Sandrine CARUSO
Irréductibilité du déterminant
Référence : Briançon - Maisonobe, Éléments d’algèbre commutative, p 83, exo 6.6
Théorème. Soit Kun corps et nN. Soit ∆ = det((Xi,j )16i,j6n). On peut voir
comme un polynôme de K[X1,1, . . . , X1,n, X2,1, . . . , Xn,1, . . . , Xn,n]. Alors ce polynôme
est irréductible.
Rappelons l’expression explicite de :
∆ = X
σSn
ε(σ)
n
Y
i=1
Xi,σ(i).
Lemme. Soit Aun anneau commutatif intègre, et soient P, Q A[Y1, . . . , Ym], non
nuls. Alors P Q est homogène si et seulement si Pet Qsont homogènes.
Démonstration. 1) Tout d’abord, si Pet Qsont homogènes, il est clair que P Q l’est
aussi.
2) Afin de démontrer la réciproque, faisons quelques considérations utiles. Rappe-
lons que le degré d’un monôme Yα1
1· · · Yαm
mest α1+· · · +αm, et que le degré d’un
polynôme Pnon nul est le plus grand degré de ses monômes (on le note deg(P)). On
définit de manière analogue la « valuation » de P, notée ici ω(P), comme le plus pe-
tit degré de ses monômes. On remarque que pour tout Pnon nul, ω(P)6deg(P)et
que ω(P) = deg(P)si et seulement si Pest homogène. Rappelons en outre que tout
polynôme s’écrit de manière unique comme somme de polynômes homogènes de de-
grés deux à deux distincts. Si Pet Qsont deux polynômes non nuls, le produit de leurs
polynômes homogènes de plus petit degré (resp. de plus grand degré) est le polynôme
homogène de plus petit degré (resp. de plus grand degré) de P Q. C’est une conséquence
du point 1) et de l’intégrité de l’anneau A[Y1, . . . , Ym](qui est intègre car Al’est). On
en déduit les relations suivantes :
deg(P Q) = deg P+ deg Qet ω(P Q) = ω(P) + ω(Q).
Supposons maintenant que P Q est homogène. Alors deg(P Q) = ω(P Q), et par consé-
quent deg(P) + deg(Q) = ω(P) + ω(Q). Comme deg(P)>ω(P)et deg(Q)>ω(Q),
on en déduit que deg(P) = ω(P)et deg(Q) = ω(Q), c’est-à-dire que Pet Qsont
homogènes.
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Démonstration du théorème. Supposons qu’il existe 1,2K[X1,1, . . . , Xn,n]tels
que ∆ = ∆12.
Considérons les variables X1,1, . . . , X1,n. La formule de développement par rapport
à la première ligne montre que est homogène de degré 1en ces variables. D’après le
lemme précédent, 1et 2sont donc également homogènes en ces variables, l’un de
ces deux polynômes étant de degré 1et l’autre de degré 0. Sans perte de généralité, sup-
posons que 1est de degré 1en X1,1, . . . , X1,n et que 2ne dépend pas de ces variables.
Plus précisément, comme est de degré 1en chacune des variables considérées, c’est
également le cas de 1.
Soit j∈ {1, . . . , n}, et intéressons-nous maintenant aux variables X1,j , . . . , Xn,j .
Comme précédemment, est homogène de degré 1en ces variables, et donc 1et
2sont homogènes en X1,j , . . . , Xn,j . Mais 1est de degré 1en X1,j d’après le cas
précédent, et par conséquent, il est homogène de degré 1en X1,j , . . . , Xn,j tandis que
2ne dépend pas de ces variables.
Finalement, 2ne dépend d’aucune des variables Xi,j , et est donc un élément de K.
D’où l’irréductibilité de sur K.
Remarque. On peut également montrer cette irréductibilité sur tout anneau commutatif
intègre, il suffit de constater que 2est inversible. En effet, il divise les coefficients de
, qui sont tous 1ou 1.
Application. Soit n>2et soit Kun corps infini. Tout hyperplan de Mn(K)contient
une matrice inversible.
Démonstration. Soit Hun hyperplan de Mn(K), et supposons par l’absurde qu’il ne
contient aucune matrice inversible. Il existe une forme linéaire non nulle `telle que
H= Ker(`). L’hypothèse implique que H⊂ {M∈ Mn(K),det(M) = 0}, c’est-à-
dire que toute matrice qui annule `annule det. En outre, `est un polynôme de degré 1
de K[X1,1, . . . , Xn,n]puisque c’est une forme linéaire. Notons `=Pi,j αi,j Xi,j ;`est
non nulle donc l’un des αi,j est non nul. Sans perte de généralité, on peut supposer que
c’est le cas d’α1,1. Regardons `et det comme polynômes en X1,1à coefficients dans
K[X1,2, . . . , Xn,n]. Dans cet anneau, le coefficient α1,1est inversible puisque c’est un
élément non nul de K, et par conséquent, on peut effectuer la division euclidienne de
det par `:
det = q` +r
avec qK[X1,1, . . . , Xn,n]et rK[X1,2, . . . , Xn,n]. Soit (x1,2, . . . , xn,n)Kn21,
et posons x1,1=α1
1,1(α1,2x1,2+· · · +αn,nxn,n). Alors `(x1,1, . . . , xn,n) = 0, ce qui
implique également det((xi,j )16i,j6n)=0, et par conséquent, r(x1,2, . . . , xn,n)=0. La
fonction polynôme associée à rest identiquement nulle, et comme Kest infini, rest le
polynôme nul. Donc `divise det. Or, det est de degré n>2et est irréductible, d’où la
contradiction.
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