Somatisations
Somatisation est synonyme de trouble psychosomatique, expression tirée du
grec ancien psukhê, l’esprit et soma, le corps.
Somatisation signifie qu’une souffrance psychique tente de s’exprimer par le
truchement du corps.
Il arrive qu’un professionnel de santé consulté pour une pathologie de médecine
générale ou de médecine spécialisée observe que les plaintes physiques réelles
et objectivables par les analyses biologiques ou d’imagerie médicale, soient
cependant, en partie, liées à une souffrance psychique. Dans ce cas,
le corps du patient manifeste le mal-être que son esprit ne parvient pas à
traduire. La maladie est installée dans le corps migraines, asthme,
hypertension artérielle, eczéma, douleurs dorsales… Les soins médicaux
s’avèrent insuffisants pour remédier à ces manifestations qui réapparaissent
régulièrement. Au bout d’un certain temps, le professionnel de santé va
s’orienter vers des éléments psychologiques qui pourraient contribuer à
expliquer les dysfonctionnements de la physiologie. En médecine générale,
près d’un tiers des patients seraient concernés. À tout âge, et chez chacun,
apparaissent des somatisations. Le bébé ne possédant pas encore l’art de la
parole, c’est son corps qui exprime les émotions. Élévation de la température,
crampes d’estomac, diarrhée… peuvent être entendues par exemple comme des
signaux de l’anticipation de la tristesse et de la crainte d’une séparation d’avec
la mère. Chez l’adulte, le mal de tête ou de dos ne sont pas rares quand les
soucis abondent ; les nausées, les difficultés respiratoires et les troubles
cardiaques accompagnent les situations de stress et de conflits.
L’affaiblissement progressif des fonctions mentales de la personne âgée
entraîne une prédominance de plaintes physiques, dont bon nombre reflètent
une souffrance psychique.
Chez nos ancêtres les premiers hominidés, il est probable que les organes
possédaient une parcelle d’instinct et d’intelligence. Le niveau cardiovasculaire
soutenait la combativité par l’accélération du rythme cardiaque et
l’augmentation de la tension artérielle ; le tube digestif concentrait la question
de l’attachement à la mère nourricière et celle de la séparation d’avec le clan
familial ou la tribu… Corps et cerveau archaïques étaient associés dans une
radicalité primaire et se chargeaient d’une palette réduite de fonctions et
d’émotions. Des processus plus sensoriels que rationnels donnaient le signal de
s’arrêter, de manger, de dormir, de s’abriter, de s’éveiller, de s’enfuir, de se
défendre… On est en droit de concevoir que cette capacité d’exprimer des
dilemmes psychologiques à travers les organes est restée dans le patrimoine
humain et qu’elle prend le relais de nos fonctions mentales supérieures quand
les circonstances rendent muets les mécanismes psychiques de défense et
d’adaptation.
Le système neurovégétatif se compose de deux sous-systèmes dont les actions
se combinent : l’orthosympathique et le parasympathique. Ce système est dit
autonome car il s’active sans intervention de la volonté. Dans le domaine de la
physiologie, le système neurovégétatif joue le rôle de modulateur du
fonctionnement régulier des organes, par exemple de la fréquence cardiaque. Il
véhicule aussi des messages émotionnels entre l’esprit et le corps, de manière
permanente, automatique et dans les deux sens. Le trac des artistes avant
d’entrer en scène peut entraîner des manifestations physiques bien connues.
Dans l’autre sens, un gros effort physique peut causer de la nausée et des
vertiges qui sont autant de signaux adressés à la raison qu’une limite est atteinte.
Mais lorsque l’esprit s’avère incapable de gérer une souffrance psychique, des
dérèglements neurovégétatifs majeurs se manifestent : maux de tête,
hyperventilation, tachycardie, spasmes digestifs, excès d’acidité gastrique,
crampes musculaires… Si ces dérèglements se répètent et ciblent
systématiquement le même organe, des lésions peuvent survenir à la longue : la
souffrance psychique est somatisée.
Le concept psychosomatique ne signifie pas que des préoccupations
psychologiques soient les seules causes de pathologies d’organes, mais bien
qu’elles y contribuent, parmi d’autres facteurs qui eux sont d’ordre
physiologique. Une personne qui ne canalise pas son agressivité subit une
activation excessive du système nerveux parasympathique. La sécrétion élevée
d’acidité dans l’estomac risque de causer un ulcère gastroduodénal et ce,
parallèlement à l’action d’une bactérie, l’hélicobacter pylori. Quelqu’un de
stressé en permanence voit son système nerveux orthosympathique s’emballer :
spasmes des artères coronaires, insuffisance de vascularisation cardiaque,
troubles du rythme cardiaque, douleurs d’angine de poitrine peuvent s’en suivre
et occasionner un accident cardiovasculaire. Toutefois, à l’origine de
l’insuffisance coronaire on trouve aussi des dépôts de cholestérol à l’intérieur
des artères.
In : L’ami Psy, écouter, comprendre et soigner la souffrance psychique.
Isy Pelc, Editions Psymédic, Bruxelles 200, pp 38-40.
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