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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 6, novembre-décembre 2006
thématique
Dossier
sent à des syndromes de perte de sel
ou d’hypertension artérielle. À côté
de formes rares, monogéniques,
comme le pseudo-hypoaldostéro-
nisme de type 1 (13), l’hyperten-
sion associée à la grossesse (14)
ou l’hypertension hyperkaliémique
familiale (15), l’incidence de l’hy-
peraldostéronisme primaire (HAP)
dans l’hypertension artérielle (HTA)
essentielle est maintenant estimée à
environ 10 %, plutôt que ≤ 1 %, ce
qui souligne le rôle précédemment
méconnu de l’aldostérone dans l’hy-
pertension (16). Par ailleurs, dans
un contexte de statut sodé inap-
proprié, l’aldostérone est capable
d’induire une augmentation de la
pression artérielle par activation de
MR circumventriculaires dans le
système nerveux central, et d’aug-
menter la pression artérielle (17).
L’aldostérone joue aussi un rôle
important dans la régulation de
processus physiologiques dans
des tissus non épithéliaux comme
le cerveau, le cœur, les vaisseaux
et le tissu adipeux (figure). Par
ailleurs, la présence des enzymes
requises pour la biosynthèse miné-
ralocorticoïde dans certains de ces
tissus ainsi que des études menées
chez l’animal suggèrent un rôle
physiopathologique de l’aldos-
térone produite en dehors de la
glande surrénale (18), bien que la
synthèse locale d’aldostérone au
niveau cardiaque reste controversée
(19). Plusieurs études soulignent
les effets délétères de l’aldosté-
rone quand son taux est inapproprié
par rapport au statut sodé (20, 21).
En présence d’un environnement
riche en sel, l’aldostérone entraîne
une réponse vasculaire inflamma-
toire qui conduit à des pathologies
cardiaques et vasculaires (22). L’al-
dostérone agit comme un médiateur
dans certaines pathologies dégé-
nératives comme l’insuffisance
rénale chronique ou le remodelage
artériel ou myocardique, indépen-
damment des effets connus de l’an-
giotensine II ou en synergie avec
eux (23, 24). La vasculopathie liée
à l’aldostérone pourrait être un
élément clé de certaines patholo-
gies cardiovasculaires, participant
ainsi à l’hypertension ou au remo-
delage myocardique secondaire aux
altérations des vaisseaux coronaires.
De nombreuses études suggèrent
l’implication du système rénine-
angiotensine local ainsi que de l’en-
dothéline, de l’oxyde nitrique, des
espèces réactives de l’oxygène et de
l’inflammation dans la signalisation
de l’aldostérone au niveau du cœur
(25). Par ailleurs, les patients avec
HAP présentent des formes plus
sévères d’hypertrophie ventriculaire
gauche et d’altération de la fonction
diastolique que les patients avec
HTA essentielle (26), et plus d’évé-
nements cardiaques, notamment
infarctus du myocarde, fibrillation
auriculaire et accidents vasculaires
cérébraux (27). Enfin, nous avons
récemment montré que l’aldosté-
rone, via le MR, était impliquée
dans la différenciation adipocytaire
et la régulation de la balance éner-
gétique (28, 29). Étant donné l’as-
sociation entre HTA et obésité chez
de nombreux sujets, l’aldostérone
et le MR pourraient représenter
des candidats intéressants dans la
pathogenèse de l’obésité et de ses
complications métaboliques.
Intérêt du traitement
antiminéralocorticoïde
L’activation du système rénine-
angiotensine-aldostérone est asso-
ciée à un résultat thérapeutique
insatisfaisant chez les patients hyper-
tendus et insuffisants cardiaques,
puisque l’activation du système est
fortement corrélée à l’incidence et
à la gravité de l’atteinte dégénéra-
tive d’organe (24). L’aldostérone
participerait directement, ou en
exacerbant les effets de l’angio-
tensine II, à cette atteinte. Alors
que les inhibiteurs de l’enzyme de
conversion de l’angiotensine (IEC)
ou les antagonistes du récepteur de
type 1 de l’angiotensine II réduisent
initialement les taux d’aldostérone
circulante, la production d’aldosté-
rone échappe à cette régulation lors
d’un traitement chronique chez un
certain nombre de sujets ; on parle
alors de phénomène d’échappement
de l’aldostérone. L’importance de ce
phénomène a été mise en évidence
tout particulièrement lors d’une
étude pilote pour RALES (Rando-
mized Aldactone® Evaluation Study)
[30]. Par conséquent, un blocage de
l’aldostérone est requis pour réduire
le risque de dégénérescence d’or-
gane progressive. L’effet bénéfique
majeur des antagonistes antiminé-
ralocorticoïdes sur la mortalité et la
morbidité associées à l’insuffisance
cardiaque a été démontré récem-
ment par deux études multicentri-
ques randomisées contre placebo :
RALES (31) et EPHESUS (Eple-
renone Post-Acute Myocardial
Infarction Heart Failure Efficacy
and Survival Study) [32]. L’étude
RALES, qui a comparé l’effet de
la spironolactone en complément
d’un traitement classique (incluant
des IEC et des diurétiques) chez des
patients en insuffisance cardiaque
sévère, a clairement montré que la
spironolactone diminue le risque
de mortalité de 30 % et l’hospita-
lisation de 35 %. Dans EPHESUS,
l’éplérénone a significativement
diminué la mortalité générale et le
critère combiné “mortalité cardio-
vasculaire ou hospitalisation” chez
des patients ayant subi un infarctus
aigu du myocarde et présentant une
dysfonction ventriculaire gauche
symptomatique. Plus récemment,
il a été montré que l’éplérénone
25 mg/j, en complément d’un traite-
ment conventionnel, réduisait signi-
ficativement la mortalité précoce
post-infarctus aigu du myocarde
chez des patients présentant une
FEVG ≤ 40 % et des signes d’insuf-
fisance cardiaque, quand le traite-
ment était initié dans un intervalle
moyen de 7,3 jours après l’infarctus
(33).
Comme la spironolactone, l’épléré-
none est efficace dans le traitement
de l’HTA. Chez des patients avec