La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 5 - septembre-octobre 2010 | 167
Résumé
Les antidépresseurs sont le traitement classique des troubles dépressifs et anxieux. En oncologie, outre
ces indications princeps, ils peuvent avoir un intérêt plus large. Ils ont ainsi une action antalgique validée
sur les douleurs neuropathiques, mais aussi un intérêt dans la réduction des bouffées de chaleur induites
par l’hormonothérapie.
Leurs indications, leurs modalités de prescriptions, ainsi que certaines précautions d’emploi propres à
l’oncologie sont donc à connaître afin d’optimiser leurs utilisations dans une pratique de soins de support.
Mots-clés
Dépression
Antidépresseurs
Cancer
Bouffées de chaleur
Douleurs
neuropathiques
Highlights
Antidepressants are the
conventional treatment of
depressive and anxiety disor-
ders. In oncology, in addition to
these indications princeps, they
may have wider interest. They
have thus validated analgesic
effect on neuropathic pain, but
also an interest in reducing hot
flashes caused by hormone
therapy.Their indications,
mode of prescriptions and
certain precautions specific to
oncology are to know in order
to optimize their use in practice
of supportive care.
Keywords
Depression
Antidepressants
Cancer
Hot flashes
Neuropatic pain
méthodologiques : hétérogénéité des populations,
critères diagnostiques de la dépression, difficultés
du suivi au long cours, etc.
Troubles anxieux
Les antidépresseurs possèdent des propriétés anxio-
lytiques indépendantes de leur action antidépressive.
Leur efficacité est d’ailleurs plus rapide sur la compo-
sante anxieuse que sur la composante dépressive. Ils
sont un traitement au long cours des troubles anxieux
(à l’inverse des anxiolytiques), voire des troubles de
l’adaptation avec anxiété. Dans cette indication,
l’emploi en première intention des anti dépresseurs
de nouvelle génération s’est généralisé.
Douleurs neuropathiques
Une action antalgique sur les douleurs neuro-
pathiques, indépendante des propriétés antidépres-
sives, est reconnue pour certains antidépresseurs.
Cette caractéristique est importante à connaître en
raison de la fréquence des phénomènes douloureux au
cours de la maladie cancéreuse. Les antidépresseurs
tricycliques (clomipramine, amitriptyline, etc.) et,
plus récemment, les IRSNa (venlafaxine, duloxétine)
ont démontré une efficacité dans les douleurs neuro-
pathiques ou mixtes souvent retrouvées au cours de la
maladie cancéreuse. Ils sont, avec les antiépileptiques,
les traitements de première intention dans le cadre
de douleurs neuropathiques (5).
Troubles du sommeil
Il peut s’agir d’une action rapide, corrélée à l’action
anti-histaminique de certains antidépresseurs ou
secondaire à l’amélioration des anomalies du
sommeil liées à la maladie dépressive. Ces propriétés
sont susceptibles, pour certains patients, d’éviter la
coprescription d’un hypnotique en prise vespérale.
Parmi les antidépresseurs les plus sédatifs, on
retrouve classiquement les tricycliques (amitrip-
tyline, clomipramine), mais aussi des médicaments
comme la miansérine ou la mirtazapine.
Une action psychostimulante
Une action psychotonique potentielle est décrite
pour certains antidépresseurs tels que la fluoxétine,
la viloxazine, l’imipramine ou la venlafaxine.
Addictions
Le tabagisme et l’alcoolisme sont des comporte-
ments fortement corrélés à certains cancers. Les
antidépresseurs peuvent alors se révéler utiles dans
les circonstances suivantes :
➤
présence d’un trouble anxieux et/ou dépressif
préexistant et favorisant l’addiction tabagique ou
alcoolique ;
➤apparition d’un état dépressif et/ou anxieux au
décours du sevrage, favorisant la rechute.
Les ISRS, par leur action sur la sérotonine, dite
5-hydroxytryptamine (5-HT), pourraient réduire
l’appétence alcoolique chez les patients pour
lesquels l’alcoolisme est sous-tendu par l’impulsivité.
Bouffées de chaleur
Certains antidépresseurs parmi les ISRS et les IRSNa
ont montré un effet dans la réduction des bouffées
de chaleur (6). Le mécanisme général d’action des
ISRS dans cette indication résiderait dans leur action
sérotoni nergique sur les centres de la thermorégu-
lation ; ce mécanisme demande cependant à être
encore précisé. Un autre, plus problématique, a été
évoqué pour la réduction des bouffées de chaleur
observées chez certaines patientes sous tamoxifène.
L’action inhibitrice de certains ISRS et IRSNa sur
le cytochrome P450 et son isoenzyme CYP2D6
entraînerait la diminution de la transformation du
tamoxifène en son métabolite actif, et, de ce fait, une
baisse d’efficacité de celui-ci – et donc une baisse des
bouffées de chaleur. Ce mécanisme, qui serait à la base
de la contre-indication de l’emploi de certains ISRS et
IRSNa chez les patientes sous tamoxifène, sera abordé
dans le paragraphe “ISRS et cytochrome P450” (p. 169).
L’efficacité de certains ISRS et IRSNa est établie
quelle que soit l’étiologie des bouffées de chaleur
(présence ou absence d’hormonothérapie) [7, 8],