P D our un traitement de fond de la douleur en rhumatologie

a douleur est devenue une priorité dans la prise en charge des
pathologies ostéo-articulaires et les rhumatologues se sont
largement investis dans ce domaine qu’ils avaient longtemps
délaissé. Les douleurs sévères sont maintenant mieux prises en charge et
le recours aux antalgiques de palier 3 n’est plus exceptionnel. L’éventail
thérapeutique est assez développé pour prendre en charge la plupart des
douleurs, qu’elles soient arthrosiques, post-traumatiques ou inflamma-
toires, mais des efforts restent à faire dans la prescription pour amélio-
rer la prise en charge des douleurs quotidiennes. Si l’on estime normal
de prendre un traitement antihypertenseur ou hypocholestérolémiant au
long cours, alors que ces anomalies ne sont pas symptomatiques et qu’il
s’agit de traitements préventifs, il faut encore convaincre les praticiens
mais surtout les patients de prendre en charge les douleurs quotidiennes.
Ceci paraît indispensable pour améliorer la qualité de vie des patients,
mais aussi pour prévenir l’évolution vers des tableaux douloureux chro-
niques intriqués, plus difficiles à prendre en charge.
DOULEUR
P
our un traitement de fond de la douleur en rhumatolo
gie
régulièrement, leurs prises ne sont pas
adaptées aux horaires de la douleur maxi-
male. En rhumatologie où la douleur est
souvent indissociable du handicap qu’elle
entraîne, il faut aussi moduler les traite-
ments en fonction de l’activité physique,
si possible de façon préventive. À l’inverse
d’autres traitements, comme les antidia-
bétiques ou les antihypertenseurs, le trai-
tement est souvent prescrit sans conseils
et le patient n’est pas suffisamment
accompagné pour gérer ce traitement.
Fixer des règles
de prescription
On pourrait proposer les règles suivantes
pour la prise en charge des douleurs quo-
tidiennes en rhumatologie :
!analyser le mécanisme de la douleur et
les intrications psychologiques, fonction-
nelles, professionnelles ;
!récapituler l’ensemble des traitements
déjà entrepris, les causes d’échec, les
effets secondaires indésirables ;
!évaluer le contexte pathologique,
rechercher des tares sous-jacentes ;
!préférer la voie orale et débuter par un
antalgique de palier 1 ;
!prescrire à horaires fixes déterminés
avec le patient en fonction du rythme de
la douleur et des activités du patient : il
faut préférer des antalgiques de prise facile
(1 à 2 prises quotidiennes) afin d’obtenir
une meilleure observance ;
!rédiger la prescription d’antalgiques de
manière personnalisée ;
!évaluer régulièrement la douleur rési-
duelle pour optimiser la prescription :
antalgique de secours éventuel tel le para-
cétamol (jusqu’à 4 g par jour en France
actuellement) ;
!évaluer et surveiller les effets secon-
daires : préférer la posologie minimale
efficace pour les anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS) (idem pour les antal-
giques opioïdes forts) ;
Combattre les préjugés
Très souvent, les préjugés de certains
patients rendent difficile la prise en charge
de douleurs modérées, quotidiennes. Le
patient ne juge pas toujours nécessaire de
prévenir son médecin, pensant qu’il est
normal de souffrir régulièrement, de dou-
leurs arthrosiques en particulier. La dou-
leur est ainsi considérée comme indisso-
ciable du vieillissement, on pense qu’elle
ne peut pas être traitée ou encore qu’elle
possède des vertus rédemptrices. Ces idées
sont souvent véhiculées par l’entourage
des patients.
Les préjugés concernent également les
substances pharmacologiques : les patients
pensent que l’on s’habitue au traitement,
qu’il faut essayer “d’économiser” les
médicaments, et débuter par les doses les
plus faibles. On sait au contraire qu’il vaut
mieux commencer à fortes doses (sauf
pour les antalgiques de palier 3) pour agir
d’emblée plus efficacement et permettre
au patient de reprendre ses activités en évi-
tant la pérennisation du problème doulou-
reux. Agir ainsi permet de prendre des
doses cumulées moins fortes que si l’on
commence à petites doses en les augmen-
tant au fur et à mesure.
Améliorer l’observance
des traitements
Si les patients sont persuadés de la néces-
sité de mieux traiter leurs douleurs, le plus
souvent les traitements ne sont pas évalués
La Lettre du Rhumatologue - n° 264 - septembre 2000
36
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La Lettre du Rhumatologue - n° 264 - septembre 2000
37
Références bibliographiques
!éviter les associations d’antalgiques en
dehors de la prescription : certains antal-
giques vendus sans ordonnance sont en fait
des AINS faiblement dosés (ibuprofène,
kétoprofène...) qui risquent d’interagir
avec les AINS prescrits.
Quels antalgiques
pour les douleurs
quotidiennes ?
Les douleurs ostéo-articulaires sont le plus
souvent liées à des mécanismes d’hyper-
excitabilité des nocicepteurs. Il paraît donc
logique de préférer dans un premier temps
les antalgiques de palier 1 dits “antalgiques
à action périphérique”. Parmi ceux-ci on
retient essentiellement les anti-inflamma-
toires non stéroïdiens (AINS) et le para-
cétamol, les autres antalgiques périphé-
riques tels que la floctafénine, le néfopam
et la noramidopyrine étant réservés à des
situations marginales en raison des risques
liés à leur utilisation.
Dans les rhumatismes inflammatoires
comme la polyarthrite rhumatoïde, les
spondylarthropathies ou les arthropathies
microcristallines en poussée, il est bien sûr
justifié d’employer les AINS. Dans l’ar-
throse douloureuse des membres et du
rachis, les AINS ne sont pas supérieurs au
paracétamol, en raison de leurs effets
secondaires et des interactions médica-
menteuses fréquentes chez des sujets âgés,
souvent polymédicamentés. Malgré tout,
la préférence des patients va souvent aux
AINS, en particulier dans les poussées
inflammatoires d’arthrose. Très souvent,
les patients associent le paracétamol aux
AINS pour une plus grande efficacité.
Les AINS peuvent donc être considérés
comme de véritables antalgiques en rhu-
matologie, parfois supérieurs ou équiva-
lents aux antalgiques de palier 2, ce qui
remet en cause la classique échelle de
l’OMS pour les antalgiques en rhumatolo-
gie. Malgré tout, la prise d’AINS expose à
des risques digestifs et rénaux, en fonction
de la dose, de la durée d’administration et
du terrain. Les accidents hémorragiques
digestifs et les perforations gastro-duodé-
nales ont une incidence annuelle estimée
entre 0,4 et 2/1 000 (0,4/1 000 chez le sujet
jeune et 4/1 000 chez le sujet âgé), qui dimi-
nue avec la prise de nouveaux composés
comme les inhibiteurs sélectifs de la cyclo-
oxygénase 2. L’utilisation d’AINS à doses
antalgiques, faibles, permet également de
réduire significativement l’incidence des
effets secondaires. Les autres complica-
tions, en particulier rénales, sont également
favorisées par le terrain (insuffisance car-
diaque, déshydratation, cirrhose décom-
pensée...) et les interactions médicamen-
teuses (associations à d’autres AINS, à des
diurétiques, antidiabétiques...). Pour réduire
les risques liés à la prise d’AINS au long
cours, il est nécessaire de vérifier l’absence
de contre-indications et l’on peut utiliser de
faibles doses, considérées comme antal-
giques et faiblement anti-inflammatoires.
Conclusion
La prise en charge de la douleur quoti-
dienne en rhumatologie peut être optimi-
sée et doit faire partie du rôle du rhumato-
logue. L’application de certains principes,
en particulier l’évaluation régulière de l’ef-
ficacité et de la tolérance des traitements,
devrait permettre d’améliorer le contrôle
de ces douleurs, souvent négligées, pour
une meilleure qualité de vie des patients
en rhumatologie.
S. Perrot
Service de rhumatologie A
et Centre d’évaluation
et de traitement de la douleur,
hôpital Cochin, Paris
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