Décrochage et burn-out des élèves
= Peu de chercheurs s'intéressent à l'intolérance d'un établissement à ses propres élèves alors que l'absence
de bienverllance est structurelle. Pourtant, chacun devrait pouvoir bénéficrer d'une estime globale sans jamais
être l'objet d'une négligence systémique. ll n'est pas questron de céder aux desiderata des jeunes mais
de donner droit de cité à leur personne. La bienveillance scolaire est un simple choix de qualité concernant
Ia vie collective. Elle n'a pas besoin de références doctrinaires même si elle a nécessairement une teneur
insufflant de nouvelles pratiques dont la drfférence réside en la disparition de l'indtfférence. ==
dossier
E. Delorme
G. Longhi
. Bienveillance scolaire
. Burn-out
. Compétence
. Évaluation
. Oualité de vie
Rélérences
[1 ] Chaire en gestlon
de la santé et sécurlté
du travai {CGSST) dans
les organlsation de
l'Unrversité Laval. La santé
psycholog que au Iravail. . .
de la déflnition du problème
aux so utions (Fascicu e T, 2
et 3). 0uébec: CGSST; 2003.
www.santepsy.ulava .ca/
sgc/pid/323
[2] Horensteln J1\,4,
Fotinos G. La quaiité de vie
au travail dans les lycées et
collèges. Le burn-out des
enseignants, 20T T. wlvw
cafepedagogique.net/
lexpresso/Documents/
docsjoints/Enquete-
vieautrava l 09-11.pdf
'4 e Comité sur Ia santé psychologique du per-
==$ ,onnd de l'université Laval [1], au Ouébec,
'??=;æ: délinit l'épuisement professionnel ainsi : < Le
burn-out dans I'univers professionnel est un phé-
nomène difficile à cerner. On peut cependant avan-
cer qu'il se développe dans un processus qui met
en cause la personne et son environnement de tra'
vail. Lépuisement professionnel ne peut être diag-
nostiqué comme un trouble mental. On
diagnostiquera plutôt un trouble d'adaptation. >
Bu rn-out professionnel,
burn-out scolaire
En tentant d'appliquercette définition au décrochage
on pourrait écrire : < Le décrochage dans I'univers
scolaire est une conduite difficile à cerner. On peut
cependant avancer qu'il se développe dans un pro-
cessusqui meten cause la personnede l'élèveetson
e nvi ro n n em ent scol ai re. Le dég oût de I' écol e ne peut
être diagnostiqué comme un trouble mental. On
diagnostiquera plutôt une difficulté d'adaptation. >
Si comparaison n'est pas raison, poussons tout de
même le rapprochement en étudiant les symptômes
du burn-out repris par le Comité sur la santé psycho-
logique du personnel [1]. Ouiconque reçoit quoti-
diennement des élèves décrocheu rs sera frappé par
l'analogie clinique (tableau 1).
Des études à sens unique
. En 2OO9, une enquête de Georges Fotinos et
José Mario Horenstein montre que 17 7o des
enseignants sont au seuil du burn-out tandis
que 31 o/o ont envie de quitter le métier [2].
Nous ne faisons aucu n angélisme, les professeurs
en difficulté ne déplorent pas que I'institution soit
intrinsèquement hostile aux écoliers, aux collé-
giens et aux lycéens. Au contraire, le plus souvent
ils mettent en cause l'incivilité de leurs élèves et la
bienveillance excessive, voire l'impunité, dont ils
jouissent généralement du fait d'un laxisme de la
direction locale ou de principes édictés par l'admi-
nistration (notamment pour les exclusions).
. Aucune étude fiable n'a êté accomplie sur la
responsabilité d'un établissement dans le
décrcclrage des élèves. Les formes d'o rga n isations
de la vie scolaire, le type de relation entre les adultes
et les élèves, le système d'évaluation, la nature des
décisions, les propos tenus sur les élèves... engen-
drent-ils une exaspération chez certains adolescents ?
Cette exaspération ne crée-t-elle pas un burn-out
Tableau 1. Symptômes du burn-out sur les plans émotif
et intellectuel.
Sur le plan émotif Sur le plan intellectuel
Irritabilité
Clnisme
Impatience
Négativisme
Désespoir
Diminution de l'estime de soi
Sentiment d'incompétence
Culpabilité
Aversion pour 1e travail
Anxiété, susceptibilité
Diminution des capacités
àcomrnuniquer
Sentiment d'abandon
Méfiance
Colère
Agressivité
Pertes de mémoire
Distraction
Incapacités d'exécuter
des opérations simples
comme 1e calcul mental
Difficultés dejugement
Indécision
Sentimentde confusion
Dilficultés de
concentration
dossier
D é c I a r ati o n d' i nté rêts :
les auteurs déclarent
ne pas avoir de conflit
d'intérêts en relation
avec cet afticle.
Etienne Delorme,
directeur de recherche
à'0bservatoire
déonto oglque
de l'ense gnement,
Gilbert Longhi,
président de l'0bservatoire
déontologique
de I'enseignement,
Paris (750T 3)
propre aux élèves ? En la circonstance, les élèves
"insupportables" seraient alors les victimes d'une
organisation Institutionnelle contre laquelle ils réa-
gissent au point de ne plus "tenir en place'i ne plus
avoir leur place dans l'établissement...
Une facétie pour éclairer
o Faute de travaux sur le burn-out des écoliers,
des col légiens et des lycéens, nous avons opté pour
une facétie. En conclusion de leu r enquête, Georges
Fotinos et José Mario Horenstein préconisent vingt-
trois propositions pou r donner aux enseignants une
meilleure qualité de vie dans leur établissement.
llidée est donc tentante de les détourner et d'en
suggérer une application à tous les élèves.
. lmaginons ce que ce type d'adaptation icono-
claste pourrait donner (extraits) :
- inclure dans tout projet d'établissement un axe
fixant des objectifs sur la qualité de vie des élèves;
- permettre aux élèves d'évaluer le niveau d'entropie
de leur propre établ issement et les marges de progrès
que les adultes de l'établissementcomptent combler
pour un accroissement de la bienveillance scolaire ;
- donner aux délégués des élèves le pouvoir de criti-
quer et de contrôler l'état matériel des équipements
et de locaux et notamment de vérifier que les adultes
n'a méliorent pas leu rs cond itions de trava il plus vite
que de celles des élèves;
- attribuer aux élèves la possibilité d'intervenir
dans la communication interne ou externe de
l'établissement;
-aménager des espaces de repos, des lieux detravail
personnel, des espaces de détente et de loisirs;
- interdire les journées de plus de six heures de
cours (ou de trous). Ne jamais faire venir les élèves
dans l'établissement pou r une seule heure de travail
(minimum 2 h 30);
- permettre aux élèves qui le souhaitent sur le mode
d'une validation des acquis de l'expérience (VAE)
de changer d'orientation, de filière, de voie et d'op-
tion, sans restriction, sans répression, sans redou-
blement. dans l'intérêt exclusif du demandeur
même s'il est mineur;
- former les élèves pour un dépassement de leur
stress scolaire. Faciliter l'assurance des élèves,
développer leurs compétences personnelles,
Décrochage et burn-out des élèves
affirmer l'estime de soi et la confiance ; épanouir
leu rs capacités psychosociales et relationnelles ;
- apporter tout type d'aide et d'accompagnement
aux élèves qui en ont besoin, sans tentative de
réorientation ou de réaffectation ;
- élargir l'évaluation des lycées avec un indicateur
intégrant la notion de qualité de vie des élèves;
-formaliser les protections dues aux élèves en cas
de défaillances d'un établissement en ce domaine.
Changer de point de vue
. La bienveillance scolaire n'est pas une posture.
Elle est bien plus u n état d'esprit des adultes et doit être
plussoucieuse desa substance que de son apparence.
C'est pourquoi elle doit moins rechercher des pistes
déontologiques et modifier le re$ard que les profes-
sionnels du monde scolaire portênt sLrr les élèves.
o Certaines pistes pourraignt être envisagées :
- accorder une considération égale aux élèves quels
que soient leursexe, leurâge, leurorigine, leur milieu,
leurs comportements et leurs per{ormances;
- faire évoluer chaque élève jusqu'à l'apogée de ses
capacités, si besoin, en changeant de méthodes et
d'organisation;
- résorber les effets des dysfonctionnements en modi-
fiant la marche de l'établissement plutôtqued'accroî-
tre la coercition auprès des élèves;
-favoriser pour chaque élève l'activité, l'expérimen-
tation, les essais et le tâtonnement ;
-éviterde prendre les désirs des adultes pour la réalité
des élèves. Majorer le statut de la parole des élèves ;
-s'imposer un principe de précaution dans l'interpré-
tation des conduites d'un élève. S'abstenir de porter
un jugement déf initif. Mettre en exergue ses aptitudes.
Éviter de stigmatiser ses lacunes ;
-acceptertoutes ses questions et s'empêcher de neu-
traliser la curiosité des élèves en usant de discours
réducteu rs ou d'expédients ;
- différencier les actions répondant aux besoins des
élèves de celles relevant de commandes
institutionnelles ;
- util iserdes pédagogies constituant un avantage pour
les élèves. Éviter de perpétuer une tradition instituée
sans s'assu rer de son intérêt pou r les élèves ;
-générerdans l'établissement une quiétude parmi les
élèves quant à leu r vie actuel le et à leur avenir. ;::
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !