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Écho des congrès
l’anhédonie. Le modèle de Meehl est
compatible avec les modèles neurodé-
veloppementaux proposés dans la
schizophrénie, en particulier celui de
Mc Glashan et Hoffman, fondé sur la
réduction de la connectivité synap-
tique. L’un des signes de la schizotaxie
est l’anhédonie primaire. Des études
ouvertes ont montré que l’on peut
améliorer les performances cognitives
et la symptomatologie négative des
sujets schizotaxiques par la prescrip-
tion d’antipsychotiques. Néanmoins,
entre la mise en évidence des
marqueurs de vulnérabilité et l’émer-
gence des épisodes productifs, un pont
reste à franchir qui puisse rendre
compte de façon convaincante du
passage des premiers aux seconds.
L’école de Bonn explique cette transi-
tion au travers de la mise en jeu des
réactions affectives et des stratégies de
coping. Une meilleure connaissance
des marqueurs de vulnérabilité pour-
rait permettre une identification
précoce des sujets à haut risque de
schizophrénie, préalable indispensable
à toute réflexion – y compris sur le
plan éthique – sur une éventuelle
prévention des troubles. Il faut, en
effet, garder à l’esprit que les
marqueurs de vulnérabilité identifient
des sujets susceptibles de développer
la maladie mais certainement pas des
malades potentiels.
Psychanalyse
Quand, en 1911, Bleuler construit le
groupe des schizophrénies en appli-
quant les idées de Freud à la démence
précoce, il propose de traiter une
affection jusque-là vouée à l’incurabi-
lité et au déclin par la recherche du
sens des symptômes, y compris le
délire. Freud était réservé quant au
transfert des psychotiques. Il est
possible aujourd'hui de contrevenir à
son opinion. Tenir compte des formes
de transfert psychotique permet
parfois le déroulement d’un travail
analytique mais dans lequel les opéra-
teurs théoriques de la névrose s’avè-
rent insuffisants. Il est possible
d’introduire l’idée de transferts éroto-
maniaques, persécutifs, “divinisés”.
On peut, au sujet de la difficile ques-
tion quotidienne du lien psychothéra-
pique avec le sujet déficitaire, faire
l’hypothèse d’une automutilation
symbolique ne consistant pas en un
acte d’automutilation ayant une portée
symbolique, mais en une automutila-
tion dans le registre du symbolique
même. Débordé par les crues dévasta-
trices du sens, le psychotique a-t-il
d’autres solutions que de tenter l’im-
possible séparation d’une altérité qui
l’envahit ? Ce que nous percevons
comme enlisement dans des modes de
pensée pauvres et chaotiques peut se
lire comme le résultat aussi coûteux
que vain du sacrifice de cette altérité.
Le concept de reconnaissance, chez
l’autre, de la conscience de soi, intro-
duit par Hegel, peut constituer un “fil
rouge” pour l’étude clinique et théo-
rique de la schizophrénie. Lacan reprit
ce concept pour lui donner sa place
dans le dispositif de la cure avec
reconnaissance de l’inconscient et
pour en rappeler l’incidence dans la
trame structurale.
Abords familiaux et
systémiques
Nul n’ignore plus actuellement l’im-
portance de l’entourage, en particulier
familial, dans le déclenchement,
l’évolution et la prise en charge des
pathologies mentales. Les temps ne
sont plus où une antipsychiatrie mal
comprise avait conduit à la mise en
accusation des familles et à la descrip-
tion en termes négatifs des pères et
mères de schizophrènes. Dans leur
article de 1956, “Vers une théorie de la
schizophrénie”, Bateson et al. ont
montré l’importance cruciale des
interférences familiales dans le
processus morbide à chaque étape de
son évolution. Le thème central de la
découverte batesonnienne est le
modèle pathogène dit du double lien
(double bind), ensemble de manipula-
tions affectives et conceptuelles
constatées dans les relations entre ces
patients et leur environnement. En
1961, Bateson publie le récit autobio-
graphique d’un schizophrène anglais
du XIXesiècle (John Perceval) où cet
aspect écosystémique est clairement
illustré.
Au cours des années 1970, Mara
Selvini Palazzoli traitera des patients
psychotiques et leurs familles selon la
méthode paradoxale. Trente années
plus tard, le follow-up de ces patients
montre la grande efficacité de la
méthode paradoxale avec les jeunes
filles anorexiques, tandis que dans le
domaine de la psychose, les résultats
sont très décevants. Aussi l’école de
Milan a-t-elle actuellement abandonné
le principe de compétence et adopté
une idée psychologique de la schizo-
phrénie postulant l’existence d’un
important et spécifique handicap de la
personnalité.
Les thérapies familiales n’ont cessé
d’évoluer et de se transformer à la
mesure de la complexité des facteurs
locaux et des contextes globaux qui
agissent de concert dans les situations
cliniques. Les thérapeutes familiaux
ont à gérer les résistances qui surgis-
sent non seulement au sein de la
famille, mais aussi sur le plan institu-
tionnel et sociétal. Dans cette perspec-
tive, ils participent à un mouvement
dynamique de cothérapie généralisée.
Ils apprécient in situ l’effet des
psychotropes sur les relations fami-
liales et sur la nature des symptômes.
En ouvrant le monde clos des alterna-
tives exclusives sur des perspectives
variées, il devient ainsi possible d’en-
trevoir des horizons nouveaux : les
thérapeutes familiaux cherchent à
augmenter les degrés de liberté du
système par la création d’un champ de
réflexion partageable entre les
membres de la famille, les divers
intervenants et eux-mêmes.
Cognition
Les sciences cognitives sont venues
s’interposer entre cerveau et pensée et
proposer des modèles explicatifs inté-
grant les données complexes issues de
la neurobiologie et de la clinique. Les
troubles cognitifs qui affectent en
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