Stérols végétaux et risque cardiovasculaire Revue systématique et méta-analyse des études épidémiologiques D’après la communication du Dr B. Genser, Heidelberg, Allemagne. Une revue systématique et une méta-analyse des études épidémiologiques évaluant l’impact des concentrations plasmatiques de sitostérol et de campestérol sur le risque cardiovasculaire ont été présentées (1). Une recherche systématique a été réalisée dans les bases de données Medline (de 1950 à avril 2010), Embase (de 1996 à avril 2010) et Cochrane : 17 études ont été retenues pour un total de 11 182 participants. Deux méta-analyses ont été effectuées selon un principe conceptuel : ✓✓ une analyse du ratio de risque (RR) de maladie cardiovasculaire portant sur 8 études, en respectant les quartiles de distribution des concentrations en stérols plasmatiques ; ✓✓ une analyse portant sur 15 études et concernant les différences moyennes standardisées (SMD) entre les cas de maladie cardiovasculaire et les contrôles. Les résultats (tableau II) ne montrent pas de relation évidente entre les concentrations plasmatiques de sitostérol et de campestérol (concentrations absolues ou ratios par rapport au cholestérol total – CT) et le risque accru de survenue de maladies cardiovasculaires. Résultats d’Homburg D’après la communication du Dr O. Weingärtner, Homburg, Allemagne. La sitostérolémie est une maladie autosomale récessive caractérisée par une mutation des transporteurs ABCG5/ ABCG8 responsable d’une augmentation de l’absorption et d’une diminution de l’excrétion des stérols végétaux, avec des concentrations plasmatiques multipliées par 20 environ (2, 3). Cette maladie a pour conséquences l’apparition de xanthomes et d’une athérosclérose précoce et sévère avec sténoses serrées de l’aorte et décès précoce d’origine cardiovasculaire. Une étude épidémiologique récente, réalisée selon le principe des genome wide association studies chez 13 764 patients coronariens versus 13 860 sujets contrôle, a mis en évidence une association entre des concentrations plasmatiques élevées de campestérol (sujets porteurs de mutation du transporteur ABCG8) et la survenue d’événements cardiovasculaires (4). Les sujets consommateurs réguliers de phytostérols présentent une augmentation des concentrations de phytostérols plasmatiques et au niveau des valves cardiaques (5). Dans une étude réalisée chez 82 patients porteurs d’une sténose serrée de l’aorte, une association significative (r = 0,524 ; p < 0,0005) a été retrouvée entre des concentrations de stérols dans les valves aortiques et des concentrations plasmatiques élevées en campestérol chez 10 patients consommateurs réguliers de margarine enrichie en PS (5). Enfin, l’étude PROCAM a montré, dans l’analyse d’un sous-groupe de 159 hommes coronariens versus 318 hommes témoins, une augmentation du risque d’événement coronaire à 10 ans chez des patients présentant des concentrations plasmatiques élevées en sitostérol (> 0,21 mg/dl) [figure 9, p. 12] : le RR est de 1,8 (p = 0,014) pour les sujets dans le quartile supérieur de sitostérolémie versus les 3 autres quartiles. Chez les sujets avec un risque cardiovasculaire supérieur à 20 % à 10 ans, les taux élevés de sitostérol sont associés à un surrisque (RR = 3 ; p = 0,032) [6]. Pour le Dr Weingärtner, la prudence doit rester de mise avec les stérols végétaux : il en veut pour preuve la posi- Tableau II. Résultats de la méta-analyse (d’après [1]). Exposition Nombre d’études RR IC95 p Nombre d’études SMD IC95 p Campestérol Concentrations Ratio/CT 2 6 1,02 1,19 0,94-1,09 0,94-1,50 0,675 0,150 7 15 0,09 0,02 – 0,10-0,28 – 0,10-0,14 0,368 0,770 Sitostérol Concentrations Ratio/CT 3 8 1,06 0,94 0,84-1,34 0,68-1,31 0,644 0,730 6 14 0,09 0,01 – 0,12-0,29 – 0,09-0,12 0,400 0,837 Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Supplément au vol. XVI - n° 7 - septembre 2012 11 20,0 Hazard-ratios 15,0 Sitostérolémie bassse (< 0,21 mg/dl) Sitostérolémie élevée (> 0,21 mg/dl) * 17,2 * p = 0,032 tion du NHS (National Institute for Health and Clinical Excellence) au Royaume-Uni, qui, à la différence des Recommandations américaines et européennes, ne les préconise pas en prévention primaire chez les patients dyslipidémiques et demande des études complémentaires sur une durée d’au moins 2 ans et avec des critères de jugement clinique appropriés. ■ 10,0 5,8 5,0 1,4 1,0 0,0 < 10 2,9 4,2 10-20 > 20 Figure 9. Étude PROCAM – risque d’événement coronaire à 10 ans en fonction de la sitostérolémie plasmatique (d’après [6]). Références 1. Genser B et al. Eur Heart J 2012;33(1):444-51. 2. Bhattacharyya AK et al. J Clin Invest 1974;53(4):1033-43. 3. Stalenhoef AF. N Engl J Med 2003;349(1):51. 4. Teupser D et al. Circ Cardiovasc Genet 2010;3(4):331-9. 5. Weingärtner O et al. J Am Coll Cardiol 2008; 51(16):1553-61. 6. Assmann G et al. Nutr Metab Cardiovasc Dis 2006;16(1):13-21. Les stérols végétaux sont-ils à recommander dans la prise en charge du patient hypercholestérolémique ? Le pour Distribution de la variable dans la population APRÈS AVANT APRÈS Limite des “valeurs normales” Stratégie populationnelle (après avant ) Facteur de risque Stratégie des sujets à “haut risque” (après : quasi-élimination de la zone orange) Ferrières J. Comment faire de la prévention. Dans Médecins de Santé Publique 2006. Editions ENSP Figure 10. Les stratégies de prévention – stratégie populationnelle et stratégie des sujets à haut risque. 12 D’après la communication du Pr J. Ferrières, CHU Rangueil, Toulouse. Les stratégies de prévention comportent à la fois une approche populationnelle et une approche ciblant les sujets à “haut risque” (figure 10). L’approche populationnelle pure montre qu’une diminution de 10 % du cholestérol total se traduit par une diminution de 19,7 % de la mortalité coronaire à 10 ans (1). L’équipe de Toulouse a montré que 76 % des cas de maladie coronaire aiguë en population générale française peuvent être expliqués par les facteurs de risque principaux (tabagisme, hypertension artérielle, diabète, dyslipidémies) et que 16 % des cas pourraient être évités si l’on ramenait le LDL-c en dessous de 1,6 g/l (figure 11). Dans un échantillon représentatif de la population générale française, après avoir éliminé les patients traités pour maladie cardiovasculaire ou par hypolipémiants, il reste 30 % de sujets adultes présentant une hypercholestérolémie (2). Sur la période 1996- Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Supplément au vol. XVI - n° 7 - septembre 2012