L’ Hormonothérapie dans les stades très précoces du cancer du sein :

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DOSSIER THÉMATIQUE
L’hormonothérapie
dans les cancers du sein
Hormonothérapie
dans les stades très précoces
du cancer du sein :
risques et bénéfices
Endocrine treatment in very early stage breast cancer:
risks and benefits
A. Fourquet*
L’
* Département de radiothérapie oncologique, Institut Curie, Paris.
hormonothérapie est l’un des traitements
systémiques des cancers du sein dont
l’efficacité sur la réduction du risque de
rechute et de mortalité a été démontrée dans de
nombreux essais thérapeutiques, confirmée par
des méta-analyses (1) et, de ce fait, très largement
prescrite. C’est l’un des tout premiers traitements
ciblés du cancer du sein, puisqu’il ne peut agir que
chez les femmes qui ont des cancers exprimant
des récepteurs d’hormones nucléaires (récepteurs
aux estrogènes [RE] et récepteurs à la progestérone [RP]). L’hormonothérapie des cancers du sein
comprend plusieurs molécules : le tamoxifène est
un modulateur sélectif du récepteur aux estrogènes (Selective Estrogen-Receptor Modulator
[SERM]) qui se fixe sur le récepteur par inhibition
compétitive ; les inhibiteurs de l’aromatase (IA)
bloquent la synthèse d’estrogènes par les tissus
non ovariens (surrénale, graisse périphérique) et
ne sont pas actifs sur la synthèse d’estrogènes
d’origine ovarienne. Ils ne sont donc efficaces que
chez des femmes ménopausées. Ils comprennent
des inhibiteurs non stéroïdiens (anastrozole et
létrozole) et un inhibiteur stéroïdien (exémestane).
L’hormonothérapie peut, enfin, être effectuée par
l’inhibition de la synthèse des estrogènes d’origine
ovarienne chez des femmes non ménopausées par
ovariectomie chirurgicale, irradiation des ovaires
ou analogues de la LHRH (Luteinizing-HormoneReleasing Hormone). Ce type de traitement ne sera
pas envisagé ici.
402 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 8 - octobre 2012
Comme tout traitement, l’hormonothérapie n’est
pas efficace dans tous les cas, et elle peut entraîner
des effets indésirables. La question de son bénéfice
dans des formes de cancers du sein très précoces,
qui présentent des risques très faibles de rechute
et un très faible risque de mortalité, en regard des
inconvénients et de la toxicité potentielle du traitement mérite d’être posée ; de même que celle de
sa prescription systématique au seul argument de la
présence de récepteurs hormonaux positifs (RH+).
Cette mise au point envisagera cette question dans
2 types de formes très précoces : les cancers canalaires in situ (CCIS) et les petits cancers infiltrants du
sein de moins de 10 mm sans atteinte ganglionnaire
axillaire (T1a,b N0 selon la classification de l’Union
internationale contre le cancer [UICC]).
Hormonothérapie des cancers
canalaires in situ
Les CCIS sont caractérisés par une extension
tumorale strictement intracanalaire, à l’exclusion
de toute composante invasive ou micro-invasive.
Le traitement local peut consister en une chirurgie
par mastectomie sans irradiation complémentaire
ou en une chirurgie conservatrice, selon l’extension
des lésions. Après mastectomie, le risque de récidive
locale est estimé à moins de 1 % à 10 ans (2), et la
survie spécifique à 10 ans est proche des 100 %.
Quatre essais multicentriques prospectifs (3-6)
Points forts
» Les cancers canalaires in situ du sein ont un excellent pronostic vital après un traitement local par
mastectomie, ou par chirurgie conservatrice et radiothérapie du sein. Deux essais thérapeutiques ont
évalué l’intérêt d’une hormonothérapie par tamoxifène après traitement conservateur ; leurs résultats
sont contradictoires et ne permettent pas de conclure quant à l’intérêt d’une hormonothérapie adjuvante.
» Dans les petits cancers invasifs, un certain nombre de facteurs (âge de plus de 60 ans, tumeur de 10 mm
ou moins, forme canalaire de grade I ou lobulaire de grade I ou II, absence d’atteinte ganglionnaire, récepteurs hormonaux positifs) permet d’identifier un groupe dont le pronostic après traitement locorégional
bien conduit est excellent, et pour lequel le bénéfice d’une hormonothérapie est nul ou très faible.
et une méta-analyse (7) ont démontré qu’une
irradiation du sein à la dose de 50 Gy sans dose
additionnelle dans le lit tumoral, après chirurgie
conservatrice du sein, réduit de 56 % le risque de
récidive locorégionale, et qu’il n’est pas possible,
en l’état actuel des connaissances, d’identifier des
groupes à très faible risque pour lesquels la radiothérapie n’apporterait pas de bénéfice. Dans ces
essais, environ 50 % des récidives sont invasives, et
la réduction du risque par la radiothérapie s’exerce
de façon identique sur les récidives invasives et
intracanalaires.
Deux essais thérapeutiques comparatifs ont évalué
l’apport d’un traitement par tamoxifène dans les
CCIS : NSABP B-24 et UK/ANZ DCIS.
NSABP B-24 (3)
Le National Surgical Adjuvant Breast Project (NSABP)
a conduit, de 1991 à 1994, un essai multicentrique
comparant l’administration par tirage au sort de
tamoxifène ou d’un placebo chez 1 804 patientes
pendant 5 ans. Toutes avaient un CCIS strict traité
par chirurgie conservatrice et radiothérapie de
l’ensemble du sein à la dose de 50 Gy sans dose
additionnelle dans le lit tumoral. Environ 25 %
avaient des berges atteintes dans chaque groupe.
Les résultats ont été publiés après un suivi médian
de 163 mois (2-191) [soit 13,6 ans]. L’âge médian
était de 55 ans environ ; près de 85 % des lésions
mesuraient 1 cm ou moins (mesure radiologique
ou histologique). La prise de tamoxifène a réduit de
32 % le risque cumulé de récidive dans le sein traité
à 15 ans (HR = 0,68 ; IC95 : 0,49-0,95 ; p = 0,025).
Une analyse de l’effet du tamoxifène a été conduite
a posteriori chez 41 % de la population initiale
(n = 734) : une évaluation du taux de RH a pu être
conduite, avec 10 ans de recul médian (8). Les RH
étaient positifs dans 76 % des cas ; la réduction du
risque de récidive locale était alors de 32 % avec le
tamoxifène (ns). La réduction du risque de cancer
controlatéral était de 50 % (p = 0,02). La mortalité
par cancer du sein était identique dans les 2 groupes.
La toxicité du traitement évaluée à 5 ans (9) montrait
une augmentation globale de 6 % chez les femmes
qui recevaient du tamoxifène (tableau I). Dans
les 2 groupes, un tiers des patientes n’ont pas suivi
le traitement sur toute la période de 5 ans : 30 %
avec le placebo et 33 % avec le tamoxifène. L’arrêt
du traitement était motivé par la toxicité dans 11
et 16 % des cas, respectivement.
Mots-clés
Cancer du sein
Hormonothérapie
Cancers canalaires
in situ
Petits cancers invasifs
Highlights
» Patients with a ductal
carcinoma in situ (DCIS) have
excellent long-term survival
following local treatment
with mastectomy or breastconserving surgery and wholebreast irradiation. Treatment
with tamoxifen was evaluated
in two prospective trials with
conflicting results. Thus the
benefit of adjuvant tamoxifen
in DCIS could not be demonstrated.
» A subgroup of patients
with small invasive breast
cancer can be identified, with
the simultaneous presence of
favorable risk factors: age superior to 60 years, tumor size of
10 mm or less, grade I ductal,
or grade I or II lobular, node
negative, and positive hormone
receptors. Because the longterm outcome in this group is
extremely favorable following
proper locoregional treatment,
the benefit of adjuvant endocrine treatment would be very
low or null.
Tableau I. Toxicité à 5 ans du traitement systémique dans l’essai B-24 du NSABP (9).
Placebo
(n = 890) [%]
Tamoxifène
(n = 891) [%]
37
43
Cancer de l’endomètre*
0,79
1,68
Cardiovasculaire
Phlébites
Embolies
0,6
0,1
1,6
0,2
Accidents vasculaires cérébraux (15)
0,1
0,6
Troubles de l’humeur
11
11
Bouffées de chaleur
59
70
Troubles des règles
16
19
Œdèmes
28
33
Pertes vaginales
20
32
Toxicité générale
Keywords
Breast cancer
Endocrine treatment
Ductal carcinoma in situ
Small invasive cancer
* Taux à 15 ans (3).
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 8 - octobre 2012 |
403
DOSSIER THÉMATIQUE
L’hormonothérapie
dans les cancers du sein
Hormonothérapie dans les stades très précoces du cancer du sein :
risques et bénéfices
UK/ANZ DCIS (5)
Cet essai multicentrique a été conduit de 1990 à
1998, selon un schéma particulier sur 1 701 patientes
incluses. Une double randomisation était proposée :
radiothérapie du sein ou non, hormonothérapie
par tamoxifène ou non. Les patientes pouvaient
choisir de participer uniquement à la première ou
à la seconde comparaison, ou bien aux 2. Le recul
médian est de 12,7 ans. Au total, 1 576 patientes
ont participé à la comparaison entre tamoxifène et
absence de tamoxifène. Les résultats montrent une
réduction significative du risque de récidive dans le
sein atteint et une réduction du risque de cancer
controlatéral dans le groupe qui a reçu le tamoxifène. Cet effet n’était significatif que sur les récidives
homolatérales intracanalaires et les cancers invasifs
controlatéraux. Chez les patientes qui avaient eu une
radiothérapie du sein, aucun bénéfice n’était apporté
par le tamoxifène, sur les récidives homolatérales
comme sur les cancers controlatéraux (tableaux
IIa et IIb).
Les taux de survie après le traitement d’un CCIS,
quelle qu’en soit la modalité (mastectomie,
chirurgie conservatrice seule, chirurgie conservatrice avec radiothérapie mammaire, tamoxifène
ou non), sont très élevés, et le risque métastatique
pratiquement nul. Ce risque est lié soit à la survenue
d’une récidive invasive (3), soit à la survenue d’un
cancer controlatéral invasif. La radiothérapie est
le moyen thérapeutique le plus efficace pour
réduire le risque de récidive invasive homolatérale.
Les 2 essais donnent des résultats contradictoires
sur le bénéfi ce de l’addition de tamoxifène à ce
traitement, et il ne saurait donc être un traitement
de routine.
Hormonothérapie
des petits cancers invasifs
La méta-analyse de l’Early Breast Cancer Trialists’
Collaborative Group (EBCTCG), récemment mise à
jour (1), a analysé le cas de 21 457 femmes traitées
pour un cancer invasif du sein, et ayant participé à
20 essais évaluant l’intérêt de la prise continue de
tamoxifène sur des périodes de 2 à 5 ans selon les
essais. Parmi elles, 10 645 avaient des cancers avec
RE. Le suivi médian de ce dernier groupe était de
13 ans. Les résultats montrent que le tamoxifène a
réduit le risque de récidive (homolatérale, controlatérale ou métastatique) de 40 % et le risque de
mortalité de 30 %. Ils montrent également que le
tamoxifène a accru le risque de cancer de l’endomètre chez les femmes d’au moins 55 ans : le risque
cumulé à 15 ans chez les femmes de 55 à 69 ans
passe de 1 % en l’absence de tamoxifène à 3,8 %
sous tamoxifène.
L’utilisation large des IA chez les femmes ménopausées est plus récente que celle du tamoxifène,
et moins de données sont disponibles sur leur toxicité à long terme. De plus, si les risques de séquelles
graves (cardiovasculaires, risque de fractures ostéoporotiques) ont été bien étudiés (10), les effets
Tableau II. Efficacité du tamoxifène chez les patientes ayant reçu une radiothérapie du sein dans l’essai UK/ANZ DCIS (5).
a. Risques à 10 ans chez les patientes ayant reçu de la radiothérapie et ayant été randomisées entre tamoxifène et placebo (n = 523).
Tamoxifène
(n = 272)
[% à 10 ans]
Placebo
(n = 251)
[% à 10 ans]
Rapport
de risque
IC95
p
Récidives locales
2,4
2,6
0,93
0,50-1,75
0,8
Cancer controlatéral
1,1
1,1
0,99
0,39-2,49
1,0
Tout événement lié au cancer du sein
4,1
5,6
0,99
0,61-1,59
0,8
b. Risques à 10 ans chez les patientes ayant reçu du tamoxifène et ayant été randomisées entre radiothérapie ou non et
placebo (n = 554).
Avec radiothérapie
(n = 286)
[% à 10 ans]
Sans radiothérapie
(n = 268)
[% à 10 ans]
Rapport
de risque
IC95
p
Récidives locales
3,4
8,7
0,37
0,22-0,64
< 0,0001
Cancer controlatéral
1,5
1,4
1,10
0,43-2,86
0,8
Tout événement lié
au cancer du sein
5,4
11,7
0,44
0,32-0,60
< 0,0001
404 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 8 - octobre 2012
DOSSIER THÉMATIQUE
indésirables tels que les arthralgies, parfois très
invalidantes, l’ont beaucoup moins bien été (11) et
sont peut-être sous-estimés (12). Si plusieurs essais
ont démontré un effet des IA sur la réduction du
risque de rechute plus grand que celui du tamoxifène,
leur bénéfice sur la survie n’est pas établi.
Les effets du tamoxifène sont proportionnels et indépendants des facteurs de risques de récidive ou de
mortalité étudiés (en dehors du statut des RE) [1].
Le bénéfice attendu sera d’autant plus élevé que le
risque est élevé, et, inversement, ce bénéfice sera
d’autant plus faible que le risque est faible.
Dans les stades très précoces, les risques de récidive
locale, régionale ou métastatique sont faibles ou très
faibles. Plusieurs études de cohortes ont analysé
spécifiquement le pronostic des petits cancers du
sein sans envahissement ganglionnaire axillaire.
E.O. Hanrahan et al. (13) ont étudié le devenir
d’une cohorte de 51 246 femmes, issue de la base
de données SEER (Surveillance, Epidemiology and
End Results), dont le diagnostic de cancer du sein
invasif a été posé entre 1988 et 2001. Toutes avaient
des tumeurs T1a,b N0 M0, c’est-à-dire de moins de
11 mm, sans atteinte ganglionnaire axillaire et sans
signe de métastases. L’âge médian était de 65 ans,
et le recul médian était de 5,3 ans (0,08-13,9 ans).
Le risque de mortalité, toutes causes confondues,
de l’ensemble de la cohorte était de 24,8 % à 10 ans.
En analyse multifactorielle du risque de mortalité
globale, portant sur 26 873 femmes, la SG était plus
élevée dans les cas suivants :
➤ lorsque l’âge au diagnostic était jeune (augmentation du risque de mortalité de 6 % pour chaque
année supplémentaire) ;
➤ lorsque la taille tumorale était faible (augmentation de 3 % pour chaque millimètre de tumeur) ;
➤ lorsque le cancer était une forme lobulaire infiltrante ;
➤ lorsque le grade était 1 ou 2 ;
➤ lorsque les RE étaient positifs ;
➤ lorsqu’une chirurgie axillaire avait été effectuée
avec au moins 6 ganglions analysés ;
➤ lorsque les patientes avaient reçu une radiothérapie.
Le risque de mortalité spécifique (décès par cancer
du sein) était 4 fois moins élevé que le risque de
décès par une autre cause chez les femmes de plus
de 50 ans. La probabilité de survie spécifique à 10 ans
était de 96 % pour l’ensemble de la population. Elle
variait de 3 à 8 % selon la présence ou l’absence des
principaux facteurs de risque suivants :
➤ âge inférieur à 50 ans ;
➤
➤
➤
➤
cancer de grade III ;
absence de RE ou de RP ;
absence de radiothérapie ;
nombre de ganglions examinés inférieur à 6.
Ces résultats ont été confirmés par une étude de
cohorte portant sur 3 197 femmes danoises (14) avec
un cancer du sein diagnostiqué entre novembre 1989
et décembre 2001, et présentant les caractéristiques
suivantes :
➤ taille inférieure à 21 mm ;
➤ absence d’envahissement ganglionnaire axillaire ;
➤ forme canalaire de grade I, lobulaire de grade I
ou II, ou forme particulière ;
➤ tumeurs traitées par mastectomie ou chirurgie
conservatrice du sein et radiothérapie, sans aucun
traitement adjuvant.
Plus de 97 % des tumeurs exprimaient des RE ou
des RP. Le suivi médian de cette cohorte était de
14,8 ans. L’étude a identifié un sous-groupe de
458 patientes (14 %) âgées de plus de 60 ans, avec
des tumeurs de moins de 11 mm, dont le taux de
mortalité était similaire à celui de la population
générale. Les taux de premier événement à 10 ans
dans ce groupe sont regroupés dans le tableau III.
Ces résultats ont été confirmés sur une cohorte prospective de 2 710 femmes ayant les mêmes caractéristiques, diagnostiquées entre juin 1998 et juin 2005.
Ces données confirment les résultats d’autres études,
qui démontrent que l’âge au diagnostic, la taille
tumorale et l’état des ganglions axillaires restent
des éléments déterminants du pronostic des cancers
du sein qui expriment des RH. Ces différentes études
n’ont pas analysé l’apport éventuel des classifications dites “moléculaires”, qui pourraient permettre
de mieux préciser encore les risques de rechute :
la combinaison des niveaux d’expression des RH,
de la prolifération et du récepteur HER2 (Human
Epidermal growth factor Receptor 2) mesurés par
immunohistochimie permet en routine de préciser
Tableau III. Taux de premier événement chez les femmes de plus de 60 ans, traitées pour un cancer
invasif canalaire de grade I, lobulaire de grade I ou II ou de forme particulière, et de taille inférieure
ou égale à 10 mm, RO+ et/ou RP+ dans plus de 97,3 % des cas, sans hormonothérapie (14).
% 10 ans
IC95
4
2,5-6,1
Cancer controlatéral
5,4
3,5-7,7
Métastases
3,8
2,3-5,9
Deuxième cancer
8,3
5,9-11,2
Décès
15,7
13,4-18,2
Récidive locorégionale
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405
DOSSIER THÉMATIQUE
L’hormonothérapie
dans les cancers du sein
Hormonothérapie dans les stades très précoces du cancer du sein :
risques et bénéfices
le pronostic de ces cancers précoces et d’aider à
poser les indications d’un traitement systémique.
Conclusion
Les cancers canalaires in situ ont un pronostic vital
très bon. Leur pronostic est dominé par le risque
de récidive locorégionale. Après un traitement
conservateur du sein, ces récidives surviennent pour
moitié sous forme intracanalaire et pour moitié sous
forme invasive. La prévention de ce risque de récidive invasive passe avant tout par un traitement
locorégional bien conduit, par mastectomie ou par
chirurgie conservatrice obtenant des berges saines
et suivie d’une radiothérapie mammaire. Dans ces
conditions, le bénéfice d’une hormonothérapie n’est
pas démontré.
Dans les cancers invasifs, il semble possible d’identifier une population de femmes qui ont un cancer
du sein à un stade très précoce, dont les risques de
rechutes locales, controlatérales ou métastatiques
sont très faibles, et dont le risque de décès à long
terme par cancer du sein est très nettement inférieur à celui de décéder d’une autre cause. Âgées de
60 ans ou plus, elles ont des cancers invasifs jusqu’à
10 mm, canalaires de grade I, lobulaires de grade I
ou II ou de forme particulière, exprimant des RH,
et sans atteinte ganglionnaire axillaire. Le bénéfice d’une hormonothérapie sur le pronostic à long
terme est probablement très faible ou nul dans ce
groupe. Ce traitement s’accompagne d’effets indésirables qui peuvent parfois altérer significativement
la qualité de vie. La prescription systématique d’une
hormonothérapie dans ces formes très précoces,
au seul argument de la présence de RH, n’est pas
justifiée. Ce traitement pourrait s’envisager au titre
de la prévention de la survenue d’un nouveau cancer
dans le sein controlatéral, dont le risque peut être
estimé à environ 0,5 % par an dans ces formes. Une
hormonothérapie serait susceptible de le réduire à
0,3 ou 0,35 % par an. La décision d’une hormonothérapie dans ce contexte ne peut être qu’une décision au cas par cas, après une évaluation conjointe
avec la patiente des risques et des bénéfices, ainsi
que des contraintes de ce traitement.
■
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