R ev u e de presse Coordination : Philippe Beuzeboc et Stéphane Oudard (Paris) REIN Évaluation de l’évérolimus dans la vraie vie chez un patient ayant un cancer du rein métastatique À la suite de l’étude RECORD-1, qui avait montré l’intérêt de l’évérolimus dans le cancer du rein métastatique en deuxième ou en troisième ligne après des inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) [1], une grande étude de type Expanded Access Programme (EAP), REACT, a été mise en place dans 34 pays et a permis l’administration de la molécule à 1 367 patients (2). Le critère principal de jugement était la toxicité de l’évérolimus selon la classification du NCI version 3.1. Les patients ont subi initialement une néphrectomie (99,6 %) et reçu un seul ITK comme unique traitement dans 38,5 % des cas. La durée médiane du traitement était de 14 semaines. La dose-intensité a été bonne, puisque 70 % des sujets ont reçu une dose-intensité entre 0,9 et 1,1. La fréquence des toxicités de grade 3-4 a été de 14,9 % ; il s’agissait principalement d’anémies (13,4 %). Les toxicités de grade 3-4 observées chez plus de 2 % de la population ont été, sur le plan pulmonaire, la dyspnée (6,5 %), la pneumonie (4,2 %) et la pneumopathie interstitielle (2,7 %). L’évérolimus a été interrompu ou la dose diminuée dans 48,1 % des cas, ce qui est similaire à ce qui était observé dans l’étude RECORD-1 (45 %). Aucun facteur prédictif n’a été identifié en fonction de la réponse aux ITK en première ligne (sorafénib ou sunitinib). Commentaire Cet EAP concernant l’évérolimus montre que cette molécule a maintenant un profil de toxicité bien connu. Aucune toxicité additionnelle n’a été rapportée. La symptomatologie pulmonaire doit être appréciée avec une grande précaution afin d’éviter toute pneumopathie interstitielle évolutive ou pneumopathie (molécule entraînant une immunodépression). Cette étude ne permet pas d’établir la place de l’évérolimus après ITK, et le sous-groupe de patients en progression après sunitinib seul n’a pas été analysé. S. Oudard, Paris 1. Grünwald V, Karakiewicz PI, Bavbek SE et al.; REACT Study Group. An international expanded access programme of everolimus: addressing safety and efficacy in patients with metastatic renal cell carcinoma who progress after initial vascular endothelial growth factor receptor-tyrosine kinase inhibitor therapy. Eur J Cancer 2012;48(3):324-32. 2. Motzer RJ, Escudier B, Oudard S et al.; RECORD-1 Study Group. Efficacy of everolimus in advanced renal cell carcinoma: a double-blind, randomised, placebo-controlled phase III trial. Lancet 2008;372(9637): 449-56. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. III - no 2 - avril-mai-juin 2012 Cancer du rein métastatique : quelle attitude adopter après obtention de la réponse complète sous ITK ? Malgré l’observation fréquente de stabilisations sous ITK, on observe dans environ 3 % des cas une réponse complète (RC) dans le cancer du rein métastatique. Une évaluation rétrospective réalisée par questionnaire auprès des patients ayant obtenu une RC sous ITK seul ou associé à un traitement local (chirurgie des lésions résiduelles, radiothérapie ou radiofréquence) a été étudiée par le groupe français d’immunothérapie. Soixante-quatre patients ont été inclus : 36 sujets avaient reçu un traitement par ITK seul et 28 avaient également bénéficié d’un traitement local afin d’obtenir une RC. La plupart des sujets (94 %) souffraient d’un cancer du rein à cellules claires ; tous ont subi une néphrectomie. La plupart (95 %) avaient un bon pronostic ou un pronostic intermédiaire selon la classification du MSKCC. Cependant, 3 patients avaient un pronostic initial défavorable. Chez les sujets présentant une rémission sous ITK seul, 44 % ont arrêté le traitement après la RC, 23 % ont reçu un traitement complémentaire (2 cycles additifs après la RC) et 22 % ont continué le traitement jusqu’à progression. L’arrêt des ITK après la RC est possible, puisque environ 44 % des patients ont récidivé après l’arrêt complet des ITK. Pour les sujets ayant reçu un traitement par ITK plus un traitement local, l’arrêt des ITK est envisageable, puisque seuls 52 % des patients ont rechuté secondairement. La RC n’était pas liée à l’extension de la maladie en termes de nombre de sites métastatiques. Aucun facteur prédictif de la réponse n’a été identifié dans cette population. DIAPOSITIVES COMMENTÉES EN LIGNE Rendez-vous sur edimark.fr et retrouvez les diapositives de synthèse des articles résumés Commentaire Les rémissions complètes après ITK seul ou associé à un traitement local (chirurgie des lésions résiduelles, radiothérapie ou radiofréquence) principalement avec le sunitinib. Les raisons d’arrêter le traitement par la suite sont de limiter la toxicité et d’éviter des résistances induites par un traitement prolongé. Il semble qu’arrêter le traitement à la RC soit une option favorable pour les patients. S. Oudard, Paris ✓ Albiges L, Oudard S, Negrier S et al. Complete remission with tyrosine kinase inhibitors in renal cell carcinoma. J Clin Oncol 2012;30(5): 482-7. 47 R ev u e Quel schéma thérapeutique choisir pour le sunitinib dans le cancer du rein métastatique ? Le traitement par sunitinib sur la base d’un schéma à 50 mg 4 semaines sur 6 vient de l’étude de phase I et de phase III faisant état d’une tolérance acceptable et, surtout, d’une survie sans progression médiane (mSSP) de 11 mois. Utiliser un antiangiogénique selon un schéma discontinu pourrait permettre à la tumeur d’être revascularisée pendant la phase d’arrêt du traitement. Par ailleurs, 2 études de phase II avec le sunitinib en continu à la dose de 37,5 mg ont rapporté des taux de réponse de 20 à 35 % et une mSSP de 8,2 à 10,4 mois (1, 2). Une étude de phase II randomisée (n = 292) menée dans 59 centres américains a comparé le sunitinib en schéma discontinu classique (50 mg 4 semaines sur 6) au schéma continu (37,5 mg tous les jours) [3]. Le critère principal était le temps jusqu’à progression, en faveur du schéma discontinu : 9,9 mois versus 7,1 mois (HR = 0,77 ; IC95 : 0,57-1,04 ; p = 0,09). La mSSP était de 8,5 mois dans le bras discontinu versus 7 mois dans le bras continu (p = 0,7). Aucune différence de survie globale n’a été rapportée : 23,1 mois versus 23,5 mois (p = 0,6). En termes de toxicité de grade 3-4, aucune différence n’a été notée. Cependant, dans le bras discontinu, plus de patients ont arrêté le traitement pour toxicité (15 % versus 11 %). Mais, une moindre détérioration de l’état général et la satisfaction de voir les symptômes diminuer ou disparaître étaient rapportées pendant la phase de repos. Commentaire Il s’agit d’une étude de phase II insuffisamment puissante pour répondre à la question du meilleur schéma thérapeutique possible en termes de mSSP. La toxicité n’est pas différente dans les 2 bras. Les résultats en termes de temps jusqu’à progression et de SSP sont moins bons que dans l’étude de phase III ayant comparé le sunitinib à l’interféron. Dans cette étude de phase II randomisée, les patients sont de groupes pronostiques plus péjoratifs, avec un pourcentage de patients 48 de presse néphrectomisés moins élevé et un index de performance (PS) plus bas. Quoi qu’il en soit, le schéma de référence reste le sunitinib 50 mg discontinu 4 semaines sur 6. S. Oudard, Paris 1. Escudier B, Roigas J, Gillessen S et al. Phase II study of sunitinib administered in a continuous once-daily dosing regimen in patients with cytokine-refractory metastatic renal cell carcinoma. J Clin Oncol 2009;27(25):4068-75. 2. Barrios CH, Hernandez-Barajas D, Brown MP et al. Phase II trial of continuous once-daily dosing of sunitinib as first-line treatment in patients with metastatic renal cell carcinoma. Cancer 2012;118(5):1252-9. 3. Motzer RJ, Hutson TE, Olsen MR et al. Randomized phase II trial of sunitinib on an intermittent versus continuous dosing schedule as first-line therapy for advanced renal cell carcinoma. J Clin Oncol 2012 (Epub ahead of print). À quel moment introduire un inhibiteur de mTOR dans le cancer du rein métastatique ? L’étude RECORD-1 avait pour objectif d’évaluer l’efficacité de l’évérolimus par rapport à un placebo dans le cancer du rein métastatique après ITK. Les patients pouvaient avoir reçu 1 ou 2 ITK avant l’inclusion. La médiane de survie sans progression (mSSP) était de 4,9 versus 1,9 mois (HR = 0,33 ; p < 0,001), respectivement (1). La question qui se pose en deuxième ligne est de savoir s’il faut changer de voie de traitement (proposer un inhibiteur de mTOR) ou maintenir un antiangiogénique de la même thérapeutique (sorafénib ou autre ITK) avant de proposer l’évérolimus en troisième ligne. Les résultats de l’évérolimus en termes de SSP montrent un avantage à introduire celui-ci en deuxième ligne (mSSP à 5,4 mois, HR = 0,32 ; IC95 : 0,24-0,43 ; p < 0,001) plutôt qu’en troisième ligne (mSSP à 4 mois, HR = 0,32 ; IC95 : 0,19-0,54 ; p < 0,001). Proposer la même voie thérapeutique en cas de toxicité du premier ITK risque de majorer les effets secondaires (hypertension artérielle, syndrome mains-pieds, cardiotoxicité) si le choix thérapeutique concerne la même classe. Les toxicités des ITK et des inhibiteurs de mTOR ne sont pas cumulatives et autorisent ce changement de voie thérapeutique. Le risque d’induire une résistance vraie aux ITK est sans doute plus important en cas de maintien de la même classe thérapeutique. Après les séquences d’ITK et de mTOR, l’efficacité lors de la réintroduction d’un ITK (sorafénib ou sunitinib en fonction de la première ligne) est sans doute compromise par l’apparition d’une résistance induite par la libération du FGF. Un traitement par l’ITK 258, qui inhibe cette voie de résistance aux antiangiogéniques, est à l’étude dans un essai prospectif comparant l’ITK 258 au sorafénib en troisième ligne dans le cancer du rein métastatique. Commentaire L’étude RECORD-1 montre l’intérêt de proposer un inhibiteur de mTOR en deuxième ligne après sunitinib, avec une amélioration de la SSP. À la suite de l’étude de phase III AXIS (2) ayant comparé le sorafénib à l’axitinib en deuxième ligne métastatique, la question est désormais de savoir s’il faut prescrire l’axitinib (mSSP : 4,8 mois) ou l’évérolimus (mSSP : 5,4 mois avec un seul ITK, sans précision du type de molécule [sorafénib ou sunitinib]). S. Oudard, Paris 1. Calvo E, Escudier B, Motzer RJ et al. Everolimus in metastatic renal cell carcinoma: subgroup analysis of patients with 1 or 2 previous vascular endothelial growth factor-tyrosine kinase inhibitor therapies enrolled in the phase III RECORD-1 study. Eur J Cancer 2012;48(3):333-9. 2. Rini BI, Escudier B, Tomczak P et al. Comparative effectiveness of axitinib versus sorafenib in advanced renal cell carcinoma (AXIS): a randomised phase III trial. Lancet 2011;378(9807):1931-9. Cancer du rein avancé naïf d’antiangiogéniques : phase II randomisée du tivozanib en attendant les résultats (positifs) de la phase III Après le sorafénib, le sunitinib, le pazopanib et l’axitinib, le tivozanib est le dernier né de la famille des inhibiteurs de tyrosine kinases (ITK) anti-VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor). Sa particularité ? Sa spécificité envers les récepteurs VEGFR-1, VEGFR-2, VEGFR-3, c’est-à-dire le fait qu’il n’ait pas d’effet sur PDGF (Platelet-Derived Growth Factor), c-KIT, RAF, etc., mais également qu’il permette une inhibition des VEGFR très Correspondances en Onco-Urologie - Vol. III - no 2 - avril-mai-juin 2012 DIAPOSITIVES COMMENTÉES EN LIGNE Revue de presse supérieure aux autres ITK. Les résultats de l’étude de phase II du tivozanib viennent d’être publiés dans le Journal of Clinical Oncology. Cette étude portait sur 272 patients atteints d’un cancer du rein avancé ou métastatique et naïfs de traitement antiangiogénique. Le tivozanib (1,5 mg/j, 3 semaines sur 4) a été administré à tous les malades pendant 16 semaines. Après cette période initiale, les patients stables étaient randomisés en 2 bras : poursuite du tivozanib versus placebo. Les caractéristiques des patients étaient les suivantes : 83 % de carcinomes à cellules claires, 73 % de néphrectomies, 54 % de patients naïfs de tout traitement, 41 % de malades prétraités par cytokines, 28 %, 60 % et 10 % de pronostics MSKCC bons, intermédiaires et mauvais, respectivement. Sur les 272 patients éligibles, 112 présentaient une stabilité et ont été randomisés. L’étude est positive pour son critère de jugement principal, avec une supériorité du taux de non-progression à 12 semaines après la randomisation dans le bras tivozanib (49 %) versus placebo (21 % ; p = 0,001). La survie sans progression (SSP) après randomisation était également supérieure dans le bras tivozanib. Sur l’ensemble de la période de traitement, le taux de réponse avec le tivozanib est de 24 % (26 % dans les cellules claires) et la SSP est de 11,7 mois (12,5 mois dans les cellules claires). La tolérance cardiovasculaire est comparable à celle des autres ITK : 11 % d’hypertension artérielle de grade 3-4. La tolérance globale est clairement meilleure qu’avec les autres ITK, avec, tous grades confondus : 12 % de diarrhées, 4 % de syndromes main-pied, 10 % d’asthénie, 8 % de fatigue, 3 % de protéinuries. Les effets indésirables les plus fréquents (tous grades confondus) étaient l’hypertension (44 %) et la dysphonie (22 %). Commentaire Les résultats de cette étude de phase II sont importants à plusieurs points de vue. D’une part, l’efficacité du tivozanib est encourageante. Les données de SSP du tivozanib (11,7 mois) supportent facilement la comparaison avec celles des études de phase III du sorafénib (5,5 mois), du sunitinib (11,3 mois) et du pazopanib (9,2 mois). D’autre part, le profil de toxicité est nettement plus favorable que ceux du sorafénib, du sunitinib, du pazopanib et de l’axitinib, ce qui confirme qu’une part importante des toxicités rencontrées avec les premiers agents sont liées à leur effet off-target. Les résultats de la phase III (TIVO-1) versus sorafénib, réalisée sur la même population, ont été dévoilés dans un communiqué de presse, démontrant un allongement de la SSP dans le bras expérimental (11,9 mois versus 9,1 mois). On peut se demander si la meilleure tolérance du tivozanib permettra de réaliser des combinaisons plus tolérables et également de s’imposer comme traitement en première ligne du cancer du rein métastatique. stricts ne permettaient pas de recommandations d’utilisation chez les patients présentant une insuffisance rénale sévère. L’intérêt de cette étude est de confirmer la possibilité d’utiliser le dénosumab sans adaptation de dose chez les sujets insuffisants rénaux. Il faut par contre insister sur la nécessité − surtout chez l’insuffisant rénal (chez qui le risque est plus grand) − de prévenir le risque d’hypocalcémie par la prescription systématique de calcium et de vitamine D. P. Beuzeboc, Paris ✓ Block GA, Bone HG, Fang L et al. A single-dose study of denosumab in patients with various degrees of renal impairment. J Bone Miner Res 2012 (Epub ahead of print). N. Pécuchet, Paris. ✓ Nosov DA, Esteves B, Lipatov ON et al. Antitumor activity and safety of tivozanib (AV-951) in a phase II randomized discontinuation trial in patients with renal cell carcinoma. J Clin Oncol 2012;30(14):1678-85. Le dénosumab peut être utilisé chez les sujets insuffisants rénaux sans adaptation de dose Cette étude, menée pendant 16 semaines chez 55 patients présentant une fonction rénale variable, de normale à terminale et nécessitant une dialyse, a permis d’évaluer les effets d’une dose unique de dénosumab (60 mg s.c.). Les auteurs ont pu montrer que les perturbations de la fonction rénale ne modifiaient pas significativement les données pharmacocinétiques et pharmacodynamiques du dénosumab. Une baisse rapide du C-télopeptide sérique a été observée dans tous les groupes. Une supplémentation vitaminocalcique n’était pas requise dans le protocole. L’effet indésirable le plus fréquent a été l’hypocalcémie ; 7 sujets ont présenté un nadir de calcémie entre 1,9 et 2 mmol/l, et 5 autres, un nadir inférieur à 1,9 mmol/l. Commentaire Dans les études cliniques de phases II et III, le dénosumab, au contraire de l’acide zolédronique, n’a pas montré de toxicité rénale. Néanmoins, ces études aux critères d’inclusion Correspondances en Onco-Urologie - Vol. III - no 2 - avril-mai-juin 2012 En 20 ans, amélioration modeste de la curabilité aux Pays-Bas À partir des données du registre exhaustif du cancer néerlandais comportant 32 545 cas de cancers du rein de l’adulte, diagnostiqués entre 1989 et 2009, les tendances de l’incidence, des traitements, de la mortalité et de la survie relative ont été rapportées. Si l’incidence s’est montrée relativement stable entre 1989 et 2001 − approximativement de 11 pour 100 000 personnes/ année −, elle a augmenté depuis 2001, jusqu’à atteindre 13 pour 100 000 personnes/ année en 2009. La mortalité a diminué lentement au cours du temps, passant de 6,2 à 5,6 personnes/année. La survie relative à 5 ans s’est améliorée, passant de 51 % entre 1989 et 1994 à 58 % entre 2005 et 2009, plus spécifiquement chez les hommes, les groupes d’âge jeune et les stades bas. Commentaire Si l’introduction des traitements ciblés dans les formes métastatiques a entraîné une amélioration de la survie relative à 1 an, les progrès de la curabilité restent lents. L’amélioration des résultats passera par la prévention, le diagnostic précoce et l’instauration de nouveaux traitements. P. Beuzeboc, Paris ✓ Van de Schans SA, Aben KK, Mulders PF et al. Modest improvement in 20 years of kidney cancer care in the Netherlands. Eur J Cancer 2012 (Epub ahead of print). 49