U Carcinome basocellulaire oculaire avancé : une exentération évitée grâce au vismodégib

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Cas clinique
L’ exception
Carcinome basocellulaire oculaire
avancé : une exentération évitée
grâce au vismodégib
Advanced basal cell carcinoma: eye exenteration
spared thanks to vismodegib
Carcinome basocellulaire
avancé • Exentération • Thérapie ciblée • Vismodégib.
Basal cell carcinoma • Exenteration • Targeted therapy •
Vismodegib.
N. Basset-Seguin (Polyclinique de dermatologie, hôpital Saint-Louis, AP-HP ; université Paris-7)
U
n homme de 55 ans est adressé pour avis thérapeutique devant
une volumineuse tumeur du canthus interne de l’œil droit évoluant
depuis 2 ans, qui l’empêche d’avoir toute vie sociale. Il ne sort même
plus faire ses courses.
Observation
Il s’agit d’un patient sans antécédent médical particulier connu, en dehors d’une hypertension artérielle.
L’examen retrouve une tumeur végétante du canthus interne de l’œil droit touchant
la paupière inférieure et supérieure de plus de 3 cm de grand axe (figure 1 A et B).
L’analyse histologique de cette tumeur retrouve un carcinome basocellulaire (CBC)
infiltrant. Une IRM de la région oculaire est demandée et montre une masse tumorale
de 23 × 12 mm, sans extension au cône oculaire.
Le dossier est présenté à la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), et l’avis
des chirurgiens est l’exentération de l’œil. Pour tenter d’éviter un geste agressif pour
ce patient déjà meurtri par sa tumeur, une proposition de mise sous vismodégib,
une nouvelle thérapie ciblée anti-smo, un élément clé de la voie moléculaire patch
sonic hedgehog activée dans les CBC, est proposée dans le cadre de l’étude STEVIE,
une étude multicentrique permettant l’accès à la molécule. Dès le premier mois de
traitement, une réponse nette est observée, et la tumeur va totalement régresser au
6e mois de traitement. L’évaluation préliminaire montre que la rémission reste stable
après 13 mois de traitement. Les effets indésirables observés chez ce patient sont
une perte de poids (10 kg en 13 mois) et une chute de cheveux. En revanche, le patient
ne rapporte pas les autres effets indésirables fréquents et parfois gênants comme
les crampes et la dysgueusie. Il a pu retrouver une vie sociale normale et continue à
prendre le traitement sans difficulté.
Discussion
Le traitement des CBC est avant tout chirurgical. Cependant, dans les formes avancées
(CBCa), la sanction chirurgicale peut être lourde et avoir une morbidité importante, en
particulier lorsqu’elle touche un organe fonctionnel tel que l’œil, le nez ou les oreilles.
Depuis la découverte, en 1996, de la voie moléculaire impliquée dans la physiopathogénie des CBC à partir des travaux menés chez les patients atteints d’un syndrome
Gorlin (1, 2), la recherche s’est concentrée sur le développement d’inhibiteurs de cette
voie, qui se retrouve activée dans plus de 90 % des CBC.
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Images en Dermatologie • Vol. VII • no 1 • janvier-février 2014
Légende
Figure 1. A : aspect initial : lésion bourgeonnante du canthus interne droit touchant les
paupières inférieure et supérieure. B : aspect
après 13 mois de vismodégib ; disparition
totale de la lésion observée dès le 6e mois et
stable à 13 mois. Notez la clarification des
sourcils liée à la prise du médicament.
Cas clinique
L’ exception
A
B
1
Le vismodégib est le premier de cette classe de molécule inhibant un élément central
de cette voie : la protéine SMO. Ce traitement se prend par voie orale, sous la forme
d’un comprimé à 150 mg. Des résultats de phase I ont montré son efficacité antitumorale pour les CBC localement avancés ou métastatiques (3). Ces résultats ont été
confirmés par une étude pivot (4), qui a conduit à l’autorisation de cette molécule par
la Food and Drug Administration en janvier 2012 et, plus récemment (octobre 2013), en
France. Les effets indésirables les plus fréquemment observés sont des crampes, une
dysgueusie, une perte de poids, une chute de cheveux qui peuvent gêner l’utilisation
à long terme de ce traitement.
Des travaux sont en cours pour améliorer la tolérance du médicament.
Le vismodégib représente une innovation thérapeutique majeure pour les CBCa.
❙❙
Références bibliographiques
L’auteur déclare avoir
des liens d’intérêts
avec Roche.
1. Hahn H, Wicking C, Zaphiropoulous PG et al. Mutations of the human homolog of Drosophila patched in
the nevoid basal cell carcinoma syndrome. Cell 1996;85(6):841-51.
2. Johnson RL, Rothman AL, Xie J et al. Human homolog of patched, a candidate gene for the basal cell
nevus syndrome. Science 1996;272(5268):1668-71.
3. Von Hoff DD, LoRusso PM, Rudin CM et al. Inhibition of the hedgehog pathway in advanced basal-cell
carcinoma. N Engl J Med 2009;361(12):1164-72.
4. Sekulic A, Migden MR, Oro AE et al. Efficacy and safety of vismodegib in advanced basal-cell carcinoma.
N Engl J Med 2012; 366(23):2171-9.
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