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La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 10 - décembre 2007
POINTS FORTS
La première étape de toute stratégie est d’évaluer l’opé-
rabilité potentielle du malade.
Le drainage, dont l’objectif est palliatif, peut être un traite-
ment exclusif ou bien participer d’une stratégie plus complexe
telle que la pparation à une chirurgie à visée curative jugée
non réalisable d’emblée, ou la combinaison à un traitement
antitumoral administré par voie systémique ou locale.
Lendoscopie permet, par un abord rétrograde de la voie
biliaire principale, de drainer lensemble des voies biliaires
intrahépatiques par une seule prothèse lorsque l’obstacle
respecte entièrement la convergence principale (Bismuth I)
ainsi que par deux prothèses placées en parallèle lorsque la
tumeur atteint le plafond de la convergence (Bismuth II).
Il convient de nopacifi er que des secteurs dont le drainage
effi cace pourra être obtenu avec une quasi-certitude.
Les prothèses métalliques sont indiquées :
lorsque lobstacle est de type Bismuth I, non métas-
tatique ;
lorsqu’un drainage bilatéral paraît, au vu des données
cholangiographiques, cessaire et su sant chez un malade
ayant une espérance de vie supérieure ou égale à 6 mois ;
lorsque la pose d’une seule prothèse unilatérale permet
de drainer effi cacement et durablement un secteur du foie
supérieur à 30 % du volume global et que l’on nenvisage
pas de traitement complémentaire endocanalaire.
La thérapie photodynamique présente des résultats très
encourageants, notamment en termes de survie.
Le drainage par voie endoscopique peut être, dans la majo-
rité des cas, l’option de premier choix, en servant le recours
à l’abord percutané aux échecs ou aux résultats insuffi sants
de l’abord rétrograde. Une autre attitude, également légitime,
est de privilégier l’endoscopie pour les stades Bismuth I ou
II et l’abord percutané pour les stades plus avancés, sur la
base d’une cholangiographie non invasive par IRM.
Lapport du drainage biliaire du foie à préserver dans le cadre
d’une préparation à la chirurgie est maintenant admis.
Mots-clés : Drainage biliaire Endoprothèse Photothé-
rapie dynamique.
Keywords: Biliary drainage Stent Photodynamic
therapy.
C
est en partie par défaut que l’endoscopie interven-
tionnelle occupe actuellement une place centrale dans
la prise en charge du cholangiocarcinome de la voie
biliaire principale et de la région périhilaire (tumeur de Klatskin).
En eff et, la chirurgie carcinologique, seul traitement à vie
curative, ne peut être proposée qu’à une minorité de malades
présentant à la fois une maladie localisée ou localement évoluée
et un risque opératoire modéré (1). Les traitements dicaux à
visée antitumorale tels que la radiothérapie et la chimiothérapie
ont par ailleurs une effi cacité notoirement limitée au cours du
cholangiocarcinome (2, 3). Ne seront pas abordés ici le traite-
ment endoscopique de lampullome vatérien ni le rôle particulier
de l’endoscopie dans la prise en charge du cholangiocarcinome
développé sur cholangite sclérosante primitive.
CONTEXTE DE LA PRISE EN CHARGE
ENDOSCOPIQUE
Le cholangiocarcinome canalaire (par opposition au cholan-
giocarcinome intrahépatique ou carcinome cholangiocellu-
laire réalisant un syndrome de masse intrahépatique et relevant
habituellement du traitement chirurgical) se caractérise histo-
logiquement par une prolifération épithéliale se développant
dans les gros canaux biliaires. Plus souvent de type infi ltrante
que de type papillaire, cette prolifération s’accom pagne d’un
important stroma collagène, et d’une progression longtemps
locale avec des engainements périnerveux et se caractérise par
une extension longitudinale suivant la lumière canalaire avant
l’extension ganglionnaire locale puis vasculaire et métastatique.
Ce type d’évolution est obserdans la plupart des cas, qu’il
existe ou non une maladie prédisposant au développement du
cholangiocarcinome, telle que la cholangite sclérosante primi-
tive, la lithiase intrahépatique ou les kystes du cholédoque.
Ce mode évolutif rend compte du fait que la présentation
clinique est dominée par les manifestations d’obstruction de
type extrahépatique : ictère rétentionnel suivant une phase
plus ou moins longue de cholestase parfois responsable d’une
dénutrition sévère, prurit, risque accru de surinfection à type
d’angiocholite. Il est donc le plus souvent nécessaire de réaliser
un drainage des voies biliaires obstruées, afi n de :
soulager les symptômes invalidants (prurit, ictère) ;
rétablir les fonctions digestives et améliorer l’état général ;
prévenir ou traiter les complications infectieuses.
Le drainage, dont lobjectif est palliatif, peut être un traitement
exclusif ou bien participer d’une stratégie plus complexe telle
Place de l’endoscopie interventionnelle dans la prise
en charge thérapeutique du cholangiocarcinome
Endoscopic treatment of cholangiocarcinoma
F. Prat*
* Département médico-chirurgical des maladies et cancers digestifs, hôpital Cochin, Paris.
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que la préparation à une chirurgie à visée curative jugée non
réalisable d’emblée, ou la combinaison à un traitement anti-
tumoral administré par voie systémique ou locale.
Le drainage peut être réalisé selon trois modalités qui ne sont
pas exclusives les unes des autres : la dérivation chirurgicale, la
radiologie interventionnelle et l’endoscopie interventionnelle.
Le développement des méthodes instrumentales ayant rendu
caduques les techniques chirurgicales palliatives, ces dernières
ne seront pas développées. Le drainage biliaire par voie endos-
copique rétrograde ou par voie percutanée est donc désormais
une composante essentielle de la prise en charge thérapeutique
du cholangiocarcinome, généralement dès son diagnostic ; il
doit être considéré comme tel, et non uniquement comme une
technique d’appoint ou de sauvetage (4).
TECHNIQUES ET OBJECTIFS
DU TRAITEMENT ENDOSCOPIQUE
Principe du drainage endoscopique
Lobjectif clinique du drainage endoscopique est d’obtenir
la gression de l’icre et du prurit éventuellement associé,
ainsi que l’amélioration de l’appétit qui s’ensuit habituelle-
ment. La gression de l’ictère est souvent plus lente en cas
d’obstacle hilaire quen cas d’obstacle distal, et le patient doit
être informé de la nécessité d’attendre environ 2 semaines en
moyenne pour observer une quasi-normalisation clinique.
Bien que l’on estime en général que le drainage de 30 % du
parenchyme hépatique fonctionnel su se à atteindre cet
objectif, il est impératif lorsque le drainage est partiel que
les secteurs non drais n’aient pas é contaminés. Lorsque
le siège de la tumeur est périhilaire (ou lorsqu’il s’agit de la
propagation au hile d’un carcinome vésiculaire), linfi ltration
de secteurs biliaires contigus du foie réalise un cloisonnement
sectoriel que la classifi cation de Bismuth et Corlette aide à
caracriser.
Lendoscopie permet, par un abord rétrograde de la voie biliaire
principale, de drainer l’ensemble des voies biliaires intrahépa-
tiques par une seule prothèse lorsque l’obstacle respecte entiè-
rement la convergence principale (Bismuth I) ; il est possible
de réaliser également un drainage complet par deux prothèses
placées en parallèle lorsque la tumeur atteint le plafond de la
convergence (Bismuth II). En cas d’extension aux convergences
segmentaires, de façon uni- ou bilatérale (Bismuth III droit ou
gauche et Bismuth IV), les techniques endoscopiques ne permet-
tent qu’exceptionnellement de drainer l’ensemble des secteurs
obstrués, ce qui impliquerait la mise en place d’au moins trois
prothèses. Cependant, un drainage partiel limité aux secteurs
les plus volumineux et fonctionnels peut être bénéfi que, à la
condition de ne pas infecter par des manœuvres instrumentales
des secteurs qui resteront exclus en fi n de procédure. Le succès
et leffi cacité du drainage endoscopique, particulièrement dans
les formes avancées, nécessitent donc de porter une attention
particulière à certains points de technique endoscopique désor-
mais assez bien codifi és.
Technique
Le premier point concerne les conditions de réalisation du geste
endoscopique. Dès lors que la tumeur intéresse la convergence
biliaire principale, une analyse et une interprétation exactes de
la distribution des canaux sectoriels et de l’extension tumorale
canalaire doivent pouvoir être faites sur un patient en cu-
bitus dorsal. Cela implique l’intubation trachéale du malade,
d’autant plus que le geste endoscopique peut nécessiter une
anesthésie longue, dépassant parfois 2 heures. Étant donné
l’injection de produit de contraste dans des canaux dilatés
en surpression, le risque bactériémique est augmenté ; une
antibiothérapie probabiliste à large spectre est indispensable
pour encadrer le geste endoscopique. Une quinolone à bonne
diff usion hépatique est un choix approprié. En cas d’incerti-
tude sur la qualité et le caractère complet du drainage biliaire,
l’antibiothérapie peut être élargie afi n de couvrir notamment
le Pseudomonas sp, grâce à une uréidopénicilline ou à une
céphalosporine appropriée.
Lors du cathérisme rétrograde et avant lappareillage par
endoprothèse(s), il est possible de réaliser des prélèvements à
visée diagnostique sous forme de brossage ou d’aspiration de
bile pour examen cytologique ou encore sous forme de biopsies
endocanalaires (4).
La di culà cathétériser certains secteurs intrahépatiques
obstrués peut être due à langulation des sténoses ou au caractère
serré ou particulièrement dur de celles-ci ; l’opérateur doit avoir
à sa disposition un choix complet de matériel pour surmonter
ces diffi cultés (fi ls-guides droits et courbés, de calibre variable,
dilatateurs hydrostatiques, canules orientables, etc.). En néral,
il convient de nopacifi er que des secteurs dont le drainage effi -
cace pourra être obtenu avec une quasi-certitude. Le degré de
certitude est très lié à lexpérience de l’opérateur, reposant entre
autres sur la confrontation du trajet du l-guide obsersous
uoroscopie et des éléments recueillis lors des explorations
non invasives préalables, telle la cholangio-IRM (5). Lorsqu’au
moins deux secteurs doivent être intubés séparément, la mise
en place de deux fi ls-guides en parallèle est une précaution
importante avant la mise en place des prothèses. En revanche,
un troisième secteur, lorsqu’il doit être drainé, ne peut être
traisimultanément. Le secteur paraissant le plus di cile à
appareiller doit être préférentiellement traité en premier, la
mise en place d’une seconde prothèse étant souvent plus diffi cile
en raison de la place occupée par la première. À cet égard, la
réalisation d’une sphinctérotomie endoscopique large est une
précaution nécessaire lorsque plus d’une prothèse doit être
mise en place.
Enfi n, le choix d’un appareillage par prothèse métallique ou plas-
tique est souvent licat. En eff et, les données de la littérature ne
permettent pas d’avoir une position tranchée, di érents facteurs
peuvent infl uencer la décision, et il est fréquent que celle-ci ne
puisse être prise qu’en cours de procédure endoscopique. On
peut cependant dégager quelques points essentiels :
Les prothèses plastiques sont appropriées :
lorsque le drainage endoscopique est un élément d’une
stratégie préopératoire (cf. infra) ;
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lorsquun traitement endocanalaire complémentaire, comme
la photothérapie dynamique (PDT), est envisagé (cf. infra) ;
lorsque l’espérance de vie est estimée inférieure à 3 mois,
l’objectif du drainage étant le soulagement symptomatique à
court terme, notamment en cas de métastases viscérales multi-
ples en échappement ou de non-réponse thérapeutique ;
lorsque l’endoscopie ne permet qu’un drainage partiel et
quun drainage plus complet par voie percutanée (ou combinée
endoscopique et percutanée) paraît envisageable ; l’ablation
de la prothèse endoscopique est alors indispensable avant le
drainage percutané.
Les prothèses métalliques sont adéquates :
lorsque l’obstacle est de type Bismuth I, non tasta-
tique ;
lorsqu’un drainage bilatéral paraît, au vu des données
cholangiographiques, nécessaire et suffi sant chez un malade
ayant une espérance de vie supérieure ou égale à 6 mois ;
lorsque la pose d’une seule prothèse unilatérale permet
de drainer e cacement et durablement un secteur du foie
supérieur à 30 % du volume global et que l’on nenvisage pas
de traitement complémentaire endocanalaire ; dans ce cas (par
exemple, envahissement Bismuth III droit avec bonne fonc-
tionnalité hépatique gauche, sans projet opératoire), plusieurs
travaux suggèrent une e cacité supérieure d’une prothèse
métallique unique par rapport à une ou deux prothèses plas-
tiques (6-8).
À l’exception des sténoses tumorales Bismuth I qui peuvent
être traitées par des prothèses talliques couvertes, seules
des prothèses non couvertes seront utilisées en cas dinfi ltration
de la convergence, afi n de ne pas occulter un abouchement
sectoriel.
Traitements locaux
En raison de l’effi cacité très limitée des traitements systémiques
et de l’évolution parfois longtemps locorégionale du cholangio-
carcinome canalaire, le développement de méthodes de trai-
tement local, notamment par agents physiques d’application
endoluminale, est une préoccupation logique. On peut distinguer
trois méthodes de traitement entrant dans cette catégorie :
La radiothérapie endocavitaire, dont les résultats ont été
jusqu’à présent décevants ou trop limités pour justifi er la pour-
suite de son développement (3) ;
Les ultrasons de forte intensité par voie endoluminale, dont
les premiers essais ont montré la faisabilité et l’effi cacité locale,
mais qui nont pour le moment fait l’objet que d’une étude
pilote (9) ;
La PDT, qui est actuellement la seule à présenter des résul-
tats très encourageants, notamment en termes de survie, sur
des séries signifi catives, y compris randomisées. Ces résultats
(tableau) demandent cependant à être confi rmés par des études
randomisées internationales rigoureuses (10-13). Il semble que
le principal eff et de la PDT soit d’induire une nécrose locale
relativement profonde dans la zone tumorale éclairée par le laser
colorant après photosensibilisation par le porfi mère sodique
à la dose de 2 mg/kg. Il convient de signaler que la PDT peut
également être utilisée comme traitement néo-adjuvant (14).
STRATÉGIES ACTUELLES
La première étape de toute stratégie est d’évaluer l’opérabilité
potentielle du malade. Lorsque le bilan des comorbidis conduit
à exclure une exérèse à visée curative et que le drainage biliaire
est la seule option envisagée, un bilan d’extension complet est
inutile. Une évaluation de l’extension hilaire et intrahépatique
ainsi que d’éventuels secteurs atrophiques dont le drainage
serait superfl u est nécessaire ; elle doit être faite par le scanner
et peut être utilement complétée par la cholangio-IRM (15).
Le drainage par voie endoscopique peut être, dans la majorité
des cas, loption de premier choix, en servant le recours à
l’abord percutané aux échecs ou aux résultats insu sants de
l’abord rétrograde. Une autre attitude, également légitime, est
de privilégier l’endoscopie pour les stades Bismuth I ou II et
l’abord percutapour les stades plus avancés, sur la base d’une
cholangiographie non invasive par IRM. Le choix entre ces deux
attitudes repose actuellement davantage sur les disponibilités et
les expertises locales que sur des faits établis par la recherche
clinique.
Tableau.
Principaux résultats des quatre études comparant prothèse seule et prothèse + photothérapie dynamique (PDT) dans le traitement du
cholangiocarcinome hilaire non résécable.
Auteur, année
de publication Type d’étude Patients (n) Survie Autres e ets de la PDT
Stent seul PDT + stent Stent seul PDT + stent
Ortner, 2003 (10) Prospective randomisée 19 20 98 jours 493 jours
(p < 0,0001)
Baisse de la bilirubine
Augmentation de la qualité de vie
Dumoulin, 2003 (11) Rétrospective 20 24 12,5 mois 16 mois
(NS)
Zoepf, 2005 (12) Rétrospective 16 16 7 mois 21 mois
(p = 0,001) Augmentation des infections biliaires
Witzigmann, 2006 (13) Prospective
cas-témoins 56 68 6 mois 12 mois
(p < 0,01)
Baisse de la bilirubine
Augmentation de l’indice de performance
Équivalence à une résection R1-R2
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Lorsqu’une chirurgie d’exérèse élargie est envisageable – donc
lorsque le risque lié au patient est faible –, l’une des avancées
récentes est la monstration de l’apport du drainage biliaire du
foie à préserver dans le cadre d’une préparation à la chirurgie qui
comporte également une embolisation portale du foie tumoral.
Le drainage, qui doit être fait par prothèse plastique, peut être
pratiqué par voie rétrograde ou percutanée.
En n, le veloppement de la PDT ou d’autres traitements
locaux pourrait conduire, en cas de maladie non résécable mais
d’évolution essentiellement intracanalaire et locorégionale, à
des stratégies en plusieurs temps, dans lesquelles le traitement
instrumental, et notamment endoscopique, serait le moyen
essentiel par lequel le cholangiocarcinome canalaire deviendrait
une maladie à évolution lente et prolongée : drainage biliaire
d’abord partiel, uni- ou bilatéral, traitement par agent physique
permettant de sobstruer et de “recrutercertains secteurs,
drainage complémentaire, puis, dans certains cas, suppression
temporaire du drainage avant récidive de la maladie.
CONCLUSION
Lévolution récente de la prise en charge du cholangiocarcinome
est marquée par des avancées thérapeutiques qui, contrairement
à ce qui est obser dans d’autres cancers, doivent assez peu
aux progrès des thérapeutiques systémiques, et beaucoup plus
à l’amélioration de la stratégie chirurgicale et des techniques
instrumentales, parmi lesquelles les techniques endoscopiques
ont joué ces dernières années un rôle prépondérant.
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