Quelles "réponses" médicales possibles ?
Face à ces situations, le médecin peut réagir de différentes manières, au cas par cas.
- Refuser la sexualité : la situation peut être qualifiée de choquante, anormale, risquée - avec sa
pathologie cardiaque -, voire dangereuse, perturbante, dégradante, honteuse, etc. Le médecin
peut alors parfois se voir attribuer un rôle de "castrateur réparateur" par les soignants, les
familles, l’entourage voire la personne elle-même. En effet, que répondre lorsqu’on est face à un
patient, très pudique toute sa vie durant, qui se met à avoir une attitude incompatible avec sa
propre notion d’être humain ? L’idée est ici de l’aider à retrouver sa dignité.
- Déléguer à la famille, à la direction de l’établissement, aux soignants impliqués, la tâche de gérer.
Les actes rapportés n’entrant pas dans le cadre d’une pathologie, ils ne concerne pas le corps
médical au sens strict. Une telle attitude peut permettre de dédramatiser une situation montée
en épingle par un entourage prenant trop peu de recul.
- Accepter, voire valoriser cette capacité persistante de relation à l’autre. Dans le même sens que
l'institution se donne pour mission de favoriser la resocialisation, la renarcissisation. Les résidents
entendent "Faites comme chez vous", "Vous êtes ici chez vous", etc. Certaines activités favorisent
le rapprochement physique, la danse, la piscine, etc. Le morceau de musique sur lequel on invite
le patient à danser est peut-être celui sur lequel il a embrassé de multiples conquêtes. Sa
mémoire affective peut alors se réveiller et déclencher des réactions bien compréhensibles de
recherche de plaisir.
Quand devient-il nécessaire de prescrire ?
Une prescription médicale me semble justifiée, quelles que soient les circonstances, dans trois cas.
- Il existe une souffrance du patient, une régression de la libido à un niveau anal ou buccal qui peut
mettre la personne en danger.
- Il existe un trouble du comportement avéré, et non une connotation sexuelle attribuée à un
symptôme d’un autre ordre comme, par exemple, une personne démente ne pouvant plus exprimer
des douleurs mictionnelles ou le besoin d’uriner autrement que par l’exhibition de ses parties
génitales.
- La nécessité de protéger des personnes vulnérables, dans l’incapacité d’exprimer leur consentement.
La prescription médicale n’est pas que médicamenteuse mais prise au sens large. Cela commence par
une reconnaissance par l’équipe de l’existence de la personne. Il s'agit de replacer le patient, ainsi que
la souffrance des proches - à ne pas minimiser - au centre du dispositif.
Que devrait être le rôle du médecin ?
Le rôle fondamental du médecin est de redonner à chacun sa place et de détacher le tolérable de l’intolérable.
Cela est dépendant du contexte socio-culturel global (famille, établissement, etc.), du stade d’évolution de la
maladie. Comprendre le contexte clinique et social, les enjeux, les ressentis et les conséquences demande du
temps, facteur essentiel dans notre discipline. La décision, quelle qu’elle soit, est alors prise de façon
concertée, interdisciplinaire et dans le but de soulager une souffrance.
Dans cette optique, le médecin se doit d'être attentif à éviter certains pièges. Celui de l'urgence à réagir à
l’application stricte d’un règlement intérieur, à la nécessité de permettre aux personnels la réalisation de soins
techniques rapidement (toilette intime, sonde urinaire, traitement d’une constipation, réfection de pansement,
etc.), au désarroi des familles qui ne donnent plus au vieillard qu’un rôle « parental ». Celui de la place du
soignant. Entrer chaque jour dans l’intimité du patient peut amener le soignant à le considérer, même
inconsciemment, comme un "objet de soin", jusqu'au jour où, le sens du toucher étant longtemps conservé,
une réaction survient !
Pour conclure, le regard médical doit être bienveillant à l’égard de tous, avec la nécessité d’accompagner les
décisions, les actes et les messages (rôle de la main, premier et dernier médiateur d’affect).
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