Les Rencontres de l’Inra au Salon de l’agriculture Les protéines : un enjeu majeur pour une alimentation humaine et animale plus durable Jeudi 26 février 2015 Programme 14h30 Introduction Denis Chereau, IMPROVE 15h30 Les insectes, une source alimentaire pour demain ? Frédéric Francis, Université de Liège 14h40 Quel équilibre entre protéines animales et protéines végétales pour une alimentation saine et durable Didier Rémond, Inra 15h45 Du consommateur aux politiques publiques, quels leviers vers la durabilité ? Arnaud Gauffier, WWF 14h55 Le développement des légumineuses dans les systèmes agricoles : freins et opportunités Marie-Hélène Jeuffroy, Inra 16h Discussion avec la salle 15h10 Discussion avec la salle SIA2015 147 rue de l’Université 75338 Paris Cedex 07 - France Retrouvez les résumés, les présentations et les vidéos en ligne sur : inra.fr/rencontresia 16h20 Conclusion Jean Dallongeville, Inra Les protéines : un enjeu majeur pour une alimentation humaine et animale plus durable L’alimentation durable est un enjeu environnemental et économique mondial majeur. Des leviers d’action au niveau des consommateurs et des filières permettent d’orienter l’offre alimentaire vers une alimentation plus respectueuse de l’environnement et moins consommatrice de ressources tout en garantissant une bonne valeur nutritionnelle. Le projet Européen LiveWell for Life a ainsi permis de dégager 8 recommandations pour aider à développer des régimes sains et durables. Dans ce contexte, la question de l’équilibre entre protéines animales et protéines végétales est étroitement liée à l’accessibilité aux protéines de bonne qualité nutritionnelle pour l’Homme et des régimes à faible impact carbone peuvent contribuer à la réduction des gaz à effet de serre. Ceci s’inscrit dans le contexte actuel d’accroissement de la demande mondiale en protéines. Ainsi, des sources de protéines complémentaires doivent être envisagées, tant pour l’alimentation animale que pour l’Homme. Les légumineuses fourragères ou à graines ont en particulier un faible impact environnemental et sont des sources privilégiées de protéines associées à d’autres nutriments ; combinées à des céréales et à des légumes, elles contribuent à un bon équilibre alimentaire et présentent un bénéfice agro-écologique. Leur production en France et en Europe reste toutefois limitée en raison de verrous à l’amont comme à l’aval qu’il conviendra de lever. Au-delà des sources végétales, les insectes représentent une nouvelle filière à explorer tant pour l’alimentation animale que pour l’alimentation humaine tout en tenant compte de l’acceptabilité sociale et culturelle et des contraintes environnementales, sanitaires et règlementaires. rencontres SIA 2015 Introduction, enjeux DENIS CHEREAU • IMPROVE [email protected] www.improve-innov.com Nous vivons dans un monde fini et l’humanité se comporte depuis son origine comme si elle évoluait dans un monde sans limite. Le challenge majeur des 30 prochaines années va être de faire passer dans notre pratique quotidienne cette notion en cherchant à limiter les impacts sur notre « qualité » de vie. L’alimentation est l’un des volets majeurs de ce challenge, puisque face à une population mondiale en forte augmentation (+ 24% d’ici 2030) nous devons également faire face à une évolution des pratiques de consommations. Parmi les constituants de notre alimentation, c’est sans nul doute les protéines qui seront le point limitant. Alors qu’une partie de la population mondiale (les pays occidentaux) cherche à moins consommer de protéines animales, une autre partie, beaucoup plus nombreuse, a les moyens financiers suffisants pour sortir d’une situation de «végétarisme économique » et de consommer des produits animaux en grande quantité. La production de lait, de viande ou de poisson se fait obligatoirement en transformant des protéines végétales en protéines animales avec un rendement de transformation qui peut aller de 2,5 à 10 kg de protéines végétales pour produire 1 kg de protéines animales consommables. Afin de pouvoir éclairer les choix qui s’offrent à nous il faudra évaluer les points suivants : • Quelles sont les sources de protéines végétales d’avenir ? • Quels impacts agronomiques, économiques et environnementaux auront leurs productions ? • Sous quelles formes les consommerons-nous ? • o Plantes entières o Ingrédients o Transformées par des animaux ? Peut-on imaginer de nouvelles sources de protéines durables issues du monde animal ? Cette évaluation du champ des possibles devra prendre en compte le souhait des consommateurs, les données physiologiques de la digestibilité des protéines et de leurs rôles métaboliques ainsi que les possibilités des industriels à satisfaire ces nouvelles demandes rencontres sIA 2015 Quel équilibre entre protéines animales et protéines végétales pour une alimentation saine et durable DIDIER RÉMOND • Inra [email protected] Pour être durables les systèmes alimentaires doivent s’appuyer sur des productions animales et végétales respectueuses de l’environnement, assurant une mise à disposition suffisante et équitable des aliments pour l’ensemble de la population mondiale. Ces systèmes alimentaires doivent également être sains, c’est à dire assurer des apports en énergie, protéines, et micronutriments qui permettent non seulement de couvrir les besoins minimaux de notre organisme, mais aussi de prévenir les désordres métaboliques conduisant à des états pathologiques. Avant de poser la question de l’équilibre entre protéines animales et végétales, il faut rappeler que dans les prochaines années le premier challenge sera de nourrir correctement l’ensemble de la population mondiale. Actuellement, 1/7 de la population mondiale souffre chroniquement de la faim, et 1 milliard de personnes ont des apports protéiques insuffisants entraînant retard de croissance et mauvaise état de santé. Ces chiffres risquent malheureusement d’empirer avec l’augmentation de la population mondiale dans les prochaines décennies. Il est donc urgent de trouver des solutions durables permettant d’augmenter la disponibilité mondiale de protéines alimentaires de bonne qualité (quelle que soit leur origine). Cela passe par une redistribution plus équitable des ressources au niveau mondial, une réduction des gaspillages, et l’exploration de nouvelles sources de protéines alimentaires. Pouvant être produits en grande quantité, dans des conditions de culture variées, les végétaux constituent une ressource protéique potentiellement intéressante. Sur la base des critères classiques (équilibre et biodisponibilité des acides aminés indispensables), la qualité nutritionnelle des protéines végétales est cependant généralement considérée comme étant inférieure à celle des protéines animales. En combinant des protéines végétales de différentes origines (céréales/ légumineuses), il est cependant possible d’obtenir un apport protéique de qualité. Au-delà de la simple couverture des besoins de notre organisme en acides aminés indispensables, l’équilibre entre protéines animales et protéines végétales dans une alimentation saine va essentiellement consister à garantir un apport suffisant en vitamines, minéraux, et fibres. L’équilibre recommandé par les nutritionnistes (PNNS) se situe ainsi aux alentours de 50% de protéines végétales dans l’apport protéique total. Actuellement, elles ne représentent en France que 30%. L’objectif de 50% pourra être atteint en réduisant significativement notre consommation de produits animaux, et en augmentant sensiblement celle de produits végétaux. Les productions animales souffrent d’une image très dégradée sur le plan de leur impact environnemental, principalement en raison de la production de gaz à effet de serre, et de la pollution des nappes phréatiques. Elles permettent cependant la valorisation de protéines de mauvaise qualité (coproduits de l’industrie agro-alimentaire, fourrages), en produisant des protéines alimentaires de très bonne qualité nutritionnelle pour l’homme (lait, viande). rencontres sIA 2015 La prise en compte des contraintes de sécurité alimentaire mondiale, de respect de l’environnement, et de qualité d’apport nutritionnel, laisse penser que, pour une alimentation saine et durable, les végétaux devraient constituer au minimum 50-60% de l’apport protéique total. Une limite haute est très difficile à établir. Le 100% végétal, bien que réalisable en fortifiant l’alimentation avec certaines vitamines et minéraux, ne semble pas répondre aux critères d’une alimentation saine et durable. Il ne faut pas oublier que pour une grande partie de la population mondiale, c’est essentiellement l’accessibilité aux ressources qui finalement déterminera l’équilibre entre protéines animales et protéines végétales dans l’alimentation. Le développement des légumineuses dans les systèmes agricoles : freins et opportunités MARIEHÉLÈNE JEUFFROY • Inra marie.helene.jeuffroy@grignon. inra.fr Les légumineuses constituent des espèces favorables pour répondre à de nombreux défis actuels de l’agriculture. Grâce à leur capacité de fixation de l’azote atmosphérique, elles sont quasi autonomes dans leur alimentation azotée. Elles fournissent aux cultures qui les suivent des quantités d’azote importantes, qui permettent généralement de réduire d’autant la quantité d’engrais appliqué à ces cultures, en comparaison avec d’autres précédents culturaux. Cette propriété contribue à réduire significativement l’utilisation d’énergie fossile liée dans les systèmes incluant des légumineuses. On observe également une réduction des émissions de gaz à effet de serre sur ces espèces, par rapport aux espèces fertilisées, contribuant ainsi à l’atténuation du changement climatique. Participant à la diversité des espèces cultivées dans les assolements et les successions, aujourd’hui souvent peu diversifiées, elles contribuent à rompre les cycles des bioagresseurs, et ainsi permettent de réduire le besoin de pesticides à l’échelle de la succession de cultures. La diversité des espèces de légumineuses disponibles et de leurs modes d’insertion dans les systèmes de culture offre également une gamme variée de productions et permet de s’adapter aux conditions pédoclimatiques locales. Pourtant, on a assisté dans les décennies récentes, à une forte diminution des légumineuses (fourragères et à graines) dans les systèmes agricoles français. Plusieurs études identifient les raisons de cette chute : des difficultés de conduite technique (souvent liées à un plus faible investissement du conseil sur ces espèces), des performances agronomiques jugées insuffisantes par rapport aux autres espèces dominantes (liées à leur sensibilité aux stress climatiques et à un progrès génétique plus lent que sur les espèces dominantes) et une rentabilité économique inférieure à celle des autres espèces majoritaires. La combinaison de ces causes, ainsi qu’une trop faible connaissance par les acteurs de leurs bénéfices environnementaux, et une insuffisante valorisation économique de ces espèces, expliquent le verrouillage du système agro-industriel actuel en faveur des espèces dominantes. Le re-développement de ces espèces ne sera rendu possible que grâce à une combinaison de facteurs techniques et organisationnels, mobilisant l’ensemble des acteurs concernés par ces filières, incluant le développement de nouveaux débouchés, en valorisant les spécificités des territoires. rencontres sIA 2015 Les insectes, une source alimentaire pour demain ? FRÉDÉRIC FRANCIS • Université de Liège [email protected] Ces dernières années, l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) a largement communiqué sur l’idée d’utiliser les insectes comme ressource alimentaire pour assurer la sécurité alimentaire mondiale dans les prochaines décennies. En effet, près d’un milliard de personnes souffrent aujourd’hui de sous-nutrition et l’entomophagie (la consommation directe d’insectes par l’Homme) représente une ressource alimentaire intéressante pour l’avenir. Comme certains insectes présentent des teneurs en protéines 3 à 4 fois plus élevées que la viande conventionnelle, il est aisé de comprendre l’intérêt nutritionnel lié à l’entomophagie qui ne réside pas uniquement dans la richesse en protéines des insectes, mais aussi dans l’apport d’acides aminés essentiels, dans la qualité des lipides, dans la richesse en minéraux ainsi que dans les teneurs en certaines vitamines. Il est certain que la qualité nutritionnelle des insectes comestibles et la possibilité d’en produire à bas prix pourraient permettre de résoudre de nombreux problèmes de carences alimentaires. Aussi, l’impact environnemental de la production industrielle d’insectes est positif et ces derniers présentent dès lors un attrait particulier comme ressource alimentaire animale. Elevées sur des substrats secs ou sur des résidus humides, les espèces d’insectes privilégiées actuellement sont peu consommatrices en eau. La production d’insectes alimentaires constitue donc une piste intéressante pour les éleveurs et les filières de productions animales, à la recherche d’alternatives durables et respectueuses de l’environnement. Cependant, socialement et culturellement, l’insecte véhicule chez l’Homme une image négative, empreinte de craintes et de peurs multiples surtout en Occident. Les comportements changent néanmoins rapidement et la promotion réalisée autour de l’entomophagie modifie les stéréotypes. Suite à de nombreuses dégustations et enquêtes réalisées depuis plus d’une dizaine d’années en Belgique dans différentes conditions, plusieurs paramètres ont été évalués sur l’évolution des comportements face aux insectes et le fait de franchir la barrière psychologique notamment en fonction de la préparation, de la formulation des insectes. Il n’est pas forcément nécessaire de les réduire en poudre, de les incorporer dans d’autres matrices alimentaires pour rendre les insectes pas uniquement comestibles mais simplement acceptables pour un grand nombre. Six pattes et si délicieux … tout un programme. rencontres sIA 2015 Du consommateur aux politiques publiques, quels leviers vers la durabilité ? ARNAUD GAUFFIER • WWF agauffi[email protected] http://livewellforlife.eu/ Depuis 2009, le WWF s’est engagé dans la promotion d’une alimentation à moindre impact sur l’environnement, plus saine et à coût égal. Cela passe par la modification de nos «menus types» en privilégiant : - Une augmentation de la consommation de protéines végétales (pois, lentilles, soja, fèves...) et de céréales. - Une diminution de la consommation de viande. Cela ne signifie pas devenir végétarien mais manger moins de viande et de meilleure qualité. - Une augmentation de la consommation de fruits et légumes. - Une substitution de la consommation de fromage (très salé, très gras et à fort impact carbone) par des produits laitiers frais. - Une diminution importante de la consommation de produits gras et sucrés (snacking, confiseries...). - Les aliments certifiés en général : MSC (Marine Stewardship Council) pour le poisson, RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil) pour l’huile de palme, etc. Les recommandations pour la France issues du programme LiveWell peuvent se résumer ainsi : rencontres sIA 2015 Si toutes ces solutions sont connues depuis longtemps, l’originalité du projet LiveWell for LIFE du WWF réside dans le fait qu’il est mené sur 3 pays à la fois (France, Suède et Espagne), et qu’il tient compte des particularités culturelles des Européens pour proposer des assiettes à moindre empreinte environnementale (il serait irréaliste de faire manger un Espagnol comme un Suédois !). Le programme LiveWell sera étendu à l’Allemagne et à l’Italie en 2015. Ce projet a notamment permis de montrer qu’il est possible d’abaisser de 25% les émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble de la chaîne alimentaire, tout en améliorant la santé des populations via une alimentation moins riche en produits gras et sucrés. Et ce, tout en allégeant la facture des courses pour les ménages car les plats préparés et autres aliments très transformés sont souvent très chers en comparaison de produits frais à cuisiner. L’ambition du WWF est maintenant de porter ces solutions à la connaissance des parlementaires européens et de la Commission européenne afin d’obtenir une réglementation européenne spécifique sur l’alimentation durable. Ce qui obligerait les gouvernements nationaux à agir pour lutter efficacement contre le gaspillage alimentaire, l’obésité et les impacts environnementaux désastreux de la production alimentaire industrielle ! rencontres sIA 2015