CANCER DU REIN : les grands débats, les grandes questions dossier TUMEURS MÉTASTATIQUES : situations particulières Métastases pancréatiques D. Fuks*, B. Gayet*, A. Thiery-Vuillemin**, M.J. Paillard*** * Département de pathologies digestives, institut mutualiste Montsouris, Paris. ** Service d’oncologie, Inserm, UMR 1098, CHU de Besançon, et université de Franche-Comté. *** Service d’oncologie, CHU de Besançon. Quand opérer ? Les résections pour métastases pancréatiques (MP) d’un cancer du rein représentent entre 0,25 et 3 % de l’ensemble des pancréatectomies. Les MP sont le plus souvent asymptomatiques et sont habituellement découvertes au cours du suivi morphologique. Le délai moyen entre la néphrectomie et l’apparition de MP est d’environ 7 ans, mais il peut être beaucoup plus long selon les caractéristiques de la tumeur primitive. La spécificité diagnostique du scanner hélicoïdal est élevée, rendant inutile la biopsie dirigée (1, 2). L’IRM pancréatique pourrait permettre de compléter le bilan d’extension locale dans la mesure où la MP est unique dans seulement 60 à 70 % des cas. Historiquement, seule la chirurgie permettait d’obtenir des survies prolongées, même si quelques cas de patients ayant vécu longtemps sans avoir été opérés ont été rapportés, ce qui laisse supposer que certaines tumeurs rénales ont une histoire naturelle favorable. Alors que, dans la littérature, le taux de résécabilité est élevé (80 %), les résultats à long terme de la résection pancréatique ont été peu étudiés (1, 3, 4). Une étude franco-belge ayant inclus 62 patients réséqués pour MP entre mai 1987 et juin 2003, dont les résultats devraient être publiés prochainement, s’est intéressée spécifiquement à la survie à long terme de ces patients. Dans cette série, la mortalité postopératoire était de 6,4 %. Après un suivi médian de 91 mois (12-250) à la suite de la pancréatectomie, 37 patients (60 %) ont présenté une récidive. Après résection itérative, la survie globale était de 52,6 mois versus 11,2 mois chez les sujets non réséqués (p = 0,019), la survie globale à 3, 5 et 10 ans était de 72, 63 et 32 %, respectivement, et la survie sans récidive à 3, 5 et 10 ans était de 54, 35 et 27 %, respectivement. En analyse 62 multivariée, les 2 facteurs pronostiques sont la présence de métastases ganglionnaires et de métastases extrapancréatiques avant l’apparition de MP. Avec un taux de survie globale de 32 % à 10 ans, les résultats de cette étude confirment l’intérêt d’une prise en charge chirurgicale agressive dès que les MP sont techniquement résécables (5). Cependant, il est important de noter que le traitement médical pour cancer du rein métastatique a considérablement évolué au cours des 5 dernières années (ITK, etc.) et que les résultats de la chirurgie n’ont jamais été analysés dans ce contexte. En conclusion, même si la résection chirurgicale reste à ce jour la meilleure option pour améliorer la survie à long terme des patients atteints de MP, les candidats à la chirurgie doivent être soigneusement sélectionnés, en raison de la mortalité postopératoire non négligeable (6 %) et de l’absence d’étude comparative avec le traitement médical. Quand traiter médicalement ? Épidémiologie Les MP sont rares : elles représentent 2 à 11 % des métastases issues d’un cancer du rein primitif. Du point de vue des masses pancréatiques, les tumeurs malignes les plus fréquentes restent les adénocarcinomes classiques du pancréas exocrine et les tumeurs neuroendocrines. Les métastases issues d’autres tumeurs primitives sont beaucoup plus rares. Toutefois, au sein de celles-ci, les MP issues d’un cancer du rein représentent 40 % des séries biopsiques et 58 % des séries chirurgicales. Iconographie La qualité de l’imagerie avec injection de produit de contraste est très importante, tout comme le temps d’injection : un scanner avec un temps artériel impératif puis portal est le plus souvent suffisant (figure 1A et B). Les 2 principaux diagnostics différentiels radiologiques sont les tumeurs neuroendocrines et les malformations vasculaires. L’intrication des images dans l’histoire clinique du patient est donc essentielle. La réalisation d’une biopsie dépend de sa faisabilité technique (du fait de la localisation pancréatique) et de sa nécessité au vu du dossier. Traitement La littérature s’intéressant aux thérapeutiques spécifiques de ce site métastatique particulier est assez pauvre, avec de nombreuses petites séries rétrospectives, le plus souvent monocentriques, et des case reports. La chirurgie est à privilégier chez un patient mono- ou oligométastatique, en fonction des critères d’opérabilité (6). D’autres traitements, comme la radiothérapie ou les ultrasons focalisés de haute intensité (High Intensity Focused Ultrasound [HIFU]), ont fait l’objet de quelques publications ; la radiofréquence semble délétère. Chez les patients non opérables ou présentant des métastases nombreuses, les thérapies ciblées (antiangiogéniques ou inhibiteurs de mTOR) peuvent être utilisées, avec une efficacité qui ne semble pas différer de ce qui est observé pour les autres sites métastatiques, sinon, peut-être, une meilleure survie sans progression (figure 2). En effet, diverses séries semblent poser la question d’un pronostic global qui serait meilleur pour les patients ayant des métastases pancréatiques – en témoignent la cohorte de Médioni et al. ayant reçu du sunitinib (7), ainsi que 2 présentations récemment proposées à l’ASCO® GU 2014 (8, 9). ■ D. Fuks, B. Gayet et M.J. Paillard n’ont pas déclaré leurs éventuels liens d’intérêts. A. Thiery-Vuillemin déclare avoir des liens d’intérêts avec Pfizer, Novartis et Roche. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014 Métastases pancréatiques B Figure 1 Figure 1 A Patient souffrant d’un cancer du rein dont de nombreuses métastases touchent le pancréas : scanner injecté au temps artériel. Même patient, scanner au temps portal. Sous évérolimus, SSP de 22 mois. % 100 Survie globale 75 50 25 Survie sans progression Médiane : 19,6 mois ; IC95 : 16,6-30,3 Figure 2 0 0 5 10 15 20 25 30 35 Courbes de SG et de SSP chez des patients atteints de MP issues d’un cancer du rein primitif et traités par sunitinib (7). >> ILLUSTRATION CLINIQUE page suivante Références 1. Law CH, Wei AC, Hanna SS et al. Pancreatic resection for 4. Bassi C, Butturini G, Falconi M et al. High recurrence rate after metastatic renal cell carcinoma: presentation, treatment, and outcome. Ann Surg Oncol 2003;10(8):922-6. atypical resection for pancreatic metastases from renal cell carcinoma. Br J Surg 2003;90(5):555-9. 7. Medioni J, Choueiri TK, Zinzindohoué F et al. Response of renal cell carcinoma pancreatic metastasis to sunitinib treatment: a retrospective analysis. J Urol 2009;181(6):2470-5. 2. Hiotis SP, Klimstra DS, Conlon KC et al. Results after pan- 5. Schwarz L, Sauvanet A, Regenet N et al. Long-term survival 8. Kalra S, Atkinson BJ, Matrana MR et al. Prognosis of patients creatic resection for metastatic lesions. Ann Surg Oncol 2002;9(7):675-9. after pancreatic resection for renal cell carcinoma metastasis. Ann Surg Oncol 2014 May 31[Epub ahead of print]. with metastatic renal cell carcinoma and pancreatic metastases. J Clin Oncol 2014;32(Suppl. 4): abstr. 527. 3. Faure JP, Tuech JJ, Richer JP et al. Pancreatic metastasis of 6. Ballarin R, Spaggiari M, Cautero N et al. Pancreatic metas- 9. Chanez B, Brachet PE, Laguerre B et al. Glandular metastasis renal cell carcinoma: presentation, treatment and survival. J Urol 2001;165(1):20-2. tases from renal cell carcinoma: the state of the art. World J Gastroenterol 2011;17(43):4747-56. as a surrogate for long survivors in metastatic renal carcinoma. J Clin Oncol 2014;32(Suppl. 4): abstr. 510. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014 63 CANCER DU REIN : les grands débats, les grandes questions dossier ILLUSTRATION CLINIQUE A Patient consultant à l’IGR en mars 2008 : TDM PS0, biologie normale Bilan d’extension : négatif Quelle est votre attitude ? B C • Patient âgé de 56 ans • NEL droite en mai 2009 : adénocarcinome T3a, de grade 2 • Résection nodules péritonéaux (août 2011) puis RFA sur nodule du poumon (octobre 2011) • Mai 2012 : lésion pancréatique isolée A 64 B Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014