La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 3 - mars 2010 | 167
plus courte chez les
patients traités par les
anticorps antirécep-
teurs de l’EGF (EGFR)
pour un cancer du côlon métastatique. La prescrip-
tion des anticorps anti-EGFR (cétuximab et pani-
tumumab) est désormais restreinte aux patients
présentant une tumeur avec le gène KRAS sauvage.
KRAS n’est pourtant pas un biomarqueur parfait,
car seulement la moitié des patients porteurs d’une
tumeur KRAS sauvage bénéfi cient du traitement.
Cette étude propose de s’intéresser aux autres
éventuels biomarqueurs de l’effi cacité des anti-
EGFR que sont les gènes de l’EGFR, PTEN et BRAF,
connus pour être altérés dans le cancer du côlon.
Les tumeurs de 173 patients atteints d’un cancer
du côlon ont été collectées de façon rétrospective,
dans 6 hôpitaux. La majorité des patients ont reçu
du cétuximab en association avec de l’irinotécan.
Les objectifs de l’étude sont la réponse basée sur
les critères RECIST (Response Evaluation Criteria in
Solid Tumors), la survie sans progression (SSP) et
la survie globale (SG). Les 7 plus fréquentes muta-
tions des codons 12 et 13 du gène KRAS ainsi que
la mutation V600E du gène BRAF ont été étudiées
par la méthode de discrimination allélique utilisant
des sondes TaQman®. Une CISH (hybridisation chro-
mogénique in situ) a été réalisée sur l’ensemble
des tumeurs pour rechercher la présence d’une
amplifi cation du gène de l’EGFR, la positivité de
l’amplifi cation étant confi rmée par la méthode
de FISH (hybridisation in situ par fl uorescence).
L’expression de PTEN était déterminée par immu-
nohistochimie (IHC).
31,3 % des patients présentaient une mutation
activatrice du gène KRAS. Comme attendu, la
présence de la mutation était fortement prédic-
tive de l’absence de réponse (p < 0,001), avec une
SSP plus courte (p < 0,001) et une SG plus courte
(p < 0,001). Trois pour cent des tumeurs présen-
taient une mutation du gène BRAF, et étaient aussi
KRAS sauvage. Chez les patients KRAS sauvage,
la mutation BRAF était associée à l’absence de
réponse, mais pas de façon signifi cative (p = 0,063).
Par contre, elle était très signifi cativement asso-
ciée à une SSP plus courte (p < 0,001) et à une
SG également plus courte (p < 0,001). Une poly-
somie ou amplifi cation du gène de l’EGFR a été
retrouvée chez 22 des 138 patients dont la tumeur
a été analysée. Dans le sous-groupe des patients
KRAS sauvage, le phénotype FISH+ était associé
à un taux de réponse plus élevé que lorsque le
nombre de copies
de l’EGFR était
normal (71 %
versus 37 %,
p = 0,015). Si les SSP et SG associées à ce phéno-
type tendaient à être plus courtes, la différence
n’était pas signifi cative. Concernant l’expression
de PTEN, dans le sous-groupe des patients KRAS
sauvage, la perte de PTEN était associée à une SG
plus courte (p = 0,013) mais pas à la réponse ni à la
SSP. En analyse multivariée, EGFR et BRAF étaient
prédictifs de la réponse de façon signifi cative.
PTEN et BRAF étaient conjointement prédictifs
de la SG.
Cette étude met en évidence 3 facteurs autres que
les mutations du gène KRAS associés à la réponse
et/ou à la survie des patients traités par anti-EGFR
pour un cancer du côlon métastatique : la mutation
BRAF, l’amplifi cation de l’EGFR et l’expression de
PTEN. Ainsi, plusieurs éléments de la voie de signa-
lisation de l’EGFR semblent être impliqués dans la
réponse aux anti-EGFR. Ces données doivent être
confi rmées, notamment par une étude prospec-
tive. La connaissance de la biologie moléculaire des
cancers du côlon pourra permettre, dans les années
à venir, de disséquer les mécanismes de réponse et
de résistance aux traitements, et ainsi de proposer
un traitement personnalisé aux patients.
C. Massard, université Paris XI,
SITEP (Service des innovations
thérapeutiques précoces) ;
département de médecine,
Institut Gustave-Roussy, Villejuif ;
Royal Marsden Hospital,
Institute of Cancer Research, Sutton,
Surrey, Royaume-Uni
Nouvelle thérapie
antiangiogénique
Lockhart AC, Rothenberg ML, Dupont J, Cooper W, Chevalier P,
Sternas L, Buzenet G, Koehler E, Sosman JA, Schwartz LH,
Gultekin DH, Koutcher JA, Donnelly EF, Andal R, Dancy I, Spriggs DR,
Tew WP. Phase I study of intravenous vascular endothelial growth
factor trap, aflibercept, in patients with advanced solid tumors.
J Clin Oncol 2010;28(2):207-14.
L’
angiogenèse est un mécanisme majeur
impliqué dans la carcinogenèse. La voie du
VEGF a un rôle capital, et l’action en particulier du
VEGF-A est médiée par les récepteurs VEGFR-2 et
VEGFR-1 exprimés au niveau des cellules endothé-
liales des vaisseaux ou au niveau des cellules tumo-
rales. Plusieurs modèles expérimentaux ont montré
que l’activation de la voie VEGF-VEGFR induit une
prolifération des vaisseaux, une perméabilité et
une migration. De plus, depuis le concept avancé
par Judah Folkman, plusieurs études précliniques
et de grandes études de phase III ont démontré la
validité du concept d’inhibition de l’angiogenèse,
et en particulier de celui d’inhibition de la voie
VEGF-VEGFR, dans les tumeurs humaines. À ce jour,
plusieurs agents sont enregistrés dans des cancers
métastatiques comme ceux du poumon, du sein, du
côlon, du rein, du foie : les inhibiteurs de tyrosine
kinase multicibles ciblant en particulier le VEGFR
(sunitinib, sorafénib), et un anticorps monoclonal
ciblant le VEGF (bévacizumab).
Cependant, même si ces thérapies sont effi caces,
la plupart des patients développent des résistances
à ces traitements et fi nissent par progresser. De
nouvelles approches sont nécessaires. L’étude de
phase I du VEGF Trap développée par Regeneron
Pharmaceuticals et Sanofi -aventis, a été publiée
en début d’année dans le
Journal of Clinical Onco-
logy
. Le VEGF Trap est une protéine recombinante
constituée de domaines du VEGFR-1 et du VEGFR-2
fusionnés avec le fragment Fc d’une immunoglo-
buline. Le VEGF Trap est donc un antagoniste
circulant du VEGF, qui bloque le VEGF et inhibe
son interaction avec son récepteur.
La phase I a inclus 47 patients avec des tumeurs
solides avancées, traités avec des doses croissantes
de 0,3 à 7 mg/kg par voie intraveineuse toutes les
2 semaines. Les toxicités limitantes ont été une
ulcération rectale et une protéinurie à la dose
de 7 mg/ kg. Ainsi, la dose recommandée pour ce
produit est de 4 mg/kg toutes les 2 semaines. Les
autres toxicités rapportées sont celles qu’ordinai-
rement comportent les thérapies antiangio-
géniques : dysphonie (46,8 %), hypertension
artérielle (38,3 %) et protéinurie (10,6 %).
De plus, 3 réponses partielles selon les critères
RECIST ont été observées chez des patients
(1 patient avec un thymome et 2 patientes avec
un cancer de l’ovaire). En outre, 2 patients porteurs
d’un cancer du rein ont présenté une stabilité
tumorale prolongée de plus de un an.
Dans cette étude, l’évaluation de la réponse tumo-
rale était faite par un scanner standard, mais aussi
par une imagerie fonctionnelle de type DCE-IRM.
Cette IRM fonctionnelle est utilisée pour mettre en
évidence des effets sur la perméabilité vasculaire
et la perfusion tumorale ; elle a montré une dimi-
nution de la vascularisation tumorale 24 heures
La détermination du statut
KRAS n’est que le début
du démembrement
moléculaire
du cancer du côlon