Éditorial Zoom sur la maturation pubertaire J.M. Kuhn* * Service d’endocrinologie et maladies métaboliques, hôpital de Bois-Guillaume, CHU de Rouen. L a maturation pubertaire, source de transformations physiques et psychiques considérables, est un préalable incontournable à l’installation de la fonction de reproduction. La mise en route de cette étape clé est sous la dépendance de très nombreux facteurs : environnementaux, génétiques, biochimiques. L'amélioration des conditions alimentaires hygiéno-diététiques a, à l'évidence, avancé la date de l'initiation pubertaire. De nombreuses illustrations cliniques suggèrent que la variabilité de l'enclenchement physiologique de la puberté puisse être également sous-tendue par des facteurs génétiques. Le signal biologique initiateur de la maturation pubertaire, consensuellement reconnu, est la mise en route et l'amplification de la sécrétion pulsatile de GnRH. Le problème non résolu à l'heure actuelle est celui de l'identification du ou des facteurs enclenchant l'activité sécrétoire pulsatile des neurones hypothalamiques impliqués. Ascension de la sécrétion de mélatonine, amplification considérable de la production surrénalienne de déhydroépiandrostérone ont été, il y a des années, suspectés d'être responsables de ce phénomène, mais rien n'a été clairement démontré en ce qui concerne l'identité exacte du starter de la maturation pubertaire. Les études animales et les modèles naturellement fournis par la pathologie de la puberté humaine offrent une perspective nouvelle et sans doute beaucoup plus proche de la réalité physiologique que les anciens concepts. Les développements récents sur les mécanismes présidant au déclenchement de la puberté sont très clairement explicités dans l'article de M.C. Lebrethon et J.P. Bourguignon. En particulier, les relations existant entre l'atteinte d'une masse corporelle seuil et l'enclenchement du processus pubertaire ont reçu un éclairage nouveau depuis la mise en évidence de la sécrétion de leptine par le tissu adipeux. À l'exception du retard pubertaire simple, qui peut représenter une variante extrême d'un processus physiologique conditionné par un patrimoine génétique particulier, la pathologie pubertaire se répartit schématiquement entre défaillance gonadique, quelle que soit son origine, et puberté précoce. Les modèles animaux et les outils modernes de biologie moléculaire ont permis d'identifier, au sein de ces syndromes de retard ou de précocité pubertaire, des individualités liées à des anomalies génétiques. Des mutations responsables de perte de fonction ou, au contraire, de gain de fonction ont ainsi, quant à elles, permis d'expliquer certains tableaux pathologiques et, consécutivement, d'adapter de façon “plus intelligente” la démarche thérapeutique. L'article de Nicolas de Roux fait le point sur les avancées 95 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 3, mai-juin 2001 Éditorial récentes de la compréhension des mécanismes moléculaires responsables d'anomalies, par défaut ou excès de célérité du développement pubertaire. L'absence de développement pubertaire, une fois le diagnostic de retard pubertaire simple écarté (diagnostic qu’il n'est pas toujours aisé de porter, notamment chez la fille), implique la mise en route d'un traitement stéroïdien adapté. À l'inverse, la précocité pubertaire peut, entre autres retentissements, altérer le pronostic final de taille. La disponibilité d'analogues puissants de la GnRH et leur effet paradoxal d'inhibition de la sécrétion gonadotrope a permis d'offrir une solution thérapeutique simple aux pubertés précoces centrales liées à une activation prématurée de l'axe hypothalamo-hypophyso-gonadique. Le choix de l'introduction d'une thérapeutique par analogue de la GnRH, qui ne se conçoit qu'après réalisation d'une enquête étiologique soigneuse, doit tenir compte de l'âge d'apparition des signes pubertaires, du pronostic de taille et, de façon plus subtile, de la vitesse d'évolution spontanée de la puberté. L'indication et les modalités du traitement des pubertés précoces d'origine centrale sont détaillées dans l'article de Juliane Léger, troisième volet de ce dossier. Ainsi, les processus physiologiques, jusqu'alors mystérieux, de la mise en route de la mécanique pubertaire commencent à être décryptés à la lumière de modèles animaux ou d'exemples pathologiques. Parallèlement, les anomalies responsables des insuffisances ou des précocités pubertaires commencent à être mieux identifiées, notamment grâce aux résultats des études moléculaires de cas pathologiques particuliers. Dans l’idéal, les armes choisies au sein de l'arsenal thérapeutique devraient être constamment étiologiques. Encore faudrait-il identifier chaque fois la cause précise de l'anomalie pubertaire. Quoi qu'il en soit, la panoplie de nos moyens thérapeutiques permet désormais de proposer une attitude pratique satisfaisante dans la majorité des cas. L'exemple de l'utilisation des analogues de la GnRH dans les précocités pubertaires est clairement démontratif. 96 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 3, mai-juin 2001