Radiochimiothérapie des cancers bronchiques séquentielle ou concomitante ?

T
rente à quarante pour cent des patients atteints d’un
cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) pré-
sentent une tumeur localement avancée de stade III.
Les CBNPC localement avancés, non résécables, sont essentielle-
ment représentés par les tumeurs de stade IIIB. Le pronostic de ces
patients reste encore aujourd’hui assez péjoratif. Toutefois, quelques
progrès ont été obtenus au cours des dix dernières années en utili-
sant une meilleure stratégie thérapeutique. Le taux de survie à 2 ans
se situe entre 20 et 40 % et celui à 5 ans entre 5 et 10 %.
ÉVOLUTION DES STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES
DANS LES CBNPC LOCALEMENT AVANCÉS
Jusqu’à la fin des années 1980, la radiothérapie est restée le trai-
tement exclusif des CBNPC localement avancés. Le Radiation
Therapy Oncology Group (RTOG) avait montré qu’une dose de
50 à 60 Gy permettait d’obtenir une médiane de survie de 9 à
11 mois, avec un taux de survie de 10 à 20 % à 2 ans et de 5 à
10 % à 3 ans (1). Par la suite, ce même groupe a montré qu’une
augmentation des doses, en utilisant une radiothérapie bifrac-
tionnée et accélérée, permettait d’améliorer les résultats (2). Plus
récemment sont apparues de nouvelles modalités de radiothéra-
pie, et en particulier l’irradiation de type CHART (Continuous
Hyperfractionated Accelerated Radiation Therapy), dans laquelle
la dose totale de 54 Gy est délivrée en 12 jours. Une étude ran-
domisée comparant le CHART à une radiothérapie convention-
nelle a montré un bénéfice en termes de survie en faveur du
CHART (3).
À partir des années 1990, il est établi que l’association chimio-
thérapie-radiothérapie est supérieure en termes de survie à la radio-
thérapie seule. Plusieurs essais randomisés de phase III compa-
rant une chimioradiothérapie, soit séquentielle, soit concomitante,
à une radiothérapie seule permettent de valider cette donnée. Dans
DONNÉES NOUVELLES
Radiochimiothérapie des cancers bronchiques
non à petites cellules de stade IIIB :
séquentielle ou concomitante ?
Chemo-radiation for stage IIIB non-small-cell lung carcinoma:
sequential or concurrent?
P. Fournel*
187
La Lettre du Pneumologue - Volume VI - no5 - septembre-octobre 2003
* Service de pneumologie, hôpital Nord, Saint-Étienne.
Résumé : Malgré une meilleure stratégie thérapeutique, le pronostic des cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) de
stade IIIB reste mauvais. Au cours des années 1990, l’association séquentielle chimiothérapie-radiothérapie est devenue le trai-
tement de référence des CBNPC localement avancés non résécables. À la suite de quatre essais randomisés récents, il appa-
raît que l’association radiochimiothérapie concomitante est supérieure, en termes de survie, à l’association séquentielle, au prix
d’une toxicité, en particulier œsophagienne, plus importante. Toutefois, il est préférable de réserver cette stratégie aux patients
en bon état général. De nombreux essais sont en cours pour améliorer les résultats de ce schéma et en réduire la toxicité.
Mots-clés : Cancer bronchique non à petites cellules - Radiothérapie - Chimiothérapie - Traitement séquentiel - Traitement
concomitant.
Abstract: Despite the progress in therapeutic strategies, overall survival of stage IIIB non-small-cell lung cancers (NSCLC) is
poor. During the last decade, the standard treatment of unresectable locally advanced NSCLC has been sequential chemothe-
rapy and radiation. Recently, results of 4 randomized studies were reported and it seems that concurrent chemoradiotherapy
is better in terms of survival than sequential chemoradiotherapy. However, toxicity is higher, in particular œsophageal toxicity.
This schedule is probably beneficial for patients with a good performance status. Currently, several trials are in course to improve
results and decrease toxicity of concurrent chemoradiotherapy.
Keywords: Locally advanced non-small-cell lung cancer - Chemoradiotherapy - Sequential - Concurrent.
*PNEUMO 5/2003 20/11/03 11:23 Page 187
l’étude française rapportée par T. Le Chevalier et al. (4), la chi-
miothérapie d’induction permet une réduction du taux de méta-
stases de 20 % dans les deux premières années. En revanche, le
taux d’échec local est identique dans les deux bras de traitement.
En 1995 est publiée la méta-analyse du Non-Small-Cell Lung
Cancer Collaborative Group (5). Vingt-deux essais randomisés
comparaient une radiothérapie seule à une association radiochi-
miothérapie dans les CBNPC de stade III, soit un total de
3 033 patients. La radiothérapie devait être d’au moins 30 Gy.
Cinq essais étaient réalisés avec des alkylants, 6 avec des alca-
loïdes de la pervenche ou de l’étoposide et 11 avec du cisplatine,
soit 1 780 patients. Cette méta-analyse a montré un bénéfice en
termes de survie en faveur de l’association chimioradiothérapie,
avec un taux de survie globale augmenté de 3 % à 2 ans et de 2 %
à 5 ans. Ce bénéfice est apparu plus net si la chimiothérapie com-
portait du cisplatine.
Dans le même temps, plusieurs essais de phase II évaluant une
chimioradiothérapie concomitante dans les CBNPC de stade III,
la plupart du temps à base de cisplatine et d’étoposide, ont mon-
tré des résultats encourageants, avec des taux de survie à 2 ans
d’environ 40 %. À partir de ces résultats, il était logique de com-
parer la chimioradiothérapie concomitante et la chimioradiothé-
rapie séquentielle.
Il existe plusieurs façons d’associer de façon concomitante la
chimiothérapie et la radiothérapie. On peut utiliser la chimio-
thérapie comme agent radiosensibilisant, c’est-à-dire à faibles
doses non cytotoxiques. La radiosensibilisation est alors définie
comme une augmentation de la sensibilité des tissus à la radio-
thérapie par l’administration de substances non cytotoxiques aux
doses utilisées. La faible dose de chimiothérapie ne fait qu’aug-
menter l’effet de l’irradiation. De nombreux médicaments de
chimiothérapie utilisés dans le traitement des CBNPC sont radio-
sensibilisants : cisplatine, carboplatine, étoposide, taxanes, vino-
relbine, gemcitabine. L’exemple type de cette approche théra-
peutique est représenté par l’essai de l’EORTC, rapporté par
C. Schaake-Koning (6). Le cisplatine est administré à la poso-
logie de 6 mg/m2/jour en même temps que la radiothérapie, avec
un effet bénéfique sur la survie par rapport à la radiothérapie
seule. La chimiothérapie peut être utilisée à doses cytotoxiques
en même temps que la radiothérapie. Dans ce cas, il est souvent
nécessaire de limiter les doses respectives de chaque agent thé-
rapeutique, afin de réduire les toxicités cumulées.
COMPARAISON CHIMIORADIOTHÉRAPIE SÉQUENTIELLE
VERSUS CHIMIORADIOTHÉRAPIE CONCOMITANTE
À l’heure actuelle, la seule étude randomisée de phase III
publiée est celle de K. Furuse (7) (tableau I). La chimiothérapie
utilisée dans les deux bras de l’étude était de type MVP. Dans le
schéma séquentiel, les patients recevaient deux cycles d’induc-
tion, puis une radiothérapie en étalement classique délivrant une
dose totale de 56 Gy. Deux cycles supplémentaires pouvaient être
administrés après la radiothérapie. Dans le schéma concomitant,
les deux premiers cycles de chimiothérapie étaient administrés
en même temps que la radiothérapie. Celle-ci était réalisée en
“split course” avec une interruption de dix jours et délivrait une
dose de 56 Gy. De même, les patients pouvaient recevoir jusqu’à
quatre cycles de chimiothérapie. Cette étude a montré un béné-
fice significatif sur la survie globale (p = 0,03998) en faveur du
schéma concomitant, au prix d’une toxicité hématologique plus
importante, mais, curieusement, les toxicités pulmonaires et œso-
phagiennes étaient identiques et faibles.
L’étude de phase III RTOG 94-10 (8) compare trois schémas :
un schéma séquentiel où une chimiothérapie d’induction par cis-
platine-vinblastine (deux cycles) est suivie d’une radiothérapie
monofractionnée standard (63 Gy), un premier schéma concomi-
tant où la même radiothérapie est réalisée de façon concomitante
avec la chimiothérapie par cisplatine-vinblastine (conco. 1), et un
deuxième schéma concomitant où une radiothérapie bifractionnée
(69,6 Gy) est réalisée avec une chimiothérapie concomitante par
cisplatine-étoposide (conco. 2). Six cent dix patients ont été inclus
(tableau II). Le schéma concomitant associant cisplatine-vinblas-
tine et radiothérapie monofractionnée semble le plus efficace.
L’étude française (GLOT-GFPC NPC 95-01) est une étude de
phase III randomisée qui compare un schéma séquentiel avec trai-
tement d’induction par trois cycles de cisplatine-vinorelbine sui-
vis d’une radiothérapie en étalement classique (66 Gy en 33 frac-
tions) et un schéma concomitant où la même radiothérapie est
administrée dès J1, associée à deux cycles de cisplatine-étopo-
DONNÉES NOUVELLES
188
La Lettre du Pneumologue - Volume VI - no5 - septembre-octobre 2003
Tableau I. Résultats de l’étude Furuse.
Séquentiel Concomitant p
Nombre de patients 158 156
Chimiothérapie MVP* MVP*
Radiothérapie 56 Gy 56 Gy
Médiane de survie 13,3 mois 16,5 mois 0,03998
Survie à 2 ans 27,4 % 34,6 %
Survie à 3 ans 14,7 % 22,3 %
Survie à 5 ans 8,9 % 15,8 %
Rechutes locales 29,3 % 32,7 % 0,273
* MVP : mitomycine C : 8 mg/m2à J1, vindésine : 3 mg/m2à J1 et J8, cisplatine :
80 mg/m2à J1.
Tableau II. Résultats de l’essai RTOG 94-10.
Séquentiel Conco. 1 Conco. 2 p
Nombre de patients 199 200 193
Œsophagite
grade 3-4 4 % 25 % 44 % < 0,001
Toxicités tardives :
– œsophagienne 3-4 1 %2 %3 %
– pulmonaire 3-5 13 % 11 % 13 %
Médiane de survie 14,6 mois 17,1 mois 15,6 mois 0,038
Survie à 1 an 57 % 63 % 61 %
Survie à 2 ans 32 % 35 % 34 %
Rechutes locales
à 2 ans 38 % 33 % 25 %
*PNEUMO 5/2003 20/11/03 11:23 Page 188
side suivis d’une chimiothérapie de consolidation par deux cycles
de cisplatine-vinorelbine. Deux cent douze patients ont été inclus
(tableau III). Même si la survie n’est pas significativement dif-
férente entre les deux traitements, il existe un petit bénéfice en
faveur du traitement concomitant. La toxicité œsophagienne, en
particulier dans le schéma concomitant, est comparable à celle
de l’essai RTOG 94-10, mais le nombre de décès toxiques reste
trop élevé (9).
P.V. Zatloukal (10) a présenté, à l’ASCO 2002, les résultats
d’un essai de phase II randomisé évaluant un traitement séquen-
tiel avec quatre cycles de cisplatine-vinorelbine suivis d’une
radiothérapie à la dose totale de 60 Gy et un traitement conco-
mitant où la même radiothérapie est réalisée pendant les deuxième
et troisième cycles de chimiothérapie. Bien qu’il s’agisse d’une
étude non comparative, dont la méthodologie n’a pas été préci-
sée, le traitement concomitant paraît plus efficace, avec une
médiane de survie et un taux de survie à 2 ans respectivement de
13 mois et 15 % pour le traitement séquentiel, et de 20 mois et
42 % pour le traitement concomitant.
À partir de ces essais, plusieurs remarques doivent être faites :
les patients inclus dans ces essais sont pour la plupart en bon
état général, avec un bon indice de performance (PS = 0 ou 1 dans
l’essai RTOG 94-10 et dans l’essai français), une perte de poids
inférieure à 5 % et une absence d’adénopathie sus-claviculaire
dans l’essai RTOG 94-10 ;
la toxicité œsophagienne représente la toxicité limitante de
l’association radiochimiothérapie concomitante. Son incidence
faible dans l’essai japonais s’explique peut-être par l’adminis-
tration en split-course de la radiothérapie ;
le bénéfice en termes de survie avec le traitement concomitant
semble se faire par l’obtention d’un contrôle local meilleur
qu’avec le traitement séquentiel.
DÉVELOPPEMENTS ACTUELS,
OU COMMENT AMÉLIORER LES RÉSULTATS
DE LA CHIMIORADIOTHÉRAPIE CONCOMITANTE ?
Le traitement des CBNPC de stade III non résécables doit
répondre à deux impératifs :
contrôler la maladie micrométastatique présente chez la majo-
rité des patients, ce qui impose d’utiliser une chimiothérapie à
doses efficaces et non pas à faible dose ;
augmenter le contrôle local, ce qui est assuré par la radiothéra-
pie, qui doit être optimale, en association avec la chimiothérapie.
La chirurgie a peut-être un rôle à jouer dans un deuxième temps.
Plusieurs voies de recherche ont été explorées ou sont à l’étude
pour améliorer les résultats et limiter la toxicité de la chimio-
radiothérapie concomitante :
réalisation d’une exérèse chirurgicale après chimioradio-
thérapie ;
optimiser la radiothérapie ;
utilisation de nouvelles substances de chimiothérapie ;
utilisation de radio- et cytoprotecteurs ;
réalisation d’une chimiothérapie d’induction ou de conso-
lidation.
Chirurgie après chimioradiothérapie concomitante
Certaines équipes, et en particulier le SWOG (Southwest On-
cology Group), ont testé le concept d’une chimioradiothérapie
préopératoire chez des patients présentant un CBNPC de
stade IIIAN2 ou IIIB prouvé par médiastinoscopie. Les résultats
de ces essais de phase II sont très encourageants, avec des taux de
survie autour de 40 % à 2 ans et des taux de résécabilité impor-
tants. K. Albain (11) a rapporté les résultats tardifs de l’essai
SWOG 88-05 comportant un traitement d’induction par chimio-
radiothérapie concomitante, avec une chimiothérapie par deux
cycles de cisplatine-étoposide suivie d’une chirurgie. Cent vingt-
six patients ont été inclus. Les taux de survie à 6 ans sont iden-
tiques pour les stades IIIAN2 et IIIB, respectivement de 20 % et
22 %. La survie est meilleure pour le groupe T4N0-1 que pour le
groupe N2-N3 et lorsque la résection est complète. Une étude ran-
domisée coordonnée par le NCI (INT 0139) vient de se terminer.
Elle a comparé, après un traitement d’induction par chimio-radio-
thérapie concomitante (cisplatine-étoposide), un complément de
radiothérapie à une résection chirurgicale. La chimioradiothéra-
pie concomitante préopératoire représente, à l’heure actuelle, une
modalité de traitement très intéressante pour les tumeurs de l’apex
pulmonaire, comme l’a montré l’étude SWOG 94-16 (12).
Optimiser la radiothérapie
Il n’est pas démontré qu’une radiothérapie bifractionnée accélé-
rée, en association avec la chimiothérapie, soit meilleure qu’une
radiothérapie monofractionnée dans le traitement des CBNPC
localement avancés (13). Par contre, la toxicité, en particulier
œsophagienne, est plus importante (8). En outre, sa mise en œuvre
est plus difficile. La radiothérapie conformationnelle a pour
objectif d’améliorer le contrôle local en ciblant parfaitement la
tumeur et ses extensions locales et ganglionnaires, et de réduire
les complications postradiques en limitant l’irradiation des tis-
sus sains alentour. Les résultats préliminaires sont encourageants.
M.A. Socinski (14), dans un essai de phase I/II, a pu augmenter
la dose de radiothérapie jusqu’à 74 Gy en association avec car-
boplatine et paclitaxel, en limitant la toxicité œsophagienne (8 %
de toxicité de grade 3-4). D’autres études sont en cours.
Utilisation de nouvelles substances de chimiothérapie
La plupart des nouvelles molécules cytostatiques actives dans les
CBNPC, la vinorelbine, les taxanes (paclitaxel et docétaxel), la
189
La Lettre du Pneumologue - Volume VI - no5 - septembre-octobre 2003
Tableau III. Résultats de l’essai GLOT-GFPC NPC 95-01.
Séquentiel Concomitant p
Œsophagite grade 3-4 6 % 31 % < 0,001
Pneumopathie
radique grade 3-4 8 % 6 %
Médiane de survie 14,4 mois 15,6 mois
Survie à 1 an 60 % 59 % 0,24
Survie à 2 ans 26 % 39 %
Survie à 3 ans 17 % 24 %
Rechutes locales 40 % 24 % < 0,001
*PNEUMO 5/2003 20/11/03 11:23 Page 189
gemcitabine, l’irinotécan semblent présenter un intérêt en asso-
ciation avec la radiothérapie dans le traitement des CBNPC loca-
lement avancés, soit seules, soit associées à un sel de platine. Le
paclitaxel et la vinorelbine sont les deux médicaments les plus
étudiés en association concomitante avec la radiothérapie. Des
études de phases I et II ont été rapportées avec le docétaxel. Quant
à la gemcitabine, qui est un excellent radiosensibilisant, elle ne
doit pas être utilisée, pour l’instant, en même temps que la radio-
thérapie en raison du risque de toxicité œsophagienne et pulmo-
naire. L’essai de phase II randomisé, CALGB 94-31, rapporté
par E.E. Vokes (15) évalue trois schémas de radiochimiothéra-
pie concomitante dans lesquels le cisplatine est associé à une nou-
velle drogue qui est soit la gemcitabine, soit le paclitaxel, soit la
vinorelbine. À chaque fois, la radiochimiothérapie est précédée
d’une chimiothérapie d’induction. Les résultats sont résumés dans
le tableau IV. Les résultats en termes de survie et de réponse sont
équivalents dans les trois bras, mais il s’agit d’une étude non com-
parative. Le meilleur rapport efficacité/tolérance est obtenu avec
le schéma comportant de la vinorelbine administrée à la dose de
15 mg/m2. Dans l’étude de Zatloukal (10), la dose de vinorelbine
est réduite, pendant la radiothérapie, à 12,5 mg/m2.
Parmi les nouvelles drogues de chimiothérapie, le paclitaxel est
celle qui a été la plus étudiée en association avec la radiothérapie,
soit seule, soit en combinaison avec le carboplatine, en règle géné-
rale à une dose de 45 à 50 mg/m2par semaine. Plusieurs essais de
phases I et II ont été rapportés ou publiés. Parmi ceux-ci, il
faut mentionner les différents essais publiés par H. Choy (16).
Dans l’essai LUN-27, le paclitaxel est administré seul à la poso-
logie de 60 mg/m2/semaine pendant une radiothérapie mono-
fractionnée à la dose totale de 60 Gy. Dans l’essai LUN-56, le
paclitaxel est administré à 50 mg/m2/semaine, associé à du car-
boplatine hebdomadaire (AUC = 2) pendant une radiothérapie
monofractionnée à la dose totale de 66 Gy, alors que, dans l’essai
LUN-63, la même chimiothérapie est administrée pendant une
radiothérapie bifractionnée accélérée délivrant une dose totale
de 69,6 Gy. Dans ces deux derniers essais, la radiochimiothéra-
pie concomitante est suivie de deux cycles de consolidation par
carboplatine (AUC = 6) et paclitaxel (200 mg/m2). Dans l’étude
LUN-63, l’utilisation de la radiothérapie bifractionnée ne semble
pas améliorer les résultats en termes de survie et de contrôle
local. Dans l’étude publiée par M.A. Socinski (14), les patients
reçoivent deux cures d’induction par carboplatine (AUC = 6) et
paclitaxel (225 mg/m2), puis une radiochimiothérapie concomi-
tante avec carboplatine (AUC = 2) et paclitaxel (45 mg/m2)
hebdomadaires. La radiothérapie est une radiothérapie mono-
fractionnée, conformationnelle, avec une escalade de dose de
60 à 74 Gy. Soixante-deux patients ont été inclus. La médiane
de survie est très prometteuse à 26 mois et le taux de survie à
2 ans est de 52 %.
Utilisation de cyto- et radioprotecteurs
Deux des limites importantes à la chimioradiothérapie concomi-
tante sont la toxicité œsophagienne et la toxicité pulmonaire.
L’amifostine peut réduire ces toxicités. M. Werner-Wasik (17) a
montré que l’administration d’amifostine, à raison de 500 mg
deux fois par semaine pendant une chimioradiothérapie à base
de carboplatine-paclitaxel, réduisait significativement le taux
d’œsophagites de grade 3-4. Un essai randomisé du RTOG
(RTOG 98-01) est en cours pour confirmer ces résultats.
Chimiothérapie d’induction ou de consolidation ?
La chimiothérapie d’induction, avant la chimioradiothérapie
concomitante, permet de réduire le volume tumoral, ce qui peut
faciliter la réalisation de la radiochimiothérapie et en réduire la
toxicité. Cette approche offre l’avantage théorique de diminuer le
risque d’évolution métastatique par l’emploi préalable de la chi-
miothérapie à doses pleines. L’inconvénient théorique principal
en est de retarder l’administration simultanée de la chimiothéra-
pie et de la radiothérapie, avec le risque d’induction d’une résis-
tance à l’irradiation par la chimiothérapie initiale. Cette séquence
thérapeutique a été étudiée dans l’essai CALGB 94-31 (15).
La chimiothérapie de consolidation, après chimioradiothérapie
concomitante, offre l’avantage d’administrer précocement les
deux modalités thérapeutiques, en se fondant sur l’action syner-
gique précoce de la radiothérapie et de la chimiothérapie, et sur
l’absence possible de résistance croisée entre chimiothérapie et
radiothérapie. L’impact principal est l’augmentation possible du
contrôle local, avec recherche d’une réduction du risque de révo-
lution métastatique ultérieure par la chimiothérapie de consoli-
dation. Les inconvénients sont représentés par la difficulté de
mise en route sans délai d’une radiothérapie thoracique de qua-
lité en pratique courante, et par la diminution fréquente des doses
initiales de la chimiothérapie utilisée simultanément avec la
radiothérapie, pouvant compromettre le contrôle de la maladie
micrométastatique. Dans l'étude SWOG 95-04 (18), une chi-
miothérapie de consolidation par docétaxel était administrée
DONNÉES NOUVELLES
190
La Lettre du Pneumologue - Volume VI - no5 - septembre-octobre 2003
Tableau IV. Résultats de l’essai CALGB 9431.
Gemcitabine Paclitaxel Vinorelbine
Induction :
Cisplatine 1 250 mg/m2225 mg/m225 mg/m2
80 mg/m2J1, J29 J1, J8, J1 J1, J8, J15,
J22, J29 et J22 J22, J29
Chimioradiothérapie :
Cisplatine 600 mg/m2135 mg/m215 mg/m2
80 mg/m2J1, J29 J1, J8, J1 J1, J8,
J22, J29 et J22 J22, J29
RT :
66 Gy monofractionnés
Nombre de patients 62 58 55
Réponse objective
après induction 40 % 33 % 44 %
Réponse objective
en fin de traitement 74 % 67 % 73 %
Médiane de survie 18,3 mois 14,8 mois 17,7 mois
Survie à 2 ans 28 % 19 % 33 %
Œsophagite grade 3-4 52 % 39 % 25 %
Neutropénie grade 3-4 51 % 53 % 27 %
Pneumopathie grade 3-4 14 % 20 % 20 %*
* 1 décès toxique.
*PNEUMO 5/2003 20/11/03 11:24 Page 190
après une première phase de radiochimiothérapie concomitante
à base de cisplatine et d’étoposide. Les résultats sont très supé-
rieurs à ceux de l’essai précédent de phase II SWOG 90-19, réa-
lisé sur une population de patients comparables et utilisant la
même chimiothérapie durant la radiothérapie et en consolida-
tion (tableau V). Le SWOG est d’ailleurs en train de mener un
essai de phase III (SWOG 00-23) utilisant comme bras de réfé-
rence le schéma de l’essai SWOG 95-04 et dans lequel le gefi-
tinib (Iressa®) est associé au traitement par radiochimiothérapie
dans le bras expérimental.
L’essai LAMP (19) est un essai de phase II randomisé qui éva-
lue trois séquences thérapeutiques :
A : un schéma séquentiel classique dans lequel la radiothéra-
pie à la dose de 63 Gy est précédée de deux cycles de carbopla-
tine (AUC = 6) et paclitaxel (200 mg/m2);
B : un schéma concomitant avec la même radiothérapie associée
à carboplatine (AUC = 2) et paclitaxel (45 mg/m2) hebdomadaires
pendant 7 semaines, précédée d’un traitement d’induction par deux
cycles de carboplatine (AUC = 6) et paclitaxel (200 mg/m2);
C : un schéma concomitant dans lequel la même séquence de
chimioradiothérapie est administrée d’emblée, suivie de deux
cures de consolidation par carboplatine (AUC = 6) et paclitaxel
(200 mg/m2).
Les résultats de l’étude sont présentés dans le tableau VI. Le
deuxième schéma, le moins intéressant, a été abandonné pour l’essai
de phase III en cours, ce qui peut s’expliquer par une plus grande
difficulté à l’administration des doses de chimiothérapie pendant la
radiothérapie lorsqu’un traitement d’induction a été réalisé.
Le CALGB réalise actuellement un essai de phase III comparant
un traitement concomitant exclusif avec carboplatine-paclitaxel
et un schéma dans lequel la même radiochimiothérapie conco-
mitante est précédée d’un traitement d’induction. Un essai fran-
çais randomisé de phase II (GFPC GLOT-IFCT 02-01), évaluant
une chimioradiothérapie concomitante précédée d’une chimio-
thérapie d’induction ou suivie d’une chimiothérapie de consoli-
dation, est en cours.
TOXICITÉS DES ASSOCIATIONS DE RADIOCHIMIOTHÉRAPIE
Les différents organes qui peuvent être le siège de toxicités aiguës
et/ou tardives sont essentiellement le poumon (pneumopathies
radiques aiguës et fibrose pulmonaire), l’œsophage (œsophagite
aiguë et sténose), le cœur (péricarde, altération de la fonction
ventriculaire, défaillance cardiaque et sténose coronarienne) et
la moelle épinière, pour laquelle les complications à type de myé-
lite radique sont rares (20). L’histogramme dose-volume est un
facteur prédictif important de la toxicité pulmonaire. On définit
ainsi V20 et V30, qui correspondent aux volumes pulmonaires
recevant respectivement 20 et 30 Gy. V20 ne doit pas dépasser
35 % du volume pulmonaire total. Un bilan fonctionnel respi-
ratoire est indispensable avant d’envisager un traitement par
chimioradiothérapie concomitante. Le taux d’œsophagites de
grade 3-4 est le plus souvent augmenté dans les traitements com-
binés, en particulier lorsque la radiothérapie est bifractionnée,
pouvant atteindre 30 à 40 %, alors qu’il est inférieur à 10 % en
cas de radiothérapie conventionnelle. La longueur d’œsophage
irradiée est le facteur prédictif principal de l’œsophagite. Le
risque de lésion cardiaque est lié à la dose totale, à la dose par
fraction et au volume de cœur irradié. La toxicité médullaire ne
semble pas être augmentée par les traitements combinés.
CONCLUSIONS
Le traitement concomitant doit être considéré aujourd’hui
comme le traitement de référence des CBNPC de stade III loca-
lement avancés, mais il doit être réservé aux patients en bon état
général (PS = 0 ou 1), ne présentant pas de comorbidité impor-
tante. Le traitement séquentiel classique garde une place non
négligeable chez les autres patients, pour lesquels la réalisation
d’une chimioradiothérapie concomitante paraît difficile.
S’il est facile de déterminer un schéma séquentiel optimal, on
ne connaît pas pour l’instant le meilleur schéma concomitant.
Il est nécessaire de réaliser une chimiothérapie à pleine dose.
L’utilisation d’un schéma associant cisplatine et étoposide paraît
obsolète, bien que ce soit le schéma de référence du SWOG. Les
associations carboplatine-paclitaxel-radiothérapie et cisplatine-
vinorelbine-radiothérapie sont les plus intéressantes.
Le timing de cette radiochimiothérapie n’est pas défini. Faut-
il réaliser auparavant une chimiothérapie d’induction afin de
réduire la masse, ou faut-il commencer d’emblée par la radio-
chimiothérapie concomitante et réaliser secondairement une chi-
miothérapie de consolidation ?
L’apport de la radiothérapie conformationnelle et de la dosi-
métrie 3D est incontestable. Il est recommandé de faire une radio-
thérapie monofractionnée en étalement classique à la dose totale
d’au moins 60 à 66 Gy.
191
La Lettre du Pneumologue - Volume VI - no5 - septembre-octobre 2003
Tableau V. Résultats des essais du SWOG.
Étude Chimiothérapie Radiothérapie Médiane de survie Survie à 1 an Survie à 2 ans
SWOG 95-04 EP (RT) puis docétaxel 61 Gy 26 mois 78 % 53 %
SWOG 90-19 EP (RT) puis EP 61 Gy 15 mois 58 % 34 %
Tableau VI. Résultats de l’essai LAMP.
ABC
Nombre de patients 92 74 92
Neutropénie grade 3-4 32 % 37 % 37 %
Œsophagite grade 3-4 3 % 19 % 28 %
Totalité RT-CT (% patients) 46 % 70 %
Médiane de survie 13 mois 12,8 mois 16,1 mois
Survie à 1 an 59 % 53 % 64 %
Survie à 2 ans 31 % 22 % 33 %
*PNEUMO 5/2003 20/11/03 11:24 Page 191
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