RÉTROSPECTIVE 2004
276
La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 6 - novembre-décembre 2004
Cancer du pancréas avancé ou métastatique
De nombreux essais thérapeutiques de phase III testant de nouvelles
molécules ont été menés. Ces nouvelles drogues sont l’exatecan,
inhibiteur de topo-isomérase 1, le pemetrexed, l’oxaliplatine et
le tipifarnib. La seule étude montrant une augmentation du taux
de réponse et un allongement de la survie sans progression est
l’étude GEM-GEMOX, sans qu’il y ait toutefois de différence
significative en termes de survie globale (ASCO 2004, abstr. 4008).
Dans cette étude présentée à l’ASCO, les patients recevaient soit
un schéma de gemcitabine seule administrée sur 30 minutes en
hebdomadaire, soit l’association gemcitabine-oxaliplatine J1-J2
(respectivement 1 000 mg/m
2
en 100 minutes à J1 et 100 mg/m
2
à J2, tous les quatorze jours). Trois cent treize patients ont été
traités. Le GEMOX a engendré significativement plus de throm-
bopénies de grade 3-4 (14 % versus 3,2 %), de vomissements de
grade 3-4 (8,9 % versus 3,2 %) et, comme cela était attendu, de
neuropathies, de grade 3 (19,1 % versus 0 %). Cependant, la tolé-
rance globale n’est pas différente entre les deux bras (39,7 % de
toxicité maximale de grade 3-4 pour le bras GEM versus 52,2 %
pour le bras GEMOX ; p = 0,03). Le taux de réponse (26,8 %
versus 17,3 % ; p = 0,04), le taux de bénéfice clinique (38,2 %
versus 26,9 %) et la survie sans progression sont en faveur du
bras GEMOX (5,8 mois versus 3,7 mois ; p = 0,038). La survie
globale est de 9 mois dans le bras GEMOX versus 7,1 mois dans
le bras (p = 0,13). En faisant l’analyse de la survie globale à huit mois
(objectif principal de l’essai), le nombre de patients survivants
est de 56,5 % pour le bras GEMOX et de 45,3 % pour le bras
GEM (p = 0,048). Cinquante-deux pour cent des patients ont reçu
une chimiothérapie de deuxième ligne dans le bras GEMOX et
53,1 % dans le bras GEM ; 32,8 % de ces deuxième lignes com-
portaient un sel de platine dans le bras GEMOX et 71,8 % dans
le bras GEM. Les résultats de cette étude confirment la bonne
tolérance et la bonne efficacité du GEMOX en termes de taux de
réponse, de survie sans progression et de bénéfice clinique, sans
que la différence de survie globale n’atteigne la significativité,
ce qui peut être dû à un manque de puissance statistique et/ou à
un “effet deuxième ligne”.
Toujours lors du congrès de l’ASCO, les résultats de trois autres
études randomisées, malheureusement toutes les trois négatives,
ont été présentés. Il s’agissait de comparer la gemcitabine à l’exa-
técan (ASCO 2004, abstr. 4005), l’association exatécan + gem-
citabine à la gemcitabine seule (ASCO 2004, abstr. 4006) ou
l’association pemetrexed + gemcitabine à la gemcitabine seule
(ASCO 2004, abstr. 4007). Aucune différence en termes de sur-
vie sans progression ou de survie globale n’a été observée. Enfin,
les résultats de l’essai ayant testé l’activité du tipifarnib ont éga-
lement été décevants (16). Le tipifarnib (R115777 ou Zarnestra
®
)
est un inhibiteur oral de la farnésyl transférase destiné à inhiber
K-Ras, dont le gène est muté dans 70 à 90 % des cas de cancers
du pancréas. Les patients recevaient gemcitabine + placebo ou
gemcitabine + tipifarnib. Six cent quatre-vingt-huit patients ont
été inclus. Il y a eu 8 % de réponses dans le bras contrôle et 6 %
dans le bras tipifarnib, avec respectivement 52 % et 53 % de sta-
bilisations. Davantage de neutropénies de grade 3-4 ont été obser-
vées avec le tipifarnib (40 % versus 30 %). Les survies sans pro-
gression sont comparables (médiane de 112 jours dans le bras
tipifarnib et de 109 jours dans le bras contrôle), de même que les
survies globales (respectivement 193 jours et 182 jours). Le déve-
loppement de ce médicament s’orientera donc vers d’autres loca-
lisations, telles que les leucémies ou les cancers du sein.
Autre nouvelle drogue, testée cette fois en phase II : le cetuxi-
mab. Le but est de bloquer, par cet anticorps anti-EGF-R, la pro-
lifération des cellules surexprimant ce récepteur. Soixante et un
patients ayant une maladie métastatique ou localement avancée
ont été sélectionnés et ont eu une recherche de l’expression de
l’EGF-R en immunohistochimie (17). La majorité d’entre eux
avaient une surexpression de l’EGF-R (58 % de marquage au
moins 1+). Parmi eux, 41 ont été inclus et traités par une asso-
ciation de gemcitabine (1 000 mg/m
2
hebdomadaires) et de cetuxi-
mab (400 puis 250 mg/m
2
hebdomadaires). Le taux de réponse a
été de 12,2 %, et 63,4 % des patients ont eu une maladie stable.
Le temps jusqu’à progression a été de 3,8 mois, et la survie glo-
bale de 7,1 mois. Les principaux effets secondaires ont été les
neutropénies (39 % de grade 3-4), les thrombopénies (17,1 % de
grade 3-4) et les éruptions acnéiformes (87,8 % tous grades confon-
dus, sans nécessité d’interrompre le traitement). Des essais de
phase III sont attendus.
Enfin, citons l’étude de phase II randomisée comparant l’oxali-
platine seul, le 5-FU et l’association 5-FU + oxaliplatine chez des
patients ayant un cancer du pancréas localement avancé ou méta-
statique (18). Soixante-trois patients ont été randomisés. Les
meilleurs résultats en termes de réponse et de survie sans pro-
gression ont été observés dans le bras combiné oxaliplatine + 5-FU :
10 % de réponses, survie sans progression médiane de 4,2 mois
et survie globale médiane de 9 mois.
Cancers de l’estomac
Les principales études publiées cette année sur le sujet sont des
études chirurgicales comparant différents types de curage gan-
glionnaire. L’étendue du curage ganglionnaire associé à la gas-
trectomie est toujours un sujet de controverse. Les Japonais ont
introduit le concept du curage appelé D2 dans les années 1960.
Il consiste en une dissection des ganglions périgastriques ainsi
que des ganglions le long du tronc cœliaque. Cependant, la gas-
trectomie D2 est une technique lourde, non dénuée de morbidité
et de mortalité, qui doit être réalisée par des chirurgiens entraî-
nés, avec une courbe d’apprentissage. Au Japon, où la fréquence
des cancers de l’estomac est élevée, les chirurgiens sont formés
à cette technique très tôt dans leurs études médicales, avec des
taux de mortalité opératoire de 2 % sur l’ensemble du pays. Plu-
sieurs essais randomisés comparant les deux types de curage, D1
et D2, ont déjà été publiés ces dernières années. En 2004, les
Danois ont repris et actualisé les données de survie de leur étude,
qui comparait un curage D1 et un curage D2 (19). Le suivi médian
chez les 711 patients de l’étude est de onze ans. Les survies à
onze ans sont de 30 % pour le groupe D1 et de 35 % pour le
groupe D2 (p = 0,53). La morbidité et la mortalité sont plus impor-
tantes dans le bras D2 : respectivement 25 % versus 43 %, et 4 %
versus 10 %.
L’expérience italienne sur 162 patients randomisés entre les deux
types de gastrectomie montrent une morbidité moyenne dans les
deux bras de 13,6 % (hémorragie intrapéritonéale, complications