale recom-
mandée est de 100 mg/j ce qui
correspond à la moitié de la dose
maximale utilisée dans des études
cliniques –, cela afin de minimiser
le risque d’hyperkaliémie chez des
patients présentant une diminution
de la filtration glomérulaire ou une
augmentation de la réabsorption
sodée proximale, ou encore chez les
diabétiques (40).
terminants structuraux
des propriétés
antagonistes
de l’éplérénone
Le MR est constitué de trois
domaines fonctionnels conservés.
Le domaine C-terminal correspond
au domaine de liaison de l’hormone
(LBD). Celui-ci est complexe,
puisqu’il contient les régions qui
forment la poche de liaison du
ligand, mais également des signaux
de localisation nucléaire, de dimé-
risation, d’interaction avec les
protéines chaperonnes, ainsi qu’une
fonction d’activation de la trans-
cription dont l’activité est dépen-
dante du ligand (AF2, activation
function 2), qui interagit avec des
corégulateurs transcriptionnels (41).
La résolution récente de la structure
cristallographique du LBD (42-44)
a permis d’établir les déterminants
structuraux de l’interaction du MR
avec les agonistes comme l’aldo-
stérone, mais également avec des
antagonistes minéralocorticoïdes.
Le domaine, de nature très hydro-
phobe, est constitué de 11 hélices
alpha (H1 et H3-H12) et de deux
feuillets bêta qui composent un
sandwich de trois couches d’hélices
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thématique
Dossier
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/
◆◆◆
antiparallèles, repliement tridimen-
sionnel commun à l’ensemble des
récepteurs nucléaires. Ce repliement
délimite une poche hydrophobe
vient se loger le ligand. La partie
supérieure du domaine (comprenant
les hélices H1, H4, H5, H8 à H10)
est très compacte et stable. Cette
région a été décrite comme le noyau
structural du LBD. Par contre, la
moitié inférieure du domaine, qui
délimite la poche de liaison du
ligand, est plutôt dynamique. La
liaison du ligand compacte la région
et permet la liaison des coactiva-
teurs transcriptionnels. La fixation
du ligand dans la poche entraîne des
modifications structurales, parmi
lesquelles un repositionnement de
H12 qui ferme la cavité comme un
couvercle. La position de l’hélice
H12 joue un rôle critique dans l’ac-
tivité du récepteur. La liaison d’un
agoniste induit le repositionnement
précis de H12, elle contribue à
créer la surface d’interaction avec
les coactivateurs transcriptionnels.
Des études de mutagenèse ont
montré que quatre acides aminés
sont impliqués dans l’ancrage de
l’aldostérone dans la poche : la
Gln776 et l’Arg817 interagissent
avec le cétone en C3, alors que la
Thr945 interagit avec le cétone en
20. L’Asn770 forme des liaisons
hydrogène avec les fonctions
hydroxyles en positions 18 et 21.
L’activité antagoniste de la spirono-
lactone a été mise en relation avec
son incapacité à établir des contacts
avec l’Asn770 (36). Ainsi, l’hélice
H12 est déstabilisée par manque
de contact critique entre le ligand
et le récepteur, ce qui empêche la
stabilisation du complexe dans une
conformation transcriptionnelle-
ment active.
Bien que la structure tridimension-
nelle du LBD du MR en présence
d’éplérénone ne soit pas connue,
les déterminants de la spécificité
de la liaison de l’éplérénone ont été
explorés par des études in vitro, et
in silico par modélisation du LBD
du MR, en s’appuyant sur la struc-
ture connue d’autres récepteurs
nucléaires. Il a ainsi été montré que
la liaison de l’éplérénone nécessite
les résidus 804-874 du MR. Le posi-
tionnement de l’éplérénone dans un
modèle tridimensionnel du LBD du
MR a suggéré que les acides aminés
820-844 modifient la conformation
de la poche de liaison du ligand, et
que l’éplérénone agit comme anta-
goniste parce qu’elle empêche la
stabilisation du domaine dans sa
conformation active (45). Le résidu
Met852 semble avoir une fonction
d’organisateur de la poche de liaison
du ligand ; il est vraisemblablement
responsable de la gêne stérique qui
empêche des stéroïdes substitués
en C7, telle la spironolactone, de
maintenir le récepteur dans une
conformation active. Pour ce qui
est de l’éplérénone, des contraintes
additionnelles sont probablement
impliquées dans les propriétés anta-
gonistes de ce dérivé (46).
Effets indésirables
Bien que l’on manque de recul
quant à l’utilisation de l’éplérénone
en pratique courante, de nombreux
auteurs ont souligné la difficulté
d’application des critères des
études RALES et EPHESUS. En
effet, après la publication de l’étude
RALES, l’utilisation de la spirono-
lactone chez les patients insuffisants
cardiaques a rapidement augmenté,
mais a été suivie par l’augmenta-
tion concomitante d’hospitalisa-
tions pour hyperkaliémie et de mort
subite (47). Ainsi, l’utilisation de
spironolactone ne serait pas asso-
ciée à une réduction de la morbi-
mortalité globale. Certaines causes
de cet effet paradoxal ont été iden-
tifiées :
un manque de surveillance des
taux de potassium (surveillance
préconisée par les études RALES et
EPHESUS) ;
un défaut d’évaluation de l’insuf-
fisance rénale ;
des doses trop élevées de spiro-
nolactone ;
le non-arrêt de l’administration
de potassium, utilisé pour prévenir
le risque d’hypokaliémie sous trai-
tement diurétique ;
un manque d’éducation des
patients quant à leur régime ali-
mentaire (à faible contenu en potas-
sium) ;
le manque d’adéquation aux indi-
cations thérapeutiques (47, 48).
L’âge avancée, l’insuffisance rénale,
une insuffisance cardiaque progres-
sive, le diabète de type 2, l’hyperka-
liémie initiale ou le traitement avec
d’autres composés qui pourraient
en causer une ont tous été identi-
fiés comme des facteurs aggravant
le risque d’hyperkaliémie, et limi-
tant potentiellement l’utilisation de
spironolactone et d’éplérénone en
thérapie combinée (49, 50).
Dans l’ensemble, ces études
montrent l’importance qu’il y a à
respecter les critères d’éligibilité
de RALES et d’EPHESUS quand
un antiminéralocorticoïde est
associé à une inhibition du système
rénine-angiotensine ou des bêta-
bloquants. Dans ces deux études,
la fréquence de l’hyperkaliémie
n’était pas (RALES) ou n’était que
peu (EPHESUS) différente dans le
groupe traité et le groupe placebo.
Ainsi, si les patients sont choisis
selon les indications établies, l’hy-
perkaliémie deviendra rarement
un problème. Les patients âgés ou
ceux déshydratés, avec insuffisance
rénale ou cardiaque aggravée, néces-
sitent un suivi rapproché ou l’arrêt
du traitement antiminéralocorti-
coïde. Quant aux bêtabloquants,
ils étaient prescrits chez 75 % des
sujets dans l’étude EPHESUS, ce
qui démontre que l’éplérénone peut
être utilisée de façon sûre en asso-
ciation avec des bêtabloquants sans
effet adverse sérieux. Par ailleurs,
chez des patients traités avec des
bêtabloquants en combinaison avec
un IEC, il n’y a pas de réduction
significative de l’aldostérone plas-
matique, ce qui souligne l’utilité
d’associer un antiminéralocorti-
coïde afin d’inhiber les effets de
l’aldostérone (51). Enfin, dans
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Dossier
thématique
PHA1
Hypertension Fibrose
cardiaque
Arythmies ?
Modification
réponse au stress
Dépression ?
Hypertension
Obésité ?
Syndrome
métabolique ?
Fibrose
vasculaire
Balance
Na+ et K+Rythme
cardiaque ? ? Appétit hydrique
et sodé
Régulation PA
Stress
Différenciation
adipocytaire
Thermorégulation
0
CH3
HO
Aldostérone
O-CH C-O
CH2OH
Figure. Multiplicité des effets physiologiques et pathologiques de l’aldostérone.
L’aldostérone exerce des multiples effets physiologiques au niveau des ses tissus cibles clas-
siques, comme le rein et le système nerveux central, dont les altérations aboutissent à une
hypertension artérielle, à des syndrome de perte de sel, et des modifications de la réponse
au stress. Ces dernières années on vu l’accumulation de données concernant les effets de
l’aldostérone dans d’autres tissus, comme le cœur, les vaisseaux et les adipocytes. Dans ces
tissus, l’aldostérone a été impliquée dans des processus de fibrose cardiaque et vasculaire.
Récemment, des effets de l’hormone ont été mis en évidence dans des processus métaboliques
adipocytaires, ce qui suggère qu’elle pourrait jouer un rôle dans le développement de l’obésité
et de ses complications métaboliques.
◆◆◆
/
◆◆◆
l’étude EPHESUS, l’incidence des
effets secondaires d’ordre sexuel a
été comparable dans le groupe traité
et le groupe contrôle.
Questions ouvertes : MR,
aldostérone ou cortisol ?
L’aldostérone possède, ainsi que
nous venons de le voir, des effets
propres au niveau des tissus non
épithéliaux, notamment le cœur et
les vaisseaux. Sur le plan clinique,
cela est illustré par l’augmenta-
tion de l’atteinte cardiovasculaire
chez les patients atteints d’hype-
raldostéronisme primaire, compa-
rativement à des sujets souffrant
d’hypertension essentielle, avec
des valeurs de pression artérielle
comparables (26, 27). Ces effets ont
également été mis en évidence chez
des patients normotendus atteints
d’hyperaldostéronisme familial
de type 1. Ces sujets, chez qui les
taux d’aldostérone plasmatique et
les ratios aldostérone plasmatique/
rénine sont plus élevés que chez
les sujets contrôle du même âge,
présentaient un épaississement de
la paroi ventriculaire gauche et une
fonction diastolique diminuée en
l’absence d’HTA (52). Cependant,
la nature du ligand du MR dans le
cœur en condition d’aldostéronémie
normale est actuellement sujet à
controverse. En effet, dans les deux
études RALES et EPHESUS, les
taux d’aldostérone et le statut sodé
étaient normaux. Que bloque donc
la spironolactone ou l’éplérénone
pour que soit mis en évidence un tel
effet ? Avant de discuter les diffé-
rentes possibilités, il est important
d’introduire ici certains aspects
relatifs à la spécificité minéralocor-
ticoïde et à la sélectivité du MR. En
effet, celui-ci possède la même affi-
nité pour l’aldostérone que pour les
hormones glucocorticoïdes, mais
ces dernières circulent à des taux
100 à 1 000 fois supérieurs à ceux
de l’aldostérone. La spécificité de
l’action de l’aldostérone au niveau
des tissus épithéliaux comme le
rein est en grande partie due à la
présence d’une enzyme, la 11β-
hydroxystéroïde déshydrogénase de
type 2 (11HSD2), qui métabolise
le cortisol en cortisone qui possède
très peu d’affinité pour le MR (53).
La 11HSD2 évite donc une occupa-
tion illicite du MR par les hormones
glucocorticoïdes et permet l’accès
de l’aldostérone à son récepteur.
Cependant, la 11HSD2 n’est pas
exprimée dans un certain nombre
de tissus cibles de l’aldostérone,
tels que le cœur et l’hippocampe,
les hormones glucocorticoïdes
représentent le ligand endogène
principal. Par ailleurs, même en
présence de 11HSD2, dans des
conditions physiologiques, les
concentrations intracellulaires de
glucocorticoïdes actifs seraient
environ dix fois supérieures à celles
de l’aldostérone. Par conséquent,
la plupart des MR cardiaques et
vasculaires seraient occupés, mais
pas activés, par le cortisol (54).
Un changement de l’état redox de
la cellule transformerait les gluco-
corticoïdes en activateurs du MR.
Cette condition est retrouvée dans
les cardiomyocytes en cas d’insuf-
fisance cardiaque, avec génération
d’espèces réactives de l’oxygène.
Il est concevable que, dans RALES
et EPHESUS, les antiminéralocorti-
coïdes bloquent l’activation du MR
par le cortisol (présent en concen-
tration physiologique), et non par
l’aldostérone, dans un contexte
d’atteinte d’organe et de génération
d’espèces réactives de l’oxygène
(54). Cela expliquerait que l’utilisa-
tion d’antagonistes du MR tels que
l’éplérénone ne soit pas limitée aux
seuls états d’hyperaldostéronisme
manifeste comme l’hyperaldosté-
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