La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 3 - mars 2000
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RÉUNIONS
être mis à jour. Actuellement, il n’existe pas de consensus inter-
national sur leur interprétation.
Les tests sont utilisés de plus en plus fréquemment dans les
situations d’échec, et semblent mieux prédire l’échec que le
succès thérapeutique. Le bénéfice de leur utilisation (études
VIRADAPT, GART, VIRA 3001) demeure limité sur le plan
quantitatif (delta chute de la charge virale obtenue sous traite-
ment guidé par un des tests versus adapté selon les critères
usuels = 0,5 log), et sur le plan de la durabilité (évaluation faite
après trois et six mois de traitement).
Est-il toujours justifié d’utiliser les tests les plus sophistiqués ?
Actuellement, la question ne peut se limiter au seul problème
de l’accessibilité.
RÉPONSES IMMUNOVIROLOGIQUES DISSOCIÉES
Données épidémiologiques
Les situations de réponses immunovirologiques dissociées
après six mois de trithérapie sont fréquentes en pratique cli-
nique. À partir de la base de données française issue du DMI2,
S. Grabar (hôpital Saint-Antoine, INSERM-SC4, Paris) a
présenté les résultats concernant la progression clinique de
2236 patients VIH+, traités par trithérapie incluant un inhibi-
teur de protéase (IP) selon leur réponse immunovirologique à
six mois de traitement [réponse immunologique (RI) =
+ 50 CD4 cellules/µl, réponse virologique (RV) = baisse de
l’ARN VIH plasmatique>1log
10 ou une mesure inférieure à
1000 copies/ml]. Après six mois de traitement, 47,5 % des
patients étaient répondeurs immunovirologiques complets
(RI+RV+), 16,3 % non répondeurs immunovirologiques (RI-
RV-) et 36,2% présentaient une réponse immunovirologique
dissociée, dont 18,9 % RI+RV- et 17,3 % RI-RV+. Au cours
d’un suivi de 24 mois, le risque de progression clinique
est 2,5 fois plus élevé chez les patients RI-RV- et 1,5 fois plus
élevé chez les RI-RV+ comparés aux sujets RI+RV+. Aucune
différence n’est trouvée parmi les répondeurs immunologiques,
quelle que soit leur réponse virologique. Dans cette étude, la
réponse immunologique à six mois est pronostic d’une
meilleure évolution clinique et ce, quelle que soit la réponse
virologique. Ces résultats soulignent l’importance de tenir
compte à la fois des marqueurs immunologiques et des mar-
queurs virologiques dans l’évaluation et la gestion de l’échec
thérapeutique.
Données immunologiques
L. Weiss (hôpital Broussais, Paris) a étudié le degré de res-
tauration fonctionnelle des CD4+ chez 11 patients recevant
une trithérapie avec IP depuis au moins un an et présentant,
depuis au moins six mois, une réponse immunologique (delta
CD4+ : + 70 cellules/mm3) et un échec virologique (delta ARN
VIH<1log et ARN VIH>5000 copies/ml). Chez ces patients,
la persistance de la réplication virale est associée à une forte
activation des lymphocytes T dont témoigne la proportion
importante de CD8+ mémoires activés. Il existe un déficit per-
sistant de la production d’IL2. Toutefois, l’observation de
réponses prolifératives aux antigènes du CMV (9 patients sur
11) démontre un certain degré de restauration immunitaire
confirmé par l’absence d’infection opportuniste chez ceux qui
présentent des réponses CD4+ soutenues à long terme.
Données virologiques
Les études virologiques présentées par M. Burgard (hôpital
Necker,Paris)ne permettent pas de mettre en évidence de par-
ticularité de la réplication virale pouvant expliquer une dimi-
nution de la destruction des CD4+ chez ces patients RI+RV- :
la capacité infectieuse in vitro des particules virales plasma-
tiques, le nombre de particules virales produites par cellule sont
similaires à ceux des patients en échec thérapeutique, suggé-
rant une fitness identique de la souche virale. La culture des
lymphocytes circulants et la quantification des ARN VIH intra-
cellulaires montrent une réplication cellulaire virale normale,
éliminant l’hypothèse d’une production virale majoritaire par
les macrophages. À l’initiation de l’IP, le génotype de résis-
tance a montré une grande fréquence de mutations de résistance
aux inhibiteurs nucléosidiques. Ce profil, complété par des
mutations majeures de résistance aux IP sous traitement, pour-
rait expliquer l’échec virologique.
Déjà, dans l’essai Merck 039, les patients recevant une mono-
thérapie par indinavir présentaient une réponse dissociée proche
de celle décrite dans cette étude. Par ailleurs, une diminution
de l’apoptose des PBMC, induite par le ritonavir (inhibition de
protéases cellulaires ?), a été décrite. Ces éléments suggèrent
plutôt une action directe des IP sur les lymphocytes T4.
En pratique
C. Michon (centre hospitalier de la région annecienne,
Annecy)a précisé que la réponse n’étant jamais complète dans
le domaine immunologique, ni jamais totalement nulle dans le
domaine virologique, c’est un niveau de réponse ou des dyna-
miques de réponse que nous tentons de comparer sans être
capables de définir des seuils de correspondance, ni connaître
suffisamment les mécanismes reliant les deux réponses. Au-
delà de la compréhension du mécanisme, la question fonda-
mentale posée au clinicien est celle de la définition de l’objec-
tif thérapeutique, et donc de la stratégie thérapeutique dans ces
situations de rebond virologique : tout échappement virolo-
gique débutant n’est-il pas une réponse dite dissociée ? L’ob-
jectif immunologique peut-il primer sur l’objectif virologique ?
Doit-on alors évaluer les stratégies à objectif immunologique
dans le cadre d’essais thérapeutiques ?
RECONSTITUTION IMMUNITAIRE
L’étude de la reconstitution immunitaire vise essentiellement
à répondre à deux questions cliniques : peut-on interrompre les
prophylaxies et/ou les traitements de certaines infections oppor-
tunistes, et est-il possible d’envisager des interventions dans
le cadre de l’immunothérapie spécifique vis-à-vis du VIH ?
E. Oksenhendler (hôpital Saint-Louis, Paris) a rappelé les
deux notions distinctes de récupération des “fonctions” lym-
phocytaires et de récupération du “potentiel” du système immu-