CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE VAUDOIS DIRECTION MEDICALE Commission Permanente des Médicaments Secrétariat BH 04 1011 Lausanne - CHUV BULLETIN D'INFORMATION CPM N° 4 - 2006 L’éplérénone (Inspra®) : pas un premier choix ! L’éplérénone, un analogue de la spironolactone, est un antagoniste compétitif des récepteurs de l’aldostérone. Son enregistrement se base essentiellement sur l’étude EPHESUSi, ce que reflète l’ indication officiellement reconnue: traitement adjuvant d’une thérapie standard incluant des bêtabloquants, pour réduire le risque de mortalité et de morbidité cardiovasculaires chez le patient stable présentant une dysfonction ventriculaire gauche (FEVG 40%) avec insuffisance cardiaque, dans un contexte d’infarctus du myocarde récentii. Efficacité Dans le cadre de l’étude EPHESUS, exécutée en double insu versus placebo, l’éplérénone a réduit de 2.3% la mortalité, surtout précoce, chez des patients venant de subir un infarctus du myocarde et présentant des signes cliniques d’insuffisance cardiaque et une fonction ventriculaire gauche réduite (FEVG 40%) (NNT 44). Sécurité La fréquence (5.5%) des hyperkaliémies sévères (≥ 6 mmol/l) dans cette étude soigneusement surveillée est source d’inquiétude (1.6% d’hyperkaliémies graves de plus que sous placebo, NNH 63). Ce risque est vraisemblablement très supérieur dans la pratique, comme cela a été observé pour la spironolactone, dont le taux d’effets indésirables graves, incluant dysfonction rénale et hyperkaliémie, est demeuré faible dans l’étude RALESiii. Après publication de l’étude et augmentation rapide du nombre de patients traités par spironolactone les admissions hospitalières ont été multipliées par 4.6 et les décès sur hyperkaliémie par 6.7iv. L’hyperkaliémie étant dose dépendante et l’éplérénone étant substrat de l’isoenzyme CYP 3A4, le risque d’hyperkaliémie grave lors d’association avec un inhibiteur du CYP3A4 est élevé. Inversement, son association avec un inducteur du CYP3A4 va diminuer son efficacité. Un contrôle fréquent de la kaliémie est imposé lors de l’introduction et durant le traitement d’éplérénone (cf. Compendium). L’incidence de gynécomastie et d’impuissance chez l’homme et de douleurs des seins chez la femme était similaire à celle relevée sous placebo. Evaluation La spironolactone a une efficacité démontrée dans l' insuffisance cardiaque chronique, réduisant de 11% sur 2 ans (NNT 9) le risque de mortalité lors d’insuffisance cardiaque avancée (stade IV de la NYHA). Elle n' a cependant pas été spécifiquement étudiée dans l' insuffisance cardiaque post infarctus. L' éplérénone est un nouveau médicament CHUV-CPM / octobre 2006 Page 1/2 chimiquement très proche de la spironolactone. Le fabricant de l' éplérénone a évalué son nouveau médicament dans cette indication sans toutefois le comparer à la spironolactone (qu’il commercialise également), alors que les résultats de l’étude RALES étaient déjà disponibles ! L’éplérénone, dont l’efficacité comparative indirecte semble nettement inférieure à celle de la spironolactone (NNT de 9 vs 43), dont la sécurité d’emploi est non seulement moins bien connue mais plus problématique, en raison du risque d’interactions, possède de plus un prix publique environ 12 fois plus élevé (Inspra® 25 mg 100 cp à CHF 361.40 vs Aldactone® 25 mg 100 cp à CHF 29.40). Le seul avantage offert par l’éplérénone paraît être une incidence plus faible de gynécomastiev : 9% pour une posologie journalière moyenne de 26 mg de spironolactone versus 0.5% pour une posologie journalière moyenne de 43.5 mg d’éplérénone. En l’absence de comparaison directe éplérénone-spironolactone lors d’insuffisance cardiaque traitée par IEC, diurétique et bêta-bloquant, la spironolactone doit être privilégiée, notamment dans les cas sévères où son efficacité est démontrée, choix renforcé encore par le rapport coût/efficacité défavorable de l’éplérénone. Cette dernière substance devrait être réservée aux patients qui développent une gynécomastie/douleurs des seins sous spironolactone et son utilisation impose un suivi serré. Le Bureau de la CPM Va à: Corps médical du CHUV et ICS, ICUS et DSD du CHUV i Pitt B et al. : Eplerenone, a selective aldosterone blocker, in patients with left ventricular dysfunction after myocardial infarction. The New England Journal of Medicine 2003, 348(14) : 1309-1321 ii Compendium Suisse des médicaments 2006, Documed AG. iii Pitt B, Zanad F, Remme WJ et al. The effect of spironolactone on morbidity and mortality in patients with severe heart failure. N Engl J Med 1999; 341:709-717 iv Juurlink DN, Mamdani MM, Lee DS et al. Rates of hyperkalemia after publication of the Randomized Aldactone Evaluation Study. N Engl J Med 2004;351:543-551 v Barnes BJ, Howard PA. : Eplerenone: a selective aldosterone receptor antagonist for patients with heart failure. Ann Pharmacother. 2005 Jan;39(1):68-76. Epub 2004 Dec 8. Review. Erratum in: Ann Pharmacother. 2005 May;39(5):978 CHUV-CPM / octobre 2006 Page 2/2