JFR 2010 - L'imagerie de la maladie d'Alzheimer en pratique clinique Mis à jour le 05/07/2011 par SFR C Delmaire, Service de Neuroradiologie. CHRU de Lille Article issu du quotidien des JFR 210 - Samedi 23 Octobre L’imagerie cérébrale fait partie intégrante de l’exploration d’une démence. Elle recherche des causes éventuellement curables, comme les tumeurs, des signes positifs de démence neurodégénératives, comme une atrophie de localisation évocatrice, ou des lésions vasculaires. L’imagerie cérébrale est donc systématique pour toute démence d’installation récente (http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_668822/alzheimer-s-disease-and-relatedconditions-diagnosis-and-treatment). Récemment, un protocole fondé sur les recommandations de la Haute Autorité de la Santé (HAS) et sur la pratique de nombreux centres d’imagerie français, a été proposé par la Société Française de Neuroradiologie. Cet examen doit permettre de dépister l’ensemble des causes de démences en un temps raisonnable. Contexte clinique Selon la définition du DSM IV, la démence se définit par une atteinte des fonctions intellectuelles et cognitives suffisamment sévère pour entraîner une perte d’autonomie dans les gestes de la vie quotidienne ou dans les interactions sociales, évoluant depuis au moins six mois. Les démences dégénératives représentent la première cause de démence du sujet âgé. La maladie d’Alzheimer est la plus fréquente des démences en général, et des démences neurodégénératives après 65 ans (60 %). Un diagnostic précoce permet d’améliorer la prise en charge des patients au sein d’une filière adaptée et de débuter tôt un traitement par inhibiteurs de l’acétylcholinestérase, dont l’effet bénéfique est d’autant plus marqué qu’il a été initié précocement. De nombreux travaux ont porté sur la phase pré-démentielle de la maladie d’Alzheimer. La définition d’une entité clinique nommée mild cognitive impairment (MCI, ou « déclin cognitif léger ») vise à identifier un état intermédiaire entre le vieillissement physiologique et la démence, afin de cibler les patients à fort risque de développer une démence, dans le but d’instaurer précocement un traitement. Le MCI est un syndrome défini par un déclin cognitif plus important que celui que l’on s’attend à trouver à un âge et niveau d’éducation donnés, mais qui n’a pas de retentissement sur les activités de la vie quotidienne. Les patients ne sont donc pas déments. Cependant, le MCI représente un concept clinique hétérogène, au sein duquel se situe la phase prodromale d’une maladie d’Alzheimer et pour lequel le taux annuel de conversion vers la démence est estimé entre 12 et 15 %. Le trouble de mémoire présenté par les patients MCI amnésiques, qui évoluent vers une maladie d’Alzheimer a été récemment caractérisé grâce à des tests mnésiques spécifiques (rappel libre/rappel indicé 16 items ou test de Grober et Buschke). Sur la base de ces tests, des critères de maladie d’Alzheimer prodromale ont été proposés qui reposent sur un critère principal (l’atteinte précoce et importante de la mémoire épisodique) et des critères additionnels (atrophie du lobe temporal médial, taux de peptide Aβ1-42 bas et de protéine Tau totale ou phosphorylée élevés à la ponction lombaire, baisse du métabolisme temporo-pariétal). L’association aux lésions vasculaires Les démences vasculaires (DV) représentent la deuxième cause de démence, toutes causes confondues (8 à 15 %). Elles sont associées à une maladie cérébro-vasculaire. On peut observer des accidents ischémiques corticaux ou sous-corticaux, des infarctus stratégiques, des lésions de leucopathie vasculaire par hypoperfusion chronique, avec sténose des petites artères et des lésions hémorragiques. Les critères diagnostics du NINDS-AIREN (le National Institute of Neurological Institute of Neurological Disorders and Stroke, et l’Association Internationale pour la Recherche et l’Enseignement en Neurosciences) associent une démence avérée, l’existence d’une affection cérébrovasculaire clinique et radiologique et une relation temporelle entre démence et lésion cérébrale. L’atrophie du lobe temporal médian a été souvent décrite dans la démence vasculaire, cependant inférieure à celle attendue dans une maladie d’Alzheimer. Toutefois, son existence dans une démence vasculaire peut faire suspecter une intrication entre la pathologie vasculaire et une cause neurodégénérative responsable des troubles cognitifs. À l’inverse, les anomalies vasculaires peuvent se rencontrer dans la maladie d’Alzheimer (20 à 30 %), d’autant qu’une grande proportion de patients présentant une démence neurodégénérative associent une pathologie vasculaire concomitante. En cas de doute entre une démence vasculaire ou dégénérative, le clinicien pourra s’aider des examens paracliniques, en particulier de la ponction lombaire. Objectifs de l’examen d’imagerie IRM Le clinicien référent qui va demander une IRM pour une suspicion de début de démence peut être différent d’un centre à l’autre. Il peut s’agir d’un neurologue ou d’un gériatre spécialisé dans l’étude des démences, d’un neurologue ou d’un médecin généraliste. La précision de l’étude clinique et neuropsychologique du patient peut donc être différente mais il est recommandé de toujours effectuer le même protocole standardisé qui suit les recommandations de la HAS. Le but de l’imagerie est multiple : 1) éliminer une étiologie neurochirurgicale, 2) montrer des lésions vasculaires, 3) contribuer au diagnostic positif des démences neurodégénératives, et en particulier à celui de la maladie d’Alzheimer grâce à des coupes coronales permettant de visualiser l’hippocampe. Le protocole IRM recommandé par la SFR et la SFNR va permettre de répondre aux objectifs fixés et il est conforme aux recommandations de la HAS. Il comporte les séquences suivantes : • La séquence volumique tridimensionnelle pondérée en T1 va permettre de rechercher et de localiser une atrophie cérébrale. En raison de la très nette prépondérance épidémiologique de la maladie d’Alzheimer, des reconstructions dans le plan coronal perpendiculaire au grand axe des hippocampes sont indispensables. L’acquisition volumique présente de nombreux avantages qui la font préférer aux séquences 2D coronales. Elle permet la correction d’une éventuelle asymétrie de positionnement permettant au mieux d’apprécier et de quantifier l’importance de l’atrophie hippocampique. Les reconstructions sagittales vont faciliter l’étude du gradient antéropostérieur de l’atrophie dans le cadre d’une démence fronto-temporale ou d’une atrophie corticale postérieure. Elle permet une volumétrie de l’hippocampe (manuelle ou à l’aide d’un logiciel spécialisé). Enfin, le volume T1 apparaît supérieur pour la détection des lacunes, en particulier au niveau des noyaux gris centraux. La sauvegarde sur un support informatisé permettra d’évaluer l’évolution de l’atrophie sur des coupes identiques et d’améliorer la qualité de la comparaison, principalement visuelle, des modifications (Fig. 1). • La séquence FLAIR dans le plan axial évalue la présence d’anomalie de signal de la substance blanche et/ou de lésions ischémiques. • La séquence pondérée en écho de gradient T2 (T2*) axiale est réalisée à la recherche de microsaignements cérébraux (microbleeds). Ils sont des marqueurs de la sévérité de la microangiopathie et sont plus fréquents chez les sujets hypertendus. Les micro-saignements cérébraux pourraient être un marqueur péjoratif de la pathologie vasculaire, mais leurs valeurs diagnostique et pronostique restent controversées. L’association entre la présence de micro-saignements et le déclin cognitif a été démontrée chez le sujet sans et avec pathologie neurologique. La présence de micro-saignements n’élimine pas le diagnostic de maladie d’Alzheimer, mais peut également faire évoquer une angiopathie amyloïde. • La séquence coronale pondérée T2 en coupes fines perpendiculaires au plan des hippocampes peut être utilisée. Elle permet de rechercher des anomalies de signal au niveau du lobe temporal médian faisant suspecter une origine vasculaire ou infectieuse et non dégénérative des troubles cognitifs. • La séquence de diffusion axiale peut être réalisée dans le cadre d’un bilan ou d’un suivi d’une démence de type vasculaire. Elle est également très utile pour l’exploration de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. L’injection de produit de contraste n’est pas systématique et sera réservée aux cas pour lesquels elle présente une utilité, comme la sclérose en plaques ou les tumeurs. Pourquoi et comment mesurer l’atrophie hippocampique en routine clinique ? Une atrophie temporale médiale est observée de façon marquée et précoce dans la maladie d’Alzheimer. Cette atrophie présente une valeur diagnostique et également pronostique chez les patients qui présentent un trouble de mémoire. L’appréciation de la sévérité de l’atteinte temporale médiane pourra se faire visuellement. On pourra s’aider d’échelles comme l’échelle de Scheltens. Cette échelle repose sur trois items cotés sur une coupe coronale : la taille de l’hippocampe, l’élargissement de la corne temporale ventriculaire et l’élargissement de la fissure choroïdienne (Tableau 1, Fig. 2). Conclusion L’imagerie IRM contribue au diagnostic positif des démences neurodégénératives, et en particulier à celui de la maladie d’Alzheimer. L’analyse morphologique IRM des structures encéphaliques permet de mettre en évidence des modifications visibles sous forme d’une atrophie focale ou d’anomalies de signal spécifiques de certaines démences dégénératives. L’IRM participe également aux efforts d’identification des patients ayant un risque élevé de développer une maladie d’Alzheimer. La standardisation de l’examen IRM facilitera l’harmonisation des procédures en France, ainsi que la lecture des images par les cliniciens, radiologues ou non. Légendes Fig. 1– Patient de 67 ans, consultation en 1997 pour un trouble de la mémoire. Aggravation des troubles en 2001. L’évolution clinique et radiologique de l’atrophie temporale médiane sur l’IRM réalisée en 2001 fait suspecter une évolution vers une démence neurodégénérative (MA). Fig 2 – Reconstructions coronales T1 illustrant les différents grades de l ’échelle de Scheltens estimés au niveau du corps de l ’hippocampe. Le grade peut être asymétrique entre les hippocampes droit et gauche. Tableau 1 – L’échelle tient compte de la largeur de la fissure choroïdienne, de la dilatation de la corne temporale ventriculaire et de la hauteur de l’hippocampe.