RAPPORT SPÉCIAL Inhibition de la voie de signalisation mTOR Une nouvelle stratégie thérapeutique parvient à vaincre la résistance La voie de signalisation mTOR, avec son rôle unique et crucial dans les cellules tumorales ayant développé une résistance ou un mécanisme « escape » envers certains traitements, est très importante. En effet, elle constitue la base d’une nouvelle approche thérapeutique chez les patient(e)s dont la maladie est en progression. Cette stratégie vise à réprimer l’angiogenèse et la prolifération dans différents types de cancer, pour permettre une nouvelle réponse de la tumeur au traitement. Importance de la voie de signalisation mTOR dans les cellules tumorales résistantes L’inhibition de mTOR pour traiter le cancer rénal Les premières études menées sur l’évérolimus ont été effectuées auprès de patients atteints de cancer rénal avancé (mRCC). Dans ce type de cancer, l’angiogenèse est augmentée par la perte du gène de suppression tumorale (gène VHL), ce qui conduit à une augmentation de la production du facteur de transcription HIF-1. Le HIF-1 induit la production de facteurs de croisance angiogéniques comme le VEGF et stimule le métabolisme des cellules tumorales. Le HIF-1 joue un rôle très important dans le mRCC. Ces éléments ont constitué la base rationnelle pour la réalisation des études sur les effets de l’évérolimus sur ce cancer. Le cancer rénal est une maladie fréquemment associée à un pronostic défavorable. La chimiothérapie et les cytokines sont inefficaces. Le taux de survie au bout de 5 ans est inférieur à 10 %. L’évérolimus, un inhibiteur de mTOR, permet de contourner la résistance aux inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI) et de resensibiliser le patient à ces derniers. La toxicité cumulée est également plus faible. Les résultats cliniques sur l’efficacité (survie sans progression) de l’évérolimus sont convaincants et le profil de sécurité est favorable. L’étude RECORD-1 montre que l’évérolimus réduit de 67 % le risque de progression de la maladie (9). Les participants à RECORD-1 étaient des patients atteints de cancer rénal métastatique ayant progressé sous traitement par TKI-VEGFR. Les patients ont été traités après randomisation soit par de l’évérolimus, 10 mg/j Figures : Novartis Pharma Schweiz AG mTOR (Mammalian Target of Rapamycin) est une protéine qui se lie à la rapamycine, une molécule immunosuppressive. Elle intervient dans la prolifération, la différenciation et la multiplication cellulaire et assure la survie des cellules. mTOR est activée par le récepteur à l’EGF (facteur de croissance épidermique) et contrôle la traduction des protéines et des facteurs de transcription. La prolifération, la croissance des cellules et l’angiogenèse sont stimulées par cette voie de signalisation qui réprime en outre l’apoptose (3, 4) (fig. 1). Dans les tumeurs malignes, mTOR est souvent suractivée. Il en résulte une augmentation de la synthèse protéique. Une croissance incontrôlée, un métabolisme anormal et une augmentation de l’angiogenèse tumorale sont alors rendus possibles et la survie des cellules malignes est assurée (5). Les mutations en mesure d’activer mTOR font partie des anomalies génétiques les plus fréquentes en cas de cancer (6–8). L’activation de mTOR joue ainsi un rôle important dans l’apparition du cancer et la progression tumorale. mTOR étant suractivée dans toute une série de types cancéreux, l’utilisation d’inhibiteurs de mTOR dans des objectifs thérapeutiques variés semble indiqué. Le traitement par l’inhibition de mTOR de différents types de cancer, en particulier du cancer rénal, des tumeurs neuroendocrines d’origine pancréatique (pNET) et du cancer du sein, s’est effectivement avéré une stratégie thérapeutique efficace. L’inhibition de mTOR représente en outre une approche importante concernant le contournement de la résistance et des mécanismes « escape » ainsi que pour la répression de l’angiogenèse et de la prolifération des cellules tumorales. Pour ces raisons, cette stratégie semble tout à fait fondée pour le traitement antitumoral. L’évérolimus est un inhibiteur de mTOR qui exerce aussi bien un effet direct sur les cellules tumorales qu’une action indirecte par inhibition de l’angiogenèse. Cette molécule exerce un effet à différents niveaux dans la voie de signalisation. D’un côté, le blocage de mTOR diminue la production de la protéine HIF-1 (facteur inductible par l’hypoxie), qui est un activateur de l’angiogenèse et d’un autre côté, des effets en aval sont également inhibés, comme la production du VEGF (Facteur de croissance endothéliale vasculaire). Un deuxième mécanisme essentiel réside dans le blocage de la prolifération des cellules à l’origine de l’angiogenèse. L’évérolimus est administré une fois par jour par voie orale et les études rapportent une bonne tolérance globale. Fig. 1: Voie de signalisation mTOR dans une cellule normale 46 Fig. 2: Voie de signalisation dans une cellule tumorale 02 _ 2013 _ info@onkologie RAPPORT SPÉCIAL L’évérolimus a également sa place dans le traitement des tumeurs neuroendocrines pancréatiques (TNEp). En Suisse, il est autorisé pour le traitement des patients porteurs de tumeurs neuroendocrines d’origine pancréatique avancées, en progression, fortement ou modérément différenciées. L’efficacité de l’évérolimus a été examinée au cours de l’étude de phase III randomisée et contrôlée contre placebo RADIANT-2 auprès de patients souffrant de tumeurs neuroendocrines avancées de grade faible ou intermédiaire en comparant l’évérolimus à 10 mg/j avec un placebo, les deux en association avec 30 mg d’octréotide LAR (13). La durée médiane de survie sans progression a été de 5,1 mois plus longue dans le groupe sous évérolimus que dans le groupe sous placebo (16,4 contre 11,3 mois) mais la limite de significativité a été manquée de peu. Au cours de RADIANT-3, une étude de phase III randomisée en double aveugle, 410 patients atteints de TNEp avancée (non résécable ou métastatique) de grade 1 ou 2 ont été traités par l’évérolimus (10 mg/j) ou placebo après randomisation (14). La survie sans progression sous évérolimus a été plus du double de celle sous placebo (11,0 contre 4,6 mois, HR: 0,35, p<0,0001), ce qui signifie que le risque de progression ou de décès a été réduit de 65 % par l’inhibition de mTOR. Après 18 mois, une absence de progression était constatée chez 34,2 % des patients sous évérolimus contre 9 % sous placebo. Ce bénéfice a été indépendant de l’âge, du sexe, de la région géographique, du grade de la tumeur, des performances et du traitement antérieur par des analogues de la somatostatine ou de la chimiothérapie. Les effets indésirables médicamenteux ont été généralement de grade 1 ou 2. Parmi les effets indésirables de grade 3/4, seules l’anémie (6 % contre 0 %) et l’hyperglycémie (5 % contre 2 %) ont été observées plus fréquemment sous évérolimus que sous placebo. Selon les auteurs du consensus ENETS (15), l’évérolimus représente chez les patients atteints de TNEp une option thérapeutique après échec de la chimiothérapie, mais peut également être envisagé en première intention. Dans l’étude RADIANT-3, 40 % des patients n’avaient pas été traités auparavant et Références : 1. Early Breast Cancer Trialists‘ Collaborative Group. Tamoxifen for early breast cancer: an overview of the randomised trials. Lancet. 1998 May 16;351(9114):1451-67 2. Gradishar WJ. Tamoxifen – what next? Oncologist. 2004;9:378-84 3. Jacinto E., Hall MN. Tor signalling in bugs, brain and brawn. Nat Rev Mol Cell Biol. 2003; 4:117-26. 4. Schmelzle T, Hall MN. TOR, a central controller of cell growth. Cell. 2000;103:253-62 5. Shaw RJ, Cantley LC. Ras, PI(3)K and mTOR signalling controls tumour cell growth. Nature. 2006;441:424-430 6. Benjamin D et al. Rapamycin passes the torch: a new generation of mTOR inhibitors. Nat Rev Drug Discov. 2011;10:868-80. 7. Wullschleger S, et al. TOR signaling in growth and metabolism. Cell. 2006;124:471-484 8. Humar R, et al. Hypoxia enhances vascular cell proliferation and angiogenesis in vitro via rapamycin (mTOR)-dependent signaling. FASEB J. 2002;16: 771-780. Erratum in: FASEB J. 2006; 20:1573 9. Motzer RJ, Escudier B, Oudard S, et al. Phase 3 trial of everolimus for metastatic renal cell carcinoma: final results and analysis of prognostic factors. Cancer 2010;116:4256–65 10. Staehler M et al J Clin Oncol 2012;30: suppl 5;abstract 361 11. Grunwald V et al Br J Cancer 2011;doi10.1038/ bic.2011. Published online October 27;2011 12. Calvo et al. What is the optimal therapy for patients with metastatic renal cell carcinoma who progress on an initial VEGFr-TKI? Cancer Treatment Reviews 2012 in press 13. Pawel M et al. Everolimus plus octreotide long acting repeatable fort he treatment of advanced neuroendocrine tumours associated with carcinoid syndrome (RADIANT-2: a randomised, placebo-controlled, phase 3 study. Lancet 2011;378:2005-2012 14. Yao JC et al. Everolimus for advanced pancreatic neuroendocrine tumors. N Engl J Med 2011;364:514-523 15. Pawel M et al. ENETS consensus guidelines for the management of patients with liver and other distant metastases from neuroendocrine neoplasms of foregut, midgut, hindgut, and unknown primary. Neuroendocrinology 2012;95:157-176) (n=277) soit par un placebo (n=139) en association avec les mesures symptomatiques. Le critère d’évaluation primaire était la survie sans progression (PFS) après examen centralisé indépendant. Parmi les patients ayant été traités auparavant par un seul TKI-VEGFR, la PFS médiane a été de 5,4 mois sous évérolimus contre 1,9 mois sous placebo, ce qui représente une réduction du risque de 68 % (HR: 0,32, intervalle de confiance à 95 % [IC]: 0,24- 0,43, p<0,001). Parmi les patients ayant été traités auparavant par deux TKI-VEGFR, la PFS médiane a été de 4,0 mois sous évérolimus contre 1,8 mois sous placebo (HR: 0,32, intervalle de confiance à 95 %: 0,19-0,54, p <0,001). Le profil de sécurité a été identique dans les deux groupes. Au cours de l’analyse intermédiaire d’une étude d’observation non interventionnelle et prospective auprès de 400 patients, l’évérolimus a permis une durée jusqu’à la progression de 7 mois après échec de la première thérapie anti-VEGF (10). Après le traitement par évérolimus, un TKI peut à nouveau être utilisé avec succès (11). Ces résultats plaident en faveur de l’utilisation de l’évérolimus en tant que médicament standard lorsque le premier traitement par TKIVEGFR échoue. En raison des résultats positifs de l’étude de phase III RECORD-1, les directives cliniques américaines et européennes recommandent l’utilisation de l’évérolimus chez les patients souffrant de mRCC réfractaire aux TKI-VEGFR. L’inhibition de mTOR contre les tumeurs neuroendocrines pancréatiques info@onkologie _ 02 _ 2013 leurs résultats ont été similaires à ceux des patients pré-traités (14). Au cours de RADIANT-4, étude de phase III randomisée, multicentrique et en double aveugle, l’évérolimus sera comparé en terme d’efficacité avec un placebo, les deux en association avec le meilleur traitement disponible (BSC) dans les tumeurs neuroendocrines avancée d’origine gastrointestinale ou pulmonaire. Le critère d’évaluation primaire sera la survie sans progression. Les critères secondaires seront la survie globale et la sécurité par rapport au placebo. L’inhibition de mTOR contre le cancer du sein positif pour les récepteurs aux hormones En dépit des progrès continus dans le traitement du cancer du sein au cours des deux dernières décennies, la situation des patientes atteints de cancer du sein avancé ne s’est que sensiblement améliorée. L’efficacité clinique des options thérapeutiques disponibles est limitée. Après l’apparition de métastases éloignées, la survie globale médiane des patientes se situe entre 18 et 36 mois seulement après la pose du diagnostic (16). Une espérance de vie de 2 à 3 ans ne constitue pas une perspective thérapeutique satisfaisante. Le traitement endocrinien constitue la base de la thérapie du cancer du sein positif pour les récepteurs hormonaux (17). Néanmoins, chez environ 50 % des patientes, la réponse est absente ou insuffisante à ce traitement endocrinien initial et les patientes qui réagissent au traitement au début développent en général une résistance tôt ou tard (18, 19). Le développement de résistances à l’endocrinothérapie représente le problème clinique majeur inhérent au traitement du cancer du sein positif pour les récepteurs hormonaux. La voie de signalisation endocrine et la voie de signalisation mTOR étant impliquées dans la résistance endocrine, un traitement associé semble indiqué. 16. Enju A et al. Weekly administration of docetaxel and paclitaxel in metastatic or advanced breast cancer. Oncologist 2005;10:665-685 17. Schiff R et al. Breast cancer endocrine resistance: how growth factor signalling and estrogen receptor coregulators modulate response. Clin Cancer Res 2003;9 (1 Pt 2):447S-454S 18. Harichand-Herdt S, et al. Endocrine treatment of postmenopausal women with breast cancer. Expert Rev Anticancer Ther 2009;2:187-198 19. Normanno N, et al. Mechanisms of endocrine resistance and novel therapeutic strategies in breast cancer. Endocr Relat Cancer 2005;4:721-747 IMPRESSUM Rapport : Prof. Dr. Dr. h.c. Walter F. Riesen Rédaction : Christian Heid Avec le soutien de Novartis Pharma Schweiz AG, Berne © Aerzteverlag medinfo AG, Erlenbach 47