Automorphismes du corps des fractions rationnelles 1 Notations et

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Agrégation externe
Automorphismes du corps des fractions rationnelles
2015-2016
1 Notations et énoncé du résultat
Dans la suite, on note K = k(T ) le corps des fractions rationnelles sur un corps k. En d’autres
termes, K est le corps des fractions de l’anneau de polynômes k[T ]. Un élément f ∈ K s’écrit donc
comme quotient f = hg , avec g, h ∈ k[T ] et h 6= 0. Le but de cette note est d’étudier le groupe
Autk (K) des k-automorphismes de K, i.e. des automorphismes σ : K → K tels que σ(x) = x pour
tout x ∈ k. On remarquera qu’un tel automorphisme est univoquement déterminé par l’image Y
de T . En effet, on a les identités
P
P
P
i
ai T i
a Yi
i σ ai T
i
P
Pi i i
σ P
=
=
i
i
i bi T
i σ (bi T )
i bi Y
Il est clair que l’élément Y doit être transcendant sur k ; dans le cas contraire, l’isomorphisme σ
impliquerait que T est lui-même algébrique sur k, ce qui est exclu.
Exercice. Montrer qu’un élément Y ∈ K est transcendant sur k si et seulement s’il n’est pas
constant, i.e. s’il n’est pas contenu dans k.
Le choix d’un élément non constant T ∈ K définit un homomorphisme injectif σ : K → K,
obtenu en posant σ(X) = T . En effet, l’application σ définit un isomorphisme entre les anneaux
de polynômes k[T ] et k[Y ], et, par conséquent un isomorphisme entre leurs corps des fraction
respectifs K et σ(K) = k(Y ) ⊂ K. Le tout est de déterminer les éléments Y pour lesquels σ est
surjectif ; on remarquera que cette dernière condition revient à affirmer que T appartient à k(Y ).
On rappelle qu’une homographie est un élément de K du type
Y =
aT + b
,
cT + d
òu a, b, c, d ∈ k vérifient l’inégalité ad − bc 6= 0 (ce qui garantit que Y est non constant). Pour un
tel élément, l’homomorphisme σ est clairement surjectif, car on a l’identité
T =
dY − b
.
−cY + a
On peut donc définir un homomorphisme ϕ : GL2 (k) → Autk (K) en associant à la matrice
l’automorphisme associé à l’homographie
a
c
b
d
aT +b
cT +d .
Exercice. Vérifier que l’application ϕ définie ci-dessus est un homomorphisme de groupes ayant
comme noyau le sous-groupe des matrices scalaires, que l’on identifiera avec k × .
Le quotient GL2 (k)/k × est appelé groupe projectif général linéaire (de degré 2) sur k, noté
PGL2 (k). Nous sommes finalement en mesure d’énoncer le résultat central de cette note.
1
Théorème 1
L’homomorphisme ϕ induit un isomorphisme entre les groupes PGL2 (k) et Autk (K).
Remarque. À partir de ce résultat, on peut facilement décrire le groupe Autk (K) des automorphismes σ de K tels que σ(k) = k. En effet, il existe un homomorphisme (injectif) canonique
Aut(k) → Aut(K) obtenu en étendant un automorphisme σ de k en un automorphisme de K, en
posant σ(X) = X. Dans ce cas, Autk (K) est isomorphme au produit semi-direct Aut(k)nAutk (K).
Dans la plus grande généralité, la description du groupe Aut(K) est bien plus difficile. Par exemple,
en prenant k = C(X), de telle sorte que K = C(X, T ) est le corps des fractions de l’anneau de
polynômes C[X, T ], la structure du groupe Aut(K), appelé groupe de Cremona, est encore peu
comprise.
2 Une démonstration directe
Il suffit de montrer que l’homomorphisme ϕ est surjectif. Soit donc σ un k-automorphisme de
K, induit par un élément non constant Y = f g −1 = σ(T ) ∈ K, avec f, g ∈ k[T ] premiers entre
eux. Notre but est de montrer que f et g sont de degré inférieur ou égal à 1. Comme il a déjà été
remarqué dans le premier paragraphe, la surjectivité de σ implique (et est d’ailleurs équivalente)
à l’existence de deux polynômes R, S ∈ k[Y ], que l’on supposera premiers entre eux, tels que
T = RS −1 . En posant
R = a0 + a1 Y + · · · + an Y n et S = b0 + b1 Y + · · · + bn Y n
avec (a0 , b0 ) et (an , bn ) tous deux différents de (0, 0), on obtient alors les idéntités
T =
a0 g n + a1 f g n−1 + · · · + an f n
a0 + a1 f g −1 + · · · + an f n g −n
=
,
b0 + b1 f g −1 + · · · + bn f n g −n
b0 g n + b1 f g n−1 + · · · + bn f n
ce qui amène à la relation
T (b0 g n + b1 f g n−1 + · · · + bn f n ) = a0 g n + a1 f g n−1 + · · · + an f n ,
et finalement
(b0 T − a0 )g n = f h,
avec h ∈ k[T ]. On en déduit que le polynôme f divise (b0 T − a0 )g n . Les polynômes f et g étant
premiers entre eux, il s’en suit que f divise b0 T − a0 . L’inégalité (a0 , b0 ) 6= (0, 0) permet finalement
d’affirmer que le degré de f est inférieur ou égal à 1. De manière symétrique, on montre que g
divise (bn T − an )f n , ce qui implique que le degré de g est également inférieur ou égal à 1, ce qui
permet de conclure.
3 Une approche plus conceptuelle
Commençons par des considérations générales : soit A un anneau factoriel, de corps des fractions
L. Le pgcd des coefficient d’un polynôme non nul f ∈ A[X] est défini à une constante de A× près ;
son image c(f ) dans le groupe L× /A× est bien définie, on l’appelle contenu de f . Le polynôme f
est primitif si c(f ) = 1, ce qui revient à affirmer que ses coefficients sont (globalement) premiers
entre eux. Pour tout a ∈ A non nul, on a clairement la relation c(af ) = ac(f ). On étend cette
2
définition à un élément f ∈ L[X] de la manière suivante : si un élément non nul a ∈ A vérifie la
relation af ∈ A[X], on pose
1
c(f ) = c(af ).
a
On remarquera que si af, bf ∈ A[X], avec a, b ∈ A non nuls, alors
1
b
1
a
1
c(af ) = c(af ) = c(abf ) = c(bf ) = c(bf ).
a
ab
ab
ab
b
Exercice. Soit f ∈ L[X] non nul et fixons un représentant cf ∈ L× de c(f ). Montrer que le
polynôme c1f f appartient à A[X] et est primitif.
Lemme 2 (Gauss)
Quels que soient f, g ∈ L[X] non nuls, on a la relation c(f g) = c(f )c(g).
Démonstration. En posant f = cf f0 et g = cg g0 avec f0 , g0 ∈ A[X] primitifs (cf. l’exercice cidessus), on a la relation f g = cf cg f0 g0 . Il suffit donc de se réduire au cas où f et g sont primitifs
et de montrer qu’il en est de même pour f g. Procédons par l’absurde, en supposant que c(f g) 6= 1,
ce qui revient à affirmer que le pgcd d des coefficients de f g n’est pas inversible. Dans ce cas, il
existe un idéal maximal m de A contenant d. Le quotient k = A/m est un corps et, en notant f¯
et ḡ les images respectives de f et g dans k[X], on en déduit les identité f¯ḡ = f g = 0, d’òu f¯ = 0
ou ḡ = 0, car k[X] est intègre. Il s’en suit que f ∈ m[X] ou g ∈ m[X], ce qui est absurde, car les
coefficients de f ou de g ne seraient pas premiers entre eux.
L’anneau A étant factoriel, il en est de même pour A[X]. Tout polynôme non nul f ∈ A[X]
s’écrit donc de manière (essentiellement) unique comme produit d’éléments irréductibles.
Proposition 3
Considérons un polynôme primitif f ∈ A[X]. Si f est irréductible dans A[X] alors il est
irréductible dans L[X].
Démonstration. Si f = gh est une factorisation dans L[X], on obtient l’identité f = ag0 h0 avec
a = cf cg et g0 , h0 ∈ A[X] primitifs. Dans ce cas, le lemme ci-dessus amène aux relations
1 = c(f ) = c(ag0 h0 ) = ac(g0 )c(h0 ) = a.
On en déduit que a ∈ A× , d’où g0 ∈ A[X]× ou h0 ∈ A[X]× , ce qui donne g ∈ L[X]× ou
h ∈ L[X]× .
Revenons à présent aux k-automorphismes du corps K = k(T ).
Théorème 4
Considérons un élément non constant Y = fg ∈ K avec f, g ∈ k[T ] premiers entre eux.
Soit σ : K → K le k-homomorphisme défini par σ(T ) = Y . L’extension K/σ(K) est
algébrique, de degré max{deg(f ), deg(g)}.
3
Démonstration. L’anneau de polynômes A = k[Y ] est principal, donc factoriel, et son corps des
fractions n’est autre que le corps L = σ(K) = k(Y ). Tout d’abord, l’extension K/L est algébrique.
En effet, on a clairement K = L(T ), et T est racine du polynôme
h = g(X)Y − f (X) ∈ L[X],
qui est non nul. Il s’en suit que K est isomorphe au quotient L[X]/(u), où u ∈ L[X] est le polynôme
minimal de T sur L. En particulier, u divise h et l’extension K/L est de degré d = deg(u).
Remarquoons que A[X] = k[X, Y ] est un anneau de polynômes à deux indéterminées sur k et
que h ∈ A[X]. Montrons que h est irréductible dans A[X]. Soit h = h1 h2 une factorisation dans
A[X]. Tout d’abord l’identité degY (h) = 1 implique que degY (h1 ) = 0 ou degY (h2 ) = 0. On
peut supposer degY (h1 ) = 0, ce qui revient à affirmer que h1 appartient à k[X]. Dans ce cas,
en posant h2 = aY + b, avec a, b ∈ k[X], on obtient les identités f (X) = ah1 et g(X) = bh1 .
Les polynômes f (X) et g(X) étant premiers entre eux, on en déduit que h1 est un polynôme
constant non nul, donc inversible, ce qui prouve l’irréductibilité de h. Montrons maintenant que h
est primitif. Notons d ∈ A le pgcd de ses coefficients. On a alors d = aY + b, avec a, b ∈ k (en effet,
les coefficients de h, considéré en tant que polynôme à coefficients dans A, sont des éléments de
k[Y ] degré inférieur ou égal à 1), ce qui amène à l’identité h = dh1 , avec h1 ∈ A[X]. Si l’on avait
a 6= 0, on en déduirait que degY (h1 ) = 0, et donc h1 appratiendrait à k[X], ce qui contredirait
une fois de plus la coprimalité de f (X) et g(X). En appliquant la proposition 3, on en déduit que
h est irréductible dans L[Y ]. En particulier, h est un polynôme minimal de T sur L et l’extension
K/L est donc de degré
degX (h) = max{deg(f ), deg(g)}.
Corollaire 5
Soit σ : K → K un k-automorphisme. On a alors
aT + b
,
cT + d
σ(T ) =
avec a, b, c, d ∈ K et ad − bc 6= 0.
Démonstration. Posons σ(T ) = fg , avec f, g ∈ k[T ] premiers entre eux. D’après le théorème 4,
l’extension K/σ(K) est de degré max{deg(f ), deg(g)}. La surjectivité de σ implique alors que f
et g sont de degrés inférieurs ou égaux à 1. On a bien
σ(T ) =
aT + b
cT + d
et l’élément ad − bc ∈ K ne peut être nul, sinon σ(T ) appartiendrait à k, ce qui est absurde.
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