Déclaration d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir
de confl it d'intérêts en relation avec cet article.
initier le travail de deuil. Les perturber fait
courir le risque de conséquences ultérieures
néfastes pour les proches. Sur le plan légis-
latif, un tel droit se heurte à l’impossibilité
intrinsèque pour un patient agonisant de
prendre une telle décision.
Il faudrait donc d’une part
que le patient ait explicite-
ment consenti antérieure-
ment à cette éventualité et
qu’il ait désigné de manière
anticipée celui qui prendra
in fi ne la décision à sa place, le moment
venu. Ici aussi les conséquences psychi-
ques pour celui (proche ou professionnel de
santé) qui sera chargé de choisir le moment
du faire-mourir ne sont sûrement pas
nulles.
Droit à l’assistance
médicalisée au suicide
Enfi n, le sujet principal qui est soulevé par le
droit à l’euthanasie (désigné parfois, à tort,
droit de mourir dans la dignité6) est bien celui
de la mise en œuvre d’un droit à l’assistance
médicalisée au suicide. Il s’agirait à l’instar
des pays du Bénélux, de reconnaître à cer-
tains citoyens (dans un premier temps ceux
atteints d’une maladie grave et incurable) le
droit d’obtenir de l’État l’administration d’une
substance destinée à provoquer leur mort
rapide. La plupart des promoteurs de cette
solution proposent que l’État délègue aux
professionnels de santé (et particulièrement
aux médecins) la réalisation de ce suicide
par procuration, en
pratiquant une injec-
tion mortelle. Les
partisans de l’ins-
tauration de ce droit
le revendiquent
comme une ultime
liberté et présentent
la mort choisie
comme une façon
idéale de fi nir sa vie. Ils accusent les profes-
sionnels de santé de vouloir “voler cette
liberté” tout en confondant la liberté de
mettre fi n à sa vie (aujourd’hui parfai tement
reconnue à chacun) et le droit à être suicidé
à la demande. Des
militants de ce droit
de mourir visent à
faire reconnaître pour
tous ce droit à exiger
de l’État la mise en
œuvre d’une décision
personnelle en y impliquant les profession-
nels de santé, requis à cet effet comme pres-
tataires de services.
Ainsi aux Pays-Bas, après avoir obtenu la
reconnaissance d’un tel droit pour les mala-
des en phase avancée ou terminale, certai-
nes personnes réclament son élargissement
à toute personne âgée de plus de 70 ans et
se déclarant “fatiguée de vivre”. Par ailleurs,
une telle reconnaissance juridique des injec-
tions létales n’exonère en rien les infi rmiers
de leur responsabilité complexe dans ces
procédures. Ainsi, une récente publication
montre qu’en Belgique, contrairement à ce
que prévoit la loi en vigueur dans ce pays,
des infi rmiers sont régulièrement impliqués
seuls dans la décision et la réalisation de
pratiques euthanasiques, et notamment
alors qu’aucun consentement n’a été
exprimé par le patient7.
Collégialité, éthique du soin
et bientraitance
En conclusion, la question de l’accompagne-
ment de fi n de vie est au cœur de nos pré-
occupations soignantes communes
(infi rmières, médecins et tous les autres pro-
fessionnels concernés). Chaque situation est
unique et la loi ne saurait prendre la place de
la discussion collégiale interdisciplinaire.
Certaines situations insolubles nous ren-
voient à notre impuissance technicienne et
appellent une réfl exion éthique à la recher-
che d’une sagesse collective toujours pré-
férable à un passage à l’acte brutal et
irrationnel. Il convient de bien différencier le
jugement moral que chacun de nous peut
porter (en fonction de ses convictions per-
sonnelles qui doivent, dans notre Républi-
que laïque, rester du strict domaine de la
sphère individuelle) de la mise en œuvre de
procédures juridiques rendant possibles
des pratiques apparaissant en contradiction
avec les principes reconnus de l’éthique du
soin et de la bientraitance8.
Le débat sans anathèmes est sans aucun
doute préférable à l’affi rmation idéologique.
Les professionnels de santé sont convo-
qués par la société à ce débat, tout autant
que les parlementaires et les citoyens, sans
tabous et sans certitudes.
•
Bernard Devalois
médecin, chef de service de médecine palliative,
centre hospitalier René-Dubos, Pontoise (95)
Marion Broucke
infi rmière, unité soins palliatifs,
hôpital Sainte-Perine, AP-HP, Paris (75)
France Rocher
cadre infi rmier, Centre hospitalier Courbevoie Neuilly Puteaux
Virginie Casenaz
psychologue clinicienne de l’équipe mobile d’accompagnement
et de soins palliatifs, hôpital Beaujon, AP-HP, Clichy (92),
Notes
6 Ricot J. Euthanasie et
dignité. Plein Feux, 2003.
7 Inghelbrecht E, Bilsen
J, Mortier F, Deliens L.
The role of nurses in
physician-assisted deaths
in Belgium, CMAJ 2010 ;
182 (9) : 905-910.
8 Hervé C, Devalois B. Un
droit à la mort serait une
impasse éthique pour
les professionnels. Le
Quotidien du médecin
2011 ; 8886 : 10.
La profession infi rmière
a largement contribué
à dénoncer l’obstination
déraisonnable
pratique
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pratique
réfl exion
La revue de l’infi rmière • Août-Septembre 2011 • n° 173