Numéro best of biblio Pharmacologie Un polymorphisme génétique du CYP2B6 augmente de plus de 3 fois les concentrations d’efavirenz dans le plasma et les cheveux Anne-Marie Taburet (Service de pharmacie, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre). Contexte L’efavirenz (EFV) est un antirétroviral (ARV) de la classe des inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse du VIH-. Du fait de son activité virologique et clinique démontrée et de sa disponibilité en combinaison à dose fixe, associé au ténofovir et à l’emtricitabine en 1 prise par jour, et de la faible interaction avec les médicaments antituberculeux, en particulier la rifampicine, l’EFV est en passe de devenir un des ARV de première ligne les plus utilisés dans le monde, aussi bien dans les pays du Nord que dans ceux du Sud. Sur le plan pharmacocinétique, l’EFV a également des atouts. Sa demi-vie est longue (> 24 h) ; malgré une variabilité interindividuelle importante, son absorption semble bonne et sa biodisponibilité absolue est supérieure à 70 %. Cependant, l’EFV n’est pas dénué d’effets indésirables, en particulier de type neurologique, qui surviennent surtout en début de traitement chez certains patients paraissant particulièrement susceptibles. De plus, l’EFV a, sur le plan virologique, une faible barrière génétique. Il est métabolisé principalement par un cytochrome (CYP), le CYP2B6. Un certain nombre de polymorphismes ont été identifiés, qui expliquent la variabilité des concentrations et des effets indésirables. Méthode Gandhi et al., de l’université de Californie à San Francisco, ont étudié les facteurs, y compris génétiques, qui pouvaient expliquer la variabilité des concentrations de l’EFV chez 111 femmes, majoritairement afro-américaines, incluses dans la cohorte nord-américaine WIHS (Women’s Interagency HIV Study). L’exposition à l’EFV à court terme a été quantifiée par la mesure des concentrations plasmatiques dans l’intervalle de temps entre 2 doses et à long terme en mesurant la quantité d’EFV retrouvée dans un échantillon de cheveux dont la coupe a été standardisée près du scalp (diapositive 1). Commentaire L’intérêt de cette étude est de montrer que la mesure des concentrations d’un médicament dans les cheveux est un indicateur d’exposition pour une période donnée. Le polymorphisme génétique du CYP2B6 est un facteur de variabilité important des concentrations plasmatiques d’efavirenz, et cet effet est retrouvé dans l’analyse de la concentration dans les cheveux, dont le prélèvement est peu contraignant pour les patients et peut être réalisé à n’importe quel moment par rapport à la prise (diapositive 4). Référence bibliographique • Gandhi M, Greenblatt RM, Bacchetti P et al.; Women’s Interagency HIV Study. A single-nucleotide polymorphism in CYP2B6 leads to >3-fold increases in efavirenz concentrations in plasma and hair among HIV-infected women. J Infect Dis 2012;206:1453-61. Résultats Les facteurs de variabilité identifiés dans les analyses multivariées expliquent 53 % et 34 % de la variabilité interindividuelle des concentrations de l’EFV respectivement dans le plasma (ASC) et dans les cheveux (diapositive 2). Ces facteurs sont les polymorphismes génétiques du CYP2B6, G516T et T983C, qui entraînent une augmentation respectivement d’un facteur 3,5 et 2,0 des concentrations plasmatiques. L’augmentation des concentrations dans les cheveux est très voisine (3,2 et 1,7 respectivement pour les 2 polymorphismes) [diapositive 3]. D’autres facteurs sont identifiés pour expliquer l’augmentation des concentrations plasmatiques, mais dont l’effet est moins important : un polymorphisme génétique sur ABCB1 (qui code la glycoprotéine P) qui augmente les concentrations de 60 %, la consommation de jus d’orange, et l’augmentation des ALT qui augmentent les concentrations de 25 %. L’adhésion au traitement n’est pas un facteur qui ressort significativement dans l’analyse de la variabilité des concentrations dans les cheveux, probablement parce que 79 % des patientes ont un score d’observance évalué par une échelle visuelle analogique supérieur à 95 % sur les 6 mois précédant l’étude. II 34 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVIII - n° 1 - janvier-février 2013 LI 1 JANV-FEV 2013 V04.indd 34 01/03/13 16:20 Numéro best of biblio À retrouver sur le site www.edimark.fr Un polymorphisme génétique du CYP2B6 augmente de plus de 3 fois les concentrations d’efavirenz dans le plasma et les cheveux Diapositive 2. Diapositive 1. Diapositive 4. Diapositive 3. La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVIII - n° 1 - janvier-février 2013 | 35 LI 1 JANV-FEV 2013 V04.indd 35 01/03/13 16:20