Deuxième ligne TRAITEMENT MÉDICAL d o s s i e r

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CANCER DU REIN :
les grands débats,
les grandes questions
dossier
TRAITEMENT MÉDICAL
Deuxième ligne
A. Guillot*, C. Chevreau**
* Département d’oncologie médicale, institut de cancérologie Lucien-Neuwirth, Saint-Priest-en-Jarez.
** Institut Claudius-Regaud, Toulouse.
Place de l’évérolimus
La prise en charge médicale du cancer du
rein métastatique repose sur l’administration
de thérapies ciblées antiangiogéniques. Les
recommandations en première ligne n’ont
pas évolué car les études de phase III AGILE
− axitinib − et RECORD 03 − évérolimus −
versus sunitinib en première ligne ont échoué
à démontrer une équivalence d’efficacité avec
le sunitinib. Le sunitinib, le pazopanib, l’association bévacizumab-interféron et le temsirolimus gardent leurs indications respectives en
première ligne. L’axitinib et l’évérolimus font
l’objet d’une recommandation en deuxième
ligne fondée sur leur efficacité démontrée
par 2 études de phase III − les essais AXIS et
RECORD 01 −, avec une survie sans progression (SSP) de 4,8 mois pour l’axitinib chez les
patients traités en première ligne par ITK, et
de 4,9 mois pour l’évérolimus.
L’essai RECORD 01 (Motzer RJ et al. Lancet
2008;372:449-56) a comparé l’évérolimus à
un placebo après 1 ou 2 traitements antiangiogéniques. Cette étude a porté sur
416 patients traités, dont 308 en deuxième
ligne et 108 en troisième ligne. L’objectif
principal de l’essai était la SSP : la SSP globale
était de 4,9 mois versus 1,9 pour le placebo.
Dans une étude préplanifiée, les patients
ayant reçu un seul ITK avaient une SSP de
5,4 mois, et ceux ayant pris du sunitinib,
une SSP de 4,6 mois. En troisième ligne, la
SSP était de 4 mois. L’objectif principal de
l’étude a donc été atteint. Depuis ces résultats, l’évérolimus bénéficie d’une recommandation en deuxième ligne en Europe
(ESMO 2009 confirmée en 2012, et NCCN).
Par ailleurs, l’étude de phase II en première
ligne, RECORD 03 (Motzer RJ et al. ASCO® 2013,
LBA 4504), n’a pas démontré d’équivalence
d’efficacité entre les séquences sunitinib-
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évérolimus et évérolimus-sunitinib, mais
retrouve une SG de 32 mois pour la séquence
sunitinib-évérolimus. L’efficacité de l’évérolimus en troisième ligne dans l’étude
RECORD 01 incite parfois les praticiens à
faire une séquence ITK-axitinib-évérolimus
car l’axitinib n’a pas été évalué en troisième
ligne.
Il existe une efficacité d’autres ITK en troisième ligne. Le “rechallenge” de sunitinib, pratique fréquente chez les patients répondeurs
au sunitinib et pour lesquels la tolérance le
permet, est en cours d’étude. Une étude
récemment publiée a repris les données de
36 patients de RECORD 01 traités par ITK en
troisième ligne avec un bénéfice constaté.
Surtout, l’étude GOLD (Motzer RJ et al. ESMO
2013, LBA 34) comparant, en troisième ligne
après une séquence ITK (dont 97 % d’ITK et
92 % de sunitinib) puis évérolimus, le sorafénib au dovitinib a montré une même efficacité des 2 molécules avec une SSP de 3,7 mois,
identique à celle retrouvée dans RECORD 01
pour l’évérolimus en troisième ligne (4 mois)
après 2 ITK.
L’évérolimus présente un profil de toxicité
différent de celui des ITK, notamment en ce
qui concerne l’hypertension. Les toxicités
de l’évérolimus sont gérables en se fondant
sur une bonne connaissance des recommandations en termes de prévention et
de prise en charge des effets indésirables,
particulièrement la mucite et la pneumopathie interstitielle. Le choix de l’évérolimus
en deuxième ligne peut reposer sur la tolérance du traitement de première ligne (ITK
ou interféron-bévacizumab), notamment sur
le plan cardiovasculaire, et éviter le cumul de
toxicité possible de 2 ITK successifs. Le profil
du patient, ses comorbidités, sa capacité à
gérer le traitement (prise et effets indési-
rables) doivent être pris en compte dans le
choix de la séquence thérapeutique, ainsi
que la bonne connaissance de la molécule
par le prescripteur.
En conclusion, le choix du traitement de
deuxième ligne repose sur les recommandations internationales s’appuyant sur les
études de phase III, mais également sur la
tolérance au traitement de première ligne, le
profil du patient, l’expérience du praticien et
l’éducation thérapeutique. La SSP des ITK en
troisième ligne dans l’essai GOLD rend légitime l’utilisation de l’évérolimus en deuxième
ligne. Outre l’efficacité de l’évérolimus, la dose
unique de 10 mg à l’induction ainsi que les
recommandations claires en termes de prévention et de prise en charge des toxicités
permettent une utilisation simple par le
patient et le médecin. L’évérolimus garde
donc toute sa place en deuxième ligne métastatique après échec d’un ITK.
Y a-t-il encore une place
pour l’évérolimus ? Non
Les résultats des études de phase III
− RECORD 01 (1) et AXIS (2) − ont respectivement permis de positionner l’évérolimus
et l’axitinib comme des standards dans la
prise en charge en deuxième ligne du cancer
du rein métastatique (recommandations
ESMO 2012) [3].
Même s’il est incontestable que ces 2 études
sont différentes dans leur schéma et leurs
critères d’inclusion (type, nombre de lignes
de traitement, bras comparateur), les résultats sont dans les 2 cas significativement en
faveur de l’évérolimus et de l’axitinib par
rapport au bras comparatif : placebo dans
l’étude RECORD 01, et sorafénib, dans l’étude
AXIS. La médiane de SSP objectivée (critère
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014
Traitement de deuxième ligne
ILLUSTRATION CLINIQUE
MAR
 Biopsie : adénocarcinome à cellules claires
 Néphrectomie gauche en novembre 2010
 Sunitinib 50 mg 4/2 à partir de décembre 2010
 Progression en novembre 2011
 Quel traitement de deuxième ligne ?
A
1er août 2011
B 1er août 2011
C
24 octobre 2011
Apparition d’une nouvelle lésion .
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014
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principal d’évaluation dans les 2 études)
pour la population globale est de 4,9 mois
pour l’évérolimus versus 1,9 mois pour le
bras placebo dans l’étude RECORD 01, et de
6,7 mois dans le bras axitinib versus 3,4 mois
dans le bras sorafénib dans l’étude AXIS ; elle
est respectivement de 4,6 et 4,8 mois pour
l’évérolimus et l’axitinib dans le sous-groupe
de patients traités en deuxième ligne après
sunitinib (consensus majoritaire de pratique).
En l’absence de comparaison directe entre
ces 2 médicaments, force est de constater
que ces résultats sont similaires.
Si l’on s’intéresse à la toxicité, on note que le
pourcentage de patients ayant interrompu
le traitement pour ce motif est de 10 % dans
le bras évérolimus (26 sur 129) dans l’étude
RECORD 01 versus 4 % dans le bras axitinib
(22 sur 221) dans l’étude AXIS. Le profil de
toxicité est clairement différent, mais il n’a
jamais été directement comparé. De surcroît,
la familiarisation des oncologues à la gestion
des effets indésirables de ces traitements
conduit potentiellement à “minimiser” l’item
toxicité dans le choix du traitement.
Alors pourquoi l’axitinib en deuxième
ligne ? L’argumentaire s’appuie aisément
sur des données présentées au congrès
de l’ESMO 2013 qui, pour la première fois
dans le cancer du rein métastatique, positionnent la réponse objective (RO) comme
“surrogate marker” de la SG. Il s’agit de l’étude
de V. Grünwald et al. (4), conduite rétrospectivement sur 2 749 patients traités en première
et deuxième lignes pour un cancer du rein,
étude qui objective une corrélation entre le
pourcentage de RO observé et la SG, que les
patients soient en première ou en deuxième
ligne de traitement. Or, le pourcentage de RO
observé avec l’axitinib est supérieur à celui
de l’évérolimus (19 % [2] versus 1 % [1]), et
il augmente jusqu’à 50 % lorsque l’on optimise l’administration de ce médicament par
titration et suivi pharmacocinétique (5). Les
récents résultats de 2 études rétrospectives
évaluant le devenir clinique des patients
au prorata de la séquence thérapeutique
reçue valident la séquence ITK-ITK-mTOR.
Dans l’étude multicentrique italienne (6),
parmi les 281 patients ayant reçu 3 lignes
de traitement, les médianes de SG et de SSP
sont significativement supérieures pour les
patients traités par la séquence ITK-ITK-mTOR
que pour ceux traités par la séquence
ITK-mTOR-ITK : respectivement 50,7 versus
37,8 mois (p = 0,004) et 36,5 versus 29,3 mois
(p = 0,059). Dans l’étude multicentrique européenne (7) portant sur 313 patients traités
en deuxième ligne après ITK, la médiane de
SSP est de 7,4 mois (5,5-9,5) et de 5,3 mois
(3,8-6,5) respectivement pour un deuxième
ITK (n = 118) et un mTOR (n = 123). Cette
corrélation est d’autant plus grande que
la réponse au premier ITK est supérieure à
12 mois.
À l’heure de la médecine personnalisée et de
l’utilisation de la pharmacocinétique dans
l’optimisation des traitements par thérapies
ciblées, ces résultats valident l’utilisation préférentielle de l’axitinib en deuxième ligne de
traitement des cancers du rein métastatique,
particulièrement dans les présentations
cliniques avec de gros volumes tumoraux
symptomatiques, pour lesquelles la recherche
d’une RO trouve tout son sens clinique.
L’évérolimus garde toute sa place en troisième
ligne, avec une médiane de SSP à 4 mois (1)
tout à fait similaire à celles observées pour le
dovitinib (3,7 mois) ou le sorafénib (3,6 mois)
dans l’étude GOLD récemment publiée. ■
3. Escudier B, Eisen T, Porta C et al. Renal cell carcinoma: ESMO
6. Iacovelli R, Carteni G, Sternberg CN et al. Clinical outcomes in
Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment and followup. Ann Oncol 2012;23(Suppl. 7):vii65-71.
patients receiving three lines of targeted therapy for metastatic
renal cell carcinoma: results from a large patient cohort. Eur
J Cancer 2013;49(9):2134-42.
A. Guillot déclare avoir des liens d’intérêts avec Pfizer,
Novartis, Janssen, Astellas et Sanofi.
C. Chevreau n’a pas déclaré ses éventuels liens d’intérêts.
Références
1. Motzer RJ, Escudier B, Oudard S et al. Efficacy of everolimus in advanced renal cell carcinoma: a double-blind,
randomised, placebo-controlled phase III trial. Lancet 2008;
372(9637):449-56.
4. Grünwald V, Lin X, Kalanovik D et al. Tumor response is an
2. Rini BI, Escudier B, Tomczak P et al. Comparative effec-
independent prognostic factor in patients treated for metastatic renal cell carcinoma. European Cancer Congress 2013.
tiveness of axitinib versus sorafenib in advanced renal cell
carcinoma (AXIS): a randomised phase 3 trial. Lancet 2011;
378(9807):1931-9.
titration for first-line metastatic renal-cell carcinoma: a randomised
double-blind phase 2 trial. Lancet Oncol 2013;14(12):1233-42.
5. Rini BI, Melichar B, Ueda T et al. Axitinib with or without dose
7. Elaidi R, Beuselinck B, Maj-Hes A et al. What is the best
treatment option for second-line in long-responders to the
first line TKI in metastatic renal cell carcinoma patients: TKI-TKI
or TKI-mTOR? Final results of a European retrospective study.
38e congrès de l’ESMO, Amsterdam, 2013.
Chers abonnés, chers lecteurs : toute l’équipe Edimark
vous souhaite un magnifique été et une belle respiration
avant de vous retrouver dès la rentrée !
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