Cardiotoxicité des chimiothérapies chez l’enfant Chemotherapy-induced cardiotoxicity in children

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Risques organiques
Partie II
dossier
thématique
Cardiotoxicité des chimiothérapies
chez l’enfant
Chemotherapy-induced cardiotoxicity in children
A. Zemmoura, M. De Guillebon, J.B. Thambo*
RÉSUMÉ
morbi-mortalité chez les enfants survivant du cancer. Il existe
des spécificités pédiatriques qui doivent être connues. Les
complications cardio-vasculaires sont diverses selon la molécule
utilisée, mais les troubles du rythme, les atteintes coronariennes
et les cardiomyopathies prédominent. La cardiotoxicité des
anthracyclines, de mécanisme complexe, requiert une prévention,
un dépistage et un traitement particulier. Un suivi au long cours
est nécessaire.
Summary
» La cardiotoxicité des chimiothérapies est une cause majeure de
Keywords: Cardiotoxicity – Anthracyclines – Chemothera
– Cancer – Childhood – Heart failure.
Mots-clés : Cardiotoxicité – Anthracyclines – Chimiothérapies –
Cancer – Enfant – Insuffisance cardiaque.
L
* Service des pathologies
congénitales de l’adulte et
de l’enfant, hôpital cardiologique du Haut-Lévêque,
CHU de Bordeaux.
14
Chemotherapy-induced cardiotoxicity is a major cau
of morbidity and mortality in childhood cancer survivo
Paediatric specificities must be known. Cardiovascu
complications depend on the molecule used; arrhythm
coronary artery disease and cardiomyopathies are the m
frequent. Anthracycline-induced cardiotoxicity is comp
and it requires specific prevention, screening and treatme
Follow-up must be continued on long term basis.
es cancers de l’enfant de moins de 15 ans sont
une maladie rare qui représente seulement 1 %
de l’ensemble des cancers. Leur incidence est
de 120 pour 1 million d’enfants par an en moyenne,
soit un risque d’environ 1 pour 700. Cela correspond
à près de 2 000 nouveaux cas par an en France, où ils
représentent la deuxième cause de mortalité au-delà de
l’âge de 1 an, après les causes accidentelles. Leur pronostic est bien meilleur que celui des cancers de l’adulte,
puisque le taux de guérison tous cancers confondus est
de l’ordre de 75 à 80 %. Ainsi estime-t-on aujourd’hui
que plus d’un adulte sur 1 000 a été guéri d’un cancer
traité dans l’enfance.
Ce taux de survie élevé implique que la prévention, le
diagnostic précoce et le traitement des complications
liées aux chimiothérapies soient effectués de manière
optimale. Parmi ces complications, celles de la sphère
cardio-vasculaire font partie des plus sévères. En effet, la
mortalité liée aux causes cardiaques est 10 fois plus élevée chez les survivants du cancer que chez les enfants
sains (1). Les complications cardio-pulmonaires sont la
troisième cause de mortalité après la récidive du cancer
primaire et l’apparition d’un second cancer.
Types de cardiotoxicité
De manière générale, toutes les atteintes cardiaques
peuvent apparaître avec les traitements des cancers
(tableau I). Quelques complications sont toutefois plus
fréquentes : cardiomyopathie dilatée ou restrictive,
péricardite, valvulopathie, coronaropathie précoce,
arythmie.
Les anthracyclines et la radiothérapie thoracique sont
les principales causes de cardiotoxicité. Les autres
agents incriminés sont nombreux, notamment le cyclophosphamide, l’ifosfamide, le cisplatine, la carmustine,
le busulfan, la méchloréthamine et la mitomycine.
Cas particulier des anthracyclines
Physiopathologie
Les anthracyclines sont de loin la cause la plus fréquente
de cardiotoxicité. Cette toxicité a été décrite pour la
première fois en 1967 chez des enfants traités pour
leucémie. Les agents les plus souvent mis en cause
sont la doxorubicine, la daunorubicine, l’épirubicine
Correspondances en Onco-hématologie - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2011
Cardiotoxicité des chimiothérapies chez l’enfant
Tableau I. Effets cardiotoxiques potentiels des chimiothérapies chez l’enfant.
Traitement
Dose toxique
Toxicité aiguë
Toxicité chronique
Doxorubicine
> 300 mg/m2
Arythmie, myopéricardite, mort subite, IDM
Cardiomyopathie, IC
Mitoxantrone
> 100-140 mg/m2
IC, dysfonction VG, modifications ECG, arythmie, IDM
-
Cyclophosphamide
> 100-200 mg/kg
Nécrose myocardique hémorragique, dysfonction VG, IC, modifications ECG
Inconnue
Ifosfamide
Dose conventionnelle
Modifications ECG, IC, arythmie
Inconnue
Cisplatine
Dose conventionnelle
IDM, Raynaud, modifications ECG
Inconnue
Fluorouracil
Dose conventionnelle
Ischémie myocardique, choc cardiogénique, mort subite, cardiomyopathie
dilatée
Inconnue
Trastuzumab
Dose conventionnelle
Dysfonction VG, IC
Cardiomyopathie
Paclitaxel
Dose conventionnelle
Mort subite, bradyarythmie, dysfonction VG, IC, IDM
Inconnue
Amsacrine
Dose conventionnelle
Arythmie ventriculaire, modifications ECG
Cardiomyopathie
Cytarabine
Dose conventionnelle
IC, péricardite, arythmie
Inconnue
Arsenic
Dose conventionnelle
Arythmie, péricardite
Inconnue
Interféron-α-2a
Dose conventionnelle
Hypotension, arythmie
Cardiomyopathie
IL-2
Dose conventionnelle
IDM, myopéricardite, arythmie ventriculaire, mort subite, hypotension
Cardiomyopathie dilatée
Mitomycine
Dose conventionnelle
IC
IC
Vincristine
Dose conventionnelle
IDM, hypotension, neuropathie autonome cardiaque
Inconnue
Vinblastine
Dose conventionnelle
IDM, Raynaud
Inconnue
Busulfan
Dose orale conventionnelle
Fibrose endocardique, HTAP, tamponnade
Inconnue
Trétinoïne
Dose conventionnelle
Péricardite, IDM
Inconnue
Pentostatine
Dose conventionnelle
IDM, arythmie
IC
Étoposide
Dose conventionnelle
IDM, modifications ECG
Inconnue
et l’idarubicine. Le mécanisme physiopathologique de
cette toxicité est multifactoriel.
✓ Le mécanisme principal est la formation de radicaux
libres produits par le métabolisme des anthracyclines
via un complexe anthracycline-fer. Les cardiomyocytes
sont particulièrement susceptibles aux dommages de
ces espèces radicalaires en raison de leur métabolisme
oxydatif élevé et de leur faible capacité de défense
(déficit fonctionnel en enzymes oxydatives). Par ailleurs,
les anthracyclines ont une haute affinité pour les phospholipides et les cardiolipides des membranes mitochondriales, d’où leur accumulation dans les cellules
cardiaques.
✓ Les anthracyclines perturbent l’homéostasie
calcique, en étant responsables d’un relargage
intracellulaire de calcium à partir du réticulum sarcoplasmique.
✓ Enfin, les anthracyclines inhibent l’expression des
gènes codant pour les protéines de l’appareil contractile des cardiomyocytes : actine, myosine et troponine.
Le cœur de l’enfant en croissance est particulièrement
sensible à cette toxicité (2).
Types de cardiotoxicité
Les présentations cliniques de la cardiotoxicité aux
anthracyclines sont multiples.
✓ Cardiotoxicité aiguë : elle apparaît dans les heures
qui suivent l’administration des anthracyclines. Les
anomalies électrocardiographiques sont fréquentes
(30 % des patients), habituellement transitoires et
asymptomatiques. Il peut s’agir de tachycardie sinusale, d’arythmie supraventriculaire ou ventriculaire,
ou encore de trouble de la repolarisation avec allongement de l’intervalle QT. Les décès liés aux troubles
du rythme sont exceptionnels, classiquement liés à
des anomalies électrolytiques concomitantes (d’où
le contrôle systématique de la kaliémie avant l’injection). Le mécanisme de ces arythmies aiguës est
particulier : il s’agit d’une toxicité directe de l’anthracycline ou de ses métabolites sur le myocarde,
associée à une libération de catécholamines et
d’histamine et à une modification des mouvements
ioniques transmembranaires cardiaques. Toutes ces
anomalies régressent habituellement à l’arrêt du
traitement.
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✓ Cardiotoxicité subaiguë : elle se manifeste dans les
semaines ou les mois qui suivent le début du traitement, par une péricardite ou une myocardite pouvant
aboutir au décès par défaillance ventriculaire gauche
avec œdème pulmonaire ou choc cardiogénique.
Figure. Échographie cardiaque transthoracique d’un patient atteint de myocardiopathie dilatée
hypokinétique sévère aux anthracyclines. Incidence parasternale grand axe. Image de gauche en
bidimensionnel : ventricule gauche dilaté et globuleux. Image de droite en mode TM (Temps/
Mouvement) : ventricule gauche dilaté ; fraction de raccourcissement et fraction d’éjection (par
méthode de Teicholz) altérées.
Tableau II. Équivalences de doses des anthracyclines.
Traitement de référence
Facteur de conversion
Doxorubicine
50 mg/m2 de doxorubicine
75 mg/m2 d’épirubicine
60 mg/m2 de daunorubicine
100 mg/m2 de zorubicine
125 mg/m2 de mitoxantrone
10 mg/m2 d’idarubicine
Tableau III. Facteurs de risque de cardiotoxicité aux anthracyclines chez l’enfant.
Dose cumulée d’anthracycline > 300 mg/m2
✓ Cardiotoxicité chronique : c’est celle qui pose le
plus de problèmes en pratique clinique ; elle se manifeste dans l’année qui suit la chimiothérapie par une
cardiomyopathie dilatée hypokinétique (figure), dosedépendante.
On parle de cardiotoxicité tardive lorsque les anomalies apparaissent dans les années ou les décennies qui
suivent l’arrêt de l’exposition.
Incidence et dose cumulée
L’incidence de la cardiotoxicité chronique augmente en
fonction de la durée de suivi et de la dose cumulative
d’anthracyclines. Ainsi, pour la doxorubicine, il n’existe
pas de dose assurant une innocuité totale, des doses
minimes pouvant être responsables d’une dysfonction cardiaque tardive (3). Néanmoins, la littérature
pédiatrique apporte des informations précieuses, avec
une valeur seuil que l’on peut raisonnablement situer à
300 mg/m2. Ainsi, pour J.P. Krischer et al. (4), une dose
cumulée supérieure à 550 mg/m2 augmente le risque de
cardiotoxicité par 5. Pour L.C. Kremer et al. (5), le risque
relatif de développer une cardiomyopathie après exposition à une dose supérieure à 300 mg/m2 après 15 ans
de suivi serait égal à 12. K. Nysom et al. (6) évoquent
également la dose de 300 mg/m2 comme facteur de
risque de dysfonction cardiaque avec 8 ans de recul.
Plus récemment, M. Tukenova et al. (7) retrouvent un
risque relatif de mortalité cardio-vasculaire après une
dose cumulée supérieure à 360 mg/m2 égal à 4,4. Les
équivalences de doses des anthracyclines liées à la
doxorubicine sont rappelées dans le tableau II.
Facteurs de risque
Les autres facteurs de risque de cardiotoxicité aux
anthracyclines sont l’âge inférieur à 5 ans lors de l’exposition, le sexe féminin, la race noire, la combinaison
à d’autres chimiothérapies, l’irradiation médiastinale
ou une maladie cardiaque préexistante (cardiomyopathie, coronaropathie, valvulopathie…) [tableau III].
Des pics sériques élevés d’anthracycline lors de perfusions courtes seraient également un facteur favorisant
la toxicité chronique (8).
Âge < 5 ans
Sexe féminin
Race noire
Pics sériques élevés lors de l’administration (bolus)
Irradiation médiastinale concomitante > 30 Gy
Chimiothérapie associée : trastuzumab, cyclophosphamide, bléomycine, vincristine,
amsacrine, mitoxantrone
Facteurs de risque cardio-vasculaire (hypertension artérielle, dyslipidémie, diabète)
ou cardiopathie préexistante
16
Prévention
Du fait de leur efficacité, les anthracyclines restent
indispensables pour le traitement de nombreuses
néoplasies. Réduire simplement les doses diminuerait leur efficacité oncologique. Néanmoins, on pourra
chercher à réduire leurs indications : plusieurs essais
randomisés ont montré que l’on pouvait se passer des
anthracyclines à la phase d’induction des leucémies
aiguës lymphoblastiques (LAL) de bas risque.
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Cardiotoxicité des chimiothérapies chez l’enfant
La prévention de la cardiotoxicité des anthracyclines
se fonde sur 3 axes.
✓ Modifier les modalités d’administration : la perfusion
continue, en diminuant les pics sériques, est préférable
aux injections discontinues en bolus. Cette modalité,
dont l’efficacité est largement reconnue chez les adultes,
est néanmoins débattue pour ce qui concerne la population pédiatrique (9).
✓ Utiliser des dérivés de la doxorubicine moins toxiques
comme l’épirubicine ou les anthracyclines liposomales.
✓ Utiliser des cardio-protecteurs : une longue liste
de cardio-protecteurs a été testée en pédiatrie (Van
Dalen EC, Caron HN, Dickinson HO et al. Cochrane
Database Syst Rev 2008;(2).CD003917).
Le seul traitement actuel susceptible de limiter la cardiotoxicité des anthracyclines est le dexrazoxane, chélateur
du fer qui inhibe la formation des complexes anthracycline-fer. Plusieurs essais cliniques encourageants
ont été menés chez l’enfant, avec une cardio-protection à court terme sans effet négatif sur l’activité antitumorale. Ainsi, parmi 16 études cliniques impliquant
1 500 enfants, une seule étude rapporte une diminution
de l’efficacité oncologique, mais sans effet sur la survie
(10-13). Des études à long terme sont néanmoins nécessaires, certains auteurs soulignant une augmentation de
la toxicité non cardiaque de la cure en cas d’association
avec le dexrazoxane (mucite, hématotoxicité) et un
risque accru de leucémie secondaire.
Dépistage
Aucune étude n’a évalué l’impact d’un dépistage et d’un
traitement précoce sur la morbidité et la mortalité de
la cardiotoxicité. Il n’existe à ce jour aucun consensus
sur l’attitude à adopter en cas d’apparition d’une dysfonction ventriculaire gauche au cours d’un traitement
par anthracyclines. Un suivi très rapproché des enfants
exposés aux anthracyclines semble néanmoins indispensable. Les recommandations du Children’s Oncology
Group (14), publiées en février 2008 au titre d’opinions
d’experts, proposent un suivi systématique fondé sur
les examens suivants.
✓ Un examen clinique : sur le plan fonctionnel, on
s’attachera à rechercher une dyspnée, des douleurs
thoraciques, des palpitations ou une intolérance à l’effort. L’examen physique comprendra une auscultation
cardio-pulmonaire et la recherche de signes d’insuffisance cardiaque congestive.
✓ Un électrocardiogramme de repos à la recherche
d’une arythmie atriale ou ventriculaire, de troubles
conductifs, d’un microvoltage, d’une hypertrophie ventriculaire gauche ou de troubles de la repolarisation. On
note parfois un allongement de l’intervalle QT corrigé en
fin de traitement par anthracyclines, qui peut conduire
à contre-indiquer certains médicaments.
✓ Une échocardiographie avec évaluation de la fonction systolique (fraction de raccourcissement et fraction d’éjection par méthode de Teicholz et méthode de
Simpson biplan) et évaluation de la fonction diastolique
du ventricule gauche (flux doppler transmitral). Les
nouvelles techniques de doppler tissulaire et d’analyse
de la déformation (2D strain) n’ont pas été étudiées
dans cette population. En cas de fenêtre ultrasonore
insuffisante, on peut s’aider d’une ventriculographie
isotopique ou d’une IRM.
La place du dosage biologique de la troponine et du
BNP (Brain Natriuretic Peptide) est discutée, plusieurs
études ayant montré des résultats divergents sur la
corrélation avec une dysfonction cardiaque à long
terme.
Le rythme des examens varie selon l’âge au moment du
traitement, la dose cumulée d’anthracyclines et les antécédents d’irradiation médiastinale (tableau IV). Cette
surveillance doit être systématiquement prolongée, y
compris à l’âge adulte, du fait du risque de survenue
d’une dysfonction ventriculaire gauche tardive.
Traitement
Le traitement aux anthracyclines de la cardiomyopathie
est celui des cardiomyopathies dilatées. Le traitement
historique digitalo-diurétique a été remplacé par une
association comprenant :
Tableau IV. Recommandations du Children’s Oncology Group pour le suivi par échocardiographie
des enfants exposés aux anthracyclines.
Âge
au traitement
< 1 an
1 à 4 ans
≥ 5 ans
Quel que soit l’âge,
quand la FEVG diminue
sur un examen
Irradiation
thoracique
Dose cumulée
Oui
Quelle que soit la dose
Tous les ans
Non
< 200 mg/m2
> 200 mg/m2
Tous les 2 ans
Tous les ans
Oui
Quelle que soit la dose
Tous les ans
Non
< 100 mg/m2
100-300 mg/m2
> 300 mg/m2
Tous les 5 ans
Tous les 2 ans
Tous les ans
Oui
< 300 mg/m2
> 300 mg/m2
Tous les 2 ans
Tous les ans
Non
< 200 mg/m2
200-300 mg/m2
> 300 mg/m2
Tous les 5 ans
Tous les 2 ans
Tous les ans
-
-
Fréquence
recommandée
Tous les ans
FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche.
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✓ des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou
des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2
(ARA2), dont le chef de file en pédiatrie est le captopril ;
✓ des bêta-bloquants spécifiques de l’insuffisance
cardiaque (bisoprolol, carvédilol, métoprolol) ;
✓ des antialdostérones (spironolactone) ;
✓ des diurétiques de l’anse (furosémide) en cas de
signes congestifs.
Les IEC et les ARA2 sont des vasodilatateurs artériels
systémiques qui diminuent la post-charge du ventricule
gauche ; ce sont aussi des bloqueurs du système rénineangiotensine-aldostérone (SRAA) qui permettent de
lutter contre les effets délétères de ce système humoral
sur le remodelage ventriculaire. Ils limitent la dilatation ventriculaire gauche et l’altération de la fraction
d’éjection du ventricule gauche (FEVG) et l’on constate
même dans certains cas un “remodelage inverse” avec
diminution du volume télésystolique du ventricule
gauche et amélioration de la FEVG. Leur utilisation,
bien validée chez les adultes atteints de cardiotoxicité
aux anthracyclines (15, 16), est largement adoptée,
malgré un niveau de preuve moins important chez
l’enfant (17).
Les états de choc cardiogénique, rares, nécessitent l’admission en unité de soins intensifs cardiologiques pour
l’usage d’inotropes positifs (dobutamine, milrinone,
lévosimendan).
Dans le cas particulier des jeunes femmes en âge de
procréer ayant été exposées aux anthracyclines, une
surveillance échocardiographique rapprochée est
préconisée avant et pendant la grossesse (surtout au
troisième trimestre), en raison d’un risque réel d’aggravation de l’insuffisance cardiaque (14), et également
lors de l’accouchement, qui représente une surcharge
de travail importante pour le cœur.
Conclusion
La cardiotoxicité des chimiothérapies est un problème
dont l’incidence augmente en raison de l’amélioration
de la survie dans les cancers de l’enfant. Les anthracyclines sont les principaux agents incriminés. L’incidence
de la cardiomyopathie dilatée augmente en fonction
de la dose cumulative d’anthracyclines et du temps
d’exposition après la chimiothérapie. La mesure préventive la plus utilisée actuellement reste la réduction des
indications des anthracyclines quand cela est possible :
induction des LAL de bas risque ou maladie de Hodgkin,
par exemple. Le dexrazoxane semble néanmoins très
prometteur pour limiter la cardiotoxicité des anthracyclines. Le dépistage de ces complications, qui repose
principalement sur l’échocardiographie, doit être régulier
et doit être poursuivi sur le long terme.
■
Références
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