La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 4 - juillet-août 2007
Vie professionnelle
Vie professionnelle
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Dans tous les cas, la maladie intervient comme une crise qui
vient exacerber les confl its et les rivalités familiales, ampli-
fi ant les sentiments de culpabilité et de dette, les attitudes de
soumission ou d’agressivité. Elle fait voler en éclats les points
de repères préétablis. Du rejet à la surprotection, tous les
comportements sont susceptibles de se déployer autour du
malade, qui infl uent considérablement sur son psychisme et
ses ressources face à la maladie.
Confronté à la maladie grave ou chronique, chaque membre de
la famille doit réaliser un deuil, celui de l’être bien portant et
souvent aussi de sa représentation de la personne malade et du
type de relation qui le liait à elle. C’est toute une nouvelle vision
de cette personne, de son rapport à elle et au monde parfois,
qui est à reconstruire. Le traumatisme psychique engendré par
l’annonce d’une maladie ou d’un handicap se propage de proche
en proche comme une véritable “onde de choc” (Bowen).
La communication entre le malade et les proches est souvent
diffi cile, biaisée, comme si le monde se divisait soudain en
deux, entre l’univers des bien portants et celui des malades,
avec des frontières infranchissables.
Pourtant, chacun a besoin de communiquer, d’exprimer ses
diffi cultés et sa souff rance.
Le malade a besoin de se sentir entouré, soutenu par des liens
aff ectifs immuables et inconditionnels. Il ne demande pas
forcément à être “compris”, mais accompagné et accepté dans
l’amour et le respect de sa personne.
Or, nous savons aujourd’hui que les soins que l’on doit au
patient doivent tenir compte de son entourage et que c’est en
aidant l’aidant, qu’on aide aussi le malade à aller mieux, avec
un retentissement à la fois sur sa qualité de vie et sur celle de
son entourage.
COMMENT LE MÉDECIN PEUTIL SE REPÉRER
DANS LA RELATION MALADEMALADIEPROCHES ?
Pour le médecin, il s’agit de prendre en compte trois entités
distinctes : le malade, le proche dans son individualité et le type
de lien qui les unit, afi n d’aider chacun à exprimer sa souff rance,
ses besoins, ses envies, ses limites et à trouver sa “bonne” place,
à une distance acceptable par rapport à la maladie.
C’est à cette condition que les proches pourront jouer un rôle de
soutien, sans endosser une charge trop lourde, et accompagner
le malade dans cette épreuve qui est à traverser, ensemble.
La première démarche du médecin est celle du questionne-
ment, même s’il pense “bien connaître” le malade et sa famille.
Face au choc d’une maladie grave, on ne peut jamais présager
des réactions des uns et des autres et du bouleversement fami-
lial. Il convient de se méfi er des apparences.
Concernant le malade
Quelle est sa place dans la famille ?
Que représente pour lui cette maladie ?
À quelle place est-il mis ? Cette place lui convient-elle ?
Existe-t-il une rupture dans son lien aux autres ? Se sent-il
rejeté ? Quelle est sa souff rance ?
Concernant l’accompagnant
Qui est-il ? Quelle est sa représentation de la maladie ? (Sa
vision est souvent diff érente du malade.)
Quelle relation entretient-il avec le malade et la maladie ?
Est-il en souff rance ?
L’accompagnant est aussi celui qui subit la maladie sans rece-
voir la “considération” dont le malade est l’objet. Il peut se
sentir laissé-pour-compte. Il peut être épuisé et dépressif.
La recherche d’un épuisement physique et psychique chez
un accompagnant est particulièrement importante dans les
pathologies qui mobilisent considérablement les proches sans
qu’ils puissent recevoir la reconnaissance du malade. C’est le
cas notamment dans la maladie d’Alzheimer.
Concernant la relation malade-proches
Existe-t-il une modifi cation des liens et des rapports de
force entre parents et enfants (l’autorité parentale est-elle
menacée ?), dans le couple, etc.
Existe-t-il des diffi cultés relationnelles, sexuelles ?
On constate souvent la coexistence de plusieurs souffrances
morales qui n’osent pas s’exprimer et qui conduisent à l’iso-
Parallèlement à l’accompagnement psychologique du sujet
atteint de maladie chronique ou sévère, l’accent est mis depuis
plusieurs années sur le rôle, mais aussi sur le vécu et la souf-
france de son entourage.
Une réfl exion est initiée dans les institutions, concernant la
place et la prise en charge des familles.
Actuellement, la proximologie “se consacre à l’étude des rela-
tions entre le malade et ses proches. Cette approche pluridis-
ciplinaire au carrefour de la médecine, de la sociologie, de la
psychologie, de l’éthologie et de bien d’autres disciplines fait de
l’entourage des personnes malades ou dépendantes un objet
central d’étude et de réfl exion. Elle s’inscrit dans une réfl exion
globale sur nos systèmes de soins et les diff érents acteurs de la
santé. Elle cherche notamment à mieux comprendre la nature
du lien et des relations qui unissent une personne atteinte
de pathologie chronique ou sévère et ses proches (famille,
voisins, amis, etc.). En ce sens, et compte tenu des évolutions
démographiques et épidémiologiques de nos populations, elle
invite à porter un regard nouveau sur le retentissement réel
des pathologies et sur leur prise en charge quotidienne.”
La notion d’“aidant naturel”, défi nie par une résolution du
Conseil de l’Europe, met également en lumière les problé-
matiques et les besoins spécifi ques de l’entourage convoqué à
cette place d’aidant, tant sur le plan physique que sur le plan
psychique (anxiété majeure dans 50 % des cas et un risque
dépressif multiplié par trois).
Qu’est-ce que la proximologie ?