La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIV - n° 3 - mai-juin 2011 | 103
Points forts
»
Le bévacizumab est le seul antiangiogénique ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché dans
le traitement du cancer colorectal avancé.
»La prise en charge des effets indésirables liés au bévacizumab doit s’intégrer dans un réseau interdis-
ciplinaire.
»La balance bénéfice/risque du traitement par bévacizumab est largement favorable aux patients mais
les effets indésirables à long terme restent peu connus.
Mots-clés
Bévacizumab
Toxicité
Iatrogénie
Hypertension
artérielle
Protéinurie
Cancer
VEGF
Keywords
Bevacizumab
Toxicity
Iatrogenic
Hypertension
Proteinuria
Cancer
VEGF
CTCAE), propre à la communauté oncologique, qui
utilise un seuil de pression artérielle plus haut (≥ 140
et/ou 90 mmHg) que celui défi ni par les recom-
mandations des sociétés savantes européennes de
cardiologie (1, 2).
Les caractéristiques de l’HTA induite par le bévaci-
zumab sont relativement constantes :
➤l’élévation de la pression artérielle survient dès
les premières semaines de traitement chez tous les
patients, qu’ils soient initialement hypertendus ou
normotendus ;
➤l’HTA n’est sévère que dans 10 à 15 % des cas ;
➤l’HTA est en général dose-dépendante.
À partir d’une méta-analyse d’essais cliniques
portant sur plusieurs milliers de patients dont la
moitié avaient reçu du bévacizumab, le risque relatif
d’HTA sous une faible dose de bévacizumab (2,5 mg/
kg/sem.) était de 4,78 (IC95 : 3,59-6,36 ; p < 0,001)
et de 5,39 (IC95 : 3,68-7,90 ; p < 0,001) pour une
dose de 5 mg/kg/sem. (4).
La recherche de signes cliniques évocateurs d’HTA
(acouphènes et céphalées) et la mesure de la pres-
sion artérielle au repos doivent être systématiques
avant chaque nouvelle administration de bévaci-
zumab (1). Les mesures conventionnelles de pres-
sion artérielle ne permettent pas toujours de faire le
diagnostic de l’HTA, en particulier dans un contexte
anxiogène lié au diagnostic ou avant la chimiothé-
rapie en hôpital de jour. Cela justifi e l’utilisation en
ambulatoire de l’automesure ou de la mesure par le
médecin généraliste de la pression artérielle chez les
patients traités ou devant être traités par des AA.
Les RCP françaises sont les suivantes (5) :
➤la première administration d’un AA ne doit pas
être retardée en raison d’une pression artérielle
élevée (hors urgence hypertensive) ;
➤
la mesure de la pression artérielle doit au mieux
être réalisée en ambulatoire par le médecin traitant
et/ou par automesures à domicile par un appareil
validé par l’Agence française de sécurité sanitaire des
produits de santé (AFSSAPS). Le “schéma des 3” dicté
par la Haute Autorité de santé (HAS) est conseillé
(6) : 3 prises de la pression artérielle le matin au
réveil et le soir au coucher, à 5 minutes d’intervalle,
3 jours de suite ;
➤
la prise en charge thérapeutique de l’HTA doit
s’effectuer conformément aux recommandations
de l’HAS et de l’European Society of Hypertension
(ESH) [6, 7] si la pression artérielle est confi rmée –
supérieure à 135 mmHg pour la pression artérielle
systolique et/ou 85 mmHg pour la pression artérielle
diastolique en ambulatoire (fi gure 1) [5] ;
➤
la prise en charge se fera au mieux dans le cadre
d’un traitement en réseau comprenant médecin
généraliste, oncologue, cardiologue et néphrologue
avec carnet de suivi.
Les objectifs de ces mesures sont d’éviter, d’une part,
un arrêt inapproprié du traitement AA et, d’autre
part, une complication grave de l’HTA. Seule une
urgence hypertensive de type encéphalopathie, HTA
maligne, HTA avec insuffi sance cardiaque, dissection
aortique, accident vasculaire cérébral, infarctus du
myocarde ou syndrome de leucoencéphalopathie
postérieure réversible nécessite un arrêt défi nitif du
bévacizumab (5, 8). Une urgence de ce type doit être
prise en charge par une équipe spécialisée de cardio-
logie et/ou de neurologie vasculaire. En l’absence de
protéinurie, les antihypertenseurs classiques peuvent
être utilisés : inhibiteurs de l’enzyme de conversion
(IEC), antagonistes des récepteurs AT1 de l’angioten-
sine II (ARA2), inhibiteurs calciques, bêtabloquants
ou diurétiques (5, 8). Dans les rares cas d’HTA résis-
tant aux traitements standards, les dérivés nitrés
semblent être un recours intéressant. Les comor-
bidités associées seront à prendre en compte dans
le choix thérapeutique (tableau II) [2, 5].
Protéinurie
Le rein est l’un des organes qui exprime de façon
physiologique le plus le VEGF et son récepteur
le VEGF-R, rendant compte ainsi de la fréquence
élevée de la protéinurie et de l’HTA observées chez
les patients après quelques semaines à quelques
mois de traitement par bévacizumab. La protéi-
nurie est habituellement dose-dépendante et réver-
sible, parfois massive et presque toujours associée
à une HTA. Des cas de néphrites interstitielles et
de microangiopathies thrombotiques (syndrome
hémolytique et urémique) ont été rapportés, notam-
ment lors d’une association bévacizumab-sunitinib
(5). Selon les RCP françaises, la bandelette urinaire
(BU) – et, le cas échéant, la quantifi cation de la