L’
année 2005 a été marquée, en ce qui concerne les
tumeurs uro-génitales non prostatiques, par l’avè-
nement des inhibiteurs multicibles de tyrosines
kinases de VEGF-R dans la thérapeutique des cancers du rein
métastatiques, ouvrant une ère nouvelle dans le traitement
d’une tumeur réputée résistante aux traitements médicaux.
CANCER DU TESTICULE
Biologie
Résistance au cisplatine
Trois articles s’intéressant aux bases biologiques de la résis-
tance au cisplatine sont à relever :
dans le premier (1), celle-ci était associée à une downregula-
tion de la protéine kinase SRPK1 (sérine/arginine-rich protein-
specific kinase 1) dépendant d’un gène sensible au cisplatine
dont l’inactivation conduit à une résistance. Chez les mammi-
fères, l’expression de SRPK1 est élevée préférentiellement au
niveau des testicules. Il a été retrouvé, dans une série de
tumeurs réfractaires (n = 20) et de mauvais pronostic (n = 11),
une plus faible expression de SRPK1 que dans une série de
tumeurs sensibles laissant supposer que l’étude de l’expression
de SRPK1 pourrait servir d’indicateur de chimiosensibilité ;
dans le deuxième (2), elle était associée à une instabilité de
microsatellites ;
dans le troisième, par la technique de CGH (comparative
genomic hybridization), à une surexpression de gènes en 16q
dans des lignées cellulaires de tumeurs germinales (3).
Mais ce sont là autant de pistes pour encore peu de certitudes...
Épidémiologie
Les présentations ont changé en trente ans
L’incidence des tumeurs germinales du testicule augmente. En
divisant les années 1983-2002 en trois périodes, T.B. Powles et
al. (4) ont trouvé une augmentation significative de la propor-
tion de tumeurs de stade I (de 59 % à 78 %) et de séminomes
(de 43 % à 58 %) en particulier. Il y a aussi une réduction de la
taille tumorale (de 5 cm à 4 cm).
Augmentation de l’incidence des tumeurs germinales du
testicule chez les Noirs aux États-Unis
Les données du programme SEER (Surveillance, Epidemio-
logy, and End Results) pour les années 1973-2001 ont mon-
tré une augmentation de 100 % chez les Noirs (et non chez
les Blancs) entre les périodes 1988-1992 et 1993-1997, avec
une incidence des séminomes augmentant deux fois plus
vite que celle des tumeurs germinales non séminomateuses
(TGNS) (124,4 % versus 64,3 %). Les raisons n’en sont pas
claires en ce qui concerne les facteurs périnataux aussi bien
que les facteurs postnataux (5).
Tumeurs de stade I
Étude de phase III comparant 20 Gy à 30 Gy dans les
séminomes de stade I
Cet essai MRC/EORTC (6) conduit entre 1995 et 1998 a ran-
domisé 625 patients. Avec un suivi médian de 61 mois, il a été
noté respectivement 11 et 10 rechutes dans les groupes 20 Gy
et 30 Gy (HR = 1,11, IC90 : 0,54-2,28). La différence absolue à
2ans est de 0,7 %, avec une limite inférieure de l’IC90 à 2,9 %,
ceci justifiant, étant donné la plus faible morbidité, la recom-
mandation en pratique d’une dose de 20 Gy.
Radiothérapie versus un seul cycle de carboplatine dans
les séminomes de stade I
R.T. Oliver a publié dans le Lancet (7) les résultats prélimi-
naires de la large étude ayant randomisé, entre 1996 et 2001,
1477 patients de 70 hôpitaux et 14 pays pour recevoir soit une
radiothérapie (n = 904), soit un seul cycle de carboplatine
ASC = 7 (n = 573). Avec une médiane de suivi de 4 ans, les
taux de survie sans récidive étaient similaires (respectivement
96,7 % versus 97,7 % à 2 ans et 95,9 % versus 94,8 % à 3 ans).
Ces résultats nécessitent une validation à distance pour en faire
un standard.
Efficacité à long terme de 2 cycles de BEP dans les
TGNS de stade I à haut risque
Dans une série de 40 cas traités entre 1987 et 1997, rapportée
par C. Chevreau (8), il n’a été noté aucune rechute avec un
recul médian de 113 mois (63-189 mois) ; par ailleurs, deux
patients ont présenté une tumeur controlatérale.
Tumeurs uro-génitales non prostatiques
Urogenital tumors except prostate tumors
P. Beuzeboc*
* Département d’oncologie médicale, Institut Curie, Paris.
300
La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 6 - novembre-décembre 2005
RÉTROSPECTIVE 2005
Modélisation du coût de la prise en charge des TGNS de
stade I
Afin de renforcer nos pratiques et nos convictions, il est récon-
fortant, à partir de ce travail réalisé au Johns Hopkins Hospital
(9), de constater qu’un curage ganglionnaire premier n’est pas
non plus “avantageux” en termes de coût et qu’une chimiothé-
rapie adjuvante l’est, en revanche, si la probabilité de récidive
au cours de la surveillance est supérieure à 46 %.
Chirurgie des métastases
Rôle de la chirurgie postchimiothérapie dans les méta-
stases hépatiques
J.T. Hartmann et al. (10) ont rapporté leur expérience concer-
nant une série de 43 patients ayant eu une chirurgie de méta-
stases hépatiques après une chimiothérapie d’induction suivant
différents protocoles multicentriques en cours entre 1990 et
1999. Trente-cinq patients (81 %) présentaient des métastases
hépatiques au moment du diagnostic, 8 (19 %) des métastases
métachrones après un intervalle médian de 16 mois (6-
103 mois). Douze (28 %) ne présentaient plus que des méta-
stases hépatiques après chimiothérapie, 31 (72 %) avaient
d’autres masses résiduelles. La majorité des patients n’a eu que
des métastasectomies ou une segmentectomie (74 %). Les don-
nées histologiques postopératoires montraient de la nécrose
dans 67 % des cas, du tératome dans 12 % des cas, de la
tumeur viable dans 21 % des cas (pour seulement 10 % dans
les autres sites). Chez 39 % des patients, les résultats histolo-
giques différaient entre les lésions hépatiques et extrahépa-
tiques. Les tumeurs réfractaires à la chimiothérapie ont été
associées à une survie courte après chirurgie.
Rechutes
Sites de rechutes après une première ligne
A. Flechon et al. (11) ont analysé rétrospectivement les locali-
sations d’une série de 96 patients en récidive traités entre 1986
et 1998 à l’IGR et au centre Léon-Bérard (ces patients repré-
sentant 17,5 % de l’ensemble des patients traités dans la même
période). Trente-cinq (36,4 %) avaient des marqueurs et des
lacticodéshydrogénases (LDH) normales. Les sites de rechute
ont été les suivants : 47 abdominaux (49 %), 17 thoraciques
(17,7 %), 15 thoraco-abdominaux (15,6 %), 8 cérébraux
(8,3 %), 1 sus-claviculaire (1 %), 1 osseux (1 %). Il s’agissait
dans sept cas d’une élévation isolée de marqueurs (7,3 %).
Quatre-vingt-cinq pour cent des rechutes sont survenues dans
les 18 mois. Ces résultats permettent de recommander une sur-
veillance étroite les deux premières années par scanner du
corps entier et marqueurs, cette surveillance se faisant moins
stricte ensuite.
Traitements de rattrapage
L’équipe du MSKCC de New York (12) a rapporté son expé-
rience avec le TIP (paclitaxel + ifosfamide + cisplatine) en
deuxième ligne. Avec 4 cycles, 32 patients sur 46 (70 %) ont
été mis en rémission complète, avec 63 % de rémissions com-
plètes (RC) durables pour un temps médian de suivi de
69 mois. Ce taux de RC paraît supérieur à celui du schéma
vinblastine + ifosfamide + cisplatine (VeIP), mais un des fac-
teurs contribuant à expliquer ce très bon résultat repose sur des
critères de sélection utilisés pour prospectivement identifier
une population plus à même de bénéficier d’une seconde ligne
de chimiothérapie à doses conventionnelles.
La même équipe (13) a réalisé une étude sur l’incidence et le
pronostic des récidives tardives (> 2 ans après la fin de la chi-
miothérapie). Les récidives tardives sont de mauvais pronostic,
rares (1-4 % après une chimiothérapie de première ligne pour
tumeur avancée) avec prédominance histologique de yolk sac,
d’élévation d’αFP et transformation maligne de tératome
mature. La chirurgie de sauvetage a une place essentielle.
L’expérience du MSKCC a été analysée sous deux perspec-
tives : la première par une analyse rétrospective de 29 patients
identifiés sur 246 traités dans 9 protocoles de chimiothérapie
de rattrapage incluant le TIP et des protocoles d’intensification,
la seconde à partir de l’analyse rétrospective de 551 patients en
RC après chimiothérapie de première ligne.
Pour les 29 patients ayant eu un traitement de rattrapage, la
médiane de survie était de 23,9 mois (9 survivants avec un
suivi médian de 50,6 mois). Sept des 14 patients (50 %) traités
par TIP continuent à être en RC. Parmi les 551 patients de la
seconde population, 17 (3 %) ont présenté une rechute tardive
(3 %), avec un temps médian de récidive de 7,8 ans.
Étude IT 94 : absence d’efficacité d’une intensification
terminale
Cet essai de phase III européen GETUG/EGBMT (European
Group for Blood and Marrow Transplantation) a randomisé
280 patients en réponse incomplète ou en première rechute
entre 4 cycles d’étoposide, ifosfamide et cisplatine (VIP)
[bras A] ou VeIP et 3 cycles du même protocole suivi d’une
intensification terminale par le protocole carboplatine, étopo-
side et cyclophosphamide (CarboPEC) [bras B]. Il n’y a aucun
bénéfice significatif en termes de survie sans récidive à 3 ans
(35 % versus 42 %, p = 0,16) et de survie globale (53 %, IC95 :
46-59 %) [14].
Chimiothérapie à hautes doses (HD) séquentielles dans
les rechutes à mauvais pronostic : résultats de l’étude de
phase II TAXIF
Dans cette étude multicentrique française (15), 45 patients ont
été inclus et ont reçu un traitement combinant 2 cycles d’une
association de paclitaxel + épirubicine, suivis de 3 cycles suc-
cessifs de chimiothérapie HD avec support de cellules souches
(un cycle de cyclophosphamide 3 g/m2+ thiotépa 400 mg/m2
suivi de deux cycles ICE : ifosfamide 10 g/m2, carboplatine
ASC 20, étoposide 1 500 mg/m2). Le taux de réponse a été de
37,7 % avec 8,9 % de RC, la médiane de survie globale étant
quant à elle de 11,8 mois. Les taux de survie sans progression à
3ans étaient de 23,5 % (plateau à partir de 17 mois). Aucun
patient présentant un score pronostique de Beyer supérieur à 2
n’a survécu. Ce protocole s’avère très toxique, comportant un
taux de décès toxiques de 11 % (n = 5). Une meilleure sélec-
tion des patients s’impose avec, sans doute, un rôle de la chi-
rurgie à mieux préciser.
301
La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 6 - novembre-décembre 2005
CANCERS BRONCHIQUES
Complications et séquelles
Risque thromboembolique ?
A.C. Piketty et al. (16) ont rapporté, dans une étude compara-
tive avec un groupe contrôle de sujets appariés recevant une
chimiothérapie par cisplatine pour un autre type de tumeur, que
le risque thromboembolique était augmenté dans les tumeurs
germinales et prédit par le taux de lacticodéshydrogénases
(LDH) sériques et la surface corporelle.
Cryopréservation de sperme : qui l’utilise ?
Toujours les Norvégiens, pour faire des enquêtes à large
échelle. Dans une série de 422 patients (17) ayant eu un prélè-
vement de sperme entre 1983 et 2002, sur 1 388 patients (pour-
centage pouvant nous paraître très faible par rapport à nos pra-
tiques, même s’il est d’environ 43 % depuis 1994…), 29 (7 %)
se sont servi de leur sperme congelé pour une reproduction
assistée, suivie d’une grossesse chez 16 partenaires (dont
2fausses couches). Même si en pratique l’utilisation de sperme
congelé reste faible, il est nécessaire de proposer systématique-
ment à ces patients la possibilité d’une cryopréservation.
Paternité après traitement
Mille huit cent quatorze hommes traités pour cancer unilatéral
du testicule en Norvège entre 1980 et 1994 ont été invités à par-
ticiper à une enquête de suivi qui s’est déroulée de 1998 à 2002
(827 étaient pères avant leur traitement). Les essais de concep-
tion post-traitement ont concerné 554 hommes, parmi lesquels
le taux de paternité à 15 ans a été de 71 % (IC95 : 66-75 %) sans
recours à la cryoconservation du sperme. Ce taux varie de 48 %
(IC95 : 30 %-69 %) dans le groupe chimiothérapie fortes doses à
92 % (IC95 : 78 %-98 %) dans le groupe surveillance. Vingt-
deux pour cent des couples essayant de concevoir un enfant ont
utilisé des techniques de reproduction assistée (18).
Qualité de vie et séquelles à distance
Beaucoup de travaux s’intéressent au devenir tardif des cancers
du testicule traités par chimiothérapie et guéris.
Les données sur la qualité de vie à distance ne montrent en
règle générale que peu de retentissement même s’il peut persis-
ter un certain niveau d’anxiété (19, 20).
H. Sagstuen et al. (21) ont rapporté l’index de masse corporelle
(IMC) dans une enquête norvégienne où 1 814 patients traités il
y a de 5 à 20 ans pour un cancer du testicule unilatéral ont été
sollicités pour participer à une étude de suivi (1998-2002)
incluant la mesure de la TA systolique et diastolique. Les
patients étaient répartis en 4 groupes : 242 traités par chirurgie
seule, 547 par radiothérapie, 402 par chimiothérapie avec doses
totales de cisplatine inférieures à 850 mg, 98 avec doses totales
supérieures à 850 mg. Avec un suivi médian de 11,2 ans, les
TA systoliques et diastoliques ajustées à l’âge étaient significa-
tivement plus élevées en cas de chimiothérapie, notamment
dans le groupe cisplatine à doses supérieures à 850 mg, groupe
pour lequel l’IMC à 10 ans était significativement plus impor-
tant, avec une prévalence d’obésité plus élevée.
Une autre étude, celle-là néerlandaise (22), s’est intéressée aux
perturbations métaboliques et hormonales d’une série de
86 patients traités par chimiothérapie avec un suivi médian de
7ans, patients comparés à 46 autres de stade I et 47 contrôles.
Les patients traités par chimiothérapie qui présentaient un
metabolic syndrome (n = 22, 26 %) avaient, avant traitement,
un IMC plus important ; au cours du suivi, on constatait une
augmentation de leur IMC, une testostéronémie plus basse et
des métabolites urinaires du cortisol plus élevés. Les auteurs
ont soulevé l’hypothèse d’une implication de la testostérone
dans le développement de ces troubles métaboliques.
Risque de tumeur controlatérale, second cancer et leucémie
Risque de tumeur controlatérale et pronostic
Une vaste étude rapportée à partir des données du SEER
recueillies au sein d’une cohorte de 29 515 patients âgés de
moins de 55 ans et enregistrées entre 1973 et 2001 (23) a
retrouvé 175 cas de cancers synchrones et 287 cas de cancers
métachrones, soit un risque cumulé à 15 ans de 1,9 % (IC95 :
1,7 %-2,1 %). Ce faible taux justifie le consensus habituel quant
à la non-pertinence d’une biopsie controlatérale systématique.
En analyse multivariée, seules les TGNS sont associées à une
diminution du risque de tumeurs métachrones (HR = 0,6, IC95 :
0,46-0,79 ; p < 0,001). Le taux de survie globale à 10 ans est de
93 % (IC95 : 88 %-96 %) en cas de tumeurs métachrones et de
85 % (IC95 : 78 %-90 %) en cas de tumeurs synchrones.
Risque de seconds cancers
L’analyse de données concernant 40 576 patients longs survi-
vants – analyse réalisée à partir de 14 registres européens et
nord-américains (1943-2001) [24] – a retrouvé 2 285 seconds
cancers. Chez les survivants à 10 ans atteints d’un cancer du
testicule à l’âge de 35 ans, il existe une augmentation du risque
de tumeur solide (RR = 1,9, IC95 : 1,8-2,1). Ce risque reste sta-
tistiquement significatif à 35 ans (RR = 1,7, IC95 : 1,5-2 ;
p < 0,01) avec, de façon étonnante, une augmentation des méso-
théliomes (RR = 3,4, IC95 : 1,7-5,9), mais aussi des cancers de
l’œsophage (RR = 1,7, IC95 : 1-2,5), du poumon (RR = 1,5,
IC95 : 1,2-1,7), du côlon (RR = 2, IC95 : 1,7-2,5), de la vessie
(RR = 2,7, IC95 : 2,2-3,1), du pancréas (RR = 3,6, IC95 : 2,8-
4,6), de l’estomac (RR = 4, IC95 : 3,2-4,8), qui comptent pour
60 % du total. Les risques sont similaires pour les séminomes
et les TGNS (sauf celles traitées après 1975). Une augmenta-
tion significative a été observée pour les patients traités par
radiothérapie seule (RR = 2, IC95 : 1,9-2,2) ou par chimiothéra-
pie seule (RR = 1,8, IC95 : 1,3-2,5) ou les deux (RR = 1,8, IC95 :
1,3-2,5). Pour les patients traités à l’âge de 35 ans d’un sémi-
nome ou d’une TGNS, les risques cumulés 40 ans plus tard
(jusqu’à l’âge de 75 ans) sont de 36 % et 31 % respectivement,
versus 23 % pour la population générale.
Risque de leucémies secondaires après chimiothérapie
intensive de première ligne
Dans l’expérience multicentrique allemande publiée par
J. Wierecky (25), il n’est rapporté, avec un suivi de 36 mois,
qu’un cas de leucémie secondaire myéloïde avec une transloca-
tion t (11;19) (q23;p13.3) dans une série de 323 patients traités
dans deux essais prospectifs de phase II (221 par VIP à fortes
302
La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 6 - novembre-décembre 2005
RÉTROSPECTIVE 2005
doses, 102 par paclitaxel-VIP hautes doses). Les patients ont
reçu une dose cumulative médiane d’étoposide de 4,9 g/m2(2-
9,4 g/m2). Étant donné cette faible incidence (0,48 %, IC 0-
1,2), le risque de leucémie secondaire à une chimiothérapie
avec fortes doses d’étoposide paraît acceptable dans les formes
à mauvais pronostic.
CANCER DU REIN
Facteurs pronostiques
Impact de la taille sur la survie à long terme des cancers
localisés
La nouvelle classification TNM divise les T1 (tumeur infé-
rieure à 7 cm) à partir d’une taille de 4 cm en T1a et T1b.
M. Kuczyk et al. (26) ont cherché la limite de taille qui distin-
guait le mieux les patients à faible et mauvais risque de pro-
gression en analyse univariée (log-rank test) et multivariée
(cox) dans une série de 652 patients néphrectomisés entre 1981
et 2000. Les tumeurs étaient séparées en différentes catégories
de 2 cm en 2 cm (de 1 à 8 cm). La valeur pronostisque du cut-
off à 4 cm a été confirmée en identifiant en analyse multivariée
le risque relatif le plus élevé de mortalité spécifique pour les
tumeurs de plus de 5 cm (RR = 2,93).
Nomogramme pronostique postopératoire prédictif de
récidive dans les carcinomes à cellules claires
L’équipe du MSKCC de New York (27) a développé un nomo-
gramme pronostisque à partir d’une base de données de
833 néphrectomies réalisées entre 1989 et 2002 pour un carci-
nome à cellules claires. Après exclusion des formes métasta-
tiques ganglionnaires ou systémiques, des tumeurs synchrones,
des syndromes von Hippel-Lindau (VHL), l’étude a porté sur
701 patients, parmi lesquels 72 ont rechuté. Les variables du
nomogramme incluent le stade histologique, le grade de Fuhr-
mann, la taille tumorale, la nécrose, l’invasion vasculaire et la
présentation clinique (asymptomatique, symptomatique locale-
ment, symptomatique à distance). Ce nomogramme peut aider
à prédire la probabilité de survie sans récidive à 5 ans et donc
être utile à l’information pouvant être délivrée au patient.
Reproductibilité du grade de Fuhrmann
V. Ficarra et al. (28) ont pu montrer, dans une étude de relec-
ture à l’aveugle d’une série de 388 cancers du rein, que la
reproductibilité interobservateur était modérée.
Valeur pronostique des sous-types histologiques
J.J. Patard et al. (29) ont analysé la valeur pronostique des
sous-types histologiques à partir d’une expérience multicen-
trique internationale basée sur 4 204 cas, dont 3 564 cancers à
cellules claires (87,7 %), 396 carcinomes papillaires (9,7 %) et
103 carcinomes chromophobes (2,5 %) représentaient les trois
principales formes histologiques. Les survies à 5 ans pour les
formes localisées étaient respectivement de 73,2 %, 79,4 % et
87,9 %. En analyse multivariée, la stratification en ces trois
sous-types définis en 1997 par le consensus UICC/American
Joint Committee n’apparaît pas comme une variable indépen-
dante et ne peut être considérée comme une variable majeure
au même titre que le stade TNM, le grade de Fuhrmann et le
PS (ECOG), qui sont reconnus comme les principaux para-
mètres pronostiques confirmés dans cette étude.
De nouvelles caractéristiques biologiques devraient s’intégrer
dans de nouveaux systèmes de stadification, le champ du can-
cer du rein connaissant une révolution des marqueurs biolo-
giques et du ciblage thérapeutique (30).
Valeur pronostique du bFGF
M. Horstmann et al. (31) ont évalué la valeur pronostique de
l’expression de bFGF en immunohistochimie et en micro-
arrays dans une série de 259 patients traités chirurgicalement
pour un cancer du rein, 88 étant décédés de progression tumo-
rale. Pour chaque patient, l’étude concernait un prélèvement de
la tumeur primaire, du front d’invasion et du tissu rénal normal
(soit 777 prélèvements au total). En analyse multivariée,
l’atteinte ganglionnaire (p < 0,01), le grading histologique
(p < 0,01) et l’augmentation d’expression de bFGF dans le
front d’invasion (et non dans la tumeur primaire) (p = 0,04)
étaient des facteurs pronostiques indépendants. En parallèle,
les taux sériques de bFGF ont été mesurés par le test Elisa chez
74 patients avec un cancer du rein, 37 avec une maladie
bénigne urologique et 39 volontaires sains. Les patients méta-
statiques avaient des taux plus élevés que ceux présentant une
tumeur localisée. Néanmoins, la valeur de ces taux sériques
comme indicateurs de dissémination systémique reste à confir-
mer.
Facteurs pronostiques de réponse ou d’échec aux traite-
ments par cytokines : données du Groupe français d’immu-
nothérapie
À partir de l’analyse de 782 patients métastatiques enrôlés dans
des essais d’immunothérapie successifs en 6 ans, S. Négrier et
al. (32) ont retrouvé deux facteurs prédictifs de réponse : la
présence d’un seul site métastatique et un traitement par une
combinaison de cytokines. Il a été identifié à l’inverse quatre
facteurs indépendants de progression rapide sous traitement : la
présence de métastases hépatiques, un intervalle libre avec le
traitement de la tumeur primitive de moins d’un an, l’existence
de plus d’un site métastatique et un chiffre élevé de polynu-
cléaires neutrophiles.
Validation et extension du modèle pronostique du
MSKCC dans les formes métastatiques
L’équipe de Cleveland (33) a validé, à partir d’une série de
353 cancers du rein métastatiques, le modèle pronostique du
MSKCC fondé sur cinq facteurs (indice de Karnofsky, inter-
valle libre avec le traitement de la tumeur primitive, taux de
LDH, calcium corrigé et hémoglobine) et l’a affiné en introdui-
sant deux autres variables : un traitement antérieur par radio-
thérapie et la présence de métastases hépatiques, pulmonaires
et/ou rétropéritonéales (ou alternativement le nombre de sites
métastatiques). Il n’est pas sûr que ces modèles validés avec
des traitements de type immunothérapie conservent leur perti-
nence avec les traitements ciblés anti-angiogéniques.
303
La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 6 - novembre-décembre 2005
CANCERS BRONCHIQUES
Immunothérapies
On constate une absence d’efficacité d’une radio-immunothé-
rapie par l’anticorps chimérique I131-cG250 dans les cancers
métastatiques, comme le montre l’absence de réponse objec-
tive dans deux essais de traitements séquentiels à fortes doses
(34). L’antigène G250 est une glycoprotéine transmembranaire
exprimée à la surface de la majorité des cancers à cellules
claires du rein.
L’association interféron (IFN)/acide 13-cis-rétinoïque
(13-CRA) est plus efficace que l’interféron seul
L’étude de phase III EORTC 30951 (35) a randomisé
320 patients métastatiques entre IFNα2 et IFNα2 plus 13-CRA
(1 mg/kg/jour). Avec la combinaison, le temps médian jusqu’à
progression a été de 5,1 mois versus 3,4 mois (p = 0,008), avec
un taux de survie sans progression à 6 mois de 43 % versus
30 %. Les médianes de survie étaient respectivement de
17,3 mois et 13,2 mois (p = 0,048). Il faut noter que 22 % des
patients ont interrompu le traitement du fait de toxicités dans le
bras avec 13-CRA, contre 16 % dans le bras IFN seul.
Résultats de l’étude Quattro comparant interféron,
interleukine, l’association des 2 et progestatif dans les can-
cers métastatiques de pronostic intermédiaire
S. Negrier a rapporté ces résultats à l’ASCO (36). Dans les can-
cers du rein métastatiques, le groupe à risque intermédiaire défini
à partir de l’étude CRECY représente environ 55 % des patients
ayant une probabilité de réponse à l’association des deux cyto-
kines de l’ordre de 5-25 %. Les patients ont été randomisés entre
acétate de médroxyprogestérone (200 mg/jour), interféron alpha
par voie sous-cutanée (IFN : 9 000 000 UI x 3/semaine), interleu-
kine 2 s.c. (IL-2 : 18 000 000 UI, 5 jours/semaine pour deux
cycles de 4 semaines) ou l’association des deux cytokines. Quatre
cent quatre-vingt-douze patients ont été inclus (456 patients pré-
vus). Avec un suivi médian de 29 mois, la médiane de survie est
de 15,3 mois (IC95 : 14,5-17,5), il n’ y a pas de différence entre
les quatre groupes. Avec ces résultats négatifs, la page de
l’immunothérapie par cytokines seules est tournée.
Allogreffes non myélo-ablatives : expérience de l’univer-
sité de Chicago (37)
Aucun des dix-huit patients traités n’a été mis en rémission
complète. Parmi les 4 réponses objectives, la médiane de
réponse a été de 609 jours (107-926). La médiane de survie a
été de 14 mois. Il faut relever 5 décès toxiques (4 précoces et
1tardif). Cela se passe de commentaires à l’heure des traite-
ments ciblés.
Traitements ciblés
Thérapeutiques ciblées anti-angiogéniques
Le développement de traitements ciblant le VEGF et son
récepteur va modifier la prise en charge des cancers du rein
métastatiques (38). B.I. Rini et E.J. Small ont publié une excel-
lente revue de synthèse sur la biologie, le développement cli-
nique des traitements ciblant le VEGF (39), l’interaction avec
l’inactivation du gène suppresseur VHL.
Les principaux effets secondaires ont été la fatigue, les troubles
digestifs tels que des diarrhées, des nausées ou une stomatite,
une dermatite, une baisse de la FEV, une hypertension arté-
rielle. Sur le plan biologique, il a été constaté des neutropénies,
des anémies, des augmentations des enzymes pancréatiques.
Les doses ont dû être réduites chez 35 % des patients dans
l’essai 1 et chez 23 % dans le second. Les durées médianes de
traitement ont été de 9 mois et de 5 mois. Dans la première
étude, le temps médian jusqu’à progression (TTP) était de
8,7 mois (IC95 : 5,5-10,7 mois), la médiane de survie globale de
16,4 mois (IC95 : 10,8-NA [non atteinte]). Elle n’était pas
atteinte dans la seconde.
Le SU11248 fait actuellement en première ligne l’objet d’une
étude de phase III versus interféron (690 patients prévus,
100 sites internationaux).
B. Rini (41) a rapporté les résultats d’une étude de phase II
avec l’AG-013736 (un autre inhibiteur multicible), ayant inclus
52 patients en échec d’une immunothérapie et traités à la dose
de 5 mg x 2/jour poursuivie jusqu’à progression ou toxicité. Le
taux de réponse, critère de jugement principal, a été de 46 %
(IC95 : 32-60 %), et le taux de stabilisation de 40 %. La
médiane de temps jusqu’à progression n’était toujours pas
atteinte après 12 à 18 mois de suivi pour tous les patients. Les
toxicités étaient assez semblables à celles du SU11248 ;
B. Escudier (42) a présenté les résultats d’une étude interna-
tionale de phase III comparant le sorafinib (BAY 43-9006) à la
dose de 400 mg x 2/jour à un placebo. Identifié au départ par
ses propriétés d’inhibition de Raf-1, une sérine/thréonine
kinase, le sorafinib, a montré ensuite une activité contre
304
La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 6 - novembre-décembre 2005
RÉTROSPECTIVE 2005
Au congrès de l’ASCO 2005, trois communications orales ont
concerné des inhibiteurs oraux de VEGFR :
R. Motzer (Abstract 4508) a rapporté les résultats d’un
deuxième essai de phase II du SU11248 ; ces résultats, compa-
rés à ceux communiqués l’année précédente, confirment l’acti-
vité antitumorale du SU11248 en deuxième ligne après immu-
nothérapie dans les formes métastatiques (40). Le SU11248,
inhibiteur “multicibles” de récepteurs à tyrosine kinase
(VEGFR, PDGFR, cKIT, FLT3) était utilisé à la dose de
50 mg/jour, 4 semaines sur 6. Les doses pouvaient être dimi-
nuées à 37,5 mg et 25 mg en cas de toxicité de grade 3 ou 4.
Dans le premier essai, 63 patients ont été inclus, et 106 dans le
deuxième. Les taux de réponses objectives ont été de 40 % et
39 % (tableau I).
Réponse RECIST Essai 1 Essai 2
Patients n = 63 n = 106
Réponse objective 25 (40 %) 41 (39 %)
complète 0 1 (1 %)
partielle 25 (40 %) 40 (38 %)
Stabilisation 3 mois 18 (28 %) 25 (23 %)
Progression ou stabilisation < 3 mois 16 (25 %) 33 (31 %)
Non évaluable 4 (6 %) 7 (7 %)
Tableau I. SU 11248. Essais de phase II.
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