Trigonométrie et argument à la sauce géométrique Vue l’importance du cours de jeudi dernier et le nombre important d’absents, mon extrème gentillesse m’a poussé à rédiger proprement ce bout de cours : on y introduit l’argument d’un nombre complexe ou, ce qui revient au même, les fonctions sinus et cosinus, sans parler d’exponentielle complexe mais en en admettant le moins possible. Rappelons que si z ∈ C∗ alors on z peut écrire z = |z| |z| car |z| 6= 0 et on observe que |z| est un réel strictement positif et que |z|z est de module 1. Introduisons la notation suivante : U = {z ∈ C tel que |z| = 1}. P ROPOSITION (écriture polaire) : ∀z ∈ C∗ , ∃!(r, u) ∈ R∗+ × U tel que z = ru. Preuve : L’existence vient d’être faite. Pour l’unicité supposons que ru = r0 u0 sont deux telles écritures, 0 alors rr0 = uu et le premier membre est dans R∗+ alors que le second est dans U. Ainsi ils sont tous les deux dans R∗+ ∩ U = {1} et donc r = r0 et u = u0 ce qui prouve l’unicité. Nous connaissons bien R∗+ et il nous reste à nous intéresser à U. En fait tout repose sur l’intuition géométrique suivante : on parcourt U dans le sens inverse des aiguilles d’une montre en partant du point d’affixe 1. On note ϕ(θ) ∈ U le point obtenu après avoir parcouru une distance égale à θ ∈ R+ ce qu’on étend tout de suite au θ < 0 en parcourant le cercle dans l’autre sens et ainsi obtenir pour tout θ ∈ R, ϕ(−θ) = ϕ(θ). Géométriquement, on voit déjà que ϕ : R → U est surjective et que pour tout θ, θ0 ∈ R, ϕ(θ) = ϕ(θ0 ) ⇔ (∃k ∈ Z tel que θ0 = θ + 2kπ) car le cercle est de rayon 1 donc de périmètre égal à 2π. On peut également placer les valeurs remarquables suivantes : ϕ(0) = 1, ϕ( π2 ) = i, ϕ(−π) = −1, ϕ( 3π 2 ) = −i. On définit alors pour tout θ ∈ R le couple de réel (cos θ, sin θ) comme étant l’unique vérifiant ϕ(θ) = cos θ + i sin θ. On obtient ainsi deux fonctions 2π-périodiques R → R vérifiant cos2 + sin2 = 1 d’après P YTHAGORE. Le théorème de T HALÈS, assure lui qu’on retrouve, éventuellement avec des nuances de signes, les fonctions trigonométriques introduites au collège dans les triangles rectangles : cos = coté opposé coté adjacent et sin = . hypothénuse hypothénuse Par ailleurs, on remarque qu’il suffit de connaitre, par exemple, le cosinus sur l’intevalle [0, π2 ] pour connaître le sinus et le cosinus sur R tout entier. En effet on a clairement : 1. ∀θ ∈ R, cos(−θ) = cos θ et on connaît alors le cosinus sur [− π2 , π2 ], 1 2. ∀θ ∈ R, cos(θ + π) = − cos θ et on connaît alors le cosinus sur [− π2 , 3π 2 ] et même sur R tout entier, 3. ∀θ ∈ R, sin θ = − cos θ + π2 et on connaît alors le sinus sur R tout entier. Ces trois points provenant de l’observation du dessin suivant : Pour tracer les courbes représentatives de ces fonctions il serait bon de connaître les éventuelles θ tangentes dont les pentes sont données par les éventuelles nombres dérivés limh→0 cos(θ+h)−cos h θ et limh→0 sin(θ+h)−sin ce qui nous pousse à démontrer géométriquement les relations algébriques h suivantes : P ROPOSITION (formules d’addition) : Pour tout a, b ∈ R, cos(a + b) = cos a cos b − sin a sin b et sin(a + b) = sin a cos b − cos a sin b. Preuve : Traitons le cas où a, b ∈ [0, π2 ] sont tels que a + b ∈ [0, π2 ]. Il suffit d’observer le dessin suivant : 2 a b a On vous laisse alors placer cos(a + b) et sin(a + b) ainsi que : – cos b, sin b sur les cotés bleus, – cos b cos a, sin b sin a sur les cotés verts, – cos b sin a, sin b cos a sur les cotés rouges, Un dessin analogue, qu’on vous laisse esquisser, permet de traiter le cas où la somme est dans l’intervalle [ π2 , π]. D’autres dessins pourraient traiter les autres cas, mais on peut aussi utiliser π les différentes symmétries : par exemple si (a, b) ∈ [ π2 , π] × [π, 3π 2 ] on les ramène dans [0, 2 ] en considérant a − π2 et b − π ce qui justifie : 3π cos(a + b) = sin a + b − 2 π = sin (a − ) + (b − π) 2 π π = cos a − sin (b − π) + sin a − cos (b − π) 2 2 = − sin a sin b + cos a cos b. On montre ainsi les deux formules dans tous les cas. 3 On observe alors que pour tout a, b ∈ R : ϕ(a + b) = cos(a + b) + i sin(a + b) = cos a cos b − sin a sin b + i(sin a cos b − cos a sin b) = (cos a + i sin a) (cos b + i sin b) = ϕ(a)ϕ(b). Ceci motive en partie 1 la notation eiθ en lieu et place de ϕ(θ) car on a les règles usuelles sur les puissances : ei(a+b) = eia eib valable pour tout a, b ∈ R. Revenons à l’application surjective ϕ : R → U, θ 7→ eiθ qui transforme donc les sommes en produits. Remarquons que la relation d’équivalence sur R — est-ce bien clair que c’en est une ? — définie par : θ ∼ θ0 ⇔ ∃k ∈ Z tel que θ0 = θ + 2kπ est compatible avec l’addition des réels et induit donc une addition sur l’ensemble quotient qu’on note, à l’instar de Z/6Z par exemple, R/2πZ. L’application ϕ induit alors une bijection R/2πZ → U qui autorise la définition suivante : D ÉFINITION (Argument d’un nombre complexe) : Tout nombre complexe z 6= 0 s’écrit d’une unique manière z = reiθ avec (r, θ) ∈ R∗+ × R/2πZ. On dit alors que θ est un argument de z et que θ est l’argument de z. P ROPOSITION (Formules d’E ULER et de DE M OIVRE) : Soient θ ∈ R et n ∈ Z, alors on a la formule de DE M OIVRE (cos θ + i sin θ)n = cos nθ + i sin nθ et les formules d’E ULER cos θ = eiθ + e−iθ eiθ − e−iθ et sin θ = . 2 2i Preuve : n La formule de DE M OIVRE n’est rien d’autre que eiθ = eniθ qui se démontre d’abord pour n ∈ N par une récurrence immédiate, puis pour n < 0 en remarquant que eniθ = 1 e−niθ = n 1 −n = eiθ . eiθ Les formules d’E ULER proviennent elles, juste du fait que R (z) = tout z ∈ C et donc en particulier pour ϕ(θ). La suite, au prochain cours. . . z+z 2 et I (z) = z−z 2i vrai pour 1. Par contre rien n’explique pourquoi c’est ei qu’on élève à la puissance θ, à ce stade ce n’est qu’une notation. Tout ceci s’interprète en terme d’exponnentielle complexe et je vous renvoie aux exercices 11 et 12 de ce chapitre. . . 4