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1res Rencontres de chirurgie
du cancer du sein
Paris, 6-7 mai 2004
J.Y. Charvolin*
a chirurgie du cancer du sein, longtemps considérée
comme un parent pauvre de la chirurgie, a radicalement évolué dans les quinze dernières années, parallèlement à la prise en charge globale de ce cancer. Aucune rencontre des acteurs de la chirurgie du cancer du sein n’avait eu lieu
jusqu’à présent. Les 6 et 7 mai 2004, les 1res Rencontres de chirurgie du cancer du sein se sont déroulées à Paris, nous permettant ainsi de faire le point sur les avancées techniques et de confirmer la place de la chirurgie dans la thérapeutique de ce cancer.
Il fallait en effet réaffirmer la primauté de l’acte chirurgical dans
la grande majorité des cancers du sein, et rappeler qu’aucun traitement adjuvant ne peut ni se substituer à la chirurgie, ni rattraper un geste chirurgical mal conduit.
C’est le chirurgien qui, selon les filières, coordonne les biopsies
des lésions infracliniques ou reçoit la patiente après le diagnostic. C’est lui qui réoriente la prise en charge des lésions inopérables, pose les indications de la chirurgie conservatrice, cherche
à les augmenter en proposant aux patientes un traitement néoadjuvant. C’est encore lui qui propose et réalise l’inévitable mastectomie dans un tiers des cas, et qui, pour en diminuer le retentissement psychologique et esthétique, s’est formé à la chirurgie
oncoplastique et à la reconstruction mammaire.
Il fallait aussi rappeler que l’interdisciplinarité dans la prise en
charge des cancers du sein n’a jamais été aussi capitale. L’évolution des protocoles thérapeutiques fait que l’échange entre les
trois acteurs traditionnels que sont le chirurgien, l’oncologue
médical et le radiothérapeute, doit s’élargir au radiologue et au
pathologiste qui interviennent de plus en plus souvent en première ligne par le dépistage précoce et la macrobiopsie des
images infracliniques.
L
CHIRURGIE DU CANCER DU SEIN : QUE VA-T-IL SE PASSER
APRÈS LE “PLAN CANCER” ?
Selon le Pr J. Dauplat (Clermont-Ferrand), plusieurs mesures du
“plan cancer” concernent plus spécifiquement la chirurgie des
cancers du sein.
Mesure 32 : identifier des Centres de Coordination en Cancérologie (3C) dans chaque établissement traitant des patients
cancéreux
Ces “3C”, qu’il appartient à chaque établissement de constituer,
ont pour mission de faire appliquer dans l’établissement les
* Service de gynécologie, hôpital Saint-Vincent, Lille.
30
autres mesures du plan cancer : mise en place des réunions de
concertation pluridisciplinaire en cancérologie, détermination
de la forme du programme personnalisé de soins, soutien personnalisé aux patients et détermination d’un médecin référent
par patient.
Mesure 31 : faire bénéficier 100 % des nouveaux patients
atteints de cancer d’une concertation pluridisciplinaire
autour de leur dossier. Synthétiser le parcours thérapeutique prévisionnel issu de cette concertation sous la forme
d’un “programme personnalisé de soins” remis au patient et
au médecin traitant
Il est apparu difficile, pour beaucoup de chirurgiens présents,
que les dossiers des patientes soient présentés en réunion
multidisciplinaire dès la suspicion de cancer, au stade d’établissement du diagnostic. L’esprit de cette mesure a été précisé par le Dr C. Bara de la Direction de l’Hospitalisation et
de l’Organisation des Soins (DHOS). Il s’agit surtout de
s’assurer que 100 % des patientes présentant un cancer du
sein sont enregistrées par la Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) et reçoivent un programme personnalisé
de soins une fois le diagnostic établi, c’est-à-dire pour les
petites lésions après l’acte chirurgical. Toutefois, les grosses
tumeurs en particulier bénéficient d’un passage immédiat en
RCP qui permet une orientation vers une chimiothérapie
néoadjuvante.
“Le programme, établi après concertation pluridisciplinaire,
sera remis et expliqué au patient. Il doit être parfaitement compréhensible par le patient. Ce programme identifiera, outre le
réseau et l’établissement de prise en charge, le médecin référent
pour le patient, et les coordonnées d’un représentant des
patients pour l’hôpital”.
Mesure 40 : permettre aux patients de bénéficier de meilleures conditions d’annonce du diagnostic de leur maladie
Afin de lever une ambiguïté, le terme de processus d’annonce
est maintenant préféré à celui de consultation d’annonce
puisqu’il ne s’agit pas de détailler en une seule rencontre le diagnostic, le traitement et leurs implications, mais plutôt de ménager plusieurs temps de dialogue et d’écoute du malade et de son
entourage avec les thérapeutes mais aussi avec des infirmières
formées à cette pratique afin de minimiser la part des questions
laissées sans réponse. Chaque établissement est invité à imaginer son processus d’annonce. Un appel d’offre ministériel
recense les initiatives innovantes dans ce domaine.
La Lettre du Sénologue - n° 25 - juillet/août/septembre 2004
Mesure 42 : accroître les possibilités pour les patients de
bénéficier de soins de support, en particulier en termes de
prise en compte de la douleur et de soutien psychologique
et social
“Créer des unités mobiles de soins de support en oncologie, en
particulier dans les centres spécialisés, et éventuellement, au sein
des réseaux : médecins de la douleur, assistants sociaux, psychologues, kinésithérapeutes, nutritionnistes... Dans les hôpitaux non
dédiés à la cancérologie, ces équipes devraient être disponibles
au-delà du cancer, pour répondre à l’ensemble de la demande en
soins complémentaires, toutes pathologies confondues.
Ces équipes, comme les centres de coordination en cancérologie, contribueront à :
– redonner du temps aux médecins cliniciens, qui doivent faire
face à un afflux croissant de patients dans un contexte de pénurie démographique ;
– accroître la possibilité de recours pour le patient à des consultations psycho-oncologiques de soutien ;
– former les soignants et les médecins cliniciens à la dimension
psychologique de l’accompagnement du patient, et poursuivre
le programme de lutte contre la douleur (2000-2005) ;
– améliorer le soutien aux familles des patients, en particulier
dans le cas des enfants, en impliquant les associations.”
Mesure 21 : généralisation du dépistage organisé du cancer
du sein
Mesure 22 : conforter l’accès aux tests de prédisposition
génétique des cancers du sein (BRCA 1 et 2)
Mesure 23 : renforcer le réseau des consultations d’oncogénétique
La consultation d’oncogénétique doit être proposée aux
patientes jeunes, aux malades présentant un cancer bilatéral ou
rapportant des antécédents familiaux de cancer du sein ou de
l’ovaire au premier degré. Il faut rappeler, néanmoins, que si la
mammectomie prophylactique bilatérale (avec conservation de
l’étui cutané sans conservation de l’aréole) permet de réduire le
risque d’apparition d’un cancer du sein, “[elle] ne saurait, en
aucun cas, être préconisée à titre préventif. La demande de la
patiente de recourir à une telle intervention est, par ailleurs,
jugée insuffisante pour la légitimer. En effet, cette pratique est
mutilante et la protection recherchée, si elle est importante,
n’est pas absolue. Néanmoins, même s’ils ne la préconisent pas,
les experts n’excluent pas le recours à la chirurgie prophylactique radicale pour les personnes porteuses d’une mutation du
gène BRCA bien identifiée, et très inquiètes de développer un
cancer. Dans ce cas, la décision d’opérer devra être prise de
manière collégiale (avec l’ensemble des médecins et autres
intervenants de la consultation). Le choix éclairé du patient est
indispensable. Un délai de réflexion de six mois doit être respecté et un suivi psychologique proposé” (1).
Mesures 35/36 : recommandations de pratiques cliniques et
critères d’agrément pour la pratique de la cancérologie
Le Dr C. Bara a évoqué que le schéma d’organisation des établissements qui prennent en charge les patients atteints de canLa Lettre du Sénologue - n° 25 - juillet/août/septembre 2004
cer est en cours de finalisation. À court terme, les établissements
devront probablement obtenir un agrément pour la prise en
charge du cancer qui reposera sur des critères de qualité actuellement en cours de définition et sur un seuil d’activité en chirurgie des cancers qui reste encore à définir.
Mesure 33 : meilleure insertion des médecins généralistes
dans les réseaux de soins en cancérologie
CHIRURGIE CANCÉROLOGIQUE DU SEIN : QUEL EXERCICE
DEMAIN ?
Tableau I. Enquête ANAES 2002.
41 845 nouveaux cas par an (+ 60 % entre 1975 et 1995)
une femme sur 10 aura un cancer du sein au cours de sa vie, soit 83/100 000
par an
11 637 décès par an (année 2000)
La chirurgie des cancers du sein est réalisée dans 1 310 établissements :
– CHU
12 %
– CLCC
22 %
– CHG et EPPSP
20 %
– Établissements privés
46 %
Sur les 1 310 établissements :
– 10 % réalisent 55 % des actes par an
– 50 % réalisent moins de 15 actes par an
– 50 établissements opèrent un cancer du sein par an
53 % des interventions chirurgicales mammaires concernent des lésions
bénignes
Le cancer est depuis peu une priorité nationale et un projet présidentiel. L’organisation de la chirurgie du cancer le plus fréquent en France va s’en trouver modifiée. Lors d’une table
ronde, le Dr C. Bara, le Pr P. Bey, le Pr S. Uzan, le Pr J. Dauplat,
le Pr L. Piana, le Dr K. Clough et le Dr R.J. Salmon ont dessiné
le futur cadre de l’exercice de cette chirurgie.
Les chiffres rappelés dans le tableau I résument bien la disparité
entre les établissements qui prennent en charge les cancers du
sein en France. Cinquante pour cent des établissements opèrent
moins de 15 cancers du sein par an (un seul cas pour 50 d’entre
eux). Lorsque l’on sait qu’une démarche d’assurance qualité a
été initiée par les radiologues du dépistage du cancer du sein et
par les anatomopathologistes, il est légitime de penser que les
chirurgiens doivent se plier à une telle démarche tant leur rôle est
central et difficilement rattrapable en cas d’insuffisance.
La tâche du chirurgien sénologue s’est compliquée dans la dernière décennie. La généralisation du dépistage précoce entraîne
la découverte d’images radiologiques de plus en plus petites,
d’interprétation difficile, mais aussi d’exérèse plus délicate. Le
chirurgien doit savoir poser l’indication d’une macrobiopsie, être
formé à l’exérèse des lésions infracliniques. Ses efforts doivent
tendre à la diminution des chirurgies pour lésion bénigne, à la disparition des chirurgies invasives de diagnostic, à la qualité de ses
exérèses en termes d’orientation, d’absence de morcellement, de
remodelage mammaire et de localisation des incisions. “L’efficacité carcinologique et la préservation esthétique et fonctionnelle” sont deux objectifs parfois contradictoires du chirurgien qui
se doit aujourd’hui de maîtriser les techniques de remodelage
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mammaire et de reconstruction, ou de travailler en étroite collaboration avec un chirurgien plasticien. Il doit connaître les indications de traitement néoadjuvant, pouvoir justifier d’une courbe
d’apprentissage du ganglion sentinelle, et chercher à minimiser
les délais de rendez-vous pré- et postchirurgicaux...
Il est évident que les exigences de qualité sont diverses et il
apparaît nécessaire que chaque équipe évalue sa pratique et
son potentiel d’amélioration en termes de technicité – qui a
pour corollaires la formation initiale, la formation continue et
le seuil d’activité –, d’organisation et de multidisciplinarité.
Le Pr L. Piana (Marseille), sous l’égide de l’ANAES, est le
coordonnateur d’un guide de recommandations sur la pratique
chirurgicale du cancer du sein (2). Ce livret permet de réaliser
une autoévaluation de l’établissement grâce à une grille de
recueil des critères de qualité permanents de l’établissement, et
d’évaluer au cas par cas chaque dossier en répondant de façon
binaire à des questions simples sur la prise en charge pré-, peret postopératoire d’un patient donné.
Tableau II. Recommandations de pratiques pour la prise en charge
chirurgicale des lésions mammaires. ANAES (octobre 2002).
Extraits :
Première consultation. L’analyse des mammographies se fait
sur un négatoscope dédié à la mammographie […] :
toujours/généralement/parfois/jamais
La consultation postopératoire à lieu dans les 15 jours suivant
l’intervention :
toujours/généralement/parfois/jamais
En cas de mastectomie, l’incision tient compte des possibilités
de reconstruction mammaire ultérieure ?
oui/non
Le compte-rendu anatomopathologique indique :
– l’identification des berges
oui/non
– le diagnostic lésionnel
oui/non
Le cas échéant :
– la taille de la lésion ou des lésions cancéreuses
– les distances entre les lésions et les berges
– les facteurs histopronostiques reconnus
oui/non
oui/non
oui/non
GANGLION SENTINELLE : INCERTITUDES ET PROPOSITIONS
D’après les communications des Drs K. Clough (Paris), S. Giard
(Lille), J.M. Classe (Nantes)
La détection du ganglion sentinelle (GS) de l’aisselle est une
technique gratifiante pour le chirurgien, heureux d’éviter un
curage axillaire à sa patiente. Néanmoins, si elle est réalisée sans
rigueur, elle nuira à la malade par la perte d’information sur le
statut ganglionnaire ou par une récidive axillaire qui surviendra
bien longtemps après le geste.
Un seul essai randomisé publié à ce jour (3) conclut que la
recherche du ganglion sentinelle est une technique sans risque
pour des tumeurs T0 T1. Toutefois, on regrettera le suivi relativement court (47 mois) et la faiblesse de l’effectif (516 patientes). Il est intéressant de noter que le taux de faux négatifs
est de 8,8 %, il est supérieur au taux de 5 % espéré.
Certaines questions sont en passe d’être éclairées par les essais
randomisés en cours.
Quelle est la morbidité de la recherche du GS ? Le ganglion
sentinelle affecte-t-il la survie sans récidive ? La qualité de vie ?
Quel est le taux de récidives axillaires ?
L’essai NSABP B32 (États-Unis, 4 000 patientes T1-3, N0) pro32
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pose une randomisation entre curage et GS ± curage, selon l’histologie du ganglion.
L’essai du Groupe français d’étude du ganglion sentinelle propose une randomisation similaire et évalue aussi la morbidité
immédiate.
Faut-il compléter le curage si le ganglion sentinelle est positif ?
Dans l’essai OG-ZOO 11 de l’American College of Surgeon : la
moitié des patientes avec GS positif n’ont aucun traitement de
l’aisselle. L’essai AMAROS de l’EORTC évalue l’intérêt de
l’irradiation de l’aisselle si le GS est positif.
Peut-on rechercher un GS après chimiothérapie néoadjuvante ?
On attend les résultats de l’essai GANEA du Groupe des chirurgiens des centres anticancéreux.
Quel est le meilleur site d’injection ?
L’essai FRANSENOD teste le taux de détection des injections
périaréolaires et péritumorales.
Il n’existe donc à ce jour aucun consensus sur le ganglion sentinelle en termes d’“Evidence Based Medicine” puisque qu’aucune étude randomisée n’a répondu aux questions précédentes.
Pour autant, le Dr S. Giard rappelle les principes sur lesquels les
experts français sont d’accord.
Le curage axillaire reste la technique de référence pour obtenir
l’information sur l’atteinte ganglionnaire. Le rapport de l’ANAES
2002 insiste sur la nécessité d’un apprentissage chirurgical du GS.
On sait que la courbe d’apprentissage et le nombre de gestes pratiqués permettent d’améliorer le taux de détection jusqu’à 97 %, le
nombre de faux négatifs ne diminuant pas de façon linéaire.
L’ANAES propose une courbe d’apprentissage minimale de 20 cas
jusqu’à obtention d’un taux d’identification supérieur à 85 % et d’un
taux de faux négatifs de moins de 5 % pour un tiers de patientes N+.
Il est conseillé d’utiliser l’association d’un isotope et du bleu
patent qui améliore légèrement le taux d’identification mais limite
nettement le risque de faux négatifs (11,8 % versus 5,8 %) (4).
Le site d’injection (péritumoral ou périaréolaire) modifie peu le
taux de détection. L’injection péritumorale permet le marquage
des drainages extra-axillaires dont on ne sait actuellement quel
geste il requiert.
Il semble, sans preuve formelle, que l’identification du GS soit
plus difficile après biopsie exérèse chirurgicale, ce qui est un
argument supplémentaire en faveur du diagnostic histologique
percutané préopératoire.
On conseille de prélever tous les ganglions marqués ainsi que
les ganglions suspects au doigt et à l’œil afin de baisser le taux
de faux négatifs.
L’étude extemporanée par apposition cytologique permet de
perdre moins de matériel pour l’étude histologique définitive.
Elle nécessite aussi plus d’apprentissage.
L’étude histologique nécessite l’inclusion de tout le ganglion
dans un axe longitudinal, et la réalisation d’un plan de coupe
tous les 200 microns. On propose une étude immunohistochimique en cas de lecture HES négative.
Le curage axillaire doit être proposé à toute patiente porteuse
d’un GS positif. Aucun facteur prédictif de négativité du curage
complémentaire n’a pu être individualisé même en cas de micrométastase de moins de 2 mm (13,5 % de curages complémentaires positifs) (5).
Les indications actuelles du ganglion sentinelle sont les lésions invaLa Lettre du Sénologue - n° 25 - juillet/août/septembre 2004
sives unifocales de moins de 3 cm, N0, sans traitement préalable.
TRAITEMENTS PRÉOPÉRATOIRES : EFFICACITÉ
CARCINOLOGIQUE ET PRÉSERVATION ESTHÉTIQUE
D’après les communications du Dr M. Spielmann (Paris), et
des Prs M. Namer (Nice) et S. Uzan (Paris)
Le chirurgien sénologue doit connaître les bases scientifiques
qui étayent la pratique des traitements néoadjuvants des tumeurs
localement évoluées et dont les avantages sont multiples. Ces
traitements ont déjà prouvé qu’ils permettent une augmentation
du taux de chirurgie conservatrice. Pour l’oncologue, ils réalisent un test de chimiosensibilité in vivo dont on sait qu’elle est
un facteur pronostique important. Enfin, l’utilisation séquentielle préopératoire des anthracyclines et du docétaxel augmente
de manière significative la survie globale. Rappelons que les
facteurs prédictifs de réponse à la chimiothérapie sont le type
histologique canalaire infiltrant, l’importance de l’index de prolifération (phase S), en lien avec le grade histologique SBR et la
surexpression de HER 2.
Tableau III. Caractéristiques de trois des principaux essais de chimiothérapie néoadjuvante.
L’essai NSABP B-18 a comparé quatre cycles d’AC (doxorubicine +
cyclophosphamide) préopératoires à la même chimiothérapie postopératoire.
Le suivi actuel est de 9 ans (6) .
L’essai NSABP B-27 (7) (2 411 patientes) a comparé :
– 4 cycles d’AC préopératoires
– versus 4 cycles d’AC puis 4 cycles de docétaxel préopératoires
– versus 4 cycles AC préopératoires puis chirurgie 4 cycles de docétaxel postopératoires
L’essai de l’équipe d’Aberdeen (8) (162 patientes) a randomisé les patientes
répondeuses à 4 cycles de CVAP (cyclosphamide, doxorubicine, vincristine,
prednisolone) entre 4 autres cycles de CVAP ou 4 cycles de docétaxel
préopératoires.
Taux de chirurgie conservatrice
Le gain de conservation du sein dans le bras néoadjuvant de
l’essai NSABP B-18 est de 13 % (67,8 % versus 59,8 %). L’utilisation du docétaxel préopératoire permet d’augmenter ce taux
à 40 % (67 % versus 48 %) dans l’essai d’Aberdeen (9).
Réponse tumorale
Les réponses cliniques complètes et partielles sont sensiblement
augmentées par l’utilisation du docétaxel en préopératoire dans
l’essai d’Aberdeen (85 % versus 64 % ; p = 0,03), de même que
dans l’essai NSABP B-27 (64 % versus 40 % ; p < 0,001).
La réponse histologique complète est significativement augmentée dans les deux essais (Aberdeen 31 % versus 15 % ;
NSABP B-27 26,1 % versus 13,7 %).
L’utilisation du docétaxel en néoadjuvant a permis une réduction du taux d’envahissement axillaire dans l’essai NSABPB-27.
Cette réduction n’est pas observée dans l’essai de phase II
d’Aberdeen statistiquement moins puissant et avec un faible
effectif de patients N+. L’éventuelle perte d’information ganglionnaire suite à une chimiothérapie néoadjuvante nourrit la
La Lettre du Sénologue - n° 25 - juillet/août/septembre 2004
réflexion sur l’intérêt éventuel du prélèvement d’un ganglion
sentinelle avant tout traitement.
Survie
À ce jour, aucune amélioration de la survie n’a été mise en évidence par l’utilisation néoadjuvante des protocoles de chimiothérapie à base d’anthracyclines. Cependant, dans l’essai
d’Aberdeen, l’adjonction séquentielle du docétaxel aux anthracyclines améliore la survie globale à 5 ans (97 % versus 78 % ;
p = 0,04).
Hormonothérapie néoadjuvante
Si aucun large essai randomisé n’étaye encore la pratique de
l’hormonothérapie néoadjuvante, elle prend peu à peu sa place
chez les patientes qui sont de mauvaises candidates à la chimiothérapie première : les femmes de plus de 60 ans, porteuses d’un cancer lobulaire (moins chimiosensible) de grade
SBR 1 dont l’index mitotique et l’expression d’HER 2 sont
faibles.
Les traitements préopératoires sont l’une des méthodes thérapeutiques que le chirurgien sénologue devra appréhender dans
les années à venir. Leur bonne utilisation dépend avant tout du
respect des contre-indications que sont les tumeurs métastatiques (bilan d’extension), multifocales et multicentriques
(IRM mammaire), et non invasives (attention aux faux positifs de la cytologie). Ces traitements préopératoires permettent, dans ces conditions, de conjuguer plus souvent l’efficacité carcinologique et la préservation esthétique pour des
tumeurs de gros volume qui relevaient traditionnellement
d’une mammectomie.
MACROBIOPSIES : FIN DES CHIRURGIES DIAGNOSTIQUES
D’après les communications des Drs J.C. Hammou (Nice),
V. Vaini-Eliès (Aix-en-Provence), M. Escoute (Avignon),
B. Flipo (Nice)
Dans la prise en charge traditionnelle des cancers du sein, la chirurgie de diagnostic des lésions infracliniques gardait une place
importante en raison de la faible sensibilité des microbiopsies sur
certaines lésions. Le développement (très inégal d’une région à
l’autre) de l’utilisation des mammotomes permet de revoir la stratégie diagnostique des lésions infracliniques mais exige une prise
en charge plus rigoureuse. Le mammotome permet de réaliser une
série de biopsies autour d’une aiguille creuse (14, 16 ou 18
gauges) qui tourne sur son axe de 360° et permet l’évacuation des
prélèvements par aspiration, l’aiguille restant en place au centre
de la lésion. Une à trois rotations permettent l’évidement de la
zone et parfois la disparition de l’image. Un repère métallique est
laissé en place en fin de geste. Les biopsies sont radiographiées.
Les Drs B. Flipo, V. Vaini-Éliès, J.C. Hammou, M. Escoute ont
comparé les points de vue du chirurgien, de l’anatomopathologiste et du radiologue sur l’utilisation de ce nouvel appareil de
diagnostic.
La première difficulté soulevée par la généralisation des diagnostics préopératoires par le mammotome est l’attitude du
radiologue vis-à-vis de la patiente. Il peut, en effet, se comporter
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comme un prestataire de service externe ne révélant à la patiente
ni l’aspect de sa lésion, ni le diagnostic histologique, laissant
ainsi le soin au prescripteur (quand ce n’est pas lui) de le faire.
Cette attitude est parfois difficile devant des patientes insistantes. À l’inverse, le radiologue, dans certains réseaux, annonce
lui-même le diagnostic. Il doit alors être formé à ce type de
situation et ne pas lier le chirurgien par un discours qui devrait
par la suite être modifié au vu d’éléments dont il ne disposerait
pas. L’attitude adoptée doit être choisie avec les autres prescripteurs dans le souci d’accompagner au mieux la patiente dans la
période de stress que génère l’attente d’un diagnostic.
CLASSIFICATION DES IMAGES RADIOLOGIQUES (10)
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gramme personnalisé de soins qui sera présenté à la patiente.
C’est la gestion des lésions frontières (hyperplasie lobulaire atypique, carcinome lobulaire in situ, cicatrice radiaire, lésion fibroépithéliales proliférantes ou papillaires atypiques) qui justifie plus
encore l’avis et la relecture multidisciplinaire : le carcinome canalaire in situ est sous-évalué en hyperplasie épithéliale atypique
entre 0 et 28 % des cas selon les séries. Le risque de sous-évaluation est probablement très faible si l’image a complètement
disparu après le geste. L’association d’un carcinome lobulaire in
situ ou d’une cicatrice radiaire avec une autre lésion frontière justifie probablement une reprise chirurgicale. Dans tous les cas, la
corrélation historadiologique doit être évaluée ; la décision d’abstention chirurgicale et le programme de surveillance doivent être
transmis et motivés à la patiente par l’UCPO.
Tableau IV. Indication d’une macrobiopsie au mammotome.
Microcalcifications
1. ACR 3 (< 5 %) : microcalcifications rondes, régulières et peu nombreuses,
en amas rond (type 2 de Le Gal) si : grossesse, apparition sous THS,
antécédents personnels et familiaux, surveillance impossible ou stress.
2. ACR 4 : microcalcifications poussiéreuses (type 3 de Le Gal) ou
polymorphes (type 4 de Le Gal). Permet l’orientation soit vers un geste
chirurgical, soit vers un contrôle rapproché, soit vers un retour au dépistage.
3. ACR 5 : aspect malin des microcalcifications vermiculaires (type 5 Le
Gal) ou polymorphes nombreuses (type 4 Le Gal), foyer de
microcalcifications de topographie canalaire (triangulaire à base
périphérique). Guide le geste chirurgical.
Opacités
1. ACR 3 : aspect probablement bénin. Opacité ronde ou ovale ou
discrètement polycyclique, bien circonscrite, sans calcification ; asymétrie de
densité à limite concave ou contenant de la graisse. Permet d’apporter la
preuve de la bénignité.
2. ACR 4 : image spiculée sans centre dense, opacité non liquidienne à
contours microlobulés ou masqués, distorsion architecturale, asymétrie glandulaire à limite convexe ou évolutive. Lève l’incertitude préopératoire.
3. ACR 5 : calcifications associées à une opacité, une distorsion, ou évolutives ;
opacités à contours flous ou irréguliers ; opacités spiculées à centre dense.
Pose le diagnostic préopératoire.
Le compte-rendu anatomopathologique d’une pièce d’exérèse
au mammotome obéit à un protocole qui tient compte du morcellement. Il doit préciser le nombre de couronnes réalisées, le
nombre de carottes occupées par la lésion (et si elles appartiennent à la couronne externe), le volume évidé compte tenu du diamètre des biopsies, la présence de microcalcifications dans les
lésions et la corrélation avec la radiographie de la pièce.
L’utilisation du mammotome sous-entend la suspicion de cancer
du sein et, à ce titre, le dossier de la patiente doit être présenté dans
une réunion multidisciplinaire de cancérologie (Unité de Concertation Pluridisciplinaire en Oncologie [UCPO]). Les résultats histologiques des macrobiopsies réalisées selon les indications rappelées dans le tableau IV sont 60 % de lésions bénignes, 28 % de
carcinomes et 12 % de lésions frontières (11).
En UCPO, les 60 % de résultats bénins sont réétudiés afin de s’assurer que l’image suspecte est bien retrouvée sur les radiographies des
carottes biopsiques et que l’image a disparu ou fortement diminué
sur le contrôle mammographique. L’UCPO s’assure aussi de
l’absence de discordance entre l’aspect radiologique et le diagnostic évoqué. Un résultat bénin peut alors être jugé non contributif et
conduire à proposer une exérèse chirurgicale complémentaire.
Les résultats positifs permettent à l’UCPO de préparer le pro34
Après les séances plénières, les participants ont eu l’opportunité d’échanger
dans le cadre d’ateliers thématiques :
Atelier n° 1 : “Interface chirurgie-radiothérapie en pratique” modéré par les
Drs D. Cowen, G. Houvenaeghel et M. Resbeut
Atelier n° 2 : “Annonce du diagnostic et du projet thérapeutique à la
patiente” modéré par les Drs E. Bussières, D. Serin et Mme F. Guenard
Atelier n° 3 : “Collaboration entre l’anatomopathologiste et le chirurgien”
modéré par les Drs R. Salmon, B. Sigal-Zafrani et F. Penault-Llorca
CONCLUSION
Ces 1res rencontres de chirurgie du cancer du sein ont permis de
rappeler à tous les chirurgiens combien leur spécialité est en
mutation, que leurs efforts doivent porter non seulement sur la
maîtrise des nouvelles techniques mais aussi sur l’organisation
de la collaboration avec tous les acteurs de la prise en charge
des cancers du sein. Mais plus que tout, il a été rappelé combien
de progrès restent à accomplir dans l’annonce de la pathologie,
de son évolutivité et dans l’écoute de nos patientes.
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1. Expertise collective. Risques héréditaires du cancer du sein et de l’ovaire : quelle
prise en charge ? INSERM/FNCLCC, 1998.
2. Évaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé. Chirurgie
des lésions mammaires : prise en charge de première intention. ANAES 2002.
3. Veronesi U, Paganelli G, Viale G et al. A randomized comparison of sentinel-node
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La Lettre du Sénologue - n° 25 - juillet/août/septembre 2004
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