dossier
CANCER DU REIN :
les grands débats,
les grandes questions
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014
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TUMEURS MÉTASTATIQUES : TUMEURS MÉTASTATIQUES : situations particulièressituations particulières
Métastases pancréatiques
D. Fuks*, B. Gayet*, A. Thiery-Vuillemin**, M.J. Paillard***
* Département de pathologies digestives, institut mutualiste Montsouris, Paris.
** Service d’oncologie, Inserm, UMR1098, CHUdeBesançon, et université de Franche-Comté. *** Service d’oncologie, CHU de Besançon.
Quand opérer ?
Les résections pour métastases pancréatiques
(MP) d’un cancer du rein représentent entre
0,25 et 3 % de l’ensemble des pancréatecto-
mies. Les MP sont le plus souvent asympto-
matiques et sont habituellement découvertes
au cours du suivi morphologique. Le délai
moyen entre la néphrectomie et l’appari-
tion de MP est d’environ 7 ans, mais il peut
être beaucoup plus long selon les caracté-
ristiques de la tumeur primitive. La spécifi -
cité diagnostique du scanner hélicoïdal est
élevée, rendant inutile la biopsie dirigée (1, 2).
L’IRM pancréatique pourrait permettre de
compléter le bilan d’extension locale dans
la mesure où la MP est unique dans seule-
ment 60 à 70 % des cas. Historiquement,
seule la chirurgie permettait d’obtenir des
survies prolongées, même si quelques cas
de patients ayant vécu longtemps sans avoir
été opérés ont été rapportés, ce qui laisse
supposer que certaines tumeurs rénales ont
une histoire naturelle favorable. Alors que,
dans la littérature, le taux de résécabilité
est élevé (80 %), les résultats à long terme
de la résection pancréatique ont été peu
étudiés (1, 3, 4). Une étude franco-belge
ayant inclus 62 patients réséqués pour MP
entre mai 1987 et juin 2003, dont les résultats
devraient être publiés prochainement, s’est
intéressée spécifi quement à la survie à long
terme de ces patients. Dans cette série, la
mortalité postopératoire était de 6,4 %. Après
un suivi médian de 91 mois (12-250) à la suite
de la pancréatectomie, 37 patients (60 %) ont
présenté une récidive. Après résection ité-
rative, la survie globale était de 52,6 mois
versus 11,2 mois chez les sujets non réséqués
(p = 0,019), la survie globale à 3, 5 et 10 ans
était de 72, 63 et 32 %, respectivement, et la
survie sans récidive à 3, 5 et 10 ans était de
54, 35 et 27 %, respectivement. En analyse
multivariée, les 2 facteurs pronostiques sont
la présence de métastases ganglionnaires
et de métastases extrapancréatiques avant
l’apparition de MP. Avec un taux de survie
globale de 32 % à 10 ans, les résultats de
cette étude confi rment l’intérêt d’une prise
en charge chirurgicale agressive dès que
les MP sont techniquement résécables (5).
Cependant, il est important de noter que
le traitement médical pour cancer du rein
métastatique a considérablement évolué au
cours des 5 dernières années (ITK, etc.) et que
les résultats de la chirurgie n’ont jamais été
analysés dans ce contexte.
En conclusion, même si la résection chirurgi-
cale reste à ce jour la meilleure option pour
améliorer la survie à long terme des patients
atteints de MP, les candidats à la chirurgie
doivent être soigneusement sélectionnés,
en raison de la mortalité postopératoire non
négligeable (6 %) et de l’absence d’étude
comparative avec le traitement médical.
Quand traiter médicalement ?
Épidémiologie
Les MP sont rares : elles représentent 2 à 11 %
des métastases issues d’un cancer du rein pri-
mitif. Du point de vue des masses pancréa-
tiques, les tumeurs malignes les plus fréquentes
restent les adénocarcinomes classiques du pan-
créas exocrine et les tumeurs neuroendocrines.
Les métastases issues d’autres tumeurs primi-
tives sont beaucoup plus rares. Toutefois, au
sein de celles-ci, les MP issues d’un cancer du
rein représentent 40 % des séries biopsiques
et 58 % des séries chirurgicales.
Iconographie
La qualité de l’imagerie avec injection de
produit de contraste est très importante, tout
comme le temps d’injection : un scanner avec
un temps artériel impératif puis portal est
le plus souvent suffi sant (fi gure 1A et B). Les
2 principaux diagnostics diff érentiels radio-
logiques sont les tumeurs neuroendocrines et
les malformations vasculaires. L’intrication des
images dans l’histoire clinique du patient est
donc essentielle. La réalisation d’une biopsie
dépend de sa faisabilité technique (du fait de
la localisation pancréatique) et de sa nécessité
au vu du dossier.
Traitement
La littérature s’intéressant aux thérapeutiques
spécifi ques de ce site métastatique particulier
est assez pauvre, avec de nombreuses petites
séries rétrospectives, le plus souvent mono-
centriques, et des case reports. La chirurgie
est à privilégier chez un patient mono- ou
oligométastatique, en fonction des critères
d’opérabilité (6). D’autres traitements, comme
la radiothérapie ou les ultrasons focalisés
de haute intensité (High Intensity Focused
Ultrasound [HIFU]), ont fait l’objet de quelques
publications ; la radiofréquence semble
délétère. Chez les patients non opérables ou
présentant des métastases nombreuses, les
thérapies ciblées (antiangiogéniques ou inhi-
biteurs de mTOR) peuvent être utilisées, avec
une effi cacité qui ne semble pas diff érer de
ce qui est observé pour les autres sites méta-
statiques, sinon, peut-être, une meilleure
survie sans progression (fi gure 2). En eff et,
diverses séries semblent poser la question
d’un pronostic global qui serait meilleur
pour les patients ayant des métastases pan-
créatiques – en témoignent la cohorte de
Médioni et al. ayant reçu du sunitinib (7), ainsi
que 2 présentations récemment proposées
à l’ASCO® GU 2014 (8, 9).
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D.Fuks, B.Gayet et M.J.Paillard n’ont pas déclaré leurs
éventuels liens d’intérêts.
A.Thiery-Vuillemin déclare avoir des liens d’intérêts avec
Pfi zer, Novartis et Roche.