La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VII - mai-juin 2004
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DO S S I E R T H É M A T I Q U E
d e u x cy cles de ch i m i o t h é r apie préopérat o i re ou ch i ru rgie d’em-
blée. Le protocole de chimiothérapie comportait du cisplatine à J1
( 8 0 m g / m
2
) , et du 5-FU en perfusion continue de J1 à J5
( 1 0 0 0 m g / m
2
/j). Deux cy cles étaient réalisés à 21 jours d’inter-
va l l e. Une ra d i o t h é rapie préopérat o i re était autorisée (réalisée ch e z
9% des patients dans les deux groupes). Environ deux tiers des
patients avaient un adénocarcinome,et un tiers un carcinome épi-
dermoïde. La chimiothérapie était significativement associée à un
p o u rc e n t a ge plus élevé de résection complète R0 (60 % ve rs u s
5 4 % ) , à une médiane de survie supéri e u re (16,8 ve rsus 13,3 m o i s ) ,
et à une meilleure survie à 2 ans (43 % versus 34 %). Le type his-
tologique ne semblait pas avoir d’influence sur l’efficacité du trai-
tement préopérat o i re. De plus, la ch i m i o t h é rapie n’augmentait pas
significativement la morbidité périopératoire. Cette étude suggère
donc que la réalisation de deux cycles de chimiothérapie préopé-
rat o i re améliore la survie sans augmentation
s i g n i f i c at ive de la mor-
bidité des malades ayant un cancer de l’œso
phage résécable.
Depuis 2003, la chimiothérapie préopératoire est, hors essai thé-
rapeutique, recommandée par la Fondation francophone de can-
cérologie digestive (FFCD) dans les adénocarcinomes de l’œso-
phage, et elle est optionnelle dans les carcinomes épidermoïdes
résécables. Il est difficile de préciser pourquoi les études améri-
caine et britannique aboutissent à des résultats différents (3). Si
la seconde a porté sur deux fois plus de patients,
elle ne requérait,
en revanche, ni staging TNM précis, ni technique
chirurgicale pré-
é t ablie et comportait une ch i m i o t h é r apie plus brève. D’autre s
questions ne sont pas résolues : quels sont les patients suscep-
tibles de tirer le plus de bénéfice de la chimiothérapie néoadju-
vante ? Quel pourrait être l’apport de drogues plus récentes (iri-
n o t é c a n , t a x a n e s , e t c . ) ? Quelle est la place re s p e c t ive de la
ch i m i o t h é rapie et de la ra d i o ch i m i o t h é r apie en néoadjuva n t ?
CHIMIOTHÉRAPIE PALLIATIVE
L’intérêt de la ch i m i o t h é rapie palliat ive des cancers œsophagi e n s
reste mal évalué. Cela tient à des pro blèmes spécifiques à ces
cancers. Il existe deux types histologiques, dont la sensibilité à
certaines drogues de chimiothérapie peut être différente. L’éva-
luation de la réponse tumorale est délicate quand il s’agit d’une
tumeur localement avancée ou d’une récidive loco-régionale. Le
terrain du carcinome épidermoïde au moment du diagnostic est
p a rt i c u l i e r :a l t é ration de l’état généra l , c i rr h o s e , cancer ORL
associé sont fréquents. De plus, les études disponibles présentent
des limites :dans les séries anciennes, les populations sont hété-
rogènes (malades métastatiques, récidives loco-régionales, etc.),
il existe de nombreux essais de phase II qui ne permettent pas
d’évaluer l’impact sur la qualité de vie et sur la survie ; enfin,
aucun essai ve rsus soins palliatifs n’est aisément analy s abl e. Une
seule étude a comparé une association 5-FU-cisplatine à un trai-
tement symptomat i q u e,m a i s , sur les 156 p atients incl u s , la majo-
rité avaient été opérés et avaient soit une extension ga n g l i o n n a i re,
soit une résection type R1 ou R2. Dans cette étude,le taux de
décès toxique était de 6 % dans le bras chimiothérapie, et la sur-
vie globale similaire avec ou sans chimiothérapie (4).
Monochimiothérapies
De nombreuses molécules ont une certaine activité dans le can-
cer de l’œsophage (5, 6). Les molécules anciennes ont surtout été
évaluées dans le carcinome épidermoïde. En monothérapie, des
taux de réponse de 15-25 % ont été observés avec cert a i n e s
d rogues :bl é o my c i n e,m i t o my c i n e,v i n d é s i n e,m é t h o t rex at e,é t o-
poside (à fo rte dose), 5 - F U ,c i s p l a t i n e. Le cisplatine a été la
d rogue la plus éva l u é e. En reva n c h e,le carboplatine est déceva n t ,
avec des taux de réponse inférieurs à 10 %.
Les taxanes ont été évaluées plus récemment. Le paclitaxel a été
é valué initialement chez 50 p a tients (32 a d é n o c a rcinomes). Il était
administré à la dose de 250 m g / m
2
en perfusion de 24 h e u re s
toutes les trois semaines, associé à un facteur de croissance gra-
nu l o cy t a i re. Le taux de réponse objective global était de 32 %
(adénocarcinomes 34 %, carcinome épidermoïde 28 %). La toxi-
cité hémat o l ogique était marquée (neutropénie grade III-IV 86 % ) .
La médiane de survie était de 13,2 mois. Le docétaxel a été étu-
dié dans plusieurs études de phase II. Il était administré à la dose
de 75 à 100 mg/m
2
en 1 heure toutes les trois semaines. Les résul-
tats étaient similaires, avec des taux de réponse objective de 17 %
à 50 %, et de neutropénie grade III-IV de 45 % à 88 %.
La vinorelbine est un alcaloïde moins toxique que la vindésine.
Elle a été évaluée en pre m i è re ligne chez 46 p atients dans un essai
de l’EORTC. Elle était administrée à la dose de 25 mg/m
2
toutes
les semaines. Le taux de réponse objective était de 20 %, le taux
de neutropénie gra d e III-IV de 59 %. La durée médiane de
réponse était de 21 semaines. D’autres molécules comme l’iri-
notécan ont une activité dans le cancer de l’œsophage.
En résumé, le taux de réponse objective dans le cancer de l’œ-
s o p h age avec une monoch i m i o t h é r apie est de l’ord r e de 15 à
30 %. La durée des réponses est brève (2 à 4 mois). Les molé-
cules les plus récentes ont un intérêt qui mérite d’être mieux éva-
lué, en particulier en association.
Polychimiothérapies
Il existe de nombreux essais de phase II avec des associations
comportant généralement du cisplatine (5, 6). Le type histolo-
gique prédominant est variable selon les pays et l’ancienneté
des études. Il faut noter dans la littérat u re anglo-saxonne récente
que les études portent souvent sur “l’entité” tumeurs œsogas-
triques, regroupant dans les essais les patients atteints d’adé-
n o c a rcinomes de l’œsophage, du cardia et de l’estomac. Les
carcinomes épidermoïdes sont en effet plus rares dans ces pays
qu’en France.
L’association 5-FU-cisplatine a été la plus étudiée. Initialement,
le 5-FU était administré en continu sur 4 à 5 jours, et le cispla-
tine en une fo i s , tous les 21 ou 28 j o u rs. L’ i n c o n vénient de ce
mode d’administration était une toxicité muqueuse et hématolo-
gique marquée. Les taux de réponse objective étaient de l’ordre
de 35 à 40 %, les médianes de survie de 8 à 12 mois. Cette asso-
ciation est encore considérée comme un standard même en l’ab-
sence d’essai de phase III. Pourtant, dans une étude de phase II
randomisée réalisée chez 92 patients, elle n’a pas démontré de
s u p é r i o rité signifi c at ive par rap p o rt au cisplatine seul ( 7 ). Le taux