20 | La Lettre du Cardiologue • n° 421 - janvier 2009
Complications cardiaques des chimiothérapies
anticancéreuses : aspects cliniques
DOSSIER THÉMATIQUE
Toxicité cardiovasculaire
des traitements anticancéreux
Deux autres anticorps monoclonaux peuvent déclen-
cher des hypotensions orthostatiques parfois sévères,
accompagnées de manifestations allergiques du
type urticaire, bronchospasme ou angio-œdème :
le cétuximab (Erbitux®), antagoniste du récepteur
du facteur de croissance épidermique (EGF) humain,
administré dans le traitement du cancer colorectal
métastasé, et le rituximab (MabThera
®
), anti-
CD20 adjuvant du traitement des lymphomes non
hodgkiniens.
L’alemtuzumab (MabCampath®), IgG1 anti-CD52
actif dans les lymphomes cutanés et certaines hémo-
pathies, expose aussi à des défaillances cardiaques.
Le plus souvent, cependant, ses effets secondaires
se limitent à l’hypotension artérielle.
Imatinib et autres inhibiteurs
moléculaires des NRTK
Une dysfonction ventriculaire gauche a été rapportée
chez 10 patients traités par imatinib. Sa fréquence et
les risques du traitement sont encore mal connus ;
de même, sa physiopathologie reste incertaine, mais
est liée à l’inhibition des NRTK.
Les patients traités par sunitinib (Sutent
®
) dévelop-
pent une HTA une fois sur deux et une insuffisance
cardiaque une fois sur dix. Dans une série publiée
récemment, portant sur 75 sujets, 35 patients (47 %)
présentaient des chiffres tensionnels s’élevant
au-delà de 150/100 mmHg, 6 (8 %) souffraient
d’une insuffisance cardiaque, et 10 autres (28 %)
d’une diminution de la FE supérieure à 10 % (8). Dans
une méta-analyse étudiant 4 999 sujets traités par
sunitinib pour cancer colorectal, issus de 13 essais
randomisés, l’HTA survenait chez 21,6 % d’entre eux
(6,8 % d’HTA sévère) [9].
Antimétabolites
La toxicité cardiaque du 5-fluoro-uracile (5-FU)
concerne une proportion non négligeable des
patients traités. L’âge souvent avancé de ceux-ci
expose au risque de pathologie cardiovasculaire
sous-jacente, qui majore lui-même le risque de
toxicité cardiaque du médicament. L’incidence
de cette complication, qui atteint 1,6 à 7,6 % des
malades, quadruplerait (passant, dans une étude,
de 1,1 % à 4,5 %) en présence d’une cardiopathie
préalable (3).
Plusieurs types de manifestations ont été rapportés,
comprenant des cas d’insuffisance cardiaque aiguë
réversible, des hypotensions plus ou moins sévères,
associées ou non à des troubles de repolarisation
à l’ECG. Les complications les plus fréquemment
rencontrées avec les posologies de 1 000 mg/m
2
/j
répétées 4-5 jours de suite, que l’on utilise couram-
ment, sont une ischémie myocardique, des douleurs
angineuses, des troubles de repolarisation plus
ou moins sévères, un infarctus myocardique. Ces
complications ont concerné 7,6 % des 367 patients
de l’étude de M. De Formi et sont responsables de
2,2 % de décès (3). Plus fréquentes chez les patients
coronariens, elles s’observent aussi régulièrement
chez des sujets indemnes de coronaropathie, à coro-
naires normales à l’angiographie. Deux mécanismes
physiopathologiques ont été proposés : déclenche-
ment d’un spasme coronaire et/ou toxicité myo-
cardique directe, et non secondaire à l’ischémie.
Lorsqu’une cardiotoxicité est survenue lors d’une
première cure, elle a deux chances sur trois de se
reproduire à la cure suivante, et son évolution peut
être défavorable. Aucun traitement du type vasodila-
tateurs (nitrés) ou antispastiques (dérivés calciques)
n’a montré jusqu’à présent d’efficacité préventive
sur les récidives lors des traitements ultérieurs. Aussi
la meilleure prévention consiste-t-elle à recourir
à un autre antimitotique au décours d’un épisode
de cardiotoxicité, à éviter le 5-FU chez le patient
coronarien avéré et à dépister la maladie coronaire
avant le traitement chez les patients à risque.
La capécitabine, qui appartient à la classe des fluoro-
pyrimidines, est en fait le précurseur métabolique du
5-FU. Elle peut, elle aussi, entraîner des complications
cardiaques ischémiques et des troubles du rythme
ventriculaire. Le plus souvent, ces manifestations
sont réversibles à l’arrêt du traitement. Le risque est
majoré chez les coronariens et lorsque le traitement
est associé à l’oxaliplatine. Dans une série publiée
récemment, une complication cardiaque est survenue
ainsi chez 10 des 153 patients (6,5 %) traités par cette
association, 8 fois sur 10 au cours du premier cycle :
une mort subite, une tachycardie ventriculaire, une
insuffisance cardiaque avec élévation de la troponine
et 7 syndromes coronaires aigus (4,6 %) [3]. ■
Tableau IV. Corrélation entre activité antitumorale du bévacizumab et HTA induite (6).
Sans HTA induite sévère HTA induite grade 2-3
Proportion de patients 80 % 20 %
Rémission partielle 20 % 75 %
Survie sans progression (mois) 3,1 14,5
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