D O U L E U R L a douleur au sommet : première réunion commune SFD-SFR L es rhumatologues s’engagent pleinement dans la lutte contre la douleur. Ainsi, à l’occasion des 3es Journées nationales de la Société Française de Rhumatologie, qui se sont tenues le 23 mai dernier, à Toulouse, une première réunion commune entre les sociétés françaises de la douleur (SFD) et de rhumatologie (SFR) a permis de faire le point sur les avancées fondamentales, cliniques et thérapeutiques de la prise en charge de la douleur en rhumatologie. La morphine en rhumatologie : du fondamental à la pratique (S. Perrot, Paris) La morphine est l’antalgique de référence, essentiellement utilisé dans les douleurs cancéreuses, mais qui demanderait à être plus largement développé dans le domaine des douleurs rhumatologiques non cancéreuses. Les études fondamentales ont montré que les morphiniques étaient efficaces dans les modèles animaux de douleur articulaire, que ce soit par voie systémique ou locale. En outre, ces études montrent que l’efficacité des morphiniques est renforcée lors d’une inflammation. En revanche, peu d’études cliniques ont paru sur l’utilisation systémique des morphiniques dans les atteintes ostéoarticulaires. Les rares études publiées sont en faveur d’une certaine efficacité de la morphine systémique, en particulier dans les lombalgies, mais il n’existe pas de données suffisantes concernant l’arthrose ou les arthrites des membres. Par voie intra-articulaire, la morphine a fait l’objet d’un grand nombre d’études sur les douleurs aiguës postarthroscopie. La morphine intra-articulaire semble montrer une légère action antalgique, d’environ 24 heures, mais peu différente des anesthésiques locaux. Dans tous les cas, la morphine utilisée dans les atteintes ostéoarticulaires n’a pas induit de phénomène de dépendance physique ou d’accoutumance. En conclusion, si les données cliniques sont en faveur d’un intérêt de la morphine au long cours dans les atteintes ostéoarticulaires chro- 24 niques, des études méthodologiquement valables sont nécessaires pour mieux préciser les indications et les inconvénients de telles thérapeutiques. Inflammation et douleur : quelles cibles thérapeutiques communes ? (B. Bannwarth, Bordeaux) Deux grandes catégories de médicaments sont susceptibles d’exercer une action symptomatique immédiate sur les douleurs articulaires : les anti-inflammatoires et les antalgiques. En rhumatologie, la douleur est généralement liée à un phénomène d’excès de nociception, qu’il y ait ou non une réaction inflammatoire. Dans l’arthrose, le facteur mécanique est l’élément déclenchant principal par le biais de l’hyperpression osseuse et périostée et de la distension capsulo-ligamentaire lors de la mobilisation. En revanche, lors des processus inflammatoires, les influx douloureux sont principalement générés par les nocicepteurs synoviaux et capsuloligamentaires. Ces deux mécanismes sont assez souvent étroitement intriqués. Compte tenu de la physiopathologie des deux mécanismes principaux de la douleur en rhumatologie, il paraît nécessaire de mieux préciser les actions spécifiquement anti-inflammatoires et antalgiques des différentes thérapeutiques utilisées en rhumatologie. Les anti-inflammatoires stéroïdiens et non stéroïdiens (AINS) sont efficaces à la fois sur l’inflammation et sur la douleur. La sensibilité aux AINS est même un critère diagnostique de spondylarthropathie. Les AINS, contrairement aux corticoïdes, ont des propriétés antalgiques indépendantes de leur action anti-inflammatoire, en particulier dans les céphalées, les dysménorrhées, les douleurs viscérales et urologiques. Certains AINS sont commercialisés à faibles doses, comme l’ibuprofène, le fénoprofène, ou le kétoprofène à des doses antalgiques. Les antalgiques sont par contre généralement dénués d’action anti-inflammatoire : les morphiniques n’ont pas d’action anti-inflammatoire prouvée, que ce soit par voie locale ou générale ; le paracétamol, dont l’action est encore mal comprise, aurait une action antiinflammatoire à de très fortes doses, non utilisables en thérapeutique. En fait, de nombreuses questions liées aux intrications entre douleur et inflammation restent posées. Des études sont nécessaires pour préciser la part respective des anti-inflammatoires et des antalgiques, y compris des morphiniques, en particulier dans les traitements au long cours de l’arthrose comme des rhumatismes inflammatoires chroniques. Approche comportementale du lombalgique chronique (A. Ozguler, M. Morel-Fatio, F. Boureau, Paris) La douleur chronique résulte de l’interaction de facteurs variés, somatiques et comportementaux. Certains auteurs ont formulé l’hypothèse que la douleur chronique pouvait résulter pour une part d’un comportement appris, conditionné, pouvant perdurer en l’absence de stimulus douloureux, en particulier dans les lombalgies chroniques. La thérapie comportementale associe un reconditionnement physique et un renforcement des motivations et des capacités adaptatives du malade face à la douleur. L’apprentissage de la relaxation accroît les capacités de contrôle face La Lettre du Rhumatologue - n° 247 - décembre 1998 D O U L à une douleur et au stress, la réactivation physique progressive vise à interrompre le cercle vicieux activité-douleur tout en respectant la règle de la non-douleur. Les résultats attendus sont souvent une augmentation des performances. Ces notions se retrouvent dans de nombreux programmes de reconditionnement fonctionnel, avec une référence plus ou moins explicite aux bases comportementales, et peuvent être une approche utile chez les lombalgiques chroniques, en particulier au cours de maladies professionnelles. Molécules antalgiques prescrites hors autorisation de mise sur le marché (R.Trèves, Limoges) La délivrance d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) est fondée sur une évaluation du rapport efficacité-tolérance du médicament. L’utilisation hors AMM n’est pas obligatoirement prise en charge par les caisses d’assurance maladie. Dans le traitement de la douleur, qui désigne un symptôme et non une maladie, l’AMM n’est pas aussi précise que pour les maladies. Les coanalgésiques sont un ensemble de molécules très différentes ayant souvent des indications d’AMM très précises, qui peuvent être détournées de leur indications initiales à des fins analgésiques. On distingue ainsi les psychotropes, les antidépresseurs, les neuroleptiques, les antiépileptiques, les tranquillisants, E U R les bêtabloquants, le lithium, les calcitonines, les bisphosphonates, les vitamines, la corticothérapie. Parmi les antidépresseurs, seuls l’amitriptyline et la clomipramine ont l’AMM pour la prise en charge de douleurs chroniques. En fait, comme le souligne l’auteur, l’objectif de soulager, surtout si la littérature l’évoque, permet certaines audaces, largement reprises par de nombreux rhumatologues. Nouvelles perspectives dans le traitement de la douleur (D. Bouhassira, Paris) Les recherches dans le domaine de la douleur sont très actives et permettent d’espérer, parfois dans un avenir proche, l’apparition de nouvelles spécialités agissant spécifiquement sur certaines douleurs et permettant d’augmenter l’éventail des possiblités encore réduites. Nouvelles molécules agissant à la périphérie – Les antagonistes spécifiques des récepteurs de la bradykinine (récepteurs B2) sont très puissants chez l’animal. – Les analogues de la capsaïcine : la capsaïcine est un alcaloïde extrait du paprika, et se comporte comme une neurotoxine qui agit sélectivement sur les nocicepteurs. Ce traitement est limité par la présence de sensations douloureuses initiales. Plusieurs analogues de la capsaïcine sont en voie de développement et seraient essentiellement utiles dans le traitement des douleurs neurologiques. Molécules agissant au niveau central – De nombreux espoirs sont fondés sur les antagonistes des récepteurs NMDA. La stimulation des récepteurs NMDA spinaux serait favorisée par la libération d’acides aminés excitateurs stimulés par les afférences primaires dans des conditions pathologiques. Chez l’homme, la kétamine, antagoniste des NMDA, s’est révélée efficace dans le traitement de douleurs neuropathiques. Les recherches actuelles s’orientent vers des molécules sélectives, dénuées d’effets secondaires centraux, en particulier psychodysleptiques. De nombreux inhibiteurs de neuromédiateurs tels que la substance P ou la cholécystokinine sont des voies de recherche prometteuses, comme les agonistes A et B de l’adénosine ou les agonistes sélectifs des récepteurs alphaadrénergiques. Cette réunion a été l’objet d’une discussion animée, traduisant l’intérêt des rhumatologues pour le champ de la douleur. Elle devrait être suivie par d’autres réunions et colloques, permettant d’envisager des recherches spécifiques et poussées dans le domaine de la douleur en rhumatologie. Dr S. Perrot, service de rhumatologie A et centre de la douleur, Hôpital Cochin, Paris DOULEUR ET FMC : DEUX PRIORITÉS HISTORIQUES DES LABORATOIRES UPSA Avec un engagement historique dans la prise en charge de la douleur et la Recherche dans le domaine de l’antalgie, les Laboratoires UPSA préfiguraient, avant l’heure, le thème de la douleur. Ce thème est aujourd’hui retenu comme prioritaire dans le cadre de la FMC et comme campagne d’intérêt général par les pouvoirs publics, avec la mise en place d’un plan contre la douleur sur trois ans. Avec l’aspirine, le paracétamol et la morphine, les Laboratoires UPSA proposent une gamme complète, avec des formes galéniques adaptées, de produits dédiés à la prise en charge de la douleur, quels que soient son intensité et l’âge des patients qui souffrent. À cet égard, les Laboratoires UPSA ont acquis dans ce domaine une véritable expertise, dont ils ont, depuis toujours, voulu faire bénéficier l’ensemble des professionnels de santé. 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